Interview de M. Gilles Lemaire, secrétaire nationale des Verts, dans "Le Monde" du 27 mai 2003, sur les raisons de sa non participation au Forum des gauches organisé par Mme Dominique Voynet.

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

Texte intégral

Vous avez décidé de ne pas participer au Forum des gauches, organisé le 21 juin, à l'initiative de Dominique Voynet. Pour quelles raisons ?
Parce qu'il s'agit d'une initiative personnelle de quelqu'un qui a fait, il y a quelques mois, des déclarations pour le moins troubles sur l'avenir de l'écologie politique. Déclarations sur lesquelles elle n'est pas revenue. On peut donc se poser la question : est ce que Dominique Voynet souhaite vraiment qu'existe un parti Vert fort et indépendant ? Par ailleurs, on ne va pas jouer des contacts avec les minorités au sein des différents partis. Si l'on veut que l'alternative à la droite se construise dans de bonnes conditions, il faut que ce soit avec les directions élues.
Il y a donc un problème de légitimité de Dominique Voynet ?
Oui, s'il s'agit de discuter de la future architecture de la gauche. Si elle s'était contentée de proposer que l'on débatte de la question sociale, de la politique des transports ou de la résistance à la mondialisation, alors là, que mille fleurs s'épanouissent, toutes les initiatives sont les bienvenues ! Mais il ne s'agit pas de cela. Cette initiative est interprétée, à juste titre, comme une manière pour Dominique Voynet de se réinsérer dans le jeu politique. Son message c'est : "Devant l'attentisme de la direction des Verts, je reprends les choses en mains !"
Ça ne correspond pas à une réalité ?
Qu'elle veuille se remettre dans le jeu, c'est bien une réalité. C'est bien pour cela qu'elle jouera toute seule et que nous regarderons avec qui elle joue. Le 21 juin, les Verts organisent, à Saint-Denis, un colloque national sur la santé et la sécurité sociale. Je serai à Saint-Denis, le 21 juin.
Cette attitude est-elle compatible avec sa candidature aux élections européennes en Ile-de-France ?
Moi, je suis respectueux de la démocratie à l'intérieur de mon mouvement. Il y aura débat et vote des adhérents ; personnellement ce qui vient de se passer aura une influence sur ma position. La politique est une affaire collective et pas une aventure individuelle. Cela dit, il est vrai que la proximité des élections régionales et européennes pose problème. Mais ce qui est le plus important c'est la clarté de la démarche. A plus forte raison, à un moment où tous les partis Verts européens rencontrent des difficultés, comme toujours dans les périodes de crise économique forte. Parler de partage du travail à quelqu'un qui craint pour son emploi ou lui parler des risques que son usine fait peser sur l'environnement, ce n'est pas porteur, nous en sommes conscients.
Quelle est, aujourd'hui, la place des Verts dans la reconstruction de la gauche ?
Les congrès des différents partis sont achevés et les choses bougent. Nous avons décidé d'une orientation lors de notre congrès de décembre 2002. Pour nous, l'existence d'un parti écologiste indépendant est totalement justifiée. Nous sommes les seuls, aujourd'hui, à faire le lien entre les questions d'environnement, les questions sociales et les questions de démocratie. Nous avons des divergences avec les autres forces, sur le programme à mettre en uvre mais aussi sur la stratégie politique, comme avec la LCR, puisque nous souhaitons, nous, participer à la gestion des politiques publiques, ce qui implique de faire des compromis avec d'autres forces politiques. Le trépied environnement-démocratie participative-égalité sociale fonde pour nous l'écologie politique et l'existence des Verts. François Hollande, lors du congrès de son parti, à Dijon, a dit qu'il souhaitait discuter du contenu avant d'aborder la question des alliances électorales. C'est aussi notre point de vue.
Une alliance privilégiée avec le PS ne risque-t-elle pas de brouiller le message vis-à-vis des autres forces dont vous souhaitez vous rapprocher ?
Le PS n'est pas l'allié de cur des Verts. Mais il y a un principe de réalité. C'est le parti avec lequel on peut construire une alternative politique aujourd'hui. Pour construire cette alternative, il est nécessaire de débattre avec d'autres aussi. Seuls, les Verts ne peuvent pas porter avec la force nécessaire les questions sociales et environnementales. Nous allons donc à nouveau rencontrer les socialistes, notamment pour discuter de l'actualité sociale et de l'organisation des forums décentralisés de l'automne. Parallèlement, nous poursuivons nos contacts avec Attac, avec la Confédération paysanne, avec d'autres associations environnementalistes, comme avec le PCF, les refondateurs communistes ou les alternatifs.
Souhaitez-vous que ces derniers contacts débouchent sur une plate-forme commune ?
Pas forcément. Mais ils pourraient déboucher sur d'autres forums et, peut-être, sur des initiatives communes. Pour le moment, c'est encore très informel. En tout cas, je ne signerai aucun appel ou aucune initiative non décidée par les instances de mon mouvement.
Propos recueillis par Christine Garin


(Source http://www.les-verts.org, le 28 mai 2003)