Texte intégral
Madame la Ministre, Monsieur le Ministre,
Monsieur le Chef régional des Premières Nations du Québec et du Labrador,
Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Il y a exactement 400 ans aujourd'hui, le 24 mai 1603, une expédition française dont faisait partie un certain Samuel de Champlain jeta l'ancre à quelques encablures de ce rivage et nous sommes réunis pour rappeler cet événement. Je suis particulièrement heureux de représenter le gouvernement français à cette cérémonie.
Une cérémonie qui a une signification particulièrement forte car, en réalité, il s'agit de commémorer en ce jour le début de la grande et belle aventure de la Nouvelle-France.
C'est ici qu'elle a commencé avec le premier véritable établissement des Français sur cette terre. Et c'est à partir de là que les Français ont fait souche en Amérique.
En cet instant, ce sont évidemment les émotions qui l'emportent :
D'abord l'admiration devant le courage de ces hommes partis de France pour une navigation longue et périlleuse et vers une destination inconnue ;
Mais aussi l'émotion devant cette rencontre entre les représentants de deux peuples, deux civilisations, si éloignés les uns des autres, se considérant mutuellement avec curiosité mais aussi avec respect.
Champlain et ses compagnons n'étaient pas venus en conquérants animés d'intentions guerrières, mais en découvreurs.
Et les habitants de cette région ne les ont pas accueillis en ennemis mais en hôtes. Cela mérite d'être relevé car, en d'autres circonstances, par la suite, il n'en a pas toujours été ainsi, malheureusement.
En effet, comme souvent, l'histoire de la colonisation sur cette terre d'Amérique du Nord a été contrastée :
Il y avait les explorateurs. Il y avait aussi les commerçants qui cherchaient à établir des échanges pacifiques ;
Mais il y eut aussi ceux que l'appât du gain et le désir de conquête ont poussé à l'emploi de la force et de la violence.
Champlain et ses compagnons n'appartenaient pas à cette seconde catégorie.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous pouvons tous ensemble, descendants des Premières Nations et descendants des navigateurs venus de France, commémorer cette rencontre du 24 mai 1603 en ce lieu.
Le navire sur lequel le jeune Samuel de Champlain avait embarqué, qui portait le joli nom de "La Bonne Renommée", appartenait à un marchand de Saint-Malo, Gravé du Pont. Le but de l'expédition était de reconnaître ces terres inconnues et d'établir un poste de traite pour le commerce de la morue et des fourrures de castor, très prisées en Europe.
Ce n'était pas la première fois que des Français abordaient ces rivages. Jacques Cartier était passé par-là bien des années auparavant. Mais il s'agissait cette fois de s'installer, d'établir des contacts durables avec les habitants de la région et donc d'apprendre à les connaître.
C'est là qu'apparaît l'intérêt de la démarche de Champlain : quand on lit le récit qu'il a fait de ces contacts, ce que j'ai fait, on est frappé par l'attention qu'il a portée aux sociétés qu'il découvrait. Des sociétés fort différentes, naturellement, de celles qu'il connaissait en Europe, mais des sociétés qu'il cherchait à comprendre et qu'il respectait.
Il raconte ainsi avec force détails la "tabagie", c'est-à-dire le festin auquel lui et ses compagnons ont été invités par la nation amérindienne avec laquelle ils avaient établi un premier contact.
C'est alors qu'une entente est conclue : en échange du soutien qu'ils apporteront à leurs hôtes, menacés par les Iroquois, ils sont autorisés à installer un établissement. Ce pacte, conclu entre Champlain et le Grand Sagamo, le chef amérindien Anadifou (Anadapichou), était une première.
Entre ces hommes de murs, de traditions, de langues et de religions si différentes, une alliance était conclue, sur la base du respect mutuel.
C'est ce qui fait l'originalité de la démarche de Champlain, et c'est ce qui inspirera toute son action sur ce nouveau continent. Pour lui, la France ne pouvait pas s'établir dans ces contrées sans que se nouent des relations de confiance avec les peuples qui y vivaient, sans que s'organisent des échanges mutuellement profitables. Et pour cela, il avait compris que les Européens devaient, non seulement respecter le mode de vie de ces peuples, mais aussi s'y adapter et tirer des enseignements de leur expérience.
Nul sentiment de supériorité n'apparaît jamais dans ses récits. Pas même quand il parle des croyances amérindiennes, par exemple la croyance en un monstre terrifiant, le "Gougou", qu'il explique à ses lecteurs comme étant un diable qui les tourmente.
Après tout, les chrétiens de ce temps redoutaient, eux aussi, le diable même s'ils l'appelaient autrement
Appréciant l'habileté des Amérindiens qu'il côtoie et apprend à connaître, il écrit : "Si on leur enseignait le labourage des terres et autres choses, ils l'apprendraient fort bien car je vous assure qu'il s'en trouve grand nombre qui ont un bon jugement".
Comme explorateur, cartographe et administrateur, Champlain poursuit son uvre de pionnier, dresse les premières cartes de la Nouvelle-France, reconnaît les sites des futures villes, s'engage sur d'impétueux cours d'eau, découvre des lacs. L'un d'entre eux sera baptisé de son nom.
En ce printemps 1603, Champlain ouvre donc la voie à une page de notre histoire commune qu'il écrira quelques années plus tard. C'est ainsi que sur la carte de la Nouvelle-France naissante, il inscrira sur les rives du Saint-Laurent un site appelé à devenir plus tard la capitale du Québec.
La contribution de Champlain à la création de la Nouvelle-France est donc décisive. C'est grâce à lui que la langue française a pu étendre sa présence au nord de l'Amérique.
A sa manière, Samuel de Champlain fait figure de précurseur. Le monument que nous inaugurons aujourd'hui en est un beau témoignage : Champlain fut avant l'heure un apôtre du "dialogue des cultures", dans lequel l'ouverture à l'autre, le respect des différences triomphent de la tentation d'imposer un mode de vie et une vision du monde jugés à tort supérieurs.
Hommes et femmes du XXIème siècle, nous sommes, me semble-t-il, les dépositaires de ce message. Dans ce monde tourmenté qui est le nôtre, où perdure l'instinct du rejet de l'autre et du repli identitaire, les valeurs de tolérance et d'échange que nous célébrons ici même, doivent continuer de nous inspirer. A nous désormais de faire vivre et de transmettre ce message plus nécessaire que jamais dans les temps troublés que nous connaissons.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2003)
Monsieur le Chef régional des Premières Nations du Québec et du Labrador,
Monsieur le Député,
Monsieur le Maire,
Mesdames, Messieurs,
Mes chers amis,
Il y a exactement 400 ans aujourd'hui, le 24 mai 1603, une expédition française dont faisait partie un certain Samuel de Champlain jeta l'ancre à quelques encablures de ce rivage et nous sommes réunis pour rappeler cet événement. Je suis particulièrement heureux de représenter le gouvernement français à cette cérémonie.
Une cérémonie qui a une signification particulièrement forte car, en réalité, il s'agit de commémorer en ce jour le début de la grande et belle aventure de la Nouvelle-France.
C'est ici qu'elle a commencé avec le premier véritable établissement des Français sur cette terre. Et c'est à partir de là que les Français ont fait souche en Amérique.
En cet instant, ce sont évidemment les émotions qui l'emportent :
D'abord l'admiration devant le courage de ces hommes partis de France pour une navigation longue et périlleuse et vers une destination inconnue ;
Mais aussi l'émotion devant cette rencontre entre les représentants de deux peuples, deux civilisations, si éloignés les uns des autres, se considérant mutuellement avec curiosité mais aussi avec respect.
Champlain et ses compagnons n'étaient pas venus en conquérants animés d'intentions guerrières, mais en découvreurs.
Et les habitants de cette région ne les ont pas accueillis en ennemis mais en hôtes. Cela mérite d'être relevé car, en d'autres circonstances, par la suite, il n'en a pas toujours été ainsi, malheureusement.
En effet, comme souvent, l'histoire de la colonisation sur cette terre d'Amérique du Nord a été contrastée :
Il y avait les explorateurs. Il y avait aussi les commerçants qui cherchaient à établir des échanges pacifiques ;
Mais il y eut aussi ceux que l'appât du gain et le désir de conquête ont poussé à l'emploi de la force et de la violence.
Champlain et ses compagnons n'appartenaient pas à cette seconde catégorie.
C'est pourquoi, aujourd'hui, nous pouvons tous ensemble, descendants des Premières Nations et descendants des navigateurs venus de France, commémorer cette rencontre du 24 mai 1603 en ce lieu.
Le navire sur lequel le jeune Samuel de Champlain avait embarqué, qui portait le joli nom de "La Bonne Renommée", appartenait à un marchand de Saint-Malo, Gravé du Pont. Le but de l'expédition était de reconnaître ces terres inconnues et d'établir un poste de traite pour le commerce de la morue et des fourrures de castor, très prisées en Europe.
Ce n'était pas la première fois que des Français abordaient ces rivages. Jacques Cartier était passé par-là bien des années auparavant. Mais il s'agissait cette fois de s'installer, d'établir des contacts durables avec les habitants de la région et donc d'apprendre à les connaître.
C'est là qu'apparaît l'intérêt de la démarche de Champlain : quand on lit le récit qu'il a fait de ces contacts, ce que j'ai fait, on est frappé par l'attention qu'il a portée aux sociétés qu'il découvrait. Des sociétés fort différentes, naturellement, de celles qu'il connaissait en Europe, mais des sociétés qu'il cherchait à comprendre et qu'il respectait.
Il raconte ainsi avec force détails la "tabagie", c'est-à-dire le festin auquel lui et ses compagnons ont été invités par la nation amérindienne avec laquelle ils avaient établi un premier contact.
C'est alors qu'une entente est conclue : en échange du soutien qu'ils apporteront à leurs hôtes, menacés par les Iroquois, ils sont autorisés à installer un établissement. Ce pacte, conclu entre Champlain et le Grand Sagamo, le chef amérindien Anadifou (Anadapichou), était une première.
Entre ces hommes de murs, de traditions, de langues et de religions si différentes, une alliance était conclue, sur la base du respect mutuel.
C'est ce qui fait l'originalité de la démarche de Champlain, et c'est ce qui inspirera toute son action sur ce nouveau continent. Pour lui, la France ne pouvait pas s'établir dans ces contrées sans que se nouent des relations de confiance avec les peuples qui y vivaient, sans que s'organisent des échanges mutuellement profitables. Et pour cela, il avait compris que les Européens devaient, non seulement respecter le mode de vie de ces peuples, mais aussi s'y adapter et tirer des enseignements de leur expérience.
Nul sentiment de supériorité n'apparaît jamais dans ses récits. Pas même quand il parle des croyances amérindiennes, par exemple la croyance en un monstre terrifiant, le "Gougou", qu'il explique à ses lecteurs comme étant un diable qui les tourmente.
Après tout, les chrétiens de ce temps redoutaient, eux aussi, le diable même s'ils l'appelaient autrement
Appréciant l'habileté des Amérindiens qu'il côtoie et apprend à connaître, il écrit : "Si on leur enseignait le labourage des terres et autres choses, ils l'apprendraient fort bien car je vous assure qu'il s'en trouve grand nombre qui ont un bon jugement".
Comme explorateur, cartographe et administrateur, Champlain poursuit son uvre de pionnier, dresse les premières cartes de la Nouvelle-France, reconnaît les sites des futures villes, s'engage sur d'impétueux cours d'eau, découvre des lacs. L'un d'entre eux sera baptisé de son nom.
En ce printemps 1603, Champlain ouvre donc la voie à une page de notre histoire commune qu'il écrira quelques années plus tard. C'est ainsi que sur la carte de la Nouvelle-France naissante, il inscrira sur les rives du Saint-Laurent un site appelé à devenir plus tard la capitale du Québec.
La contribution de Champlain à la création de la Nouvelle-France est donc décisive. C'est grâce à lui que la langue française a pu étendre sa présence au nord de l'Amérique.
A sa manière, Samuel de Champlain fait figure de précurseur. Le monument que nous inaugurons aujourd'hui en est un beau témoignage : Champlain fut avant l'heure un apôtre du "dialogue des cultures", dans lequel l'ouverture à l'autre, le respect des différences triomphent de la tentation d'imposer un mode de vie et une vision du monde jugés à tort supérieurs.
Hommes et femmes du XXIème siècle, nous sommes, me semble-t-il, les dépositaires de ce message. Dans ce monde tourmenté qui est le nôtre, où perdure l'instinct du rejet de l'autre et du repli identitaire, les valeurs de tolérance et d'échange que nous célébrons ici même, doivent continuer de nous inspirer. A nous désormais de faire vivre et de transmettre ce message plus nécessaire que jamais dans les temps troublés que nous connaissons.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juin 2003)