Toast de M. Lionel Jospin, Premier ministre, sur les fondements de l'amitié franco-israélienne et sur la francophonie en Israël, Jérusalem le 24 février 2000.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Voyage de M. Jospin en Israël et dans les Territoires palestiniens du 23 au 26 février 2000

Texte intégral

Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les députés,
Mesdames, Messieurs,
Chers amis,
Je me réjouis de voir aujourd'hui réunies autant de personnalités israéliennes francophones de premier plan. Encore avons-nous dû, pour des raisons matérielles, renoncer à en convier bien d'autres parmi tous ceux qui, dans ce pays, pratiquent, défendent -illustrent- quotidiennement la langue française. Je rencontrerai demain à la Cinémathèque un autre groupe, là encore nécessairement restreint, mais aussi représentatif de votre élite culturelle que vous l'êtes de l'élite politique, économique ou scientifique de ce pays.
Mieux que beaucoup d'autres, vous savez que je suis venu témoigner à Israël l'amitié du peuple français.
Une amitié d'abord fondée sur des racines communes et sur une mémoire partagée. Les Juifs ont joué un rôle inestimable dans l'histoire de mon pays. Leur présence est presque aussi ancienne que celles des Romains en Gaule. Leur rayonnement s'est progressivement étendu au-delà des frontières de la France. Le grand rabbin de Metz formait au Xème siècle des disciples dans toute l'Europe. C'est dans la campagne de Troyes que RASHI a rédigé ses commentaires sur le Talmud de Babylone, connus de tous les érudits de la Bible. Ses gloses apportent d'ailleurs de précisions importantes sur le vocabulaire français du Moyen-Âge. Nombre de villes françaises ont conservé de ce riche passé des lieux d'une mémoire vivante. Citoyens en 1791, les Juifs français sont devenus une composante indispensable à notre nation et à son rayonnement ; je pense tout particulièrement au rôle remarquable tenu dans le domaine de l'éducation en français par l'Alliance israélite universelle depuis 1860. Je salue son Président qui m'accompagne ici, le professeur Steg. Musiciens, peintres, écrivains, philosophes, politiques, dont il n'est pas besoin de citer les noms, soldats qui ont versé leur sang pour leur pays : tous ont contribué par leurs oeuvres à forger notre identité.
Une amitié vivante, comme en témoigne la vitalité de la francophonie en Israël. L'enquête réalisée il y a cinq ans pour les " Etats généraux de la langue française " révélait qu'un million d'Israéliens avaient une connaissance de cette langue et que 500.000 la parlaient couramment, ce qui fait d'Israël le deuxième pays francophone de la région après le Liban. Vous savez les raisons qui n'ont pas encore permis à Israël d'être admis comme membre de plein droit des instances de la Francophonie. Mais les progrès du processus de paix nous laissent espérer une évolution de la position des membres de cette organisation.
Un souci nous anime : assurer la pérennité du français en Israël. Nous regrettons que, sur les 35.000 élèves de l'enseignement secondaire qui apprennent le français, seuls 1.500 le présentent au baccalauréat. Ce nombre serait à coup sûr plus élevé si les perspectives offertes à ces étudiants dans l'enseignement supérieur étaient plus attrayantes. Pourtant on peut penser qu'avec le développement des relations commerciales, culturelles et scientifiques entre Israël et des pays comme le Maroc, la Tunisie ou le Liban, les jeunes Israéliens francophones seront à même d'exploiter le solide avantage qu'est la maîtrise de cette langue commune.
Celle-ci doit rapprocher encore nos deux peuples. Israël est aujourd'hui synonyme de progrès scientifique et technique. C'est dans ce pays que l'on trouve le taux le plus élevé au monde de scientifiques ou d'ingénieurs dans la population. De nombreux jeunes Français l'ont compris, qui viennent ici dans le cadre de notre coopération bilatérale comme à titre privé, et connaissent des réussites spectaculaires. Nos entreprises et nos laboratoires découvrent aussi ce potentiel : on ne compte plus les accords et les consortiums conclus, en particulier au sein du Programme-cadre de recherche-développement de l'Union européenne, entre partenaires français et israéliens. Je m'en réjouis, car la France, avec mon gouvernement, a fait résolument le pari du développement des hautes technologies.
L'appartenance à une même civilisation, la culture, l'économie font de nous des partenaires naturels.
Nous devons mettre ce partenariat au service de la démocratie et de la paix. C'est l'objectif ambitieux du processus de Barcelone : la création d'une vaste zone euro-méditerranéenne de libre-échange et de prospérité. C'est une chance pour tous les pays de la région. C'est un avenir partagé qu'il nous appartient de bâtir ensemble et nous avons pour cela besoin de la paix.
Chers amis, je lève mon verre à l'amitié entre Israël et la France, à la paix dans cette région et au bonheur du peuple israélien. Le Haïm !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 10 mars 2000)