Déclaration de M. Christian Poncelet, président du Sénat, sur les relations franco-britanniques et la célébration de l'Entente cordiale, au Sénat le 6 avril 2004.

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Circonstance : Visite d'Etat en France de sa majesté la reine Elizabeth II et de son altesse royale le prince Philip, duc d'Edimbourg, du 5 au 7 avril 2004, à l'occasion du centième anniversaire de l'Entente cordiale

Texte intégral

Votre Majesté,
Votre Altesse Royale,
Monsieur le Président de l'Assemblée nationale,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Madame,
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,

C'est pour le Sénat de la République française et pour son président, un insigne honneur et une grande joie d'accueillir, avec l'Assemblée nationale, les souverains d'un État ami, dans ce haut lieu de la démocratie parlementaire et de l'histoire de France.
Votre quatrième visite d'État en France intervient, Votre Majesté, un siècle après le début de l'Entente cordiale entre nos deux pays, entente qui ne s'est jamais démentie depuis, malgré les vicissitudes d'une histoire particulièrement chargée, incertaine et difficile.
Nous sommes, nous parlementaires, particulièrement fiers et heureux de recevoir le chef de l'État de la plus vieille démocratie parlementaire du monde, celle-là même qui a donné le jour à la Grande Charte de 1215, puis à l'Habeas Corpus, qui ont inspiré bien des constitutions démocratiques.
C'est donc avec une admiration et un respect particuliers que nous saluons des orfèvres dans l'art exigeant de la démocratie. Des orfèvres qui ont su la garantir et l'améliorer sur le fondement de la seule coutume, en s'épargnant la litanie des constitutions et de leurs multiples révisions dont d'autres pays, en particulier le nôtre, se sont faits une spécialité.
Je n'oublie pas non plus que le Royaume-Uni a aussi été précurseur en promouvant le bicamérisme, forme la plus achevée de la démocratie.
Comme le dit très bien LALLY-TOLLENDAL, qui fut le seul sujet de Sa Gracieuse Majesté membre de l'Assemblée Constituante française en 1789 -et dont j'aurai le plaisir de vous offrir tout à l'heure un manuscrit original- : " une assemblée unique court perpétuellement le danger d'être entraînée par l'éloquence, séduite par des sophismes, égarée par des intrigues, enflammée par des passions..., emportée par des mouvements soudains..., arrêtée par des terreurs... ". C'est d'ailleurs la Terreur qu'avait fait régner une assemblée unique, la Convention, qui nous a conduit, nous Français, à inscrire, de manière définitive, le bicamérisme dans notre paysage institutionnel.
Bien nous en a pris car comme le disait LALLY-TOLLENDAL : " Qu'il existe deux chambres au lieu d'une : la première portera plus d'attention à ses décisions, par cela seul qu'elles doivent subir une révision dans la seconde ".

Votre Majesté,
Cette Entente cordiale, que nous célébrons aujourd'hui, est celle de deux peuples qui se respectent, et, j'oserais le dire, qui s'aiment, comme le montre bien cette " détestation amoureuse " perceptible lorsque nos équipes de rugby se rencontrent. Le passé récent l'a rappelé à point nommé.
Cette estime, ce respect, cette fascination doivent beaucoup au comportement héroïque du peuple britannique durant la Seconde guerre mondiale. L'héroïsme de vos compatriotes, admirablement symbolisé, Votre Majesté, par le courage du Roi George VI et de la Reine Elisabeth, vos Parents, a permis la victoire du monde libre et ouvert une nouvelle page de l'histoire du monde, où l'Europe est devenue une terre de paix, elle qui était jusque là le continent de la guerre, de la guerre intestine, de la guerre fratricide.
Cette communauté de destins, cette communion dans les heures les plus sombres nous unissent à jamais.
L'alliance hors du commun de deux peuples d'exception, qui ont marqué l'histoire et la culture de leur empreinte, doit perdurer, se renforcer et s'enrichir. C'est l'intérêt de la France comme du Royaume-Uni. C'est notre devoir et notre chance à tous, Britanniques et Français, Français et Britanniques.
Cette relation privilégiée ne doit évidemment pas se développer au détriment de l'Europe mais au contraire au service de l'Europe, d'une Europe forte. La communauté des vues britanniques et françaises sur la nécessité d'une véritable défense européenne en est une parfaite illustration, porteuse d'espoir dans un monde incertain.
Avant de laisser la parole à mon ami Jean-Louis DEBRÉ, président de l'Assemblée nationale, car le temps m'est malheureusement compté, comme à nous tous, je voudrais simplement, Votre Majesté, Votre Altesse Royale, vous redire ma fierté et ma joie de vous accueillir au Palais du Luxembourg, vous-mêmes et les parlementaires britanniques qui vous accompagnent et témoignent ainsi de la vitalité de nos relations interparlementaires.

Vive le Royaume-Uni !
Vive la France !
Vive l'amitié franco-britannique et l'Entente cordiale !
Et " God save the Queen " !

(source http://www.senat.fr, le 7 avril 2004)