Conférence de presse de M. Dominique Galouzeau de Villepin, ministre des affaires étrangères, sur le bilan de la réunion des ministres des affaires étrangères du Groupe des Huit, notamment sur le plan de paix au Proche-Orient, la sécurité internationale, la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU pour la reconstruction de l'Irak et l'aide à l'Afrique, Paris le 23 mai 2003.

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Circonstance : Réunion des ministres des affaires étrangères du G8 à Paris les 22 et 23 mai 2003

Texte intégral

Je voudrais vous dire combien je suis heureux, au nom de la France d'avoir reçu hier et aujourd'hui, à Paris, mes homologues du G8 avec les représentants de l'Union européenne.
Cette rencontre est un moment important pour nous parce qu'elle est l'occasion d'un échange très libre. Elle nous a aussi permis de nous retrouver après quelques mois qui ont été difficiles pour nous tous, même si le dialogue n'a jamais cessé, même si le travail sur les grands sujets qui nous préoccupent s'est toujours poursuivi.
Avant de vous rendre compte de nos travaux durant ces deux journées, je tiens à dire un mot sur l'Algérie.
Les membres du G8 sont tous profondément affectés par la tragédie qui frappe ce pays, ils expriment leur solidarité à l'égard du peuple algérien dans cette épreuve.
La France, vous le savez, suit pour sa part l'évolution de la situation heure par heure, elle a déjà fourni une aide d'urgence dans le domaine de la protection civile, elle est prête à faire davantage en fonction des demandes des autorités algériennes.
En premier lieu, je voudrais évoquer la discussion que nous avons eue au cours du déjeuner sur la question du Proche-Orient. Elle était essentielle car la feuille de route du Quartet offre une occasion historique pour résoudre le conflit entre Israéliens et Palestiniens : parvenir à ces deux Etats viables, vivant côte à côte, dans des frontières sûres. La communauté internationale a un devoir envers ces deux peuples qui nous impose de reprendre l'initiative pour répondre d'une part au sentiment d'insécurité du peuple israélien et d'autre part au sentiment d'injustice du peuple palestinien.
Dans la continuité des préoccupations qui étaient les nôtres l'an dernier et qui demeurent, malheureusement, d'actualité, la question de la sécurité internationale a été l'un des points forts. A ce titre, nous avons parlé de la lutte contre le terrorisme avec une attention particulière donnée au problème des trafics qui contribuent à l'alimenter. Je rappelle que notre réunion faisait suite à la conférence sur les routes de la drogue, voulue par la France, route de la drogue provenant d'Afghanistan.
Nous avons aussi parlé de la prolifération des armes de destruction massive et des inquiétudes légitimes que cette question soulève aujourd'hui, dans plusieurs régions du monde. Nos échanges de vues ont été approfondis sur les principales questions régionales, en premier lieu sur l'Irak. Nous partageons la même conviction, l'immense défi aujourd'hui est de construire la paix en Irak. Pour réussir, nous avons besoin de tout le monde, de toute la communauté internationale qui est toute entière mobilisée. Hier, le Conseil de sécurité a retrouvé une cohésion pour fixer un cadre à la reconstruction matérielle et politique de l'Irak. Il l'a fait parce que notre objectif commun est aujourd'hui d'assurer à l'Irak son unité, sa stabilité, son intégrité territoriale, d'aider l'Irak à se réinsérer dans son environnement régional et au sein de la communauté internationale, de faire en sorte que les Irakiens puissent retrouver rapidement leur souveraineté et puissent se doter d'institutions démocratiques représentatives et respectueuses des Droits de l'Homme.
Nous avons également évoqué les relations entre l'Inde et le Pakistan. Ensemble, nous devons tout faire pour encourager le dialogue entre ces deux pays à la suite de l'ouverture manifestée par le Premier ministre indien M. Vajpayee.
Nous avons également parlé de l'Afghanistan où l'action de la communauté internationale doit rester intense. Même si de grands progrès ont été accomplis depuis les accords de Bonn, il reste beaucoup à faire pour que ce pays et son peuple puissent se reconstruire un destin.
Je ne détaillerai pas ici l'ensemble de nos débats, je vous invite pour cela à consulter le compte rendu qu'en a dressé la présidence française, il vous sera distribué à l'issue de cette conférence de presse.
Avant de répondre avec mes homologues et mes amis à vos questions, je veux dire, une fois de plus, tout le plaisir que j'ai eu à ce que nous puissions nous retrouver tous ensemble au sein de ce groupe du G8 qui vient encore de jouer son rôle d'enceinte et de dialogue, d'impulsion pour aller ensemble vers l'avenir dans un monde troublé.
Je vous remercie et je vous prie maintenant de bien vouloir poser vos questions à chacun d'entre nous.
Q - Vous nous dites que, dimanche, vous avez l'intention de rencontrer M. Arafat. Ne pensez-vous pas que cela peut miner l'intention américaine de donner toute son autorité au Premier ministre Abas ?
R - Comme tous mes collègues, nous recherchons des solutions pour le Moyen-Orient et pour le processus de paix. Nous pensons tous qu'il est très important que tout soit fait pour aller de l'avant. Je serai dans la région cette fin de semaine, je rencontrerai Yasser Arafat et Abou Mazen, c'est la politique française, c'est notre position, c'est la position européenne. Notre position est qu'il faut rencontrer tout le monde, parler avec tous. Nous respectons les positions de chacun mais nous avons une seule idée forte, nous devons uvrer pour la paix, nous devons soutenir le processus de paix, c'est notre objectif et je suis tout à fait d'accord avec ce qu'a dit Colin Powell, nous devons aller de l'avant. Notre message sera très clair, nous devons prendre un certain nombre de mesures pour lutter contre le terrorisme, contre toute forme de violence et c'est le bon moment pour agir. Mon message va être fort, croyez-moi.
Q - Concernant les commentaires que viennent de faire les Etats-Unis sur la feuille de route, promettant de prendre en compte les quinze remarques ou demandes formulées par Israël, allez-vous accepter également de prendre en compte ces demandes et espérez-vous rencontrer M. Sharon lors de votre voyage en Israël dimanche ?
R - Lors de mon déplacement, je rencontrerai bien sûr mon homologue. Mon désir est d'entretenir les relations les plus approfondies. Vous savez que ma visite en Israël a aussi pour but d'installer la grande Commission franco-israélienne et donc de relancer la relation entre la France et Israël. Si, à ce moment-là, il est possible de rencontrer M. le Premier ministre, j'en serai évidemment très heureux.
Sur la feuille de route, nous avons ensemble, à travers le Quartet, décidé de proposer cette feuille de route aux pays de la région. Elle a été acceptée pour l'essentiel, il s'agit maintenant de la mettre en uvre. Il y a des remarques israéliennes, l'important, c'est d'avancer, d'accepter de rentrer dans le processus de la mise en uvre. Notre sentiment est qu'il ne s'agit pas, évidemment, de remettre en cause et de rouvrir ce processus. Si, dans la mise en uvre à tel ou tel moment l'on peut prendre en compte les sollicitations particulières des parties, cela doit se faire d'un commun accord. Mais, notre objectif premier, c'est de mesurer l'urgence d'avancer. Il y a aujourd'hui une situation d'incertitude, de difficultés, de craintes que chacun mesure au Proche-Orient. Il faut sortir de ce cycle de violence. Il est donc très important que nous puissions, d'ores et déjà, avancer concrètement dans la mise en uvre de cette feuille de route.
Q - Quel est l'état des relations franco-américaines à présent et comment caractériseriez-vous ces relations aujourd'hui ?
R - Elles sont excellentes. Clairement, il y a des différences qui se sont exprimées au cours des derniers mois, nous les assumons les uns et les autres mais nous souhaitons nous tourner résolument vers l'avenir, tant les défis de la communauté internationale sont aujourd'hui importants. La force des liens très anciens qui existent entre nos deux pays est évidemment un élément supplémentaire pour nous conduire à avancer et à regarder vers l'avenir.
Q - Que pouvons-nous attendre concrètement à l'issue du Sommet d'Evian en particulier pour ce qui est des échanges commerciaux ? Il y a eu une proposition française de moratoire sur les aides à l'exportation à destination de l'Afrique, que peut-on espérer à cet égard ?
R - Vous connaissez tous les objectifs d'Evian. Le président de la République a eu l'occasion au cours des derniers jours de présenter l'ambition pour ce Sommet du G8, à la fois la perspective de relance de l'économie mondiale, de relance de la croissance, en même temps, les préoccupations de sécurité qui sont les nôtres et qui justifient la mobilisation de l'ensemble de nos pays pour y répondre et enfin, les questions centrales de développement. Vous connaissez l'attachement qui est celui de la France à chercher à répondre aux questions difficiles auxquelles est confrontée, en particulier l'Afrique. Nous sommes donc mobilisés sur l'ensemble de ces questions et nous pensons que ce G8 intervient à un moment particulier où chacun d'entre nous a le désir d'avancer, de contribuer à cet effort commun.
Q - Quelle est la place de l'Afrique dans ce sommet du G8 ? Le G8 pourra-t-il ébaucher un tournant décisif pour les pays africains, notamment ceux appartenant au NEPAD ?
R - C'est bien notre souhait que de donner toute sa place aux préoccupations du continent africain, qu'il s'agisse des questions de développement, le NEPAD, qu'il s'agisse de la perspective politique de règlement des crises africaines, qu'il s'agisse des grands fléaux qui menacent aujourd'hui le continent africain, je pense en particulier au sida. Nous sommes convaincus que la mobilisation internationale est essentielle, on l'a vu de sommet en sommet, on l'a vu à Monterrey, à Kananaskis, à Johannesburg, il y a une urgence aujourd'hui qui mobilise la communauté internationale et la conviction de la France est qu'évidemment la responsabilité de nos pays est particulièrement engagée. Dans le sommet qui précédera et qui réunira un nombre élargi de pays, avant même le G8, nous serons amenés à parler de ces questions importantes, mais l'heure est bien à la mobilisation et nous sommes convaincus que notre responsabilité est évidemment centrale et essentielle, nous entendons bien être à la hauteur et à la mesure de ces questions.
Dans notre propre G8 ministériel, nous avons d'ailleurs abordé ces questions africaines, à travers en particulier la situation du Congo, pour voir comment nous pouvions y répondre. Et je dois dire, qu'il s'agisse des pays européens, qu'il s'agisse des autres membres du G8, il y a aujourd'hui une vraie volonté de répondre à ces situations de crises en Afrique.
Nous sommes mobilisés, nous voulons y répondre et nous sommes donc prêts, avec l'ensemble de nos partenaires africains à faire ce qu'il faut pour relever le défi.
Q - Vous êtes-vous mis d'accord sur le dossier iranien ? Avez-vous la même politique, la même lecture de la menace atomique en Iran ?
R - Concernant l'Iran, nous avons eu une discussion, en particulier sur son programme nucléaire qui suscite des questions légitimes. Nous avons dit qu'il revenait à l'Iran de lever les interrogations qui pouvaient exister dans ce domaine, que nous attendions des gestes concrets de sa part, notamment par la signature d'un accord de garanties renforcées avec l'Agence internationale de l'énergie atomique et par ailleurs, en rejoignant les instruments internationaux auxquels l'Iran n'a pas encore souscrit.
Nous engageons donc l'Iran à poursuivre ses efforts sur la voie des réformes et nous souhaitons maintenir, avec ce pays, un dialogue constructif.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 mai 2003)