Texte intégral
P.-L. Séguillon-. Vous êtes député-maire communiste de Saint-Denis. Or, précisément, sans même attendre que votre parti définisse sa stratégie pour les prochaines élections régionales - il doit le faire à la mi-décembre -, vous avez décidé, je vous cite, d'appeler à la "constitution d'une liste anticapitaliste en dehors des appareils politiques". Alors, question - comme le disent certains au sein du PC - : est-ce que ce n'est pas un coup de bluff, est-ce que vous êtes décidé d'aller jusqu'au bout ?
- "Nous verrons bien si nous irons jusqu'au bout, parce que c'est une décision ou en tout cas, c'est un appel qui est un appel collectif, avec à la fois des élus, comme J. Fraysse, qui est maire de Nanterre, comme des conseillers généraux - P. Leclerc, D. Paillard -, et puis aussi avec des gens qui sont aujourd'hui en dehors des partis politiques, qui militent au quotidien pour changer la société et qui ne se retrouvent pas dans les partis politiques. Alors, fallait-il attendre encore que le PC s'ouvre à ces personnes, à ces mouvements sociaux ? Je pense qu'il sera trop tard le 15 décembre ; je l'ai dit à plusieurs reprises. Je considère qu'aujourd'hui, on fait une erreur stratégique parce qu'il y a un espace politique qui est ouvert et que l'on devrait occuper."
Je disais "coup de bluff" : est-ce que ce n'est pas peut-être aussi un coup de grâce que vous donnez à un parti qui est déjà en situation difficile - vous le savez bien -, dont l'autorité du secrétaire général est parfois contestée ? Vous ne contribuez pas à la renforcer...
- "Je me place en dehors des coups, que ce soit des coups de bluff ou des coups de grâce. Le fait qu'aujourd'hui, nous avons un PC affaibli et qui devrait pourtant occuper cet espace politique dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire celui qui se situe entre la sociale-démocratie - le PS n'a pas l'air d'avoir tiré toutes les conséquences du 21 avril dernier - et une extrême gauche qui se radicalise et qui reste, à mes yeux, tout à fait stérile. Donc, cet espace politique existe, à nous de l'occuper. De l'occuper aussi en vrai partenariat avec des gens qui veulent aujourd'hui veulent vraiment changer cette société, qui considèrent qu'il y a des ruptures à marquer. Dans le contexte actuel, avec la politique que mène la droite, il y a beaucoup à faire."
Je veux bien que vous vous placiez en dehors des coups, mais permettez-moi de filer la métaphore : n'est-ce pas un coup de poignard donné à M.-G. Buffet ?
- "Non."
Prenons l'exemple de l'Ile-de-France : M.-G. buffet a le choix entre faire alliance avec Huchon pour mener une liste commune, ou bien y aller seule avec une liste autonome ?
- "Non, entre les deux, justement, il y a cette possibilité de n'être ni la cinquième roue d'une charrette socialiste - qui ne changerait pas par rapport à ce qui s'est passé le 21 avril 2002, c'est-à-dire qu'on n'en tirerait pas les conséquences - et puis, une liste autonome. Il y a sans doute à construire - c'est que font certains d'ailleurs dans d'autres régions..."
A Toulouse...
- "A Toulouse, et même dans d'autres régions que celle des Midi-Pyrénées. Je sais qu'en Poitou-Charentes, il y a aussi cette volonté. Donc, avec des gens qui se sont véritablement inscrits dans cette alternative politique et qui n'admettent pas que l'on soit simplement dans cette alternative, entre une sociale-démocratie d'un côté et l'extrême gauche de l'autre."
Très concrètement, à supposer que vous alliez jusqu'au bout, M.-G. Buffet peut-elle se retrouver sur votre liste, voire la conduire ou parce qu'elle est dirigeante d'un appareil, serait-elle exclue ?
- "Non, pas du tout. Moi aussi, je suis membre d'un appareil, je suis encore membre du PC et un certain nombre de ceux qui ont signé cet appel sont aussi communistes."
Mais comment est-ce que l'on peut-être encore membre d'un parti quand on se met totalement en dehors de la discipline de ce parti ?
- "La discipline, il y a déjà un bon moment que je considère que je me suis mis en dehors de toute discipline de parti."
C'est-à-dire qu'au sein du parti, c'est le grand bazar ?
- "Non, ce n'est pas le grand bazar - enfin, un peu quand même. Vous avez bien vu que dans le Nord-Pas-de-Calais, la décision a été prise d'aller derrière A. Bocquet, avec des listes autonomes. Mais autonomes, avec sans doute la présence d'un certain nombre des personnalités qui ne sont pas communistes. Pourquoi ne pas en faire autant au niveau national ? Pourquoi aujourd'hui, tergiverser, attendre le 15 décembre - excusez moi, mais le 15 décembre, c'est quasiment le 15 janvier, parce qu'entre le 15 décembre et le 15 janvier, on fait peu de choses au niveau politique. Donc, ce n'est pas lui mettre un coup de poignard dans le dos, c'est peut-être considérer qu'il est urgent de prendre une décision."
Le PC, du moins sa direction, continue ce qu'il appelle "les forums citoyens", avant de prendre sa décision. Vous, vous vouliez lui forcer la main en disant, si je vous suis bien, qu'il faut des listes autonomes ?
- "Il faut des listes, non pas autonomes, des listes que l'on construit avec d'autres personnes, qui ne sont pas membres du PC, d'autres forces politiques, des gens qui, aujourd'hui, de toute manière cherche une solution politique au mouvement social qui s'est produit dans ce pays depuis un certain temps. On a eu des luttes dans ce pays, il y a des enseignants, des intermittents, d'un certain nombre de salariés du privé..."
Il est certain que vous ne dirigerez pas cette liste, comme vous l'avez dit ou c'est possible ?
- "Il est quasi certain..."
Quasi ou certain ?!
- "J'en suis quasi certain, il ne faut jamais avoir de certitudes trop affichées. En plus, pour le moment, ce que l'on revendique, c'est cet appel à la constitution de cette alternative. On déterminera ensemble, le 29 novembre, lors des assises, ce que sera cette liste si elle existe, et comment elle sera constituée."
Est-ce que vous ne pensez pas que cette dispersion à gauche - puisque l'on aura probablement une liste socialiste, peut-être une liste Buffet, peut-être la vôtre, peut-être d'autres listes Vertes... - fait les beaux jours de Marine Le Pen en l'Ile-de-France ?
- "Il faudra effectivement que l'on y soit vigilants. Je ne suis pas non plus quelqu'un d'irresponsable et la plupart de ceux qui ont signé cet appel ne sont pas des irresponsables. On aura donc aussi à étudier, le moment venu, la façon dont se préparera cette élection régionale et on aura à en tirer toutes les conséquences, si l'on voit que la dispersion peut être de nature à faire échec à la gauche. Ce n'est pas notre but - on l'a dit dans cet appel -, notre but est de faire gagner la gauche, mais dans sa diversité."
Vous qui être internationaliste par tradition, pour lutter contre le capitalisme, êtes-vous tout à fait à l'aise avec les altermondialistes qui vont se retrouver dans la Forum social européen, et dont beaucoup sont plutôt protectionniste pour lutter contre le libéralisme ? Il n'y a pas une ambiguïté ?
- "Je ne pense pas que la plupart des altermondialistes qui se retrouveront à Saint-Denis, à Paris, ces jours prochains, à partir de mercredi, soient des protectionnistes. La plupart de ceux que j'ai rencontrés - et depuis maintenant trois ans, on est souvent présents à Porto Alegre comme dans d'autres lieux de rencontre de ces altermondialistes -, il n'y pas de protectionnisme, il y a une volonté de changer le monde, de lutter contre un libéralisme qui écrase les hommes, qui maintient cette planète, pour beaucoup d'entre eux, en dessous du seuil de pauvreté. On a donc aujourd'hui une responsabilité qui est de proposer des alternatives à ce monde-là. Ce n'est pas simplement être contre la mondialisation telle qu'elle se déroule, c'est aussi proposer une certain nombre de solutions."
J. Dray, le socialiste, disait pendant ce week-end que les jours de ce Gouvernement sont comptés ; est-ce votre sentiment ?
- "Je ne sais pas si les jours de ce Gouvernement sont comptés. Ce que je constate aujourd'hui, c'est que la politique menée par monsieur Raffarin et tout son Gouvernement est une mauvaise politique. Elle a des conséquences dramatiques dans les quartiers, dans nos villes. Et cela, je crois que les électeurs le lui feront comprendre sans doute dans de prochaines élections."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 novembre 2003)
- "Nous verrons bien si nous irons jusqu'au bout, parce que c'est une décision ou en tout cas, c'est un appel qui est un appel collectif, avec à la fois des élus, comme J. Fraysse, qui est maire de Nanterre, comme des conseillers généraux - P. Leclerc, D. Paillard -, et puis aussi avec des gens qui sont aujourd'hui en dehors des partis politiques, qui militent au quotidien pour changer la société et qui ne se retrouvent pas dans les partis politiques. Alors, fallait-il attendre encore que le PC s'ouvre à ces personnes, à ces mouvements sociaux ? Je pense qu'il sera trop tard le 15 décembre ; je l'ai dit à plusieurs reprises. Je considère qu'aujourd'hui, on fait une erreur stratégique parce qu'il y a un espace politique qui est ouvert et que l'on devrait occuper."
Je disais "coup de bluff" : est-ce que ce n'est pas peut-être aussi un coup de grâce que vous donnez à un parti qui est déjà en situation difficile - vous le savez bien -, dont l'autorité du secrétaire général est parfois contestée ? Vous ne contribuez pas à la renforcer...
- "Je me place en dehors des coups, que ce soit des coups de bluff ou des coups de grâce. Le fait qu'aujourd'hui, nous avons un PC affaibli et qui devrait pourtant occuper cet espace politique dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire celui qui se situe entre la sociale-démocratie - le PS n'a pas l'air d'avoir tiré toutes les conséquences du 21 avril dernier - et une extrême gauche qui se radicalise et qui reste, à mes yeux, tout à fait stérile. Donc, cet espace politique existe, à nous de l'occuper. De l'occuper aussi en vrai partenariat avec des gens qui veulent aujourd'hui veulent vraiment changer cette société, qui considèrent qu'il y a des ruptures à marquer. Dans le contexte actuel, avec la politique que mène la droite, il y a beaucoup à faire."
Je veux bien que vous vous placiez en dehors des coups, mais permettez-moi de filer la métaphore : n'est-ce pas un coup de poignard donné à M.-G. Buffet ?
- "Non."
Prenons l'exemple de l'Ile-de-France : M.-G. buffet a le choix entre faire alliance avec Huchon pour mener une liste commune, ou bien y aller seule avec une liste autonome ?
- "Non, entre les deux, justement, il y a cette possibilité de n'être ni la cinquième roue d'une charrette socialiste - qui ne changerait pas par rapport à ce qui s'est passé le 21 avril 2002, c'est-à-dire qu'on n'en tirerait pas les conséquences - et puis, une liste autonome. Il y a sans doute à construire - c'est que font certains d'ailleurs dans d'autres régions..."
A Toulouse...
- "A Toulouse, et même dans d'autres régions que celle des Midi-Pyrénées. Je sais qu'en Poitou-Charentes, il y a aussi cette volonté. Donc, avec des gens qui se sont véritablement inscrits dans cette alternative politique et qui n'admettent pas que l'on soit simplement dans cette alternative, entre une sociale-démocratie d'un côté et l'extrême gauche de l'autre."
Très concrètement, à supposer que vous alliez jusqu'au bout, M.-G. Buffet peut-elle se retrouver sur votre liste, voire la conduire ou parce qu'elle est dirigeante d'un appareil, serait-elle exclue ?
- "Non, pas du tout. Moi aussi, je suis membre d'un appareil, je suis encore membre du PC et un certain nombre de ceux qui ont signé cet appel sont aussi communistes."
Mais comment est-ce que l'on peut-être encore membre d'un parti quand on se met totalement en dehors de la discipline de ce parti ?
- "La discipline, il y a déjà un bon moment que je considère que je me suis mis en dehors de toute discipline de parti."
C'est-à-dire qu'au sein du parti, c'est le grand bazar ?
- "Non, ce n'est pas le grand bazar - enfin, un peu quand même. Vous avez bien vu que dans le Nord-Pas-de-Calais, la décision a été prise d'aller derrière A. Bocquet, avec des listes autonomes. Mais autonomes, avec sans doute la présence d'un certain nombre des personnalités qui ne sont pas communistes. Pourquoi ne pas en faire autant au niveau national ? Pourquoi aujourd'hui, tergiverser, attendre le 15 décembre - excusez moi, mais le 15 décembre, c'est quasiment le 15 janvier, parce qu'entre le 15 décembre et le 15 janvier, on fait peu de choses au niveau politique. Donc, ce n'est pas lui mettre un coup de poignard dans le dos, c'est peut-être considérer qu'il est urgent de prendre une décision."
Le PC, du moins sa direction, continue ce qu'il appelle "les forums citoyens", avant de prendre sa décision. Vous, vous vouliez lui forcer la main en disant, si je vous suis bien, qu'il faut des listes autonomes ?
- "Il faut des listes, non pas autonomes, des listes que l'on construit avec d'autres personnes, qui ne sont pas membres du PC, d'autres forces politiques, des gens qui, aujourd'hui, de toute manière cherche une solution politique au mouvement social qui s'est produit dans ce pays depuis un certain temps. On a eu des luttes dans ce pays, il y a des enseignants, des intermittents, d'un certain nombre de salariés du privé..."
Il est certain que vous ne dirigerez pas cette liste, comme vous l'avez dit ou c'est possible ?
- "Il est quasi certain..."
Quasi ou certain ?!
- "J'en suis quasi certain, il ne faut jamais avoir de certitudes trop affichées. En plus, pour le moment, ce que l'on revendique, c'est cet appel à la constitution de cette alternative. On déterminera ensemble, le 29 novembre, lors des assises, ce que sera cette liste si elle existe, et comment elle sera constituée."
Est-ce que vous ne pensez pas que cette dispersion à gauche - puisque l'on aura probablement une liste socialiste, peut-être une liste Buffet, peut-être la vôtre, peut-être d'autres listes Vertes... - fait les beaux jours de Marine Le Pen en l'Ile-de-France ?
- "Il faudra effectivement que l'on y soit vigilants. Je ne suis pas non plus quelqu'un d'irresponsable et la plupart de ceux qui ont signé cet appel ne sont pas des irresponsables. On aura donc aussi à étudier, le moment venu, la façon dont se préparera cette élection régionale et on aura à en tirer toutes les conséquences, si l'on voit que la dispersion peut être de nature à faire échec à la gauche. Ce n'est pas notre but - on l'a dit dans cet appel -, notre but est de faire gagner la gauche, mais dans sa diversité."
Vous qui être internationaliste par tradition, pour lutter contre le capitalisme, êtes-vous tout à fait à l'aise avec les altermondialistes qui vont se retrouver dans la Forum social européen, et dont beaucoup sont plutôt protectionniste pour lutter contre le libéralisme ? Il n'y a pas une ambiguïté ?
- "Je ne pense pas que la plupart des altermondialistes qui se retrouveront à Saint-Denis, à Paris, ces jours prochains, à partir de mercredi, soient des protectionnistes. La plupart de ceux que j'ai rencontrés - et depuis maintenant trois ans, on est souvent présents à Porto Alegre comme dans d'autres lieux de rencontre de ces altermondialistes -, il n'y pas de protectionnisme, il y a une volonté de changer le monde, de lutter contre un libéralisme qui écrase les hommes, qui maintient cette planète, pour beaucoup d'entre eux, en dessous du seuil de pauvreté. On a donc aujourd'hui une responsabilité qui est de proposer des alternatives à ce monde-là. Ce n'est pas simplement être contre la mondialisation telle qu'elle se déroule, c'est aussi proposer une certain nombre de solutions."
J. Dray, le socialiste, disait pendant ce week-end que les jours de ce Gouvernement sont comptés ; est-ce votre sentiment ?
- "Je ne sais pas si les jours de ce Gouvernement sont comptés. Ce que je constate aujourd'hui, c'est que la politique menée par monsieur Raffarin et tout son Gouvernement est une mauvaise politique. Elle a des conséquences dramatiques dans les quartiers, dans nos villes. Et cela, je crois que les électeurs le lui feront comprendre sans doute dans de prochaines élections."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 novembre 2003)