Interview de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat chargé des relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, à Europe le 6 avril 2004, sur la politique du gouvernement notamment en matière économique et en matière de réformes.

Prononcé le

Média : Europe 1

Texte intégral

Jean-Pierre Elkabbach : Vous travaillez aux côtés de D. de Villepin. Bonjour Jean-François Copé.
Jean-François Copé : Bonjour.
Jean-Pierre Elkabbach : Est-ce le ministère que vous vouliez ?
Jean-François Copé : Ecoutez, vous savez, c'est un grand honneur pour moi parce que c'est la découverte d'un ministère et de se trouver au cur d'un certain nombre de dossiers auprès de D. de Villepin, donc c'est la suite de l'apprentissage, c'est passionnant.
Jean-Pierre Elkabbach : Je reçois surtout, aujourd'hui, le porte-parole du gouvernement Raffarin 3, qui a la mission de rectifier beaucoup de ce qu'affirmait le porte-parole de Raffarin 2, vous. C'est un exercice d'acrobate, ça.
Jean-François Copé : Oh pas tant que ça, vous savez, l'idée est quand même assez claire. Il y a un message, c'est que la France ne peut pas se payer le luxe d'être immobile, donc le combat continue, parce que c'est bien ça qui est l'enjeu pour nous.
Jean-Pierre Elkabbach : Et combien de temps il faut, pour se relever d'un chaos électoral ?
Jean-François Copé : C'est l'affaire de quelques jours en réalité, pas beaucoup plus parce qu'il faut se remettre au boulot.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous diriez : il y a pas le choix.
Jean-François Copé : Il y a pas le choix, exactement.
Jean-Pierre Elkabbach : La presse, ce matin, est sévère après l'intervention du Premier ministre, M. Raffarin, à l'Assemblée nationale. Elle le trouve encore réformateur et têtu, d'un côté, et de l'autre, " sans ressorts ", " désabusé ", " fatigué ", " près de la porte ".
Jean-François Copé : Oui c'est la quadrature du cercle, c'est ce qui fait dire les jours où on est un peu agacé, qu'il faut arrêter de lire les journaux, parce qu'il y a des moments où on lit et puis il y a des moments où on fait le boulot et là encore, je le répète, l'objectif est assez clair. On a des réformes à faire, c'est cette action, elle est ce qui est demandé par les Français.
Jean-Pierre Elkabbach : Tous, vous avez, Jean-François Copé, deux mots à la bouche : " cohésion sociale ", " vérité, vérité ". Le porte-parole du gouvernement Raffarin 3 peut-il nous dire la vérité ? 2004, déficit 4,1 %, prévu 3,6. C'est vrai ça ?
Jean-François Copé : Moi je ne suis pas en mesure de répondre aujourd'hui à cette question, pour une raison simple, c'est que nous avons, effectivement, une exigence de vérité. On a bâti notre loi de finances sur une hypothèse de croissance qui, aujourd'hui, n'est démentie par personne, donc on a pris, en plus, une hypothèse volontairement basse. Tous les indicateurs confirment que cette croissance revient. Si nous tenons la croissance si nous avons ces indicateurs de croissance, alors on tiendra
Jean-Pierre Elkabbach : Elle est de combien ? On dit : " 1.6 ", " 1.7 ", " 1.8 " ?
Jean-François Copé : Ecoutez, on est sur l'hypothèse de 1.7, ce qui est aujourd'hui, d'ailleurs, l'hypothèse la plus basse, retenue par les économistes. Donc on est plutôt dans les cordes aujourd'hui, on est dans les bonnes lignes.
Jean-Pierre Elkabbach : 2005, déficit 4 ; promis à Bruxelles 2,9. La vérité, la vérité, Jean-François Copé.
Jean-François Copé : Vous savez, je crois qu'il faut, là-dessus
Jean-Pierre Elkabbach : Non, non, mais, vous pouvez répondre ou vous ne pouvez pas répondre ?
Jean-François Copé : Attendez, laissez-moi dire. Aujourd'hui, c'est quoi notre objectif ? On a mené une politique économique qui consiste à dire : on maîtrise la dépense publique - ça, ça relève de l'Etat -, et en même temps on engage la politique qui permet à la France d'être prête pour la croissance. On est dans ce mouvement-là et donc, aujourd'hui, toutes les indications que nous avons, elles consistent à dire : on continue, parce que c'est vraiment ça l'objectif, on doit être clair vis à vis des Européens et on doit être clair vis à vis des Français aussi.
Jean-Pierre Elkabbach : D'accord. Déficit : 4, 4.1, quel est le déficit ? Qui dit vrai, qui ment, qui ose dire la vérité ? J'ajoute, la dette, elle était de 63%, elle va passer à 67 %, vrai ou faux ?
Jean-François Copé : Ecoutez, Jean-Pierre Elkabbach, tous les éléments dont nous disposons seront donnés en temps réel aux Français, c'est notre exigence de vérité.
Jean-Pierre Elkabbach : Donc aujourd'hui, vous ne savez pas ou vous ne savez pas encore, ou vous ne pouvez pas le dire, ou vous n'osez pas le dire, et on tourne la page
Jean-François Copé : Ecoutez, ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Les indications, dès que nous les avons, nous vous les donnons, naturellement, et donc c'est à cela que nous travaillons. Pour le reste, en ce qui concerne la ligne de politique économique, N. Sarkozy aura l'occasion, dans quelques jours, de dire exactement les grandes lignes qu'il retient. Mais, aujourd'hui, les choses sont parfaitement claires et le cap il a été fixé. On va chercher de la productivité, on va chercher la croissance et l'emploi et on prépare notre économie à ça, et c'est ça l'objectif. Vous savez, quand on choisi de baisser les impôts ou quand on choisi de maîtriser la dépense, c'est bien dans ce sens que l'on va.
Jean-Pierre Elkabbach : D'accord. Vous êtes un magicien du verbe, Jean-François Copé. Avec une politique économique qui est coincée par une croissance qui est plutôt morne, même si elle est de 1.7, comment multiplier les dépenses sociales, donner une inflexion sociale que demande le président de la République. C'est un grand écart qui va finir par blesser la société française. C'est comme ça que c'est perçu, il me semble, par les Français.
Jean-François Copé : Moi je crois que l'on est au cur d'un message essentiel pour nous. Le Premier ministre, il a dit quoi hier ? Il a dit, il y a trois choses à faire si on veut agir et si on veut répondre aux attentes, parce qu'après tout le résultat c'est 5 ans. Ce n'est pas au bout de deux ans qu'on peut le mesurer, c'est 5 ans. Il y a trois points. D'abord il faut aller chercher la croissance et l'emploi et je peux vous dire que notre détermination, elle est totale dans ce domaine.
Jean-Pierre Elkabbach : D'accord, avec les dents, vous allez chercher où ?
Jean-François Copé : Mais bien sûr !
Jean-Pierre Elkabbach : Où ?
Jean-François Copé : Mais on va la chercher où ? On va la chercher en libérant les énergies pour que les entreprises créent de l'emploi... "
Jean-Pierre Elkabbach : Ouais...
Jean-François Copé : ... et en baissant les impôts, et de l'autre
Jean-Pierre Elkabbach : Ah, en baissant les impôts.
Jean-François Copé : Mais en baissant les impôts, tant qu'on peut le faire.
Jean-Pierre Elkabbach : Quand on dit : " on va diminuer les impôts d'Etat ", qu'est-ce que ça veut dire ?
Jean-François Copé : Cela veut dire que tout l'impôt, tous les impôts qui pénalisent le travail, il faut les baisser. Et on a commencé à le faire sérieusement quand même. Dix milliards d'euros de réinjectés en baisses de charges et d'impôts sur le revenu, il fallait le faire dans une période sans croissance. Et puis le deuxième volet, c'est évidemment la cohésion sociale. On rêve de proposer aux Français la préservation de notre modèle social. Il faut le sauver et si on veut le sauver, il faut qu'on ait le courage de faire ces actions que personne n'a voulu faire avant. Vous savez comment ça se mesure un modèle social efficace, finalement ? Ça se mesure à quoi, non plus au nombre de gens qui sont aidés, mais au nombre de gens qui n'ont plus besoin de l'aide.
Jean-Pierre Elkabbach : Je suis d'accord
Jean-François Copé : Voilà pourquoi on travaille différemment de la gauche.
Jean-Pierre Elkabbach : D'accord, mais ça c'est pardon de vous dire, c'est de la théorie ou de la doctrine
Jean-François Copé : Je ne suis pas si sûr. Quand on veut, par exemple
Jean-Pierre Elkabbach : Parce vous disiez, le porte-parole du gouvernement Raffarin 2 disait la même chose et, quelque temps après, on demande au Premier ministre d'appliquer les volte-face demandées par le Président de la République après les régionales, sur l'ASS, sur les intermittents, sur quoi d'autre, sur les emplois et les promesses aux chercheurs.
Jean-François Copé : Oui.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous le savez ça, c'est-à-dire on avance, on gomme, on recommence, on se trompe.
Jean-François Copé : Mais attendez, d'abord, un, personne ne doit avancer qu'avec des certitudes, sinon on n'avance pas. Il y a des moments où il faut savoir aussi écouter les messages des uns et des autres. S'il y a des malentendus, il faut les lever mais en même temps, il ne faut pas perdre le cap de vue et moi je Le Président de la République, j'ai lu bien des lectures différentes de la part des journaux. Moi je suis désolé, le message il a été très clair : un, on continue à agir parce que les Français ne veulent pas d'immobilisme, deux, on fait ces réformes en veillant à ce que le dialogue soit complètement réalisé et enfin troisième point, oui il faut une grande politique de la recherche, ça fait 20 ans qu'on en a pas eue. Donc c'est vrai que sur ces domaines, il faut qu'on avance. Jean-Pierre Elkabbach, pardon, le troisième volet du message du Premier ministre hier, après d'aller chercher la croissance et la cohésion sociale, c'est de regarder l'avenir, c'est de parler d'avenir, de l'école, de la recherche. Une grande politique sur tout cela, il y a bien longtemps qu'on ne l'avait pas lancée.
Jean-Pierre Elkabbach : Et lui, le Premier ministre, il peut parler d'avenir, il en a un grand ?
Jean-François Copé : Mais, comment Mais enfin, qui peut imaginer que quand on dirige un gouvernement, on ne parle pas d'avenir ? On ne parle même que de ça.
Jean-Pierre Elkabbach : C'est vrai que Jean-Pierre Raffarin est fort du double soutien du Président de la République et de sa majorité, qu'il a un mandat d'action. Pour quoi faire ? Est-ce que je peux vous demander, sur les privatisations, il a parlé d'accélérer les privatisations, ce que j'ai envie de vous dire : lesquelles sont prévues ?
Jean-François Copé : Ecoutez, aujourd'hui, moi je ne peux pas rentrer dans le détail, c'est.. ça relève de la mission du ministre de l'Economie et des Finances et N. Sarkozy va s'exprimer là-dessus. Mais ce que je veux dire, simplement, à ce stade, c'est que ce que nous attendions, c'est que les conditions du marché soient réunies parce qu'il n'est pas question de faire les choses n'importe comment.
Jean-Pierre Elkabbach : C'est le cas.
R Ça commence à être le cas, oui.
Jean-Pierre Elkabbach : Et ça sera pour désendetter ?
Jean-François Copé : Cela sera à préciser dans les semaines qui viennent, naturellement. Vous savez, tout ça va être bien sûr précisé. Le Gouvernement commence maintenant à rentrer dans la deuxième phase de son action, c'est-à-dire qu'il faut, maintenant, à la fois tirer les enseignements de ce que nous ont dit les Français, les impatiences des uns, les inquiétudes des autres. Mais surtout, il dit qu'il faut bouger. Regardez, comparez avec les discours de la gauche hier après-midi, qui sont un appel fantastique à l'immobilisme.
Jean-Pierre Elkabbach : On va y venir. Quand M. Raffarin dit : " Il faut des réformes justes, maintenant ", ça veut dire qu'avant elles étaient injustes.
Jean-François Copé : Mais ça veut dire que l'exigence de justice elle est permanente, et qu'on doit faire uvre de pédagogie. Ca veut dire que sur tous ces sujets, il faut bien expliquer qu'aucun Français ne sera laissé au bord du chemin. Vous savez quelle est la difficulté de notre combat ? C'est qu'en réalité, au bout de deux ans, on a ouvert beaucoup de chantiers et on n'a pas encore de résultats, ce qui est normal, et en plus on le fait sans croissance économique. C'est toute la difficulté. La croissance commence à revenir, vous croyez qu'on va baisser les bras aujourd'hui, ce n'est pas l'ambiance.
Jean-Pierre Elkabbach : F. Hollande réclame de Jean-Pierre Raffarin, un audit des finances publiques. Réponse.
Jean-François Copé : Réponse ! Nous, on est en permanence en vérité. Attendez, vous croyez quoi ? Vous croyez qu'on s'amuse à jouer à cache-cache ?
Jean-Pierre Elkabbach : Vous lui dites oui ou non ? On en a besoin, on n'en a pas besoin ?
Jean-François Copé : Attendez, les chiffres sont à la disposition des Français et comme d'ailleurs à la disposition, donc, de l'opposition. Donc tous ces éléments nous les donnons en temps réel. Je suis d'ailleurs assez touché de voir que M. Hollande s'intéresse, tout d'un coup, à demander un audit alors qu'il n'a jamais voulu lire celui que nous lui avions présenté lorsque nous sommes arrivés en fonction, il y a deux ans.
Jean-Pierre Elkabbach : Vous reconnaissez qu'hier, il s'est montré percutant : votre politique est illisible, votre gouvernement avance sans boussole, à l'aveuglette ; en face de vous c'est le mur, la défiance et peut-être la colère
Jean-François Copé : Oui, mais c'était très
Jean-Pierre Elkabbach : - "Vous l'avez entendu.
Jean-François Copé : Oui, mais c'était très intéressant de voir, finalement, la limite de la victoire de la gauche : très bon sur la critique, très bon sur la démolition de tout ce que nous faisons. Mais par contre, on cherche en vain les propositions, alors le problème il est bien là. Vous avez d'un côté, comme de l'autre, un regard différent sur l'avenir des enfants. Vous avez d'un côté les conservateurs qui disent " quand les enfants seront grands, ils se débrouilleront ", et d'un autre, les gens qui veulent bouger et qui disent, c'est maintenant qu'il faut prendre les décisions.
Jean-Pierre Elkabbach : Avec de tels propos, vous allez remonter le moral, même de l'UMP, à qui F. Baroin demande l'autocritique.
Jean-François Copé : Ecoutez, le moral il passe aussi par la nécessité d'aller, ensemble, faire ses actions. Vous savez, il y a un vieux problème qui dit : il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre. Mais moi je vous dis, au-delà de ça, il faut entreprendre, il faut y aller, car c'est après que l'on ira aux résultats. Si on baisse les bras maintenant, là, on est assuré, qu'effectivement, la France
Jean-Pierre Elkabbach : Je vois, je vois que vous le dites et vous touchez du bois. On compte beaucoup, et vous l'avez dit, sur N. Sarkozy, c'est ma dernière question, comme s'il pouvait, avec sa baguette magique, hein, redresser les finances, doper la croissance, stopper la déprime. Est-ce qu'on n'est pas en train de lui sculpter, comment dire, une tête de bouc émissaire ?
Jean-François Copé : Ah, écoutez, non, ce n'est vraiment pas l'ambiance. L'objectif, aujourd'hui, est de travailler en équipe et de continuer ce combat nécessaire pour la France. Moi, je vous garantis, moi je fais partie de ces gens qui se sont engagés en politique
Jean-Pierre Elkabbach : D'accord, d'accord.
Jean-François Copé : avec l'idée que pour 5 ans, on est capable de faire des choses qui bougent vraiment et qui donnent envie aux Français de faire bouger les choses avec nous.
Jean-Pierre Elkabbach : Hier, il y avait beaucoup de chapeaux à Paris. Je pense que J-P. Raffarin lui aussi porte un chapeau, un sombrero, très large.
Jean-François Copé : Oui, mais pour autant, il a un très bon accent anglais.
Jean-Pierre Elkabbach : Oui. Justement, il faudrait demander à la Reine comment on fait pour trouver un " Winston Churchill " ou alors un " Charles de Gaulle ".
Jean-François Copé : Qui sait , vous savez, à chaque jour suffit sa peine. On se révèle dans l'action.
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 avril 2004)