Texte intégral
Conférence de presse
Cette visite a été brève, mais formidable. Elle a été l'occasion pour moi de rencontrer le président Mbeki et, comme vous l'avez dit, de nombreuses personnalités politiques d'Afrique du Sud, du Parlement, ainsi que des intellectuels et des artistes, des représentants religieux, des représentants des ONG, tout comme des représentants du secteur des affaires, du "Black Economic Empowerment" ; elle a également été l'occasion, auparavant, pour les membres de nos ministères, de se rencontrer et d'assister au Forum de dialogue politique. La relation entre la France et l'Afrique du Sud est très complète et, à tous les niveaux, nous voulons enrichir et approfondir ce dialogue. Nous avons signé deux accords bilatéraux et je dois dire qu'ils ont été l'occasion de donner un nouvel élan à notre partenariat, qui, il faut le souligner, est très important pour la France.
Très important, parce l'Afrique du Sud est un acteur essentiel sur la scène internationale. C'est un pays très respecté, chacun sait que c'est un modèle de réconciliation et de démocratisation. L'Afrique du Sud a pris des positions importantes et très courageuses sur la scène internationale, notamment pour défendre les principes, le droit, l'ordre multilatéral, la diversité culturelle. Je dois dire que nous avons les mêmes vues et la même volonté d'organiser le monde sur des bases juridiques et morales.
L'Afrique du Sud est une importante source d'inspiration et le rôle joué par celle-ci, en sa qualité de présidente de l'Union africaine, a été décisif pour essayer de mobiliser la communauté africaine et de mettre un terme à une crise difficile ; c'est un rôle très important et je salue le fait que l'Afrique du Sud ait été l'un des pères fondateurs de cette très importante organisation qu'est le NEPAD. Cette capacité et cette force de proposition se sont manifestées très clairement au Burundi, au Congo et dans bien des crises, et nous entendons enrichir ce partenariat afin d'aider et d'appuyer les Africains dans ce qu'ils essaient de faire pour régler la difficile crise que connaît le continent. Notre partenariat est donc en premier lieu un partenariat pour la paix.
Vous connaissez les principes qui guident la politique française : le premier de ces principes est la légitimité : l'accès au pouvoir mais aussi son exercice doivent reposer sur la légitimité ; le deuxième de ces principes est le soutien à l'intégrité et à la souveraineté des pays africains. Nous pensons qu'il est important de respecter ces règles essentielles car, dans le cas contraire, nous risquons d'être confrontés à des surprises. Le troisième de ces principes est l'appui que nous entendons apporter à la médiation africaine. Nous pensons que la capacité qu'ont les pays africains, sur une base régionale, de prendre leur destin en mains est une bonne nouvelle pour l'Afrique ; nous devons suivre et soutenir leur volonté et leur capacité à trouver le moyen adapté pour régler cette crise.
Naturellement, nous avons parlé en détail de la difficile situation du Congo et, comme vous le savez, nos soldats travaillent ensemble en Ituri, cherchant un chemin de réconciliation et de dialogue ; bien sûr, cette présence des soldats européens, des soldats français en Ituri, est due à la politique de dialogue mise en uvre au Congo, et nous continuons de travailler pour permettre ce dialogue et la formation d'un gouvernement de réconciliation.
Nous avons aussi discuté de la situation au Burundi, en Afrique de l'Ouest, au Liberia, en Côte d'Ivoire, au Zimbabwe.
Ce partenariat n'est pas seulement un partenariat de paix, c'est aussi un partenariat qui prépare l'avenir, un partenariat pour le développement. Nous pensons que les différentes orientations que le NEPAD a données sont très importantes. En premier lieu, nous devons soutenir la mise sur pied des capacités africaines de maintien de la paix, la capacité des Africains à travailler selon ces orientations afin de stabiliser la situation régionale. Mais nous apportons également notre soutien à la mise en place d'institutions, aux nombreuses initiatives qui peuvent être prises par exemple dans le domaine de l'éducation, de l'accès à l'eau, de l'aide au secteur sanitaire dans la lutte contre le sida, des politiques d'allégement de la dette.
Comme vous le savez, la France cherche à se doter d'une politique originale et très dynamique pour aider l'Afrique en termes de politique culturelle et de politique d'aide au développement. Certains, parfois, ne comprennent pas exactement en quoi consiste cette politique, je voudrais donc vous exposer quelques éléments pour m'assurer que tout un chacun comprenne bien et réfléchisse. Je veux dire qu'en Europe, pour les pays européens, l'aide à l'Afrique est deux fois plus importante que l'aide accordée par les Etats-Unis. C'est un chiffre important. Deuxièmement, en ce qui concerne les subventions agricoles, il faut bien comprendre ce dont nous parlons. L'Union européenne est le premier importateur de produits agricoles en provenance d'Afrique, plus que les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Nouvelle-Zélande réunis. Nous ne devons pas oublier cela.
En outre, la France a pris une initiative spéciale pour l'Afrique. Nous avons proposé durant le Sommet du G8 à Evian un moratoire sur les subventions agricoles. Celui-ci n'a pas été approuvé par certains pays qui ne considèrent toujours pas qu'il faut avoir une action spécifique pour les pays africains. Et comme vous le savez, l'Europe est un marché ouvert à tous les pays les plus pauvres d'Afrique.
Il y a deux jours, un accord est intervenu en France sur la Politique agricole commune. C'est une mesure importante qui a été prise et la France a certainement été l'un des pays les plus concernés par cet accord. Nous nous sommes mis d'accord sur un découplage partiel des paiements des aides directes. Nous pensons que cette décision ouvrira la voie à un accord pour les pays en développement, pour l'Afrique, l'Union européenne, que nous pourrions obtenir à Cancun dans le cadre du cycle de Doha. Telles sont les idées que je voulais exposer avant de répondre aux questions.
Q - En ce qui concerne le continent, les discussions ont-elles porté sur le Zimbabwe, les pressions de la France sur le Zimbabwe et ce que les pays voisins devraient faire à cet égard ?
R - Je pense qu'il est important d'adresser un message fort au Zimbabwe. Il faut une évolution pour tenir compte de la difficile situation que connaissent le pays et ses habitants. Mais nous devons aussi essayer de réfléchir à la meilleure manière d'agir dans cette situation. Nous considérons que l'action de l'Afrique du Sud et la réunion des présidents du Nigeria et du Malawi avec le président Mugabe sont des mesures importantes. Je crois que c'est par le dialogue et la négociation que nous trouverons la meilleure manière de provoquer cette évolution. La communauté internationale doit se mobiliser, appuyer les pays de la région, soutenir la médiation des Africains qui s'efforcent de trouver le meilleur moyen d'assurer une évolution pacifique, qui est ce que nous voulons, ce que nous croyons être bon pour l'Afrique australe et pour le Zimbabwe.
Q - Le président Mbeki vous a-t-il fait part de progrès dans les négociations sur le Zimbabwe, dont vous avez dit que vous souhaitiez le succès ?
R - J'ai la conviction que des progrès ont été et seront accomplis.
Q - La visite de M. de Villepin était-elle organisée opportunément de manière à précéder celle du président Bush ?
R - Si je peux me permettre, je voudrais rappeler que je viens très souvent en Afrique, tous les mois. Je suis donc ici aujourd'hui. La visite était prévue de longue date. Dans quelques jours, je serai dans la région des Grands Lacs, avec mes collègues britannique et belge. Quelques jours plus tard, je serai en Afrique centrale. Vous voyez, que le ministre français se trouve en Afrique est quelque chose de tout à fait normal. Il n'existe aucune concurrence.
Q - (Concernant cinq membres d'Al-Qaïda arrêtés au Malawi)
R - Je ne peux rien vous dire car je n'ai aucune information à ce sujet.
Q - (Concernant l'initiative sur la mise en place de forces africaines de maintien de la paix )
R - La grande discussion porte sur la manière d'organiser cette initiative. Doit-elle être liée directement à l'Union africaine ? Doit-elle également soutenir l'organisation sous-régionale, comme la CEDEAO avec laquelle nous travaillons ? J'ai rencontré, il y a quelques semaines, tous les ministres des Affaires étrangères des pays membres de la CEDEAO afin d'examiner la manière dont nous pouvons les aider à mettre en place leurs propres forces de maintien de la paix. Je crois qu'il est important, à différents niveaux, de pouvoir le faire et de coordonner ces actions avec ce que fait l'ONU. Prenons par exemple l'Afrique occidentale : il y a 15.000 soldats chargés du maintien de la paix en Sierra Leone, 4.000 Français en Côte d'Ivoire et un certain nombre de soldats envoyés par la CEDEAO. Si nous voulons être réalistes sur la situation dans la région, nous devons en avoir une idée très claire. Dans le cas contraire, les problèmes se déplacent d'un pays à l'autre. Nous devons avoir une vision d'ensemble, nous assurer des atouts dont nous disposons en terme de maintien de la paix et nous efforcer de répartir au mieux nos capacités entre les différents pays afin de faire face à la situation et de faire en sorte que les problèmes d'un pays n'aggravent pas les choses dans un autre. Si nous voulons être plus efficaces, nous pensons que nous devrions être capables d'assurer le suivi de ces crises, avec nos amis africains, avec les organisations africaines, l'Union africaine, comme les organisations sous-régionales. Il est donc très important d'entrer dans les détails pour faire en sorte que dans chaque région, celle des Grands Lacs, l'Afrique occidentale, l'Afrique australe, nous prenions bien la mesure des difficultés.
Q - Comment voyez-vous le NEPAD pour l'avenir du continent ?
R - Le NEPAD est un programme très ambitieux pour l'Afrique. La très bonne nouvelle, c'est que ce sont les Africains eux-mêmes qui ont défini la manière dont ils veulent que l'Afrique soit gouvernée. Je crois qu'il est très important que le dialogue que nous entretenons avec nos partenaires, cela a été vrai à Kananaskis tout comme à Evian, mette en évidence que nous pouvons avoir des discussions très riches et intéressantes. Le processus doit se dérouler selon ce qui a été prévu et souhaité par les pays africains, la montée en puissance du secteur privé, le soutien que nous pouvons apporter aux infrastructures, à l'eau, à l'éducation, nous devons gérer cela ensemble.
Si nous travaillons chacun de notre côté, nous n'aurons naturellement pas la même efficacité que si nous travaillons avec les pays qui sont mobilisés et prêts à faire les efforts nécessaires pour être plus efficaces. Je crois qu'il faut mettre en place un partenariat mondial, voir comment il fonctionne, suivre quelques bons exemples, et je crois que l'Afrique du Sud est certainement l'un des exemples que nous pouvons suivre, montrer comment cela a fonctionné et développer les différentes politiques que nous définirons dans d'autres pays.
Il faut que cela soit un processus, c'est quelque chose que nous oublions parfois lorsque nous parlons de l'Afrique. Que nous parlions du développement ou de la paix, il nous faut comprendre que c'est un processus et, bien sûr, il est très satisfaisant de faire des déclarations importantes, de donner des conseils, de critiquer tel ou tel Mais qu'en résulte-t-il ? On ne peut faire cela sans penser aux conséquences immédiates. Nous devons travailler avec les personnes qui s'attaquent à ces problèmes tous les jours de l'année et nous devons soutenir leur action. C'est pourquoi la meilleure manière d'agir est de soutenir le processus de médiation des pays africains, d'appuyer la volonté et la capacité de ces pays à développer leur région. Nous ne devons pas nous contenter de faire des discours, puis de nous en "laver les mains" sans aucun remords. Ce n'est pas là la bonne manière d'agir avec l'Afrique. Nous devons nous sentir responsables, être présents, actifs, apporter notre aide. Je dois dire que l'une des plus grandes satisfactions est de constater tout ce que nous pouvons faire ensemble lorsque nous nous efforçons d'avoir un réel dialogue ; ce sont là les mots-clés pour travailler avec l'Afrique, respect, dialogue, tolérance. Nous devons travailler ensemble, pas seulement trouver notre propre solution et penser que nous allons l'appliquer seuls.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juillet 2003)
Entretien avec la presse
Q - Qu'espérez-vous accomplir durant votre séjour en Afrique du Sud et comment considérez-vous cette visite dans le contexte des intérêts français en Afrique ? Comment décririez-vous l'état actuel des relations entre la France et l'Afrique du Sud et entre le président Jacques Chirac et le président Thabo Mbeki ?
R - Je souhaite saluer le rôle pionnier que joue aujourd'hui l'Afrique du Sud sur le continent africain.
Elle joue un rôle moteur dans l'Union africaine, en particulier durant la présidence exercée par le président Mbeki, dans la mise en place du NEPAD, dans le règlement des conflits, notamment dans les Grands Lacs.
La France et l'Afrique du Sud se trouvent actuellement côte à côte sur le sol congolais - en Ituri -, et partagent de nombreuses analyses sur l'avenir du continent et ses priorités. Il est de notre intérêt partagé de dialoguer sur toutes ces questions. Entre nos deux pays, la concertation est permanente et soutenue.
S'agissant des relations entre le président Mbeki et le président Chirac, je pense que les trois derniers déplacements du président Mbeki en France en 2003 - lors de la Conférence de Kléber au lendemain des accords de Marcoussis, du Sommet Afrique-France, du dialogue élargi lors du Sommet du G8 -, ainsi que sa venue pour une visite d'Etat les 17 au 19 novembre prochains, témoignent d'une entente sincère et approfondie entre les deux chefs d'Etat.
Enfin, ma visite permet de mesurer la complexité d'une réalité qui illustre celle du continent. Près de 10 ans près la fin de l'apartheid, je souhaite mieux comprendre les facettes multiples de votre pays, qui fait figure d'exemple sur le continent.
Q - Pensez-vous que les pays industrialisés ont rempli leurs engagements en ce qui concerne le plan d'action pour l'Afrique, les engagements de Doha dans le cadre de l'OMC et le NEPAD ?
R - Le cycle des négociations commerciales de Doha traduit une ambition sans précédent. Pour la première fois dans l'histoire des négociations commerciales multilatérales, les questions de développement sont placées au cur de l'agenda. L'enjeu aujourd'hui est de mettre en place une mondialisation mieux maîtrisée et plus juste. La France considère qu'il s'agit là de la mission fondamentale des négociations de Doha et nous souhaitons que l'Union européenne soit pleinement une force de proposition.
Les nombreuses critiques qui sont souvent adressées à l'Union européenne ne sont pas toujours fondées. C'est l'ensemble le plus ouvert aux produits agricoles des pays en développement. Au total, l'Union européenne importe davantage des pays en développement que les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon réunis. En outre, les dépenses agricoles européennes ont été stabilisées et sont désormais plafonnées. Les aides européennes à l'exportation ont été fortement réduites. Cela ne la dispense pas de faire des efforts. L'Union européenne est engagée d'ailleurs dans une réforme en profondeur de sa politique agricole qui aura des incidences sur les négociations en cours à l'OMC.
Q - Au récent Sommet du G8 à Evian présidé par le président Chirac, une grande attention a été portée à l'Afrique comme promis par le président Chirac ; il n'a cependant pas pu faire accepter son Initiative commerciale pour l'Afrique, semble-t-il en raison de résistances des Etats-Unis qui ne veulent pas mettre en péril leurs programmes d'aide alimentaire qui reposent sur les surplus. Considérez-vous qu'il s'agit d'un revers sérieux et comment pensez-vous avancer ? Comment la France compte-t-elle faire en sorte que soient tenues les promesses de Monterrey et Doha en ce qui concerne la diminution progressive des subventions agricoles ?
R - Les propositions pour l'Afrique présentées par le président de la République lors du Sommet France-Afrique, et que la France a défendues au G8 d'Evian avec l'appui de l'Union européenne, n'ont pu recevoir l'accord de tous. Mais l'Europe les maintient dans la perspective de Cancun et nous souhaitons qu'elles puissent faire progresser les discussions. Qu'il s'agisse de l'accès préférentiel des produits africains au marché européen - dont l'Afrique du Sud profite déjà grâce à l'accord UE-RSA de 1999 -, de la stabilisation du prix des matières premières, ou des limitations des subventions agricoles, la France tient à ce que ses partenaires africains bénéficient de la politique de solidarité qu'elle défend.
Nous pourrons progresser dans cette voie à deux conditions : l'engagement de tous dans une telle démarche, et la prise en compte de toutes les aides à l'exportation, quelles que soient leur forme et leur niveau.
S'agissant de l'aide alimentaire, nous privilégions le développement agricole de préférence à une aide alimentaire exclusive qui risque de déstabiliser les marchés locaux.
Q - Pensez-vous que la concurrence intense entre les Etats-Unis et la France et leurs manuvres respectives à Evian pour prendre la tête en ce qui concerne le développement de l'Afrique bénéficieront au continent africain ou dégénéreront en une querelle entre pays du G8 ?
R - Je ne crois pas que l'on puisse parler de "concurrence" entre la France et les Etats-Unis s'agissant de l'Afrique, mais plutôt de coopération et d'échange voire de complémentarité. La relation franco-américaine a été très constructive au sein du G8 pour le plus grand profit de l'Afrique et du NEPAD. Ainsi, le plan d'action relatif au renforcement des forces de maintien de la paix en Afrique est l'aboutissement d'une proposition allemande à laquelle nos deux pays se sont associés avec enthousiasme. Le plan d'action pour la sécurité alimentaire est une initiative américaine que la France a soutenue sans réserve et qui a donné lieu, en particulier, à une réunion co-présidée par les Etats-Unis et la France au siège des Nations unies à New York le 5 mars dernier, en présence du Secrétaire général des Nations unies. De façon plus générale, le rapport des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 pour l'Afrique, qui a été adopté à Evian, montre que nos deux pays ont respecté leurs engagements, au sein du G8 ou à titre bilatéral, vis-à-vis du NEPAD et du plan d'action adopté à Kananaskis.
Nous espérons que le soutien du G8, et notamment des Etats-Unis pendant la présidence américaine l'an prochain, sera durable. L'accord, à Evian, sur la nécessité de proroger le mandat des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 est de bon augure à cet égard.
Q - Etes-vous certain que le président George Bush suivra et consolidera le modèle du G8 à Evian qui associait onze principaux pays en développement aux débats sur l'avenir de l'économie mondiale et aux efforts pour instaurer une plus grande équité en matière d'accès au commerce, d'allégement de la dette et d'accès à des médicaments à coût abordable ? Est-ce une transformation du G8 en G20 ?
R - Je ne puis naturellement répondre à la place des Etats-Unis à cette question, mais nous souhaiterions en effet que la "réunion élargie" en présence des grands pays émergents et en développement que nous avons organisée à Evian s'inscrive dans la durée. Dans un univers de plus en plus mondialisé, où les interdépendances se multiplient et suscitent des opportunités et des risques nouveaux, le G8 doit s'ouvrir à un dialogue plus large. Et le caractère très fructueux du dialogue engagé à Evian nous encourage dans cette voie.
Q - Il y a peu de progrès sur l'accès aux médicaments à un prix abordable et l'allégement de la dette ; ce sont là des obstacles majeurs à un développement de l'Afrique qui soit de nature à stopper la détérioration de sa situation et à lui permettre d'atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire. Quelle sera la contribution de la France pour résoudre ce problème ?
R - Il est impératif de trouver rapidement une solution à cette question d'une gravité exceptionnelle. En ce domaine l'injustice s'ajoute à l'injustice. Plus les populations sont démunies et vulnérables à la maladie, plus l'accès aux médicaments est difficile.
Conformément aux engagements pris dans le cadre du cycle de Doha, nous devons en toute priorité répondre aux besoins des pays privés d'accès aux médicaments. Un projet d'accord était sur le point d'intervenir en décembre 2002 à l'OMC et je veux croire qu'il pourra être conclu avant la Conférence de Cancun en septembre. Nous appuierons, avec nos partenaires de l'Union européenne, tous les efforts en ce sens.
Q - La France a récemment envoyé des soldats pour une force de maintien de la paix au Congo oriental afin de tenter de contribuer au règlement du conflit inextricable qui a lieu en RDC. Est-ce le signe d'une implication accrue dans le règlement des conflits africains ?
R - Vous avez noté que la France a envoyé récemment des troupes en Côte d'Ivoire (4000 hommes), en République centrafricaine (300) et maintenant en Ituri (1500).
Dans ces trois cas, nous n'avons pas pris partie, mais avons choisi de préserver la paix. Nous l'avons fait en soutien des organisations régionales africaines (CEDEAO en Côte d'Ivoire, CEMAC en RCA), en coordination avec elles, sur le terrain, et à la demande du Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, pour l'Ituri, dans ce qui est la première opération de l'Union européenne en Afrique.
Les deux premières opérations ont été un succès : la paix est de retour en Côte d'Ivoire, et la situation est stabilisée en RCA.
Comme l'a dit le président Mbeki "les Français l'ont fait en Côte d'Ivoire parce que nous, Africains, n'étions pas encore prêts à le faire". Nous sommes intervenus de manière très claire pour stabiliser la situation.
Partout, l'intervention militaire française répond aux mêmes objectifs : éviter la guerre civile et le désastre humanitaire, conforter un processus de réconciliation, s'inscrire dans un schéma régional ou multilatéral.
Q - Outre les engagements pris lors du G8, la France jouera-t-elle un rôle éminent dans la création d'une force de maintien de la paix panafricaine ?
R - La France fait de cette question une priorité depuis plusieurs années. C'est à cet effet qu'elle a mis en place son programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), programme auquel elle souhaite associer ses partenaires de l'Union européenne. Ce programme est largement utilisé aujourd'hui en Côte d'Ivoire et en RCA pour équiper les bataillons africains. Elle forme par ailleurs les contingents éthiopiens et mozambicains qui doivent participer à la force interafricaine au Burundi.
Au-delà, nous appuyons la volonté du président Mbeki, au nom de l'Union africaine, de mettre en place une force interafricaine de maintien de la paix.
Q - La France a joué un rôle clé, souvent en contradiction avec certains de ses partenaires de l'Union européenne, pour obtenir un règlement de la crise politique et économique qui sévit au Zimbabwe. Que pensez-vous des efforts actuellement déployés par l'Afrique du Sud et l'Union africaine pour régler ce conflit ?
R - La France, comme l'Afrique du Sud et à l'instar de ses partenaires européens, est préoccupée par la dégradation de la situation au Zimbabwe et souhaite encourager tout effort de médiation qui pourrait contribuer à un retour à la paix et à la réconciliation dans ce pays.
L'Union africaine et le NEPAD ne doivent pas être pris en otage par cette crise. La France considère que la médiation africaine reste la meilleure voie pour répondre aux problèmes auxquels le Zimbabwe est confronté. Elle soutient les efforts récents des présidents Mbeki, Obasanjo et Muluzi pour encourager le gouvernement et l'opposition au Zimbabwe à reprendre les discussions. La France partage l'avis de l'Afrique du Sud sur la nécessité d'un dialogue politique entre Zimbabwéens pour trouver une sortie à la crise actuelle.
Q - Selon vous, est-il possible de renforcer la collaboration franco-sud-africaine pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien ?
R - Certainement. C'est d'ailleurs un sujet constant de discussion entre nos deux pays. J'ai ainsi pu constater combien nos approches concernant ce conflit convergent. Nous partageons la même analyse des conséquences de ce conflit sur l'ensemble de la région et au-delà. Le monde est interdépendant. Toutes les crises sont liées. Toutes les initiatives doivent être saluées. A cet égard les efforts de l'Afrique du Sud pour rapprocher les modérés des deux camps, israélien et palestinien, jouent un rôle essentiel.
Nous sommes aussi d'accord sur les objectifs de règlement du conflit : condamnation du terrorisme, mais conviction aussi qu'il n'existe pas de solution militaire et que seule une paix juste, conforme au droit international, rétablissant les Palestiniens dans leur dignité de peuple libre, pourra apporter la paix dans la région et la sécurité à Israël.
Q - La guerre dirigée par les Etats-Unis contre l'Irak et le défi consistant à rétablir le multilatéralisme dans les relations mondiales ont-ils rapproché la France et l'Afrique du Sud dans leur résistance commune à l'unilatéralisme américain ?
R - Lors de la crise irakienne, la communauté internationale s'est divisée sur la manière de gérer le monde et ses crises. Notre politique n'a jamais été dirigée contre nos alliés mais a été constamment inspirée par certains principes essentiels. La France et l'Afrique du Sud se sont retrouvées pour plaider d'une même voix en faveur du respect de la légalité internationale.
Au-delà de la question de l'Irak, c'est bien notre capacité à donner des fondations solides à un nouvel ordre mondial reposant sur l'adhésion des peuples qui est en jeu. L'esprit de solidarité et de responsabilité collective doit sortir renforcé de la crise irakienne. C'est l'esprit qui anime la France qui, comme l'Afrique du Sud, uvre en faveur d'un monde où les Etats acceptent librement de voir la force assujettie au droit. Un monde où, dans le cadre des Nations unies, la responsabilité collective est source d'équité. Un monde où il ne peut y avoir de recours à la force que soutenu par la communauté internationale. Ce n'est pas une utopie. Au Koweït en 1991, au Cambodge, dans les Balkans, en Sierra Leone, au Timor Oriental, l'ordre international, décidé et assumé collectivement, a prévalu. De même, au lendemain de la tragédie du 11 septembre, la communauté internationale s'est immédiatement rangée aux côtés des Etats-Unis agressés. L'ONU a, sans délai, légitimé le recours à la force contre ceux qui avaient commis ou rendu possible cet acte odieux
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)
Déclaration à Houghton, à l'issue de son entretien avec Nelson Mandela
Je voulais simplement dire que j'ai été très heureux de pouvoir rencontrer le président Mandela, qui est un homme très important. Nous tous, Français et Européens, admirons ce qu'il a fait pour son pays, ce qu'il a fait pour le monde. C'est une leçon. Il est un exemple pour nous tous. Je me félicite également de cet échange de vues que nous avons pu avoir sur la situation du continent, la situation de l'Afrique, la façon dont nous devons, en tant que pays occidentaux, pays européens, en tant que Français, soutenir la médiation des pays africains. Ils connaissent le continent, ils y sont impliqués, et nous voulons soutenir le travail qu'ils souhaitent accomplir. En ce qui concerne les crises, le développement, nous soutenons le NEPAD et nous pensons que le destin de l'Afrique est entre ses mains. Nous sommes prêts à soutenir ce processus et à continuer à le faire aussi longtemps que possible, et à travailler bien sûr ensemble. C'est sur ces sujets que nos entretiens ont porté, et c'est ce que nous entendons faire
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)
Déclaration lors de la visite du Township de Tembisa, à Ekurhuleni
D'abord, c'est à la fois très émouvant de visiter un township comme celui-ci en Afrique du Sud - soixante mille personnes sont réunies là, parfois dans un très grand désarroi -, de voir les efforts d'organisation qui sont faits par la municipalité, une clinique beaucoup trop petite et qui ne permet pas de répondre aux besoins, la répartition des écoles, les tentatives aussi pour permettre à l'ensemble des citoyens de prendre en mains leur destin, de construire eux-mêmes leur maison. La France est très présente ici par le biais des sociétés françaises, par le biais de l'Agence française de Développement mais je crois qu'il y a là un chemin à imaginer, à concevoir. Nous pourrions apporter davantage de compétences techniques, peut-être de bonnes volontés qui s'exprimeraient dans la jeunesse française, prête à apporter ses capacités, sa disponibilité, essayer de voir comment nous pourrions accélérer les résultats. Je crois qu'il est très important de satisfaire les besoins essentiels - je parle de santé, je parle d'éducation -, d'essayer d'offrir la capacité de formation permettant aux gens qui habitent ici de se prendre en mains. Tout ceci doit nous permettre très vite d'essayer d'élaborer un chemin, une voie, une expérience. J'espère très rapidement pouvoir envoyer ici une mission. Il faut tirer les leçons et, à partir de là, voir ce qu'il est possible de faire sur le territoire sud-africain : cinquante pour cent de la population est aujourd'hui concernée. C'est donc un grand défi. Il est normal que la France soit à la pointe pour essayer d'apporter son concours. C'est une question de cur. C'est aussi le destin de l'Afrique qui se joue ici. Un chemin fantastique a été parcouru en dix ans depuis la fin de l'apartheid. C'est un espoir qu'il faut faire vivre. La France a une responsabilité, elle doit prendre ses responsabilités
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)
Cette visite a été brève, mais formidable. Elle a été l'occasion pour moi de rencontrer le président Mbeki et, comme vous l'avez dit, de nombreuses personnalités politiques d'Afrique du Sud, du Parlement, ainsi que des intellectuels et des artistes, des représentants religieux, des représentants des ONG, tout comme des représentants du secteur des affaires, du "Black Economic Empowerment" ; elle a également été l'occasion, auparavant, pour les membres de nos ministères, de se rencontrer et d'assister au Forum de dialogue politique. La relation entre la France et l'Afrique du Sud est très complète et, à tous les niveaux, nous voulons enrichir et approfondir ce dialogue. Nous avons signé deux accords bilatéraux et je dois dire qu'ils ont été l'occasion de donner un nouvel élan à notre partenariat, qui, il faut le souligner, est très important pour la France.
Très important, parce l'Afrique du Sud est un acteur essentiel sur la scène internationale. C'est un pays très respecté, chacun sait que c'est un modèle de réconciliation et de démocratisation. L'Afrique du Sud a pris des positions importantes et très courageuses sur la scène internationale, notamment pour défendre les principes, le droit, l'ordre multilatéral, la diversité culturelle. Je dois dire que nous avons les mêmes vues et la même volonté d'organiser le monde sur des bases juridiques et morales.
L'Afrique du Sud est une importante source d'inspiration et le rôle joué par celle-ci, en sa qualité de présidente de l'Union africaine, a été décisif pour essayer de mobiliser la communauté africaine et de mettre un terme à une crise difficile ; c'est un rôle très important et je salue le fait que l'Afrique du Sud ait été l'un des pères fondateurs de cette très importante organisation qu'est le NEPAD. Cette capacité et cette force de proposition se sont manifestées très clairement au Burundi, au Congo et dans bien des crises, et nous entendons enrichir ce partenariat afin d'aider et d'appuyer les Africains dans ce qu'ils essaient de faire pour régler la difficile crise que connaît le continent. Notre partenariat est donc en premier lieu un partenariat pour la paix.
Vous connaissez les principes qui guident la politique française : le premier de ces principes est la légitimité : l'accès au pouvoir mais aussi son exercice doivent reposer sur la légitimité ; le deuxième de ces principes est le soutien à l'intégrité et à la souveraineté des pays africains. Nous pensons qu'il est important de respecter ces règles essentielles car, dans le cas contraire, nous risquons d'être confrontés à des surprises. Le troisième de ces principes est l'appui que nous entendons apporter à la médiation africaine. Nous pensons que la capacité qu'ont les pays africains, sur une base régionale, de prendre leur destin en mains est une bonne nouvelle pour l'Afrique ; nous devons suivre et soutenir leur volonté et leur capacité à trouver le moyen adapté pour régler cette crise.
Naturellement, nous avons parlé en détail de la difficile situation du Congo et, comme vous le savez, nos soldats travaillent ensemble en Ituri, cherchant un chemin de réconciliation et de dialogue ; bien sûr, cette présence des soldats européens, des soldats français en Ituri, est due à la politique de dialogue mise en uvre au Congo, et nous continuons de travailler pour permettre ce dialogue et la formation d'un gouvernement de réconciliation.
Nous avons aussi discuté de la situation au Burundi, en Afrique de l'Ouest, au Liberia, en Côte d'Ivoire, au Zimbabwe.
Ce partenariat n'est pas seulement un partenariat de paix, c'est aussi un partenariat qui prépare l'avenir, un partenariat pour le développement. Nous pensons que les différentes orientations que le NEPAD a données sont très importantes. En premier lieu, nous devons soutenir la mise sur pied des capacités africaines de maintien de la paix, la capacité des Africains à travailler selon ces orientations afin de stabiliser la situation régionale. Mais nous apportons également notre soutien à la mise en place d'institutions, aux nombreuses initiatives qui peuvent être prises par exemple dans le domaine de l'éducation, de l'accès à l'eau, de l'aide au secteur sanitaire dans la lutte contre le sida, des politiques d'allégement de la dette.
Comme vous le savez, la France cherche à se doter d'une politique originale et très dynamique pour aider l'Afrique en termes de politique culturelle et de politique d'aide au développement. Certains, parfois, ne comprennent pas exactement en quoi consiste cette politique, je voudrais donc vous exposer quelques éléments pour m'assurer que tout un chacun comprenne bien et réfléchisse. Je veux dire qu'en Europe, pour les pays européens, l'aide à l'Afrique est deux fois plus importante que l'aide accordée par les Etats-Unis. C'est un chiffre important. Deuxièmement, en ce qui concerne les subventions agricoles, il faut bien comprendre ce dont nous parlons. L'Union européenne est le premier importateur de produits agricoles en provenance d'Afrique, plus que les Etats-Unis, le Canada, le Japon et la Nouvelle-Zélande réunis. Nous ne devons pas oublier cela.
En outre, la France a pris une initiative spéciale pour l'Afrique. Nous avons proposé durant le Sommet du G8 à Evian un moratoire sur les subventions agricoles. Celui-ci n'a pas été approuvé par certains pays qui ne considèrent toujours pas qu'il faut avoir une action spécifique pour les pays africains. Et comme vous le savez, l'Europe est un marché ouvert à tous les pays les plus pauvres d'Afrique.
Il y a deux jours, un accord est intervenu en France sur la Politique agricole commune. C'est une mesure importante qui a été prise et la France a certainement été l'un des pays les plus concernés par cet accord. Nous nous sommes mis d'accord sur un découplage partiel des paiements des aides directes. Nous pensons que cette décision ouvrira la voie à un accord pour les pays en développement, pour l'Afrique, l'Union européenne, que nous pourrions obtenir à Cancun dans le cadre du cycle de Doha. Telles sont les idées que je voulais exposer avant de répondre aux questions.
Q - En ce qui concerne le continent, les discussions ont-elles porté sur le Zimbabwe, les pressions de la France sur le Zimbabwe et ce que les pays voisins devraient faire à cet égard ?
R - Je pense qu'il est important d'adresser un message fort au Zimbabwe. Il faut une évolution pour tenir compte de la difficile situation que connaissent le pays et ses habitants. Mais nous devons aussi essayer de réfléchir à la meilleure manière d'agir dans cette situation. Nous considérons que l'action de l'Afrique du Sud et la réunion des présidents du Nigeria et du Malawi avec le président Mugabe sont des mesures importantes. Je crois que c'est par le dialogue et la négociation que nous trouverons la meilleure manière de provoquer cette évolution. La communauté internationale doit se mobiliser, appuyer les pays de la région, soutenir la médiation des Africains qui s'efforcent de trouver le meilleur moyen d'assurer une évolution pacifique, qui est ce que nous voulons, ce que nous croyons être bon pour l'Afrique australe et pour le Zimbabwe.
Q - Le président Mbeki vous a-t-il fait part de progrès dans les négociations sur le Zimbabwe, dont vous avez dit que vous souhaitiez le succès ?
R - J'ai la conviction que des progrès ont été et seront accomplis.
Q - La visite de M. de Villepin était-elle organisée opportunément de manière à précéder celle du président Bush ?
R - Si je peux me permettre, je voudrais rappeler que je viens très souvent en Afrique, tous les mois. Je suis donc ici aujourd'hui. La visite était prévue de longue date. Dans quelques jours, je serai dans la région des Grands Lacs, avec mes collègues britannique et belge. Quelques jours plus tard, je serai en Afrique centrale. Vous voyez, que le ministre français se trouve en Afrique est quelque chose de tout à fait normal. Il n'existe aucune concurrence.
Q - (Concernant cinq membres d'Al-Qaïda arrêtés au Malawi)
R - Je ne peux rien vous dire car je n'ai aucune information à ce sujet.
Q - (Concernant l'initiative sur la mise en place de forces africaines de maintien de la paix )
R - La grande discussion porte sur la manière d'organiser cette initiative. Doit-elle être liée directement à l'Union africaine ? Doit-elle également soutenir l'organisation sous-régionale, comme la CEDEAO avec laquelle nous travaillons ? J'ai rencontré, il y a quelques semaines, tous les ministres des Affaires étrangères des pays membres de la CEDEAO afin d'examiner la manière dont nous pouvons les aider à mettre en place leurs propres forces de maintien de la paix. Je crois qu'il est important, à différents niveaux, de pouvoir le faire et de coordonner ces actions avec ce que fait l'ONU. Prenons par exemple l'Afrique occidentale : il y a 15.000 soldats chargés du maintien de la paix en Sierra Leone, 4.000 Français en Côte d'Ivoire et un certain nombre de soldats envoyés par la CEDEAO. Si nous voulons être réalistes sur la situation dans la région, nous devons en avoir une idée très claire. Dans le cas contraire, les problèmes se déplacent d'un pays à l'autre. Nous devons avoir une vision d'ensemble, nous assurer des atouts dont nous disposons en terme de maintien de la paix et nous efforcer de répartir au mieux nos capacités entre les différents pays afin de faire face à la situation et de faire en sorte que les problèmes d'un pays n'aggravent pas les choses dans un autre. Si nous voulons être plus efficaces, nous pensons que nous devrions être capables d'assurer le suivi de ces crises, avec nos amis africains, avec les organisations africaines, l'Union africaine, comme les organisations sous-régionales. Il est donc très important d'entrer dans les détails pour faire en sorte que dans chaque région, celle des Grands Lacs, l'Afrique occidentale, l'Afrique australe, nous prenions bien la mesure des difficultés.
Q - Comment voyez-vous le NEPAD pour l'avenir du continent ?
R - Le NEPAD est un programme très ambitieux pour l'Afrique. La très bonne nouvelle, c'est que ce sont les Africains eux-mêmes qui ont défini la manière dont ils veulent que l'Afrique soit gouvernée. Je crois qu'il est très important que le dialogue que nous entretenons avec nos partenaires, cela a été vrai à Kananaskis tout comme à Evian, mette en évidence que nous pouvons avoir des discussions très riches et intéressantes. Le processus doit se dérouler selon ce qui a été prévu et souhaité par les pays africains, la montée en puissance du secteur privé, le soutien que nous pouvons apporter aux infrastructures, à l'eau, à l'éducation, nous devons gérer cela ensemble.
Si nous travaillons chacun de notre côté, nous n'aurons naturellement pas la même efficacité que si nous travaillons avec les pays qui sont mobilisés et prêts à faire les efforts nécessaires pour être plus efficaces. Je crois qu'il faut mettre en place un partenariat mondial, voir comment il fonctionne, suivre quelques bons exemples, et je crois que l'Afrique du Sud est certainement l'un des exemples que nous pouvons suivre, montrer comment cela a fonctionné et développer les différentes politiques que nous définirons dans d'autres pays.
Il faut que cela soit un processus, c'est quelque chose que nous oublions parfois lorsque nous parlons de l'Afrique. Que nous parlions du développement ou de la paix, il nous faut comprendre que c'est un processus et, bien sûr, il est très satisfaisant de faire des déclarations importantes, de donner des conseils, de critiquer tel ou tel Mais qu'en résulte-t-il ? On ne peut faire cela sans penser aux conséquences immédiates. Nous devons travailler avec les personnes qui s'attaquent à ces problèmes tous les jours de l'année et nous devons soutenir leur action. C'est pourquoi la meilleure manière d'agir est de soutenir le processus de médiation des pays africains, d'appuyer la volonté et la capacité de ces pays à développer leur région. Nous ne devons pas nous contenter de faire des discours, puis de nous en "laver les mains" sans aucun remords. Ce n'est pas là la bonne manière d'agir avec l'Afrique. Nous devons nous sentir responsables, être présents, actifs, apporter notre aide. Je dois dire que l'une des plus grandes satisfactions est de constater tout ce que nous pouvons faire ensemble lorsque nous nous efforçons d'avoir un réel dialogue ; ce sont là les mots-clés pour travailler avec l'Afrique, respect, dialogue, tolérance. Nous devons travailler ensemble, pas seulement trouver notre propre solution et penser que nous allons l'appliquer seuls.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juillet 2003)
Entretien avec la presse
Q - Qu'espérez-vous accomplir durant votre séjour en Afrique du Sud et comment considérez-vous cette visite dans le contexte des intérêts français en Afrique ? Comment décririez-vous l'état actuel des relations entre la France et l'Afrique du Sud et entre le président Jacques Chirac et le président Thabo Mbeki ?
R - Je souhaite saluer le rôle pionnier que joue aujourd'hui l'Afrique du Sud sur le continent africain.
Elle joue un rôle moteur dans l'Union africaine, en particulier durant la présidence exercée par le président Mbeki, dans la mise en place du NEPAD, dans le règlement des conflits, notamment dans les Grands Lacs.
La France et l'Afrique du Sud se trouvent actuellement côte à côte sur le sol congolais - en Ituri -, et partagent de nombreuses analyses sur l'avenir du continent et ses priorités. Il est de notre intérêt partagé de dialoguer sur toutes ces questions. Entre nos deux pays, la concertation est permanente et soutenue.
S'agissant des relations entre le président Mbeki et le président Chirac, je pense que les trois derniers déplacements du président Mbeki en France en 2003 - lors de la Conférence de Kléber au lendemain des accords de Marcoussis, du Sommet Afrique-France, du dialogue élargi lors du Sommet du G8 -, ainsi que sa venue pour une visite d'Etat les 17 au 19 novembre prochains, témoignent d'une entente sincère et approfondie entre les deux chefs d'Etat.
Enfin, ma visite permet de mesurer la complexité d'une réalité qui illustre celle du continent. Près de 10 ans près la fin de l'apartheid, je souhaite mieux comprendre les facettes multiples de votre pays, qui fait figure d'exemple sur le continent.
Q - Pensez-vous que les pays industrialisés ont rempli leurs engagements en ce qui concerne le plan d'action pour l'Afrique, les engagements de Doha dans le cadre de l'OMC et le NEPAD ?
R - Le cycle des négociations commerciales de Doha traduit une ambition sans précédent. Pour la première fois dans l'histoire des négociations commerciales multilatérales, les questions de développement sont placées au cur de l'agenda. L'enjeu aujourd'hui est de mettre en place une mondialisation mieux maîtrisée et plus juste. La France considère qu'il s'agit là de la mission fondamentale des négociations de Doha et nous souhaitons que l'Union européenne soit pleinement une force de proposition.
Les nombreuses critiques qui sont souvent adressées à l'Union européenne ne sont pas toujours fondées. C'est l'ensemble le plus ouvert aux produits agricoles des pays en développement. Au total, l'Union européenne importe davantage des pays en développement que les Etats-Unis, le Canada, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon réunis. En outre, les dépenses agricoles européennes ont été stabilisées et sont désormais plafonnées. Les aides européennes à l'exportation ont été fortement réduites. Cela ne la dispense pas de faire des efforts. L'Union européenne est engagée d'ailleurs dans une réforme en profondeur de sa politique agricole qui aura des incidences sur les négociations en cours à l'OMC.
Q - Au récent Sommet du G8 à Evian présidé par le président Chirac, une grande attention a été portée à l'Afrique comme promis par le président Chirac ; il n'a cependant pas pu faire accepter son Initiative commerciale pour l'Afrique, semble-t-il en raison de résistances des Etats-Unis qui ne veulent pas mettre en péril leurs programmes d'aide alimentaire qui reposent sur les surplus. Considérez-vous qu'il s'agit d'un revers sérieux et comment pensez-vous avancer ? Comment la France compte-t-elle faire en sorte que soient tenues les promesses de Monterrey et Doha en ce qui concerne la diminution progressive des subventions agricoles ?
R - Les propositions pour l'Afrique présentées par le président de la République lors du Sommet France-Afrique, et que la France a défendues au G8 d'Evian avec l'appui de l'Union européenne, n'ont pu recevoir l'accord de tous. Mais l'Europe les maintient dans la perspective de Cancun et nous souhaitons qu'elles puissent faire progresser les discussions. Qu'il s'agisse de l'accès préférentiel des produits africains au marché européen - dont l'Afrique du Sud profite déjà grâce à l'accord UE-RSA de 1999 -, de la stabilisation du prix des matières premières, ou des limitations des subventions agricoles, la France tient à ce que ses partenaires africains bénéficient de la politique de solidarité qu'elle défend.
Nous pourrons progresser dans cette voie à deux conditions : l'engagement de tous dans une telle démarche, et la prise en compte de toutes les aides à l'exportation, quelles que soient leur forme et leur niveau.
S'agissant de l'aide alimentaire, nous privilégions le développement agricole de préférence à une aide alimentaire exclusive qui risque de déstabiliser les marchés locaux.
Q - Pensez-vous que la concurrence intense entre les Etats-Unis et la France et leurs manuvres respectives à Evian pour prendre la tête en ce qui concerne le développement de l'Afrique bénéficieront au continent africain ou dégénéreront en une querelle entre pays du G8 ?
R - Je ne crois pas que l'on puisse parler de "concurrence" entre la France et les Etats-Unis s'agissant de l'Afrique, mais plutôt de coopération et d'échange voire de complémentarité. La relation franco-américaine a été très constructive au sein du G8 pour le plus grand profit de l'Afrique et du NEPAD. Ainsi, le plan d'action relatif au renforcement des forces de maintien de la paix en Afrique est l'aboutissement d'une proposition allemande à laquelle nos deux pays se sont associés avec enthousiasme. Le plan d'action pour la sécurité alimentaire est une initiative américaine que la France a soutenue sans réserve et qui a donné lieu, en particulier, à une réunion co-présidée par les Etats-Unis et la France au siège des Nations unies à New York le 5 mars dernier, en présence du Secrétaire général des Nations unies. De façon plus générale, le rapport des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 pour l'Afrique, qui a été adopté à Evian, montre que nos deux pays ont respecté leurs engagements, au sein du G8 ou à titre bilatéral, vis-à-vis du NEPAD et du plan d'action adopté à Kananaskis.
Nous espérons que le soutien du G8, et notamment des Etats-Unis pendant la présidence américaine l'an prochain, sera durable. L'accord, à Evian, sur la nécessité de proroger le mandat des représentants personnels des chefs d'Etat et de gouvernement du G8 est de bon augure à cet égard.
Q - Etes-vous certain que le président George Bush suivra et consolidera le modèle du G8 à Evian qui associait onze principaux pays en développement aux débats sur l'avenir de l'économie mondiale et aux efforts pour instaurer une plus grande équité en matière d'accès au commerce, d'allégement de la dette et d'accès à des médicaments à coût abordable ? Est-ce une transformation du G8 en G20 ?
R - Je ne puis naturellement répondre à la place des Etats-Unis à cette question, mais nous souhaiterions en effet que la "réunion élargie" en présence des grands pays émergents et en développement que nous avons organisée à Evian s'inscrive dans la durée. Dans un univers de plus en plus mondialisé, où les interdépendances se multiplient et suscitent des opportunités et des risques nouveaux, le G8 doit s'ouvrir à un dialogue plus large. Et le caractère très fructueux du dialogue engagé à Evian nous encourage dans cette voie.
Q - Il y a peu de progrès sur l'accès aux médicaments à un prix abordable et l'allégement de la dette ; ce sont là des obstacles majeurs à un développement de l'Afrique qui soit de nature à stopper la détérioration de sa situation et à lui permettre d'atteindre les objectifs de développement pour le Millénaire. Quelle sera la contribution de la France pour résoudre ce problème ?
R - Il est impératif de trouver rapidement une solution à cette question d'une gravité exceptionnelle. En ce domaine l'injustice s'ajoute à l'injustice. Plus les populations sont démunies et vulnérables à la maladie, plus l'accès aux médicaments est difficile.
Conformément aux engagements pris dans le cadre du cycle de Doha, nous devons en toute priorité répondre aux besoins des pays privés d'accès aux médicaments. Un projet d'accord était sur le point d'intervenir en décembre 2002 à l'OMC et je veux croire qu'il pourra être conclu avant la Conférence de Cancun en septembre. Nous appuierons, avec nos partenaires de l'Union européenne, tous les efforts en ce sens.
Q - La France a récemment envoyé des soldats pour une force de maintien de la paix au Congo oriental afin de tenter de contribuer au règlement du conflit inextricable qui a lieu en RDC. Est-ce le signe d'une implication accrue dans le règlement des conflits africains ?
R - Vous avez noté que la France a envoyé récemment des troupes en Côte d'Ivoire (4000 hommes), en République centrafricaine (300) et maintenant en Ituri (1500).
Dans ces trois cas, nous n'avons pas pris partie, mais avons choisi de préserver la paix. Nous l'avons fait en soutien des organisations régionales africaines (CEDEAO en Côte d'Ivoire, CEMAC en RCA), en coordination avec elles, sur le terrain, et à la demande du Secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, pour l'Ituri, dans ce qui est la première opération de l'Union européenne en Afrique.
Les deux premières opérations ont été un succès : la paix est de retour en Côte d'Ivoire, et la situation est stabilisée en RCA.
Comme l'a dit le président Mbeki "les Français l'ont fait en Côte d'Ivoire parce que nous, Africains, n'étions pas encore prêts à le faire". Nous sommes intervenus de manière très claire pour stabiliser la situation.
Partout, l'intervention militaire française répond aux mêmes objectifs : éviter la guerre civile et le désastre humanitaire, conforter un processus de réconciliation, s'inscrire dans un schéma régional ou multilatéral.
Q - Outre les engagements pris lors du G8, la France jouera-t-elle un rôle éminent dans la création d'une force de maintien de la paix panafricaine ?
R - La France fait de cette question une priorité depuis plusieurs années. C'est à cet effet qu'elle a mis en place son programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), programme auquel elle souhaite associer ses partenaires de l'Union européenne. Ce programme est largement utilisé aujourd'hui en Côte d'Ivoire et en RCA pour équiper les bataillons africains. Elle forme par ailleurs les contingents éthiopiens et mozambicains qui doivent participer à la force interafricaine au Burundi.
Au-delà, nous appuyons la volonté du président Mbeki, au nom de l'Union africaine, de mettre en place une force interafricaine de maintien de la paix.
Q - La France a joué un rôle clé, souvent en contradiction avec certains de ses partenaires de l'Union européenne, pour obtenir un règlement de la crise politique et économique qui sévit au Zimbabwe. Que pensez-vous des efforts actuellement déployés par l'Afrique du Sud et l'Union africaine pour régler ce conflit ?
R - La France, comme l'Afrique du Sud et à l'instar de ses partenaires européens, est préoccupée par la dégradation de la situation au Zimbabwe et souhaite encourager tout effort de médiation qui pourrait contribuer à un retour à la paix et à la réconciliation dans ce pays.
L'Union africaine et le NEPAD ne doivent pas être pris en otage par cette crise. La France considère que la médiation africaine reste la meilleure voie pour répondre aux problèmes auxquels le Zimbabwe est confronté. Elle soutient les efforts récents des présidents Mbeki, Obasanjo et Muluzi pour encourager le gouvernement et l'opposition au Zimbabwe à reprendre les discussions. La France partage l'avis de l'Afrique du Sud sur la nécessité d'un dialogue politique entre Zimbabwéens pour trouver une sortie à la crise actuelle.
Q - Selon vous, est-il possible de renforcer la collaboration franco-sud-africaine pour tenter de résoudre le conflit israélo-palestinien ?
R - Certainement. C'est d'ailleurs un sujet constant de discussion entre nos deux pays. J'ai ainsi pu constater combien nos approches concernant ce conflit convergent. Nous partageons la même analyse des conséquences de ce conflit sur l'ensemble de la région et au-delà. Le monde est interdépendant. Toutes les crises sont liées. Toutes les initiatives doivent être saluées. A cet égard les efforts de l'Afrique du Sud pour rapprocher les modérés des deux camps, israélien et palestinien, jouent un rôle essentiel.
Nous sommes aussi d'accord sur les objectifs de règlement du conflit : condamnation du terrorisme, mais conviction aussi qu'il n'existe pas de solution militaire et que seule une paix juste, conforme au droit international, rétablissant les Palestiniens dans leur dignité de peuple libre, pourra apporter la paix dans la région et la sécurité à Israël.
Q - La guerre dirigée par les Etats-Unis contre l'Irak et le défi consistant à rétablir le multilatéralisme dans les relations mondiales ont-ils rapproché la France et l'Afrique du Sud dans leur résistance commune à l'unilatéralisme américain ?
R - Lors de la crise irakienne, la communauté internationale s'est divisée sur la manière de gérer le monde et ses crises. Notre politique n'a jamais été dirigée contre nos alliés mais a été constamment inspirée par certains principes essentiels. La France et l'Afrique du Sud se sont retrouvées pour plaider d'une même voix en faveur du respect de la légalité internationale.
Au-delà de la question de l'Irak, c'est bien notre capacité à donner des fondations solides à un nouvel ordre mondial reposant sur l'adhésion des peuples qui est en jeu. L'esprit de solidarité et de responsabilité collective doit sortir renforcé de la crise irakienne. C'est l'esprit qui anime la France qui, comme l'Afrique du Sud, uvre en faveur d'un monde où les Etats acceptent librement de voir la force assujettie au droit. Un monde où, dans le cadre des Nations unies, la responsabilité collective est source d'équité. Un monde où il ne peut y avoir de recours à la force que soutenu par la communauté internationale. Ce n'est pas une utopie. Au Koweït en 1991, au Cambodge, dans les Balkans, en Sierra Leone, au Timor Oriental, l'ordre international, décidé et assumé collectivement, a prévalu. De même, au lendemain de la tragédie du 11 septembre, la communauté internationale s'est immédiatement rangée aux côtés des Etats-Unis agressés. L'ONU a, sans délai, légitimé le recours à la force contre ceux qui avaient commis ou rendu possible cet acte odieux
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)
Déclaration à Houghton, à l'issue de son entretien avec Nelson Mandela
Je voulais simplement dire que j'ai été très heureux de pouvoir rencontrer le président Mandela, qui est un homme très important. Nous tous, Français et Européens, admirons ce qu'il a fait pour son pays, ce qu'il a fait pour le monde. C'est une leçon. Il est un exemple pour nous tous. Je me félicite également de cet échange de vues que nous avons pu avoir sur la situation du continent, la situation de l'Afrique, la façon dont nous devons, en tant que pays occidentaux, pays européens, en tant que Français, soutenir la médiation des pays africains. Ils connaissent le continent, ils y sont impliqués, et nous voulons soutenir le travail qu'ils souhaitent accomplir. En ce qui concerne les crises, le développement, nous soutenons le NEPAD et nous pensons que le destin de l'Afrique est entre ses mains. Nous sommes prêts à soutenir ce processus et à continuer à le faire aussi longtemps que possible, et à travailler bien sûr ensemble. C'est sur ces sujets que nos entretiens ont porté, et c'est ce que nous entendons faire
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)
Déclaration lors de la visite du Township de Tembisa, à Ekurhuleni
D'abord, c'est à la fois très émouvant de visiter un township comme celui-ci en Afrique du Sud - soixante mille personnes sont réunies là, parfois dans un très grand désarroi -, de voir les efforts d'organisation qui sont faits par la municipalité, une clinique beaucoup trop petite et qui ne permet pas de répondre aux besoins, la répartition des écoles, les tentatives aussi pour permettre à l'ensemble des citoyens de prendre en mains leur destin, de construire eux-mêmes leur maison. La France est très présente ici par le biais des sociétés françaises, par le biais de l'Agence française de Développement mais je crois qu'il y a là un chemin à imaginer, à concevoir. Nous pourrions apporter davantage de compétences techniques, peut-être de bonnes volontés qui s'exprimeraient dans la jeunesse française, prête à apporter ses capacités, sa disponibilité, essayer de voir comment nous pourrions accélérer les résultats. Je crois qu'il est très important de satisfaire les besoins essentiels - je parle de santé, je parle d'éducation -, d'essayer d'offrir la capacité de formation permettant aux gens qui habitent ici de se prendre en mains. Tout ceci doit nous permettre très vite d'essayer d'élaborer un chemin, une voie, une expérience. J'espère très rapidement pouvoir envoyer ici une mission. Il faut tirer les leçons et, à partir de là, voir ce qu'il est possible de faire sur le territoire sud-africain : cinquante pour cent de la population est aujourd'hui concernée. C'est donc un grand défi. Il est normal que la France soit à la pointe pour essayer d'apporter son concours. C'est une question de cur. C'est aussi le destin de l'Afrique qui se joue ici. Un chemin fantastique a été parcouru en dix ans depuis la fin de l'apartheid. C'est un espoir qu'il faut faire vivre. La France a une responsabilité, elle doit prendre ses responsabilités
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1 juillet 2003)