Texte intégral
Dix mois après Madrid et onze mois avant Washington, notre réunion est importante. Nous avons derrière nous, une année d'expérience de la relation OTAN-Russie, qui prend acte du changement radical intervenu dans la situation stratégique et nous disposons, devant nous, d'une année aussi pour examiner les grandes orientations concernant l'avenir de l'Alliance comme pour assurer l'entrée effective des trois nouveaux membres et la poursuite de l'élargissement.
Aujourd'hui, c'est le moment qu'il nous faut mettre à profit pour réfléchir à notre devenir, à l'essence et à la finalité de notre Alliance.
Cette réflexion est bien sur inscrite dans la révision du concept stratégique, mais ne se confond pas entièrement avec lui. Car, alors même que nous réfléchissons, le monde continue à avancer et l'Alliance doit aussi s'adapter à cette réalité. De la révision du concept, nous allons parler tout à l'heure, aussi me limiterais-je à quelques remarques simples : cette révision est un exercice parfaitement naturel et nécessaire. Le monde a beaucoup changé depuis 1991, tout comme les menaces auxquelles l'Alliance est confrontée. La révision du concept doit nous permettre de traduire en termes clairs ces changements, tant pour éclairer nos opinions publiques, que pour orienter les autorités militaires. La disparition de la menace globale, la transformation de la Russie en partenaire, la transformation du bloc oriental en futurs alliés, le développement de l'Union européenne et l'adoption de l'euro, la volonté d'affirmer l'IESD, dans l'Alliance et dans l'Europe, sont autant d'éléments essentiels, qui ont modifié le contexte stratégique. Le concept doit prendre acte de ces modifications. La France participera pleinement à cet exercice, tout en veillant à ce que son esprit et sa finalité soient respectés.
Mais la révision du concept n'est pas une fin en soi ; ce doit être un instrument de la réforme et de l'adaptation de l'Alliance. La réforme commencée depuis Berlin et Madrid reste inachevée. Il faut la poursuivre.
- L'adaptation interne de l'Alliance, dont les bases fondamentales ont été jetées à Berlin, a certes progressé, au travers d'un certain nombre de mesures, dont le rapport que nous avons sous les yeux rend compte. Nous nous félicitons des progrès accomplis. Cette adaptation reste toutefois un exercice qu'il faut parachever : qu'il s'agisse du concept des GFIM, qui demande encore à être pleinement mis en oeuvre, qu'il s'agisse de l'élaboration de l'accord-cadre qui doit permettre à l'UEO d'avoir recours aux moyens de l'Alliance - Klaus Kinkel vient d'en parler -, ou qu'il s'agisse de l'européanisation des structures au sein de l'Alliance. Ces chantiers sont ouverts, mais ils demandent à être menés jusqu'au bout. A notre avis, la prise en compte de l'IESD entreprise a Berlin reste encore insuffisante. On peut aller plus loin et faire mieux. Plus que jamais la prise en compte de la réalité européenne dans les structures et le fonctionnement de l'Alliance est un impératif. Il en résultera un renouveau de la relation transatlantique, un partenariat renforcé.
C'est de cette façon que l'Alliance démontrera son assurance.
- L'élargissement entrepris et qui va nous permettre d'avoir à notre table tout à l'heure les trois premiers invités est une démarche qui doit mener à la reconstitution de l'unité européenne. Ce processus, voulu par les populations de l'ancienne sphère de domination soviétique, a aussi reçu dans nos pays une large adhésion des populations. En témoignent les approbations parlementaires par des larges majorités : par exemple, le Sénat français a adopté le projet de loi à une impressionnante majorité de 299 voix contre 16. Cet élargissement doit se poursuivre désormais, comme nous nous y sommes engagés à Madrid. En effet, ce processus une fois commencé ne devrait pas avoir pour résultat paradoxal de créer des zones d'exclusion et de moindre sécurité en Europe ou des zones grises. La stabilité interne de l'Europe du Sud-Est comme celle du Nord-Est pourrait en être affectée. La crédibilité de la promesse de Madrid dépendra donc de sa concrétisation à Washington.
Je crois que l'Alliance doit se montrer cohérente sur ce point.
- La relation OTAN-Russie est un autre élément essentiel de la nouvelle donne instaurée en Europe. L'Acte fondateur a marqué la volonté d'établir une relation de confiance. La poursuite et l'approfondissement de celle-ci passe par la concrétisation des promesses que nous avons inscrites dans ce document. La concertation sur l'ensemble des sujets de la sécurité européenne - et notamment sur les Balkans - un dialogue franc y compris sur les questions sensibles, sont des exigences que nous devons prendre au sérieux. L'Alliance va prendre à 19 des décisions importantes qu'il s'agisse de l'après-SFOR, à laquelle participe la Russie, ou de l'Albanie et de la Macédoine, décisions auxquelles nous souhaiterions le plus possible associer la Russie. Il faut donc que notre séance de cet après-midi soit l'occasion d'une vraie concertation avec la Russie.
Dans sa relation avec la Russie, l'Alliance doit faire la preuve de sa maturité : nous avons décidé d'ouvrir la porte à un véritable dialogue. Il faut ensuite jouer le jeu, et consolider ce dialogue et cette coopération.
Alliance de la maturité. Alliance assurée et confiante en elle-même. Alliance responsable. Telle est notre vision.
C'est dire que l'Alliance doit aussi veiller à ne pas remettre en cause la fragile, imparfaite mais précieuse architecture de sécurité que nous avons élaborée depuis cinquante ans, en confiant notamment un rôle central aux Nations unies et au Conseil de sécurité. La remise en cause de cet édifice serait préjudiciable, mais évidemment personne n'y songe.
L'OTAN en démontrant son rôle indispensable et combien efficace aux côtés des Nations unies, comme instrument de maintien de la paix en Bosnie, a ainsi enrichi son rôle essentiel comme garant de la sécurité de ses Etats membres. En faisant une place croissante à la réalité européenne, en acceptant de s'élargir à de nouveaux membres, elle a contribué au renforcement de la sécurité en Europe. En trouvant un langage commun avec la Russie, elle a puissamment contribué à la stabilité en Europe et dans le monde.
Elle a montré sa vitalité et sa confiance en elle. C'est dans cet esprit que je souhaite que nous continuions à préparer le Sommet de Washington dont a parlé Madeleine Albright.
Je vous remercie de votre attention./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 octobre 2001)