Texte intégral
Hubert : Vous avez été avec Xavier Emmanuelli les principaux acteurs du SAMU Social. Le fait d'être aujourd'hui ministre vous donne-t-il plus d'exigences ?
Dominique Versini : Bien sûr, mes fonctions gouvernementales sont dans le prolongement de la direction du SAMU social que j'ai exercée pendant 10 ans après l'avoir créé en 1993 avec Jacques Chirac, rappelons-le, et Xavier Emmanuelli. Cela me donne surtout l'expérience du terrain, qui me permet d'adapter nos politiques pour une plus grande efficacité dans la lutte contre l'exclusion, qui est un problème complexe et profond puisqu'il s'agit d'une exclusion des liens culturels, affectifs, sociaux... C'est une véritable crise du lien social, et nous sommes dans une marche vers un autre regard des gens, de la société, sur les exclus.
Pol : Les Restos du coeur n'ont jamais servi autant de repas. Est-ce un constat d'échec de l'ensemble des politiques de lutte contre l'exclusion ?
Dominique Versini : Non, c'est surtout le constat de nouvelles problématiques, notamment ces quatre ou cinq dernières années. Des flux très importants de demandeurs d'asile sont arrivés en France, que nos prédécesseurs n'ont pas jugulés, qu'ils n'ont pas traités, pour lesquels ils n'ont pas mis en place la réforme du droit d'asile que nous avons réalisée et qui est opérationnelle depuis le 1er janvier. Il s'agit surtout de nouvelles populations venant de l'étranger. Face à celles-ci, nous répondons par la réforme du droit d'asile et donc des délais plus rapides pour répondre à des gens qui demandent l'asile politique alors qu'ils relèvent plutôt de demandes d'asile économique.
Nif : Y a-t-il une continuité dans l'action de tous les gouvernements, de gauche comme de droite, vis-à-vis de l'exclusion ?
Dominique Versini : Depuis dix ans, l'ensemble des gouvernements ont mis en place des actions, surtout ponctuelles et dans l'urgence. Nous sommes pour la première fois en train de mettre en place une véritable doctrine de l'urgence sociale et de l'insertion. Et nous allons pour la première fois depuis 1998, date à laquelle a été votée la loi contre les exclusions, tenir, autour du Premier ministre, un comité interministériel de lutte contre l'exclusion, qui verra autour de la table tous les ministres du gouvernement repartir avec une feuille de route contre les exclusions. C'était dans la loi de 1998, c'est la droite qui le réalise.
Nif : Doit-on combattre l'exclusion directement ou indirectement, en luttant contre le chômage ?
Dominique Versini : Bien sûr, la lutte contre le chômage est de toutes façons indispensable. Dans une société où le monde de l'emploi a des exigences de plus en plus importantes, où les relations de travail évoluent beaucoup, le chômage est une partie importante de la lutte contre l'exclusion. C'est toute l'action que mène François Fillon pour encourager le plus de gens possibles à retrouver un emploi. C'est l'objectif des contrats jeunes, un contrat à durée indéterminée pour des jeunes peu qualifiés. C'est l'objectif de la relance des contrats d'insertion par l'activité économique. C'est encore l'objectif de Renaud Dutreil pour faciliter la création d'entreprise. Vous savez que sur les 250 000 entreprises créées en 2003, un créateur sur 3 est un chômeur. Beaucoup de gens qui sont au chômage ont un projet de création. Nous avons fait en sorte, avec Renaud Dutreil, qu'ils puissent le réaliser. L'exclusion c'est bien sûr plus large, parce que c'est aussi la crise de la société, la crise de la famille, de la religion, de l'engagement... C'est tout ce qui fait que les gens se sentent seuls dans nos grandes villes. Evidemment, lorsque le chômage est important, il se surajoute. Les situations de précarité économique et de solitude se mettent ensemble. C'est la nouvelle problématique de l'exclusion.
Jolie : Au-delà de la lutte contre l'exclusion, à quand le combat pour la réinsertion ?
Dominique Versini : C'est ce que nous sommes en train de mettre en place : la doctrine de l'urgence sociale et de l'insertion. L'exclusion, c'est plutôt la réflexion sur l'évolution de la société. Pourquoi sommes-nous dans une société d'un tel isolement ? Vous avez bien vu cet été, 15 000 personnes âgées sont décédées. Dans quelle société voulons-nous vivre demain ? Dans ces immenses grandes villes dans lesquelles nous vivons ? Dans cette immense région d'Ile-de-France dans laquelle nous vivons ? Quelle relation entre les personnes âgées et les jeunes ? Quel urbanisme ? Quels modes de transport ? Quelles nouvelles formes de proximité allons-nous inventer ? Nos prédécesseurs étaient plutôt sur une option politique axée sur l'intervention majeure de l'Etat, l'assistanat. Alors que les gens qui sont dans l'exclusion ont envie de retrouver leur dignité, ont envie de s'insérer, de retrouver un emploi. Notre gouvernement est sur une dynamique afin de faire en sorte que chacun puisse retrouver sa place, avoir un emploi ou créer une entreprise. Et bien sûr, assister les plus fragiles, ceux pour qui on ne peut pas faire autrement, car il y en aura toujours.
Fader : Les femmes sont-elles plus fragiles ?
Dominique Versini : Elles ne sont pas plus fragiles. Mais lorsqu'elles sont à la rue par exemple, elles sont en plus grande difficulté parce qu'elles vivent beaucoup de violence, de viols. Les femmes sont aussi fragilisées parce qu'il y a beaucoup de mamans seules avec des enfants. Le nombre de familles monoparentales a énormément augmenté, la cellule familiale a explosé. La vie est plus difficile pour les femmes, parce qu'elles ont la garde des enfants. Elle l'est encore plus pour les jeunes femmes issues de l'immigration car les jeunes hommes issus de l'immigration portent un regard terrible sur les filles de leur génération. Elles subissent dans certains quartiers des pressions intégristes, islamistes. C'est pourquoi il a été très important que le Président tranche en faveur d'une loi sur la laïcité, pour protéger la laïcité, pour protéger les jeunes filles issues de l'immigration au sein de l'école.
Seb17 : 20 mois après la mise en place du gouvernement, quel bilan dressez-vous sur le problème de l'exclusion ?
Dominique Versini : Je suis très positive. Nous avons mis en place toute une dynamique pour amener les gens de l'urgence de l'exclusion vers l'insertion. Egalement parce que nous allons mettre en place en juin une conférence de lutte contre l'exclusion, qui aboutira à ce comité interministériel de lutte contre l'exclusion. Tout le gouvernement sera en marche dans ce combat contre l'exclusion.
(Source http://www.u-m-p.org, le 12 février 2004)
Dominique Versini : Bien sûr, mes fonctions gouvernementales sont dans le prolongement de la direction du SAMU social que j'ai exercée pendant 10 ans après l'avoir créé en 1993 avec Jacques Chirac, rappelons-le, et Xavier Emmanuelli. Cela me donne surtout l'expérience du terrain, qui me permet d'adapter nos politiques pour une plus grande efficacité dans la lutte contre l'exclusion, qui est un problème complexe et profond puisqu'il s'agit d'une exclusion des liens culturels, affectifs, sociaux... C'est une véritable crise du lien social, et nous sommes dans une marche vers un autre regard des gens, de la société, sur les exclus.
Pol : Les Restos du coeur n'ont jamais servi autant de repas. Est-ce un constat d'échec de l'ensemble des politiques de lutte contre l'exclusion ?
Dominique Versini : Non, c'est surtout le constat de nouvelles problématiques, notamment ces quatre ou cinq dernières années. Des flux très importants de demandeurs d'asile sont arrivés en France, que nos prédécesseurs n'ont pas jugulés, qu'ils n'ont pas traités, pour lesquels ils n'ont pas mis en place la réforme du droit d'asile que nous avons réalisée et qui est opérationnelle depuis le 1er janvier. Il s'agit surtout de nouvelles populations venant de l'étranger. Face à celles-ci, nous répondons par la réforme du droit d'asile et donc des délais plus rapides pour répondre à des gens qui demandent l'asile politique alors qu'ils relèvent plutôt de demandes d'asile économique.
Nif : Y a-t-il une continuité dans l'action de tous les gouvernements, de gauche comme de droite, vis-à-vis de l'exclusion ?
Dominique Versini : Depuis dix ans, l'ensemble des gouvernements ont mis en place des actions, surtout ponctuelles et dans l'urgence. Nous sommes pour la première fois en train de mettre en place une véritable doctrine de l'urgence sociale et de l'insertion. Et nous allons pour la première fois depuis 1998, date à laquelle a été votée la loi contre les exclusions, tenir, autour du Premier ministre, un comité interministériel de lutte contre l'exclusion, qui verra autour de la table tous les ministres du gouvernement repartir avec une feuille de route contre les exclusions. C'était dans la loi de 1998, c'est la droite qui le réalise.
Nif : Doit-on combattre l'exclusion directement ou indirectement, en luttant contre le chômage ?
Dominique Versini : Bien sûr, la lutte contre le chômage est de toutes façons indispensable. Dans une société où le monde de l'emploi a des exigences de plus en plus importantes, où les relations de travail évoluent beaucoup, le chômage est une partie importante de la lutte contre l'exclusion. C'est toute l'action que mène François Fillon pour encourager le plus de gens possibles à retrouver un emploi. C'est l'objectif des contrats jeunes, un contrat à durée indéterminée pour des jeunes peu qualifiés. C'est l'objectif de la relance des contrats d'insertion par l'activité économique. C'est encore l'objectif de Renaud Dutreil pour faciliter la création d'entreprise. Vous savez que sur les 250 000 entreprises créées en 2003, un créateur sur 3 est un chômeur. Beaucoup de gens qui sont au chômage ont un projet de création. Nous avons fait en sorte, avec Renaud Dutreil, qu'ils puissent le réaliser. L'exclusion c'est bien sûr plus large, parce que c'est aussi la crise de la société, la crise de la famille, de la religion, de l'engagement... C'est tout ce qui fait que les gens se sentent seuls dans nos grandes villes. Evidemment, lorsque le chômage est important, il se surajoute. Les situations de précarité économique et de solitude se mettent ensemble. C'est la nouvelle problématique de l'exclusion.
Jolie : Au-delà de la lutte contre l'exclusion, à quand le combat pour la réinsertion ?
Dominique Versini : C'est ce que nous sommes en train de mettre en place : la doctrine de l'urgence sociale et de l'insertion. L'exclusion, c'est plutôt la réflexion sur l'évolution de la société. Pourquoi sommes-nous dans une société d'un tel isolement ? Vous avez bien vu cet été, 15 000 personnes âgées sont décédées. Dans quelle société voulons-nous vivre demain ? Dans ces immenses grandes villes dans lesquelles nous vivons ? Dans cette immense région d'Ile-de-France dans laquelle nous vivons ? Quelle relation entre les personnes âgées et les jeunes ? Quel urbanisme ? Quels modes de transport ? Quelles nouvelles formes de proximité allons-nous inventer ? Nos prédécesseurs étaient plutôt sur une option politique axée sur l'intervention majeure de l'Etat, l'assistanat. Alors que les gens qui sont dans l'exclusion ont envie de retrouver leur dignité, ont envie de s'insérer, de retrouver un emploi. Notre gouvernement est sur une dynamique afin de faire en sorte que chacun puisse retrouver sa place, avoir un emploi ou créer une entreprise. Et bien sûr, assister les plus fragiles, ceux pour qui on ne peut pas faire autrement, car il y en aura toujours.
Fader : Les femmes sont-elles plus fragiles ?
Dominique Versini : Elles ne sont pas plus fragiles. Mais lorsqu'elles sont à la rue par exemple, elles sont en plus grande difficulté parce qu'elles vivent beaucoup de violence, de viols. Les femmes sont aussi fragilisées parce qu'il y a beaucoup de mamans seules avec des enfants. Le nombre de familles monoparentales a énormément augmenté, la cellule familiale a explosé. La vie est plus difficile pour les femmes, parce qu'elles ont la garde des enfants. Elle l'est encore plus pour les jeunes femmes issues de l'immigration car les jeunes hommes issus de l'immigration portent un regard terrible sur les filles de leur génération. Elles subissent dans certains quartiers des pressions intégristes, islamistes. C'est pourquoi il a été très important que le Président tranche en faveur d'une loi sur la laïcité, pour protéger la laïcité, pour protéger les jeunes filles issues de l'immigration au sein de l'école.
Seb17 : 20 mois après la mise en place du gouvernement, quel bilan dressez-vous sur le problème de l'exclusion ?
Dominique Versini : Je suis très positive. Nous avons mis en place toute une dynamique pour amener les gens de l'urgence de l'exclusion vers l'insertion. Egalement parce que nous allons mettre en place en juin une conférence de lutte contre l'exclusion, qui aboutira à ce comité interministériel de lutte contre l'exclusion. Tout le gouvernement sera en marche dans ce combat contre l'exclusion.
(Source http://www.u-m-p.org, le 12 février 2004)