Déclaration de M. Pierre-André Wiltzer, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur l'é volution des relations et de la coopération entre la France et la Tunisie et sur le rôle de la communauté française installée dans ce pays, à Tunis le 27 juin 2003.

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Circonstance : Voyage du ministre en Tunisie les 27 et 28 juin 2003

Texte intégral

Monsieur l'Ambassadeur, Madame,
Madame et Messieurs les Délégués du Conseil supérieur des Français de l'étranger,
Messieurs les Conseillers du Commerce extérieur,
Mesdames et Messieurs les Représentants des Corps constitués,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'association,
Je voudrais vous dire combien je suis heureux de vous rencontrer ce soir et je le fais non pas seul mais entouré de deux sénateurs, ou sénatrices. Je dis les deux parce que chacune a sa préférence. En tout cas, toutes les deux sont des parlementaires représentant le Sénat : Mme Ben Guiga préside le groupe d'amitié France/Tunisie au Sénat et Mme Paulette Brisepierre est vice-présidente de ce groupe et a des fonctions équivalentes en ce qui concerne les relations franco-marocaines. Toutes les deux sont des militantes particulièrement actives de la relation et du rapprochement de la France avec ces deux pays amis.
Je voudrais vous dire combien je suis heureux de vous rencontrer ce soir et remercier Monsieur l'Ambassadeur et Madame Aubin de La Messuzière d'avoir organisé cette réunion qui nous permet cette rencontre.
Dans tous mes déplacements, qui sont très nombreux, compte tenu de mes fonctions, notamment sur le continent africain mais pas seulement, je m'efforce toujours de rencontrer nos compatriotes car ils jouent un rôle très important dans les relations que nous entretenons avec les pays dans lesquels ils sont installés. Je sais que c'est un propos que l'on vous tient souvent mais cela n'est pas un propos de circonstances. Je mesure personnellement chaque jour à quel point c'est vrai.
Et ça l'est particulièrement ici, en Tunisie. Vous savez à quel point les relations franco-tunisiennes sont anciennes, extrêmement diverses mais aussi très étroites. Et ces relations se sont encore resserrées au cours de la récente période. La succession des visites de travail des ministres français à Tunis - dont celle du ministre des Affaires étrangères, Dominique de Villepin - mais aussi des ministres tunisiens à Paris - vous le voyez moins mais c'est aussi intense - témoigne d'une accélération, d'une intensification des contacts entre nos deux pays. Et d'ici la fin de l'année, comme vous le savez sans doute, la visite d'Etat que le président de la République française, M. Jacques Chirac, va faire en Tunisie à l'invitation du président Ben Ali, va venir couronner cette démarche pour donner encore plus de dynamisme et d'efficacité à une coopération pourtant déjà extrêmement active entre nos deux pays.
Vous jouez un rôle important dans cette démarche puisque vous donnez un visage à cette coopération et que vous la traduisez en actes concrets, sur le terrain, chaque jour, quelles que soient vos fonctions. Je tiens donc à vous remercier et à vous féliciter pour la manière dont vous vous acquittez de cette double mission que vous exercez souvent à titre entièrement bénévole mais qui est extrêmement utile. Je le mesure à ce que nous disent nos amis tunisiens.
Il existe entre la France et la Tunisie une relation particulière qui repose sur la confiance mutuelle et sur une très grande identité de vues concernant les principaux problèmes du monde actuel. Vous savez que ce voisinage politique, que ce dialogue confiant, s'accompagnent de relations économiques dont l'importance elle-même considérable témoigne des liens privilégiés que j'évoquais entre ces deux pays. La France aspire à consolider cette relation sur le plan économique. Elle est déterminée à favoriser la modernisation de l'économie tunisienne et à réorienter le partenariat franco-tunisien, en liaison avec nos partenaires d'ailleurs, pour mettre à la disposition de la Tunisie un choix plus large et surtout plus efficace d'instruments économiques et financiers et articuler cette coopération bilatérale avec la coopération entre la Tunisie et l'Union européenne. Je crois que nous pouvons ainsi nous réjouir d'accompagner les réformes structurelles qui sont conduites par la Tunisie à la suite de son accord d'association avec l'Union européenne.
Mais la solidité de l'engagement économique qui est le nôtre en Tunisie procède aussi de l'importance considérable des relations commerciales, des flux commerciaux entre les deux pays. Et là, nous touchons un domaine qui concerne de très près un certain nombre d'entre vous puisqu'il s'agit de la présence déterminante des entreprises françaises et de leur rôle dans l'économie tunisienne.
La France est de loin le premier partenaire économique et commercial de la Tunisie et le premier investisseur étranger. Et je suis heureux de noter que les échanges entre les deux pays depuis la signature de l'accord d'association que je viens d'évoquer n'ont pas cessé de s'intensifier ni le nombre d'entreprises françaises qui opèrent sur le marché tunisien d'augmenter.
Les contacts humains jouent également un rôle très important dans cette relation dont témoignent, parmi d'autres manifestations, les allées et venues des membres de la communauté tunisienne qui vit et travaille en France, ainsi que le million de touristes français qui séjourne chaque année en Tunisie.
Nous avons constaté avec satisfaction que la France et la Tunisie ont su accroître leur patrimoine commun, leur relation commune, en inscrivant cette coopération dans les exigences politiques, sociales et économiques qui sont celles du monde actuel. C'était le but de la nouvelle convention franco-tunisienne de coopération dans le domaine culturel, scientifique et technique, que j'ai pu signer hier avec le ministre tunisien des Affaires étrangères, M. Ben Yahia. Cette convention est née de la volonté qui nous était commune d'adapter les moyens et les objectifs de notre coopération à la réalité, qui a évolué, et aux exigences de notre époque.
De quelle manière adapter nos relations ? D'abord en les dynamisant par des outils de procédure plus efficaces. Cela permettra de donner un élan plus fort à certains volets de notre coopération. Je pense notamment à tout ce qui relève de la formation, des technologies de pointe, de l'audiovisuel, de l'enseignement du français. S'agissant de la formation, nous allons mettre en uvre une série de projets que nous avons définis de manière très rigoureuse, très précise, répondre d'actions ciblées qui comportent en particulier l'octroi, de manière révisée pour être plus efficace, de bourses d'études et de stages en France, dans certains secteurs prioritaires, notamment les secteurs scientifiques.
La France, vous le savez, est le premier partenaire de la Tunisie en matière de coopération universitaire et elle accompagne les efforts exceptionnels que la Tunisie développe actuellement dans ce domaine tout à fait essentiel. Et bien entendu, nous sommes tous très conscients qu'il convient d'aider la Tunisie à former - outre les élites qui fréquentent les universités et les grandes écoles, notamment les nôtres, à travers les systèmes qui existent déjà - les techniciens, les cadres moyens et supérieurs dont un pays comme la Tunisie, tout comme la France d'ailleurs, a de très grands besoins.
Dans les secteurs de pointe, nous comptons renforcer en particulier notre soutien aux technologies de l'information et de l'innovation technologique. Ce développement s'inscrira tout naturellement dans le cadre euro-méditerranéen. C'est un grand chantier, une grande perspective qui est ouverte devant nous. Vous savez que c'est un sujet sur lequel la France et la Tunisie, et leurs présidents respectifs, sont particulièrement engagés.
Dans le domaine de l'audiovisuel, de réelles perspectives de relance de la coopération franco-tunisienne existent également. La France est tout à fait en mesure et disposée à fournir des programmes et à développer des actions de formation dans ce domaine.
Enfin, notre coopération va s'efforcer de renforcer les moyens de l'enseignement en français et de l'enseignement du français en Tunisie. Cela correspond d'ailleurs à une demande que nous ont présentée - j'ai pu aujourd'hui encore en parler avec eux - les membres du gouvernement tunisien. Ils ont pu, comme nous d'ailleurs, s'inquiéter de l'érosion de la maîtrise de la langue française en Tunisie et pour remédier à cette situation, nous allons appuyer de manière plus résolue, plus forte, les dispositifs qui ont déjà été mis en place l'année dernière.
Le resserrement de nos relations dans tous ces domaines, et dans bien d'autres que je n'ai pas le temps de citer ce soir, vous concerne bien évidemment, que vous soyez enseignants, médecins, chercheurs, fonctionnaires, avocats, représentants des entreprises, commerçants, volontaires, artistes C'est vous qui donnez corps dans votre action, dans votre travail, dans vos contacts, à la richesse de cette relation franco-tunisienne.
Cette visite que je rends à la Tunisie en ce moment est donc pour moi l'occasion de saluer vos compétences, vos initiatives. Nos compatriotes binationaux, qui forment une part non-négligeable, une part importante de la communauté française de Tunisie sont pour nous, par leur double origine, un exemple heureux de ce lien, de cette entente entre nos deux pays.
Je n'oublie pas néanmoins qu'il y a parmi vous qui habitez et qui vivez ici en Tunisie des personnes qui connaissent un certain nombre de difficultés, qui ont des problèmes d'emploi, qui se retrouvent seules ou qui rencontrent d'autres difficultés individuelles. Je veux vous dire que ces attentes, ces inquiétudes ou ces angoisses qui sont relayées régulièrement par vos délégués au Conseil supérieur des Français de l'étranger, par les sénateurs et sénatrices des Français établis hors de France, nous sont évidemment particulièrement chères.
Ma visite ici est l'occasion de me pencher avec l'Ambassadeur et l'équipe de l'ambassade et des consulats sur ces situations et d'essayer de trouver les formules de solution mais c'est aussi l'occasion de réaffirmer que le gouvernement est très attentif à ce que la solidarité qui est due par notre communauté nationale à ceux et à celles qui sont installés à l'extérieur doit être concrètement et jour après jour assumée. Je voulais le redire ici.
Je sais aussi, pour évoquer un problème d'actualité, que les enseignants dans les établissements français de Tunisie ont voulu et pu d'ailleurs manifester leur préoccupation ou leurs craintes à propos des débats internes qui ont fait l'actualité au cours des dernières semaines en France. Ils l'ont fait, je dois le dire, avec le souci de préserver les missions essentielles du service public de l'éducation nationale, avec un sens de la responsabilité que je salue.
Il y a aussi d'autres préoccupations qui concernent notamment notre patrimoine immobilier dans le domaine des établissements scolaires, qu'il s'agisse de l'école de Mégrine, du collège de Sousse, de l'internat du lycée Gustave Flaubert, à la Marsa, et d'autres problèmes de ce genre. Nous sommes tout à fait conscients de ces difficultés de fonctionnement, de la vétusté de certaines installations, des travaux qui s'imposent. Nous mesurons parfaitement l'importance qu'il y a, pour les élèves et pour les enseignants, à ce que le cadre dans lequel ils travaillent, ils étudient, soit satisfaisant. Vous savez aussi, la presse s'en fait l'écho, que nous avons à traverser une période de difficultés économiques qui tient à la situation internationale et qui a des répercussions sur le plan national et particulièrement sur le plan budgétaire. Malgré ce contexte, le gouvernement s'efforcera de rechercher les solutions à apporter à ces difficultés.
Je voudrais vous dire pour conclure plus généralement, que nous avons ensemble, vous qui vivez ici et nous, en France, quelle que soit la nature de nos responsabilités, quelques beaux messages à exprimer autour de nous en ce moment, en tant que Français et donc porte-parole de notre pays, perçus comme tels, d'ailleurs, par nos interlocuteurs ; vous le savez mieux que quiconque. C'est notamment le message qui consiste à recommander le dialogue et la négociation pour dénouer les crises et régler les conflits et pour défaire par conséquent les violences et les guerres.
C'est aussi le message qui consiste à reconnaître à l'Organisation des Nations unies la responsabilité de fixer les règles d'une légalité internationale. Car le monde a besoin de règles et il a besoin aussi d'un lieu qui puisse être celui de la régulation, celui de l'arbitrage, celui de la décision de la communauté internationale, pour éviter que ce soit la politique du "chacun pour soi" ou la règle du plus fort qui l'emportent.
Et puis c'est le message qui consiste à mobiliser la communauté internationale et particulièrement les pays riches, les pays développés, les pays du Nord comme on dit, pour combler le fossé entre les riches et les pauvres, cette fracture mondiale qui non seulement existe mais a tendance, comme vous le savez, à s'aggraver. Et là, cette mobilisation est celle que nous devons mener en faveur du développement.
Sur ces trois messages, mais je pourrais en citer d'autres, je pense que nous pouvons être assez fiers de la position que la France a prise, notamment par la voix du président Chirac en différentes circonstances, et de l'écho que ces positions ont eu dans le monde.
A tous et à toutes, je voudrais dire que ces messages nous ont valu, comme toujours quand on essaye d'exprimer quelque chose qui n'est pas forcément banal, quelques critiques, quelques réactions de mauvaise humeur, même de certains de nos amis, mais je pense qu'elles nous ont aussi valu une écoute et, au total, un respect dans le monde qui mérite d'être noté.
Voilà les quelques mots que je voulais vous dire en conclusion en vous remerciant encore une fois d'avoir pris un peu de temps pour cette rencontre, en vous souhaitant à tous et à toutes beaucoup de succès dans vos initiatives et aussi beaucoup de bonheur sur le plan familial et personnel.
Merci de votre attention
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 juillet 2003)