Texte intégral
ALAIN BEDOUET : Les relations sociales et les rapports entre le MEDEF et les grandes centrales syndicales. C'est notre sujet de ce soir avec
DENIS KESSLER, vice-président délégué du MEDEF, et Raymond Soubie, PDG d'Altedia. Première question avec David.
David : Ma question est simple. Je voudrais savoir si le MEDEF est réellement prêt à quitter l'Urssaf ?
DENIS KESSLER : La décision qui a été prise aujourd'hui est une décision historique pour le MEDEF, cela consiste effectivement à dire qu'au 31 décembre au plus tard de l'an 2000, c'est-à-dire au plus tard dans 12 mois, le MEDEF aura quitté tous les organismes paritaires, y compris l'Urssaf, y compris évidemment les régimes de retraite par répartition, y compris la CNAM, y compris, si jamais nous ne parvenons pas à un accord, l'Unedic. Mais nous avons devant nous un an pour rebâtir un système avec nos partenaires syndicaux. Nous avons la ferme volonté de le faire, nous avons des idées, j'espère qu'ils accepteront d'en discuter avec nous, ils ont également des idées. Moi, je suis très confiant sur l'idée sur laquelle nous devrions trouver des solutions aux problèmes que nous avons identifiés.
ALAIN BEDOUET : David, vous êtes toujours là, vous vouliez préciser votre question, vous avez le droit de suite. On vous écoute.
David : Ma question portait sur les Urssaf parce que ces organismes accordent des moratoires de dettes aux patrons et c'est également eux qui vont être chargés de contrôler l'application de la loi sur les 35 heures à partir de février.
DENIS KESSLER : Ce débat sur l'Urssaf n'a même pas été évoqué aujourd'hui lors de notre réunion. Nous ne prenons pas les dossiers par le petit bout de la lorgnette et nous n'allons pas rester à l'Urssaf simplement parce qu'on y négocierait des délais de paiement. Ce n'est pas comme cela que nous avons réfléchi, je crois que nous avons pris vraiment le gros bout de la lorgnette. Nous avons un problème historique de refondation de notre système social français, l'Urssaf fait partie de cette refondation et nous allons regarder comment améliorer l'efficacité de l'Urssaf.
ALAIN BEDOUET : Raymond Soubie, quelles peuvent être les conséquences de ces décisions du patronat ?
RAYMOND SOUBIE : : C'est une décision, mais c'est une décision à effet différé si j'ai bien compris. La décision de principe est prise et elle sera appliquée si ou si ou si ne pas. Je voudrais quand même faire deux ou trois remarques sur le principe de la décision et ses conséquences surtout. Premièrement, le MEDEF, et il a entièrement raison, est favorable à ce qu'il y ait un réseau fort de relations et de négociations entre les partenaires sociaux et lui, ne serait-ce que pour limiter le champ de l'Etat. Et si, DENIS KESSLER me pardonne, il y a une contradiction un peu entre d'une part dire ça et d'autre part dire qu'on se retire de ce qui est depuis 40 ans le cur, au cur des résultats de la négociation collective. Donc s'il s'agit d'une tactique pour peser sur les négociations et pour en effet revoir un certain nombre de régimes, qui sont des régimes anciens, ils ont 40 ans, ils commencent à prendre de l'âge, il y a des choses qui doivent être revues, c'est très bien. S'il s'agit d'une décision formelle de se retirer vraiment du paritarisme, je crois que c'est grave pour les relations sociales en France parce que, entre l'Etat et les entreprises, il est bon qu'il y ait des négociations entre organisations intermédiaires. Et si on raisonne même, m'élevant au-dessus de ma condition, très au-dessus de ma condition, si on se met même en termes de défense des intérêts des entreprises, notre auditeur parlait de l'Urssaf; c'est un très bon exemple l'Urssaf, l'Urssaf intervient beaucoup dans la vie des entreprises, il vaut toujours mieux être présent qu'absent. Pas à n'importe quelle condition mais il vaut mieux être présent qu'absent.
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER, par rapport à ce que disait Raymond Soubie au début, c'est un départ différé mais un vrai départ ou vous être susceptible de changer de décision d'ici la fin 2000 ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, il faut que les choses soient extrêmement claires. Nous sommes partis. Date d'effet : au plus tard le 31 décembre de l'an 2000. La décision est extrêmement claire, c'est une résolution votée à 98 % par l'ensemble des représentants des MEDEF, c'est effectivement de quitter l'ensemble des organismes de Sécurité sociale. Date d'effet, je dis bien 31 décembre 2000. Dans le même temps, les mêmes ont voté une motion, une résolution qui nous dit : maintenant voilà le mandat que vous avez, il faut renégocier de nouvelles institutions, des nouvelles institutions, des nouvelles procédures, de trouver des nouvelles règles. Avec qui ? Eh bien d'abord avec les syndicats, de façon à ce qu'à la fin de l'an 2000 nous puissions rentrer, alors cette fois-ci vraiment, dans un monde un peu différent, mais qui ne soit pas la situation actuelle qui n'est pas tenable pour des chefs d'entreprise. Ecoutez, c'est la confusion des responsabilités dans le domaine de la protection sociale avec un Etat omniprésent, c'est une confusion des missions des organismes, c'est une confusion des financements, ce n'est pas possible de continuer comme ça ! Et donc le constat que nous avons fait, qui est partagé par tous les chefs d'entreprise de France, c'est que nous n'allons pas continuer à participer à un système dans lequel nous sommes réduits dans certains régimes à vraiment être des simples observateurs des décisions publiques. Donc voilà pourquoi nous prenons cette décision très lourde, que nous mesurons, que nous assurons.
ALAIN BEDOUET : Stéphane en ligne de Limoges.
Stéphane : J'aimerais savoir quelle est la place du patronat français, quelle est la légitimité de la place du patronat français dans les organisations paritaires.
DENIS KESSLER : La place ... par définition, un organisme paritaire devrait être composé au niveau des organes de direction à parts égales par des représentants des employeurs et par des représentants des salariés, c'est-à-dire les syndicats. Or c'est vrai dans certains organismes, comme par exemple l'assurance-chômage, c'est vrai dans les régimes de retraite par répartition mais ce n'est plus vrai par exemple en ce qui concerne l'assurance-maladie où il n'y a plus de paritarisme puisque même au sein du conseil d'administration il n'y a plus l'équilibre de pouvoirs entre représentants des employeurs-représentants des salariés. Mais en dehors de ça, il y a une autre idée, c'est évidemment que l'Etat légifère dans notre domaine sans cesse, ce qui fait que si l'Etat décide de ressources et décide des dépenses on se demande ce que l'on fait, même si on a un siège à un conseil d'administration. Ecoutez, la tradition d'un chef d'entreprise c'est d'assumer des responsabilités dans tous les domaines où il accepte évidemment de les exercer.
RAYMOND SOUBIE : : Je voudrais quand même rappeler pour les auditeurs qu'il y a deux sortes de régimeq paritaireq. Il y a les régimes paritaires qui ont été créés par les partenaires sociaux, l'Unedic par exemple, les régimes de retraite complémentaire qui sont des grandes victoires des syndicats et du CNPF, ancêtre du MEDEF, depuis la deuxième guerre mondiale et il y a des régimes dits paritaires qui sont les caisses de Sécurité sociale mais qui, en vérité, n'ont jamais vraiment été paritaires. C'est toujours l'Etat, qui d'abord les a créées par la loi, qui les a dirigées. Alors quand on parle de paritarisme, il faut être clair. Moi, j'ai la conviction, mais peut-être suis-je un pessimiste notoire, j'ai la conviction que l'Etat n'abandonnera pas la main sur les régimes de Sécurité sociale. Tout simplement parce que sur la famille, par exemple, il a une vraie légitimité, et que sur la maladie il a aussi une vraie légitimité et que d'ailleurs, du point de vue du MEDEF, moi je comprends très bien que le MEDEF s'interroge au niveau des principes - je ne parle même pas de l'organisation - sur le fait d'être présent dans des organismes qui sont quand même des organismes de la société française et qui sont loin des préoccupations des entreprises. Les retraites ne sont pas loin des préoccupations des entreprises, la santé et la famille, surtout, sont beaucoup plus loin des préoccupations des entreprises.
DENIS KESSLER : Je réagis tout de suite. Aucun chef d'entreprise en France, aucun responsable d'entreprise ne se soucie pas de la retraite de ses salariés, de la santé de ses salariés, des accidents, des accidents du travail, éventuellement des problèmes d'insertion des enfants des salariés, enfin soyons sérieux ! Nous avons assumé historiquement, bien avant 1945, bien avant la création des organismes de Sécurité sociale, des responsabilités extrêmement importantes. Il faut rappeler à nos auditeurs qu'à l'origine de nombreuses des institutions existantes il y avait en fait des entrepreneurs et des responsables d'entreprise. Nous voulons assumer nos responsabilités vis-à-vis de nos salariés parce que c'est fondamental pour nous. Le problème, c'est qu'on ne nous donne pas les conditions à l'heure actuelle pour pouvoir les exercer dans des conditions de clarté, clarté des missions et des financements. Un auditeur : Je voudrais poser une question au représentant du MEDEF. Si l'ensemble des syndicats disait " chiche, vous voulez partir, partez ", quelles seraient les répercussions au niveau de la gestion de tous ces organismes ?
DENIS KESSLER : C'est une excellente question mais j'ai l'impression que ce soir, d'après ce que nous avons pu voir, c'est que tous les syndicats - même s'ils considèrent que nous créerons un choc, et je le comprends parce que nous créons un choc, donc j'aurais été surpris qu'ils disent que nous l'avions pas fait -, mais tous les syndicats, je crois, participeront, je l'espère en tous cas mais je crois que c'est le cas, participeront à ces grands chantiers qui commenceront le 3 février. Mais imaginons le cas que vous avez évoqué et qui est que nous disons nous partons et que les syndicats disent : bravo, vous partez. Eh bien, il n'y a plus de paritarisme, c'est-à-dire que la position des syndicats évoluera aussi puisque je ne vois pas ce qui permettrait de justifier la présence des syndicats dans des organismes où il n'y aura plus les représentants des employeurs. Le paritarisme, ça se fait à deux. Il suffit qu'il y en ait un qui parte pour que l'autre parte. Et donc si les syndicats nous disaient " chiche ", nous aurions l'Etat. Oui, oui, on peut choisir ce modèle d'étatisation. Nous, nous avons choisi clairement la refondation, mais certains peuvent prévoir une étatisation de l'ensemble de la protection sociale, comme cela existe dans d'autres pays avec les résultats que l'on sait.
RAYMOND SOUBIE : : Je crois d'abord que les syndicats ne diront pas " chiche ", tout simplement parce que personne ne dira " chiche ". Je veux dire cette affaire peut peut-être s'apparenter à une célèbre course qui a lieu rue Lepic et dans laquelle il s'agissait non pas d'arriver le premier mais le dernier. Et je crois que chacun évitera de dire " chiche " au dernier moment. Deuxième remarque. Sur la question de notre auditeur : qu'est-ce qui se passe si le MEDEF s'en va des caisses de Sécurité sociale. Je ne voudrais pas être trop brutal, rien. L'Etat a déjà la main sur les cotisations et sur les prestations. Ca change un peu les problèmes de l'administration et de la gestion mais pas fondamentalement la situation. En revanche, sur les régimes paritaires de plein exercice, comme l'Unedic et les régimes complémentaires de retraite, ça change tout ! Dans un cas l'étatisation est déjà très avancée, c'est d'ailleurs une des raisons des protestations du MEDEF alors que dans les autres cas, l'étatisation est heureusement beaucoup plus faible.
ALAIN BEDOUET: Alors on criait au loup à propos des syndicats, on m'apporte des fiches, j'ai un Marc qui n'est pas inconnu, c'est Marc Blondel ? MARC BLONDEL : Oui, bonjour, Blondel. Je m'excuse, j'ai bien entendu, la discussion est fort intéressante mais je crois qu'il y a quelques interrogations. Je voudrais poser la question de savoir d'abord ce qui va se passer dans les 11 mois qui viennent, non pas pour la négociation mais le départ étant confirmé, si j'ai bien compris, quelle va être la nature du fonctionnement des institutions paritaires pendant 11 mois ? Ma seconde question s'adressera plus particulièrement à monsieur Kessler, la question est de savoir comment se fait-il qu'en voulant d'une manière affirmée et avec une communication confirmée que nous nous réapproprions le dialogue social, vous décidiez vous-mêmes de l'ordre du jour de nos prochaines discussions ? Comment se fait-il qu'on n'ait pas avancé les idées de clarification des charges et comment se fait-il qu'on n'ait pas abordé le problème du salaire différé ?
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER vous répond. D'abord comment ça va fonctionner, c'est vrai qu'on est en février, vous avez dit d'ici la fin de l'année, durant ces 10, 11 mois, ça va se passer comment ?
DENIS KESSLER : Vous me permettrez de saluer Marc Blondel que j'espère être un acteur important de cette refondation sociale en France, la place de FO fait que nous comptons sur lui pour jouer tout son rôle dans le gros effort que nous allons mener. Alors, que va-t-il se passer pendant les 11 mois ? C'est clair, nous ne pratiquerons pas et nulle part la politique de la chaise vide. Nous serons présents dans les conseils et nous allons assumer nos responsabilités jusqu'au 31 décembre. L'an 2000, il n'y a pas d'ambiguïté, nous ne voulons ni bloquer, ni empêcher le système de fonctionner, bien au contraire, nous serons là ! Donc aucune politique de chaise vide d'ici la fin de l'année. Maintenant en ce qui concerne l'ordre de nos travaux, très honnêtement Marc Blondel, je vous le dis, nous allons fixer tout cela et nous espérons que vous participerez à tout ceci dès le début du mois de février et nous serons ensemble. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir reconstruire quoi que ce soit tout seuls ! Et donc nous comptons sur vous pour pouvoir trouver les thèmes, les calendriers, les modalités de cet énorme chantier et nous le ferons, en ce qui nous concerne, avec beaucoup de bonne volonté pour parvenir à trouver des accords sur l'Unedic dès le mois de juin, sur l'ensemble des autres sujets le plus rapidement possible, au plus tard au mois de décembre. Donc, nous ne ferons rien sans vous et nous ferons tout avec vous.
ALAIN BEDOUET : Vous serez à ce rendez-vous ? MARC BLONDEL : Ecoutez, par la force des choses. Je veux pratiquer un syndicalisme indépendant. Ca veut donc dire que le seul résultat de ce syndicalisme, c'est la négociation avec les employeurs. Je suis donc condamné à m'y rendre, sinon c'est clair il faut que je m'appuie sur les organisations politiques et je ferais une autre forme de syndicalisme. Mais j'ai un peu peur, et j'ai besoin d'avoir des assurances très précises sur la question, il ne faudrait pas que nous revenions, le mot est peut-être un peu fort, à l'ancien régime et que d'une certaine façon, on veuille se substituer à la loi en définitive; les contrats que nous passerions de forme corporative. Alors une de mes interrogations, je l'avais d'ailleurs manifesté auprès du MEDEF, et j'espère bien à l'occasion de nos premiers contacts qu'on pourra relever cette ambiguïté.
RAYMOND SOUBIE : Ce que dit Marc Blondel est intéressant et ce que dit aussi DENIS KESSLER.
DENIS KESSLER dit : je ne fais pas la politique de la chaise vide et Marc Blondel dit : je viens. Donc l'addition des deux sont deux éléments positifs. Moi je n'ai aucune inquiétude pour les prochaines semaines, je suis sûr que des discussions vont s'engager sur la refondation, etc. Elles sont compliquées, elles sont compliquées en terme d'organisation et elles sont compliquées en terme de finance. D'autant que c'est comme dans Hamlet, il y a un troisième acteur qui est Polonius, qui est derrière la tenture. Alors certains essaient de tuer Polonius à travers la tenture mais enfin, Polonius il est quand même puissant et il a de vraies responsabilités. Donc c'est une affaire extraordinairement difficile. Les premières semaines, je les vois très bien. Mais c'est ensuite. Parce que pour signer des accords il faut être deux et même généralement un peu plus du côté des syndicats. Et dans l'affaire aujourd'hui, la grande, j'allais dire habileté, non-talent du MEDEF et notamment de
DENIS KESSLER est d'avoir pris un énorme bâton. L'énorme bâton, c'est la dénonciation qui fait qu'il s'en va au 31 décembre 2000. Enorme bâton parce que l'on sait combien les régimes paritaires sont importants pour l'ensemble des organisations syndicales, c'est un énorme bâton. Mais les négociations, ce sont des bâtons et ce sont des carottes et par conséquent moi j'attends de voir aussi les carottes.
BRIGITTE JEANPERRIN : Justement, moi ce qui m'intéresse, c'est les carottes, je suis assez gourmande, surtout je pense aux Français. Qu'est-ce qui est à changer dans l'Agirc, dans l'Arrco, dans les retraites complémentaires ? Qu'est-ce qui est à changer en fait dans les systèmes de base ? Vous voulez revoir quoi, exactement ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, nous n'allons pas ouvrir la négociation ce soir, vous êtes bienvenue, bien entendu Madame Jeanperrin, mais nous allons réserver à nos interlocuteurs syndicaux nos idées en espérant que eux-mêmes amenant des idées, nous allons voir les points de convergence et les points de divergence. Mais je vais quand même répondre d'un mot à votre question. En matière de retraite, tous les régimes auxquels nous participons, l'Arrco et l'Agirc, et puis nous sommes quand même présents à la CNAV, sont des régimes qui vont être confrontés au problème bien connu du vieillissement et ce n'est pas le rapport cocasse de monsieur Teulade qui va empêcher que le vieillissement se produise et qu'il produise des effets sur les régimes de retraite. Nous avons, nous, quelques idées. Par exemple, nous souhaiterions en discuter avec les partenaires sociaux, de réformes assez fondamentales qui permettraient à tous les salariés français de partir à la retraite à l'âge où ils le souhaitent. Des formules justement dans lesquelles, effectivement, on rendrait la liberté du départ à la retraite en fonction de l'état de santé, du départ à la retraite du conjoint, de la pénibilité, de l'âge de début d'activité. Cela, il faut qu'on en réfléchisse. Alors on, me dit : ah il y a des conditions d'employabilité et des conditions de chômage à (?) nous allons parler de cela. Nous sommes dans une économie vieillissante, je ne vois pas avec qui nous allons parler d'autre d'une réforme fondamentale des régimes de retraite qui permettrait de libéraliser le passage à la retraite et de laisser les salariés français partir, en fonction de leurs souhaits et en fonction des possibilités de l'employeur. C'est quelque chose de formidable ! Nous sommes à un an de la fin de ce que l'on appelle l'ASF, je ne veux pas entrer dans les détails techniques, c'est le système de financement de l'âge de la retraite à 60 ans, nous savons que ce système ne tiendra pas les années qui viennent. Comment faire autre chose ? Prévoir l'avenir. Et c'est comme ça que nous allons rassurer nos salariés ! Ils sont quand même conscients des problèmes du vieillissement, il faut leur trouver des solutions. Voilà un exemple. Eh bien cela nous allons en discuter.
RAYMOND SOUBIE : Ce qui est positif dans ce processus, c'est qu'en effet, il y a un certain nombre de grandes questions sociales qui ne sont pas réglées.
DENIS KESSLER vient d'en parler d'une, il y en a d'autres. L'employabilité, les paroles salariales il y a plein de sujets. Il est tout-à-fait clair que ces sujets, je crois qu'il est mieux pour la démocratie sociale, si l'on me permet d'employer ce mot, qu'ils soient abordés par négociation plutôt que par la seule volonté de l'Etat. Et donc, le côté très positif de la démarche du MEDEF, depuis plusieurs mois d'ailleurs, est d'obliger l'animal - l'animal, c'est l'ensemble des acteurs politiques et sociaux - à réagir sur ce sujet et à engager des négociations. Et là, il est, on l'a bien compris, sur le point d'aboutir. Le problème, c'est que l'objectif est compliqué, qu'il est difficile. Bref, je crois que ce qui va sortir de tout ce processus, il y a trois hypothèses. Je fais des spéculations. Première hypothèse : le MEDEF et les syndicats réussissent à avoir des accords. Ils sont au Panthéon social de la France,
DENIS KESSLER y siège entouré de Nicole Notat, Marc Blondel, Bernard Thibault s'il veut les rejoindre, etc
DENIS KESSLER : Ce n'est pas tout de suite
RAYMOND SOUBIE : Ce n'est pas tout de suite, le plus tard sera le mieux. Le Panthéon social, hein. Deuxième hypothèse : ça tourne mal et le MEDEF fait ce qu'il dit, puisqu'il l'a dit et qu'il le fait. Désastre. Pour tout le monde. Désastres pour les régimes sociaux, désastre pour l'Etat qui est en première ligne, désastre pour les syndicats et si on peut me permettre de l'ajouter, désastre pour le MEDEF. Et puis, il peut y avoir entre les deux une position intermédiaire, la vie est faite de positions intermédiaires. Et ma foi, je pense que même si on a une position intermédiaire, ça aura été un processus plutôt utile, mais difficile.
ALAIN BEDOUET : Maurice à Chartes. Bonsoir Maurice. Maurice : Bonsoir. Oui, le sujet a déjà été bien labouré, ça ne va pas être facile d'y rentrer. Moi, j'ai été administrateur de caisse primaire, j'ai été même président d'Urssaf à une époque où il y avait d'un côté les employeurs qui payaient une partie des cotisations, d'autre part les salariés et à ce moment-là, la gestion paritaire me paraissait tout-à-fait justifiée. Mais maintenant, maintenant que tous les Français pratiquement sont à la Sécurité sociale, si on y ajoute encore la Couverture médicale (sic) universelle, je ne vois pas du tout l'intérêt de la continuation d'une gestion paritaire. Alors, on a parlé de l'Etat, l'Etat. Mais qu'est-ce que c'est que l'Etat ? L'Etat, c'est l'émanation de la majorité parlementaire, qui peut changer. Alors, pourquoi nous présente-t-on toujours comme l'épouvantail l'Etat qui va gérer la Sécurité sociale ? Pour moi, la Sécurité sociale, c'est un service public qui doit être géré par la collectivité, représentée par une majorité, je répète, qui peut changer.
ALAIN BEDOUET : Quelqu'un veut réagir aux propos de Maurice ? Monsieur Soubie ?
RAYMOND SOUBIE : Monsieur, c'est ce qui se passe déjà, parce que la Sécurité sociale, ses décisions principales, sont prises entièrement par l'Etat. Les cotisations que vous payez, les impôts que vous payez, les prestations que vous recevez, elles sont décidées par l'Etat et pas par les conseils d'administration des caisses. Donc, c'est déjà un système qui a un zeste de paritarisme dans la gestion, mais qui sur le fond est déjà étatique. Et d'ailleurs, on sait bien que dans la plupart des pays, c'est l'Etat, lorsque c'est l'Etat, la collectivité qui s'en occupe, c'est l'Etat qui a en mains ces différents régimes-là. La France ne fait pas exception.
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER, commentaire vous aussi peut-être ?
DENIS KESSLER : Un commentaire, c'est que pour le moment, les employeurs acquittent encore une partie très importante de l'ensemble des dépenses sociales des Français, que ce soit en matière de maladie, en matière d'accidents du travail, en ce qui concerne la retraite complémentaire ou la retraite de base. Ce sont les employeurs qui acquittent une bonne partie. Les salariés également et puis, avec la création de la CSG, les revenus de l'épargne. Et donc les épargnants ont été mis à contribution, de même que d'autres ressources et revenus non salariaux. La CSG a changé quelque chose. Parce que, avant la CSG, le paritarisme avait trouvé comme origine le fait que les salariés apportaient leur contribution et avaient des représentants, les employeurs apportaient leur contribution financière et avaient des représentants et c'est comme ça qu'est né le paritarisme. Alors, la chose est un peu changée, mais il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, nous acquittons une bonne partie du coût de l'ensemble de la protection sociale des Français. Nous en sommes fiers, mais en même temps, on dit à chaque fois : faisons attention parce que ces prélèvements sont à l'heure actuelle importants, supérieurs à ceux qui existent dans d'autres pays. Et que si nous ne faisons pas attention, nous risquons d'avoir un véritable problème de coût du travail qui se traduira par des problèmes de sous-emploi et qui pourrait se traduire par des problèmes de compétitivité. Donc, dans l'exercice de nos responsabilités, on doit quand même rappeler que, à l'heure actuelle, nous sommes à l'origine du financement. Ce sont des cotisations. Si l'Etat veut s'occuper de tout, il lèvera des impôts. Alors, c'est une autre nature, ce sera d'autres assiettes, ce sera d'autres formules de recouvrement. Il lèvera des impôts et il assurera la responsabilité politique d'avoir levé des impôts vis-à-vis du Parlement et de sa majorité. Et ça donnera lieu à un débat politique. Le Président de la République a dit qu'il y avait deux choses en France. La démocratie politique, c'est le Parlement, les partis politiques, et on fait des lois et des règlements. Et puis la démocratie sociale, celle à laquelle j'appartiens. La démocratie sociale, elle ne gouverne pas par lois et par règlements, c'est par contrats et par conventions. Les cotisations, c'est le contrat et la convention. Je rappelle que l'impôt, c'est le propre de la démocratie politique.
ALAIN BEDOUET : Jean-Luc, en ligne du Tarn. Bonsoir.
Jean-Luc : Oui, bonsoir, c'est une question qui prolonge ce qui se dit actuellement. Au départ, la protection sociale est construite donc par les salariés et les patrons, essentiellement pour protéger les salariés. On est à l'heure de l'universalité de la protection sociale. Il y a disons, grosso modo, 21, 22 millions d'actifs en France et heureusement, la quasi-totalité des gens bénéficient de la couverture sociale. Est-ce que le paritarisme a encore aujourd'hui une légitimité ? Est-ce qu'il est légitime que l'ensemble de la protection sociale aujourd'hui soit gérée par quelques représentants des patrons et des syndicats, dont, en plus, la représentativité peut être discutée ? En prolongeant la question, est-ce qu'il ne serait pas intéressant, justement, de refonder complètement la protection sociale en unifiant ce qui relève aujourd'hui de l'assurance et des cotisations, ce qui relève de l'action de l'Etat et dans le secteur de l'assistance ? On voit bien par la CMU par exemple, qu'il y a incohérence dans le système, qu'il y a une place vide à laquelle il faut apporter une solution.
RAYMOND SOUBIE : Une remarque historique. Je rappelle que la Sécurité sociale en France a été créée par la loi. Par la loi. Et uniquement par la loi. Pas du tout par des accords. Et que, en effet, les cotisations, comme dit DENIS KESSLER, sont versées et par les salariés et par les entreprises, mais leur montant a toujours été fixé par l'Etat. Jamais, dans notre système de Sécurité sociale, les entreprises ont eu le moindre pouvoir sur la fixation du montant des cotisations. Donc, ça a toujours été un système d'Etat, et en effet, je ne crois pas avec l'universalité de la Sécurité sociale à laquelle vous faites allusion, que cela change à brefs délais.
DENIS KESSLER : Sur l'universalité, ne nous gaussons pas de mots. Je rappelle quand même que l'Etat en ce qui le concerne, s'est toujours mis en dehors de la Sécurité sociale. Je rappelle par exemple que les régimes spéciaux de retraites ou de pensions civiles, ce n'est pas la Sécurité sociale et la Cnav ne concerne que les salariés du secteur privé. Je rappelle qu'il y a beaucoup de régimes dérogatoires pour le secteur public en matière d'assurance maladie, sans parler des Mines, de la SCNF et autres. Donc, quand on parle de l'universalité de la Sécurité sociale, je rappelle simplement que oui, au niveau des salariés du secteur privé concurrentiel marchand, les 15 millions, grosso modo, de salariés que je représente et leurs familles, mais que bien souvent, l'Etat, lui, n'a pas respecté l'universalité de la Sécurité sociale, en se faisant ses petits régimes dans son coin, la plupart du temps beaucoup plus généreux que ceux du secteur privé, financés à partir d'impôts et qu'il n'a jamais voulu mélanger au reste. Donc, la situation actuelle n'est pas du tout celle de l'universalité. On a rajouté ensuite à ce que l'on appelle le régime général de la Sécurité sociale des tas de gens qui n'avaient pas place dans la fonction publique et qui n'étaient pas pris en charge au titre du secteur privé. Mais sur le fond de l'universalité, vous savez très bien qu'il y a une caisse et un régime pour les agriculteurs, qu'il y a une caisse et un régime pour les artisans, qu'il y a une caisse et un régime pour les salariés du secteur marchand, et que l'Etat, comme je le disais à l'instant, a gardé tout un fatras d'organismes qui lui sont directement rattachés, en tout cas qui échappent au droit commun.
BRIGITTE JEANPERRIN : Oui, juste tout-à-l'heure, quand vous disiez, si on ne réussit pas, on partira et l'Etat sera devant ses responsabilités. Ca veut dire que vous irez jusqu'à la grève des cotisations des employeurs sur les régimes de retraites complémentaires et autres pour que ce soit levé par l'impôt ?
DENIS KESSLER : Mais pas du tout. Madame Jeanperrin, nous ne sommes pas là en train d'agiter des scénarios catastrophes où nos salariés
BRIGITTE JEANPERRIN : . Vous l'avez un peu fait aujourd'hui quand même
DENIS KESSLER : Mais absolument pas. Où nos salariés devraient être inquiets. Il faut le dire à nos auditeurs : les salariés qui sont aujourd'hui pris en charge par les régimes de retraite, d'assurance chômage ou les régimes d'assurance maladie n'ont pas à s'inquiéter. N'ont pas à s'inquiéter, je le dis avec force. D'abord, parce que pendant l'an 2000, tout fonctionne, et que, après, on s'apercevra assez rapidement, qu'on trouve des solutions ou qu'on n'en trouve pas, et qu'à partir de ce moment-là, si on n'en trouve pas, bien entendu, nous, nous pensons que nos solutions garantiront la protection de nos salariés pour les années qui viennent et tiendront compte de l'Europe, et du vieillissement et des technologies et de la mondialisation, etc. Et auquel cas, et nous aurons vraiment trouvé des solutions pour faire face à tous les enjeux que nous aurons identifiés, ou alors l'Etat s'en occupera et puis l'Etat lèvera les cotisations, lèvera l'impôt et il en sera responsable et assurera la protection sociale des Français. C'est un choix de société. Qu'est-ce que je constate partout dans le monde simplement ? C'est que l'Etat a partout tendance à remettre aux partenaires sociaux la responsabilité de la protection sociale. Et en France, nous avons le mouvement inverse. Nous l'avons vu dans le domaine des relations sociales avec le seul Etat qui intervient dans le domaine de la réduction du temps de travail et de l'aménagement du temps de travail par la loi des 35 heures. Et nous le voyons dans les autres domaines où l'Etat continue son expansionnisme dans le domaine social, alors que dans les autres pays, la Suède, la Hollande, la Suisse, on constate au contraire, je peux citer aujourd'hui l'Espagne ou l'Italie, au contraire l'Etat est en train de dire : écoutez, trouvez des solutions, nous nous désengageons. Un exemple. Le régime d'accidents du travail en Italie, c'est une proposition du gouvernement de monsieur D'Alema, devrait être à l'heure actuelle privatisé. Et vous voyez bien que les choses peuvent être en plein mouvement partout dans le monde, dans un mouvement contraire à celui de la France.
RAYMOND SOUBIE : Encore un rappel historique. Les ordonnances de 1967 qui ont modifié la Sécurité sociale en France, avaient prévu que les conseil d'administration pouvaient modifier les cotisations. Et donc, on donnait une responsabilité financière aux conseils d'administration des caisses qui ne les ont jamais utilisées. Il ne faut pas oublier non plus que les caisses n'ont jamais utilisé ce pouvoir, là, qu'elles avaient. Cela dit, moi, je suis d'accord avec DENIS KESSLER. C'est vrai qu'un bon régime paritaire vaut mieux qu'un Etat excellent. Je suis tout-à-fait d'accord là-dessus. Simplement, encore faut-il ne pas mettre par terre tout le régime paritaire en disant : on va reconstruire un édifice magnifique et babylonien, alors que dans la vie, les modifications que l'on pourra apporter à ces régimes paritaires, nous le savons bien, sont des modifications - je ne crois pas qu'elles soient fondamentales - plus marginales à mon sens que fondamentales. Parce que la vie de la négociation est comme ça.
ALAIN BEDOUET : Pierre en ligne de Dijon. Bonsoir.
Pierre : Bonsoir. Je voulais savoir si le MEDEF ne joue pas son va-tout pour remplacer une opposition politique de plus en plus inconsistante ? Le MEDEF apparaît en effet de plus en plus comme le fer de lance de la droite idéologique dure.
ALAIN BEDOUET : Monsieur Kessler ?
DENIS KESSLER : Quelle surprise de dire cela le jour où nous disons le contraire, que notre rôle et nos interlocuteurs, ce ne sont pas les partis politiques, mais ce sont nos partenaires syndicaux ! Enfin, je veux dire, ce reproche n'a absolument aucun fondement ! Le jour où nous disons : nous faisons confiance aux 5 organisations syndicales pour s'asseoir à notre table, pour trouver ensemble nos solutions, c'est bien à notre place, dans notre rôle, dans notre sphère, avec nos dossiers. Et en aucun cas nous n'avons envie de nous substituer à des partis politiques quels qu'ils soient et nous n'avons aucune envie d'exercer le pouvoir d'Etat, quel qu'il soit ! Nous sommes non-partisans, apolitiques, nous avons la même attitude, quelles que soient les forces politiques ! Au contraire, nous disons nous, nous voulons qu'on respecte la démocratie sociale, nous voulons qu'on respecte les acteurs sociaux, nous voulons qu'on respecte les corps intermédiaires, nous voulons qu'on respecte les représentants des entrepreneurs. C'est un besoin de dire : laissez-nous, justement ! Et nous nous plaignons d'un interventionnisme croissant, proliférant de la chose publique dans notre domaine. Et c'est bien la raison pour laquelle on dit : écoutez, si vous voulez vous occuper de tout, prenez-le ! Mais attention, c'est un changement de société. Et nous rappelons qu'il faut (inaudible) des frontières. Qu'est-ce qu'a dit le Conseil constitutionnel ? Quelque chose qui n'est pas très loin de tout ceci en disant : attention, il y a la sphère de la loi, il y a la sphère du contrat. Alors, qu'on nous reproche maintenant de dire que nous remplaçons je ne sais pas quelle droite ou quelle gauche, c'est n'importe quoi ! Nous n'avons aucune relation particulière avec un quelconque parti politique. Et je vous dis qu'en ce qui nous concerne, que nous interlocuteurs, c'est les syndicats, nous interlocuteurs, c'est les salariés. Et point, c'est tout !
BRIGITTE JEANPERRIN : Oui, alors, il y a toute une partie justement, une autre chose dans la refondation sociale, on a parlé des organismes paritaires, c'est tout ce qui tourne autour du contrat de travail. Vous dites le contrat à durée indéterminé, le CDD (sic), ça ne va plus, il faut trouver autre chose ou quelque chose à côté, la formation professionnelle, le statut des cadres, il y en a des choses. Vous pensez que vous allez faire tout ça en un an ? Et vous priorités, elles sont où ? Donnez-nous quelques exemples concrets qui vont quand même intéresser les gens ce soir !
DENIS KESSLER : La France est un drôle de pays. En tout cas, il faut avoir l'espoir chevillé au corps pour se lancer dans une pareille aventure ! Parce que, dès que l'on lance quelque chose comme ça, dans lequel on prend des risques, mais en même temps, c'est exaltant de se dire que l'on va essayer de remettre des choses au point et qu'on va dialoguer et qu'on va essayer d'accoucher de quelque chose, bon. Moi, je trouve ça formidable. On devrait nous dire : allez-y ! On devrait nous dire : allez.
BRIGITTE JEANPERRIN : Ben oui, donnez-nous
DENIS KESSLER : A la place de cela, attention, vous allez vous planter, il y a une chance sur deux, l'Etat est là, à la fin de l'année, vous n'aurez rien fait ! Attendez
BRIGITTE JEANPERRIN : Concrètement, qu'est-ce que vous voulez, en clair ?
DENIS KESSLER : Je vais commencer à prendre du Prozac si ça continue
BRIGITTE JEANPERRIN : Contrat de travail, par exemple, vous voulez faire quoi ?
DENIS KESSLER : Je vais prendre un exemple. Je vais prendre un exemple. Le CDD date d'il y a 10 ans, hein, le contrat à durée déterminée, 10, 6 mois renouvelables, etc. Il date d'il y a 10 ans. Mais il y a 10 ans, il n'y avait que des contrats à durée indéterminée, l'intérim était relativement peu développé, on trouvait sur le marché des gens qui prenaient des contrats à durée indéterminée. A l'heure actuelle, pour des raisons d'évolution économique en profondeur, il est extrêmement difficile de trouver d'emblée un contrat à durée indéterminée. Et les jeunes le savent qu'ils vont d'un CDD à un intérim, puis à un nouveau CDD, puis éventuellement un intérim puis un contrat à l'essai, etc. Et on voit bien que cette situation ne correspond plus, parce que le CDD n'est plus adapté au fonctionnement actuel du marché du travail. Comment favoriser les jeunes, l'insertion des jeunes dans l'entreprise ? Voilà une question que l'on va dire aux syndicats. Faut-il trouver des nouveaux contrats de travail ? Contrats de projet, contrats de mission, contrats d'insertion, éventuellement des nouvelles formes de contrats à durée déterminée. Trouver des passerelles nouvelles pour que de l'école ou l'université à l'entreprise, chacun puisse Mais ça pose aussi un problème de chômage. C'est pour cela qu'on a tout mis sur la table. Pourquoi ? Si vous voulez, le système d'assurance chômage traite très mal à l'heure actuelle des gens qui passent d'un contrat à durée déterminée à un intérim puis à un contrat à durée déterminée. Ce n'est pas fait pour ça pour le moment l'Unedic. Qu'est-ce que nous avons dit ? Nous allons traiter les nouveaux contrats de travail d'un côté, de l'autre côté, nous allons réfléchir à l'évolution de l'assurance chômage pour traiter les nouvelles formes de développement de l'emploi. Ecoutez, et nous allons faire ça avec qui ? Encore nos interlocuteurs, parce que les CDD, c'est une décision entre les employeurs et les syndicats qui date d'il y a 10 ans, et l'Unedic, c'est aussi une décision, comme vous le savez, conventionnelle, entre les employeurs et les syndicats. Et donc, nous avons un superbe dossier à traiter en commun. Comment favoriser l'insertion des jeunes dans l'entreprise ? Eh bien ça, il va falloir s'y mettre.
ALAIN BEDOUET : 20 heures sur FRANCE INTER, merci à tous. Bonsoir.
(source http://www.medef.fr, le 20 janvier 2000)
DENIS KESSLER, vice-président délégué du MEDEF, et Raymond Soubie, PDG d'Altedia. Première question avec David.
David : Ma question est simple. Je voudrais savoir si le MEDEF est réellement prêt à quitter l'Urssaf ?
DENIS KESSLER : La décision qui a été prise aujourd'hui est une décision historique pour le MEDEF, cela consiste effectivement à dire qu'au 31 décembre au plus tard de l'an 2000, c'est-à-dire au plus tard dans 12 mois, le MEDEF aura quitté tous les organismes paritaires, y compris l'Urssaf, y compris évidemment les régimes de retraite par répartition, y compris la CNAM, y compris, si jamais nous ne parvenons pas à un accord, l'Unedic. Mais nous avons devant nous un an pour rebâtir un système avec nos partenaires syndicaux. Nous avons la ferme volonté de le faire, nous avons des idées, j'espère qu'ils accepteront d'en discuter avec nous, ils ont également des idées. Moi, je suis très confiant sur l'idée sur laquelle nous devrions trouver des solutions aux problèmes que nous avons identifiés.
ALAIN BEDOUET : David, vous êtes toujours là, vous vouliez préciser votre question, vous avez le droit de suite. On vous écoute.
David : Ma question portait sur les Urssaf parce que ces organismes accordent des moratoires de dettes aux patrons et c'est également eux qui vont être chargés de contrôler l'application de la loi sur les 35 heures à partir de février.
DENIS KESSLER : Ce débat sur l'Urssaf n'a même pas été évoqué aujourd'hui lors de notre réunion. Nous ne prenons pas les dossiers par le petit bout de la lorgnette et nous n'allons pas rester à l'Urssaf simplement parce qu'on y négocierait des délais de paiement. Ce n'est pas comme cela que nous avons réfléchi, je crois que nous avons pris vraiment le gros bout de la lorgnette. Nous avons un problème historique de refondation de notre système social français, l'Urssaf fait partie de cette refondation et nous allons regarder comment améliorer l'efficacité de l'Urssaf.
ALAIN BEDOUET : Raymond Soubie, quelles peuvent être les conséquences de ces décisions du patronat ?
RAYMOND SOUBIE : : C'est une décision, mais c'est une décision à effet différé si j'ai bien compris. La décision de principe est prise et elle sera appliquée si ou si ou si ne pas. Je voudrais quand même faire deux ou trois remarques sur le principe de la décision et ses conséquences surtout. Premièrement, le MEDEF, et il a entièrement raison, est favorable à ce qu'il y ait un réseau fort de relations et de négociations entre les partenaires sociaux et lui, ne serait-ce que pour limiter le champ de l'Etat. Et si, DENIS KESSLER me pardonne, il y a une contradiction un peu entre d'une part dire ça et d'autre part dire qu'on se retire de ce qui est depuis 40 ans le cur, au cur des résultats de la négociation collective. Donc s'il s'agit d'une tactique pour peser sur les négociations et pour en effet revoir un certain nombre de régimes, qui sont des régimes anciens, ils ont 40 ans, ils commencent à prendre de l'âge, il y a des choses qui doivent être revues, c'est très bien. S'il s'agit d'une décision formelle de se retirer vraiment du paritarisme, je crois que c'est grave pour les relations sociales en France parce que, entre l'Etat et les entreprises, il est bon qu'il y ait des négociations entre organisations intermédiaires. Et si on raisonne même, m'élevant au-dessus de ma condition, très au-dessus de ma condition, si on se met même en termes de défense des intérêts des entreprises, notre auditeur parlait de l'Urssaf; c'est un très bon exemple l'Urssaf, l'Urssaf intervient beaucoup dans la vie des entreprises, il vaut toujours mieux être présent qu'absent. Pas à n'importe quelle condition mais il vaut mieux être présent qu'absent.
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER, par rapport à ce que disait Raymond Soubie au début, c'est un départ différé mais un vrai départ ou vous être susceptible de changer de décision d'ici la fin 2000 ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, il faut que les choses soient extrêmement claires. Nous sommes partis. Date d'effet : au plus tard le 31 décembre de l'an 2000. La décision est extrêmement claire, c'est une résolution votée à 98 % par l'ensemble des représentants des MEDEF, c'est effectivement de quitter l'ensemble des organismes de Sécurité sociale. Date d'effet, je dis bien 31 décembre 2000. Dans le même temps, les mêmes ont voté une motion, une résolution qui nous dit : maintenant voilà le mandat que vous avez, il faut renégocier de nouvelles institutions, des nouvelles institutions, des nouvelles procédures, de trouver des nouvelles règles. Avec qui ? Eh bien d'abord avec les syndicats, de façon à ce qu'à la fin de l'an 2000 nous puissions rentrer, alors cette fois-ci vraiment, dans un monde un peu différent, mais qui ne soit pas la situation actuelle qui n'est pas tenable pour des chefs d'entreprise. Ecoutez, c'est la confusion des responsabilités dans le domaine de la protection sociale avec un Etat omniprésent, c'est une confusion des missions des organismes, c'est une confusion des financements, ce n'est pas possible de continuer comme ça ! Et donc le constat que nous avons fait, qui est partagé par tous les chefs d'entreprise de France, c'est que nous n'allons pas continuer à participer à un système dans lequel nous sommes réduits dans certains régimes à vraiment être des simples observateurs des décisions publiques. Donc voilà pourquoi nous prenons cette décision très lourde, que nous mesurons, que nous assurons.
ALAIN BEDOUET : Stéphane en ligne de Limoges.
Stéphane : J'aimerais savoir quelle est la place du patronat français, quelle est la légitimité de la place du patronat français dans les organisations paritaires.
DENIS KESSLER : La place ... par définition, un organisme paritaire devrait être composé au niveau des organes de direction à parts égales par des représentants des employeurs et par des représentants des salariés, c'est-à-dire les syndicats. Or c'est vrai dans certains organismes, comme par exemple l'assurance-chômage, c'est vrai dans les régimes de retraite par répartition mais ce n'est plus vrai par exemple en ce qui concerne l'assurance-maladie où il n'y a plus de paritarisme puisque même au sein du conseil d'administration il n'y a plus l'équilibre de pouvoirs entre représentants des employeurs-représentants des salariés. Mais en dehors de ça, il y a une autre idée, c'est évidemment que l'Etat légifère dans notre domaine sans cesse, ce qui fait que si l'Etat décide de ressources et décide des dépenses on se demande ce que l'on fait, même si on a un siège à un conseil d'administration. Ecoutez, la tradition d'un chef d'entreprise c'est d'assumer des responsabilités dans tous les domaines où il accepte évidemment de les exercer.
RAYMOND SOUBIE : : Je voudrais quand même rappeler pour les auditeurs qu'il y a deux sortes de régimeq paritaireq. Il y a les régimes paritaires qui ont été créés par les partenaires sociaux, l'Unedic par exemple, les régimes de retraite complémentaire qui sont des grandes victoires des syndicats et du CNPF, ancêtre du MEDEF, depuis la deuxième guerre mondiale et il y a des régimes dits paritaires qui sont les caisses de Sécurité sociale mais qui, en vérité, n'ont jamais vraiment été paritaires. C'est toujours l'Etat, qui d'abord les a créées par la loi, qui les a dirigées. Alors quand on parle de paritarisme, il faut être clair. Moi, j'ai la conviction, mais peut-être suis-je un pessimiste notoire, j'ai la conviction que l'Etat n'abandonnera pas la main sur les régimes de Sécurité sociale. Tout simplement parce que sur la famille, par exemple, il a une vraie légitimité, et que sur la maladie il a aussi une vraie légitimité et que d'ailleurs, du point de vue du MEDEF, moi je comprends très bien que le MEDEF s'interroge au niveau des principes - je ne parle même pas de l'organisation - sur le fait d'être présent dans des organismes qui sont quand même des organismes de la société française et qui sont loin des préoccupations des entreprises. Les retraites ne sont pas loin des préoccupations des entreprises, la santé et la famille, surtout, sont beaucoup plus loin des préoccupations des entreprises.
DENIS KESSLER : Je réagis tout de suite. Aucun chef d'entreprise en France, aucun responsable d'entreprise ne se soucie pas de la retraite de ses salariés, de la santé de ses salariés, des accidents, des accidents du travail, éventuellement des problèmes d'insertion des enfants des salariés, enfin soyons sérieux ! Nous avons assumé historiquement, bien avant 1945, bien avant la création des organismes de Sécurité sociale, des responsabilités extrêmement importantes. Il faut rappeler à nos auditeurs qu'à l'origine de nombreuses des institutions existantes il y avait en fait des entrepreneurs et des responsables d'entreprise. Nous voulons assumer nos responsabilités vis-à-vis de nos salariés parce que c'est fondamental pour nous. Le problème, c'est qu'on ne nous donne pas les conditions à l'heure actuelle pour pouvoir les exercer dans des conditions de clarté, clarté des missions et des financements. Un auditeur : Je voudrais poser une question au représentant du MEDEF. Si l'ensemble des syndicats disait " chiche, vous voulez partir, partez ", quelles seraient les répercussions au niveau de la gestion de tous ces organismes ?
DENIS KESSLER : C'est une excellente question mais j'ai l'impression que ce soir, d'après ce que nous avons pu voir, c'est que tous les syndicats - même s'ils considèrent que nous créerons un choc, et je le comprends parce que nous créons un choc, donc j'aurais été surpris qu'ils disent que nous l'avions pas fait -, mais tous les syndicats, je crois, participeront, je l'espère en tous cas mais je crois que c'est le cas, participeront à ces grands chantiers qui commenceront le 3 février. Mais imaginons le cas que vous avez évoqué et qui est que nous disons nous partons et que les syndicats disent : bravo, vous partez. Eh bien, il n'y a plus de paritarisme, c'est-à-dire que la position des syndicats évoluera aussi puisque je ne vois pas ce qui permettrait de justifier la présence des syndicats dans des organismes où il n'y aura plus les représentants des employeurs. Le paritarisme, ça se fait à deux. Il suffit qu'il y en ait un qui parte pour que l'autre parte. Et donc si les syndicats nous disaient " chiche ", nous aurions l'Etat. Oui, oui, on peut choisir ce modèle d'étatisation. Nous, nous avons choisi clairement la refondation, mais certains peuvent prévoir une étatisation de l'ensemble de la protection sociale, comme cela existe dans d'autres pays avec les résultats que l'on sait.
RAYMOND SOUBIE : : Je crois d'abord que les syndicats ne diront pas " chiche ", tout simplement parce que personne ne dira " chiche ". Je veux dire cette affaire peut peut-être s'apparenter à une célèbre course qui a lieu rue Lepic et dans laquelle il s'agissait non pas d'arriver le premier mais le dernier. Et je crois que chacun évitera de dire " chiche " au dernier moment. Deuxième remarque. Sur la question de notre auditeur : qu'est-ce qui se passe si le MEDEF s'en va des caisses de Sécurité sociale. Je ne voudrais pas être trop brutal, rien. L'Etat a déjà la main sur les cotisations et sur les prestations. Ca change un peu les problèmes de l'administration et de la gestion mais pas fondamentalement la situation. En revanche, sur les régimes paritaires de plein exercice, comme l'Unedic et les régimes complémentaires de retraite, ça change tout ! Dans un cas l'étatisation est déjà très avancée, c'est d'ailleurs une des raisons des protestations du MEDEF alors que dans les autres cas, l'étatisation est heureusement beaucoup plus faible.
ALAIN BEDOUET: Alors on criait au loup à propos des syndicats, on m'apporte des fiches, j'ai un Marc qui n'est pas inconnu, c'est Marc Blondel ? MARC BLONDEL : Oui, bonjour, Blondel. Je m'excuse, j'ai bien entendu, la discussion est fort intéressante mais je crois qu'il y a quelques interrogations. Je voudrais poser la question de savoir d'abord ce qui va se passer dans les 11 mois qui viennent, non pas pour la négociation mais le départ étant confirmé, si j'ai bien compris, quelle va être la nature du fonctionnement des institutions paritaires pendant 11 mois ? Ma seconde question s'adressera plus particulièrement à monsieur Kessler, la question est de savoir comment se fait-il qu'en voulant d'une manière affirmée et avec une communication confirmée que nous nous réapproprions le dialogue social, vous décidiez vous-mêmes de l'ordre du jour de nos prochaines discussions ? Comment se fait-il qu'on n'ait pas avancé les idées de clarification des charges et comment se fait-il qu'on n'ait pas abordé le problème du salaire différé ?
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER vous répond. D'abord comment ça va fonctionner, c'est vrai qu'on est en février, vous avez dit d'ici la fin de l'année, durant ces 10, 11 mois, ça va se passer comment ?
DENIS KESSLER : Vous me permettrez de saluer Marc Blondel que j'espère être un acteur important de cette refondation sociale en France, la place de FO fait que nous comptons sur lui pour jouer tout son rôle dans le gros effort que nous allons mener. Alors, que va-t-il se passer pendant les 11 mois ? C'est clair, nous ne pratiquerons pas et nulle part la politique de la chaise vide. Nous serons présents dans les conseils et nous allons assumer nos responsabilités jusqu'au 31 décembre. L'an 2000, il n'y a pas d'ambiguïté, nous ne voulons ni bloquer, ni empêcher le système de fonctionner, bien au contraire, nous serons là ! Donc aucune politique de chaise vide d'ici la fin de l'année. Maintenant en ce qui concerne l'ordre de nos travaux, très honnêtement Marc Blondel, je vous le dis, nous allons fixer tout cela et nous espérons que vous participerez à tout ceci dès le début du mois de février et nous serons ensemble. Je ne vois pas comment nous allons pouvoir reconstruire quoi que ce soit tout seuls ! Et donc nous comptons sur vous pour pouvoir trouver les thèmes, les calendriers, les modalités de cet énorme chantier et nous le ferons, en ce qui nous concerne, avec beaucoup de bonne volonté pour parvenir à trouver des accords sur l'Unedic dès le mois de juin, sur l'ensemble des autres sujets le plus rapidement possible, au plus tard au mois de décembre. Donc, nous ne ferons rien sans vous et nous ferons tout avec vous.
ALAIN BEDOUET : Vous serez à ce rendez-vous ? MARC BLONDEL : Ecoutez, par la force des choses. Je veux pratiquer un syndicalisme indépendant. Ca veut donc dire que le seul résultat de ce syndicalisme, c'est la négociation avec les employeurs. Je suis donc condamné à m'y rendre, sinon c'est clair il faut que je m'appuie sur les organisations politiques et je ferais une autre forme de syndicalisme. Mais j'ai un peu peur, et j'ai besoin d'avoir des assurances très précises sur la question, il ne faudrait pas que nous revenions, le mot est peut-être un peu fort, à l'ancien régime et que d'une certaine façon, on veuille se substituer à la loi en définitive; les contrats que nous passerions de forme corporative. Alors une de mes interrogations, je l'avais d'ailleurs manifesté auprès du MEDEF, et j'espère bien à l'occasion de nos premiers contacts qu'on pourra relever cette ambiguïté.
RAYMOND SOUBIE : Ce que dit Marc Blondel est intéressant et ce que dit aussi DENIS KESSLER.
DENIS KESSLER dit : je ne fais pas la politique de la chaise vide et Marc Blondel dit : je viens. Donc l'addition des deux sont deux éléments positifs. Moi je n'ai aucune inquiétude pour les prochaines semaines, je suis sûr que des discussions vont s'engager sur la refondation, etc. Elles sont compliquées, elles sont compliquées en terme d'organisation et elles sont compliquées en terme de finance. D'autant que c'est comme dans Hamlet, il y a un troisième acteur qui est Polonius, qui est derrière la tenture. Alors certains essaient de tuer Polonius à travers la tenture mais enfin, Polonius il est quand même puissant et il a de vraies responsabilités. Donc c'est une affaire extraordinairement difficile. Les premières semaines, je les vois très bien. Mais c'est ensuite. Parce que pour signer des accords il faut être deux et même généralement un peu plus du côté des syndicats. Et dans l'affaire aujourd'hui, la grande, j'allais dire habileté, non-talent du MEDEF et notamment de
DENIS KESSLER est d'avoir pris un énorme bâton. L'énorme bâton, c'est la dénonciation qui fait qu'il s'en va au 31 décembre 2000. Enorme bâton parce que l'on sait combien les régimes paritaires sont importants pour l'ensemble des organisations syndicales, c'est un énorme bâton. Mais les négociations, ce sont des bâtons et ce sont des carottes et par conséquent moi j'attends de voir aussi les carottes.
BRIGITTE JEANPERRIN : Justement, moi ce qui m'intéresse, c'est les carottes, je suis assez gourmande, surtout je pense aux Français. Qu'est-ce qui est à changer dans l'Agirc, dans l'Arrco, dans les retraites complémentaires ? Qu'est-ce qui est à changer en fait dans les systèmes de base ? Vous voulez revoir quoi, exactement ?
DENIS KESSLER : Ecoutez, nous n'allons pas ouvrir la négociation ce soir, vous êtes bienvenue, bien entendu Madame Jeanperrin, mais nous allons réserver à nos interlocuteurs syndicaux nos idées en espérant que eux-mêmes amenant des idées, nous allons voir les points de convergence et les points de divergence. Mais je vais quand même répondre d'un mot à votre question. En matière de retraite, tous les régimes auxquels nous participons, l'Arrco et l'Agirc, et puis nous sommes quand même présents à la CNAV, sont des régimes qui vont être confrontés au problème bien connu du vieillissement et ce n'est pas le rapport cocasse de monsieur Teulade qui va empêcher que le vieillissement se produise et qu'il produise des effets sur les régimes de retraite. Nous avons, nous, quelques idées. Par exemple, nous souhaiterions en discuter avec les partenaires sociaux, de réformes assez fondamentales qui permettraient à tous les salariés français de partir à la retraite à l'âge où ils le souhaitent. Des formules justement dans lesquelles, effectivement, on rendrait la liberté du départ à la retraite en fonction de l'état de santé, du départ à la retraite du conjoint, de la pénibilité, de l'âge de début d'activité. Cela, il faut qu'on en réfléchisse. Alors on, me dit : ah il y a des conditions d'employabilité et des conditions de chômage à (?) nous allons parler de cela. Nous sommes dans une économie vieillissante, je ne vois pas avec qui nous allons parler d'autre d'une réforme fondamentale des régimes de retraite qui permettrait de libéraliser le passage à la retraite et de laisser les salariés français partir, en fonction de leurs souhaits et en fonction des possibilités de l'employeur. C'est quelque chose de formidable ! Nous sommes à un an de la fin de ce que l'on appelle l'ASF, je ne veux pas entrer dans les détails techniques, c'est le système de financement de l'âge de la retraite à 60 ans, nous savons que ce système ne tiendra pas les années qui viennent. Comment faire autre chose ? Prévoir l'avenir. Et c'est comme ça que nous allons rassurer nos salariés ! Ils sont quand même conscients des problèmes du vieillissement, il faut leur trouver des solutions. Voilà un exemple. Eh bien cela nous allons en discuter.
RAYMOND SOUBIE : Ce qui est positif dans ce processus, c'est qu'en effet, il y a un certain nombre de grandes questions sociales qui ne sont pas réglées.
DENIS KESSLER vient d'en parler d'une, il y en a d'autres. L'employabilité, les paroles salariales il y a plein de sujets. Il est tout-à-fait clair que ces sujets, je crois qu'il est mieux pour la démocratie sociale, si l'on me permet d'employer ce mot, qu'ils soient abordés par négociation plutôt que par la seule volonté de l'Etat. Et donc, le côté très positif de la démarche du MEDEF, depuis plusieurs mois d'ailleurs, est d'obliger l'animal - l'animal, c'est l'ensemble des acteurs politiques et sociaux - à réagir sur ce sujet et à engager des négociations. Et là, il est, on l'a bien compris, sur le point d'aboutir. Le problème, c'est que l'objectif est compliqué, qu'il est difficile. Bref, je crois que ce qui va sortir de tout ce processus, il y a trois hypothèses. Je fais des spéculations. Première hypothèse : le MEDEF et les syndicats réussissent à avoir des accords. Ils sont au Panthéon social de la France,
DENIS KESSLER y siège entouré de Nicole Notat, Marc Blondel, Bernard Thibault s'il veut les rejoindre, etc
DENIS KESSLER : Ce n'est pas tout de suite
RAYMOND SOUBIE : Ce n'est pas tout de suite, le plus tard sera le mieux. Le Panthéon social, hein. Deuxième hypothèse : ça tourne mal et le MEDEF fait ce qu'il dit, puisqu'il l'a dit et qu'il le fait. Désastre. Pour tout le monde. Désastres pour les régimes sociaux, désastre pour l'Etat qui est en première ligne, désastre pour les syndicats et si on peut me permettre de l'ajouter, désastre pour le MEDEF. Et puis, il peut y avoir entre les deux une position intermédiaire, la vie est faite de positions intermédiaires. Et ma foi, je pense que même si on a une position intermédiaire, ça aura été un processus plutôt utile, mais difficile.
ALAIN BEDOUET : Maurice à Chartes. Bonsoir Maurice. Maurice : Bonsoir. Oui, le sujet a déjà été bien labouré, ça ne va pas être facile d'y rentrer. Moi, j'ai été administrateur de caisse primaire, j'ai été même président d'Urssaf à une époque où il y avait d'un côté les employeurs qui payaient une partie des cotisations, d'autre part les salariés et à ce moment-là, la gestion paritaire me paraissait tout-à-fait justifiée. Mais maintenant, maintenant que tous les Français pratiquement sont à la Sécurité sociale, si on y ajoute encore la Couverture médicale (sic) universelle, je ne vois pas du tout l'intérêt de la continuation d'une gestion paritaire. Alors, on a parlé de l'Etat, l'Etat. Mais qu'est-ce que c'est que l'Etat ? L'Etat, c'est l'émanation de la majorité parlementaire, qui peut changer. Alors, pourquoi nous présente-t-on toujours comme l'épouvantail l'Etat qui va gérer la Sécurité sociale ? Pour moi, la Sécurité sociale, c'est un service public qui doit être géré par la collectivité, représentée par une majorité, je répète, qui peut changer.
ALAIN BEDOUET : Quelqu'un veut réagir aux propos de Maurice ? Monsieur Soubie ?
RAYMOND SOUBIE : Monsieur, c'est ce qui se passe déjà, parce que la Sécurité sociale, ses décisions principales, sont prises entièrement par l'Etat. Les cotisations que vous payez, les impôts que vous payez, les prestations que vous recevez, elles sont décidées par l'Etat et pas par les conseils d'administration des caisses. Donc, c'est déjà un système qui a un zeste de paritarisme dans la gestion, mais qui sur le fond est déjà étatique. Et d'ailleurs, on sait bien que dans la plupart des pays, c'est l'Etat, lorsque c'est l'Etat, la collectivité qui s'en occupe, c'est l'Etat qui a en mains ces différents régimes-là. La France ne fait pas exception.
ALAIN BEDOUET : DENIS KESSLER, commentaire vous aussi peut-être ?
DENIS KESSLER : Un commentaire, c'est que pour le moment, les employeurs acquittent encore une partie très importante de l'ensemble des dépenses sociales des Français, que ce soit en matière de maladie, en matière d'accidents du travail, en ce qui concerne la retraite complémentaire ou la retraite de base. Ce sont les employeurs qui acquittent une bonne partie. Les salariés également et puis, avec la création de la CSG, les revenus de l'épargne. Et donc les épargnants ont été mis à contribution, de même que d'autres ressources et revenus non salariaux. La CSG a changé quelque chose. Parce que, avant la CSG, le paritarisme avait trouvé comme origine le fait que les salariés apportaient leur contribution et avaient des représentants, les employeurs apportaient leur contribution financière et avaient des représentants et c'est comme ça qu'est né le paritarisme. Alors, la chose est un peu changée, mais il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, nous acquittons une bonne partie du coût de l'ensemble de la protection sociale des Français. Nous en sommes fiers, mais en même temps, on dit à chaque fois : faisons attention parce que ces prélèvements sont à l'heure actuelle importants, supérieurs à ceux qui existent dans d'autres pays. Et que si nous ne faisons pas attention, nous risquons d'avoir un véritable problème de coût du travail qui se traduira par des problèmes de sous-emploi et qui pourrait se traduire par des problèmes de compétitivité. Donc, dans l'exercice de nos responsabilités, on doit quand même rappeler que, à l'heure actuelle, nous sommes à l'origine du financement. Ce sont des cotisations. Si l'Etat veut s'occuper de tout, il lèvera des impôts. Alors, c'est une autre nature, ce sera d'autres assiettes, ce sera d'autres formules de recouvrement. Il lèvera des impôts et il assurera la responsabilité politique d'avoir levé des impôts vis-à-vis du Parlement et de sa majorité. Et ça donnera lieu à un débat politique. Le Président de la République a dit qu'il y avait deux choses en France. La démocratie politique, c'est le Parlement, les partis politiques, et on fait des lois et des règlements. Et puis la démocratie sociale, celle à laquelle j'appartiens. La démocratie sociale, elle ne gouverne pas par lois et par règlements, c'est par contrats et par conventions. Les cotisations, c'est le contrat et la convention. Je rappelle que l'impôt, c'est le propre de la démocratie politique.
ALAIN BEDOUET : Jean-Luc, en ligne du Tarn. Bonsoir.
Jean-Luc : Oui, bonsoir, c'est une question qui prolonge ce qui se dit actuellement. Au départ, la protection sociale est construite donc par les salariés et les patrons, essentiellement pour protéger les salariés. On est à l'heure de l'universalité de la protection sociale. Il y a disons, grosso modo, 21, 22 millions d'actifs en France et heureusement, la quasi-totalité des gens bénéficient de la couverture sociale. Est-ce que le paritarisme a encore aujourd'hui une légitimité ? Est-ce qu'il est légitime que l'ensemble de la protection sociale aujourd'hui soit gérée par quelques représentants des patrons et des syndicats, dont, en plus, la représentativité peut être discutée ? En prolongeant la question, est-ce qu'il ne serait pas intéressant, justement, de refonder complètement la protection sociale en unifiant ce qui relève aujourd'hui de l'assurance et des cotisations, ce qui relève de l'action de l'Etat et dans le secteur de l'assistance ? On voit bien par la CMU par exemple, qu'il y a incohérence dans le système, qu'il y a une place vide à laquelle il faut apporter une solution.
RAYMOND SOUBIE : Une remarque historique. Je rappelle que la Sécurité sociale en France a été créée par la loi. Par la loi. Et uniquement par la loi. Pas du tout par des accords. Et que, en effet, les cotisations, comme dit DENIS KESSLER, sont versées et par les salariés et par les entreprises, mais leur montant a toujours été fixé par l'Etat. Jamais, dans notre système de Sécurité sociale, les entreprises ont eu le moindre pouvoir sur la fixation du montant des cotisations. Donc, ça a toujours été un système d'Etat, et en effet, je ne crois pas avec l'universalité de la Sécurité sociale à laquelle vous faites allusion, que cela change à brefs délais.
DENIS KESSLER : Sur l'universalité, ne nous gaussons pas de mots. Je rappelle quand même que l'Etat en ce qui le concerne, s'est toujours mis en dehors de la Sécurité sociale. Je rappelle par exemple que les régimes spéciaux de retraites ou de pensions civiles, ce n'est pas la Sécurité sociale et la Cnav ne concerne que les salariés du secteur privé. Je rappelle qu'il y a beaucoup de régimes dérogatoires pour le secteur public en matière d'assurance maladie, sans parler des Mines, de la SCNF et autres. Donc, quand on parle de l'universalité de la Sécurité sociale, je rappelle simplement que oui, au niveau des salariés du secteur privé concurrentiel marchand, les 15 millions, grosso modo, de salariés que je représente et leurs familles, mais que bien souvent, l'Etat, lui, n'a pas respecté l'universalité de la Sécurité sociale, en se faisant ses petits régimes dans son coin, la plupart du temps beaucoup plus généreux que ceux du secteur privé, financés à partir d'impôts et qu'il n'a jamais voulu mélanger au reste. Donc, la situation actuelle n'est pas du tout celle de l'universalité. On a rajouté ensuite à ce que l'on appelle le régime général de la Sécurité sociale des tas de gens qui n'avaient pas place dans la fonction publique et qui n'étaient pas pris en charge au titre du secteur privé. Mais sur le fond de l'universalité, vous savez très bien qu'il y a une caisse et un régime pour les agriculteurs, qu'il y a une caisse et un régime pour les artisans, qu'il y a une caisse et un régime pour les salariés du secteur marchand, et que l'Etat, comme je le disais à l'instant, a gardé tout un fatras d'organismes qui lui sont directement rattachés, en tout cas qui échappent au droit commun.
BRIGITTE JEANPERRIN : Oui, juste tout-à-l'heure, quand vous disiez, si on ne réussit pas, on partira et l'Etat sera devant ses responsabilités. Ca veut dire que vous irez jusqu'à la grève des cotisations des employeurs sur les régimes de retraites complémentaires et autres pour que ce soit levé par l'impôt ?
DENIS KESSLER : Mais pas du tout. Madame Jeanperrin, nous ne sommes pas là en train d'agiter des scénarios catastrophes où nos salariés
BRIGITTE JEANPERRIN : . Vous l'avez un peu fait aujourd'hui quand même
DENIS KESSLER : Mais absolument pas. Où nos salariés devraient être inquiets. Il faut le dire à nos auditeurs : les salariés qui sont aujourd'hui pris en charge par les régimes de retraite, d'assurance chômage ou les régimes d'assurance maladie n'ont pas à s'inquiéter. N'ont pas à s'inquiéter, je le dis avec force. D'abord, parce que pendant l'an 2000, tout fonctionne, et que, après, on s'apercevra assez rapidement, qu'on trouve des solutions ou qu'on n'en trouve pas, et qu'à partir de ce moment-là, si on n'en trouve pas, bien entendu, nous, nous pensons que nos solutions garantiront la protection de nos salariés pour les années qui viennent et tiendront compte de l'Europe, et du vieillissement et des technologies et de la mondialisation, etc. Et auquel cas, et nous aurons vraiment trouvé des solutions pour faire face à tous les enjeux que nous aurons identifiés, ou alors l'Etat s'en occupera et puis l'Etat lèvera les cotisations, lèvera l'impôt et il en sera responsable et assurera la protection sociale des Français. C'est un choix de société. Qu'est-ce que je constate partout dans le monde simplement ? C'est que l'Etat a partout tendance à remettre aux partenaires sociaux la responsabilité de la protection sociale. Et en France, nous avons le mouvement inverse. Nous l'avons vu dans le domaine des relations sociales avec le seul Etat qui intervient dans le domaine de la réduction du temps de travail et de l'aménagement du temps de travail par la loi des 35 heures. Et nous le voyons dans les autres domaines où l'Etat continue son expansionnisme dans le domaine social, alors que dans les autres pays, la Suède, la Hollande, la Suisse, on constate au contraire, je peux citer aujourd'hui l'Espagne ou l'Italie, au contraire l'Etat est en train de dire : écoutez, trouvez des solutions, nous nous désengageons. Un exemple. Le régime d'accidents du travail en Italie, c'est une proposition du gouvernement de monsieur D'Alema, devrait être à l'heure actuelle privatisé. Et vous voyez bien que les choses peuvent être en plein mouvement partout dans le monde, dans un mouvement contraire à celui de la France.
RAYMOND SOUBIE : Encore un rappel historique. Les ordonnances de 1967 qui ont modifié la Sécurité sociale en France, avaient prévu que les conseil d'administration pouvaient modifier les cotisations. Et donc, on donnait une responsabilité financière aux conseils d'administration des caisses qui ne les ont jamais utilisées. Il ne faut pas oublier non plus que les caisses n'ont jamais utilisé ce pouvoir, là, qu'elles avaient. Cela dit, moi, je suis d'accord avec DENIS KESSLER. C'est vrai qu'un bon régime paritaire vaut mieux qu'un Etat excellent. Je suis tout-à-fait d'accord là-dessus. Simplement, encore faut-il ne pas mettre par terre tout le régime paritaire en disant : on va reconstruire un édifice magnifique et babylonien, alors que dans la vie, les modifications que l'on pourra apporter à ces régimes paritaires, nous le savons bien, sont des modifications - je ne crois pas qu'elles soient fondamentales - plus marginales à mon sens que fondamentales. Parce que la vie de la négociation est comme ça.
ALAIN BEDOUET : Pierre en ligne de Dijon. Bonsoir.
Pierre : Bonsoir. Je voulais savoir si le MEDEF ne joue pas son va-tout pour remplacer une opposition politique de plus en plus inconsistante ? Le MEDEF apparaît en effet de plus en plus comme le fer de lance de la droite idéologique dure.
ALAIN BEDOUET : Monsieur Kessler ?
DENIS KESSLER : Quelle surprise de dire cela le jour où nous disons le contraire, que notre rôle et nos interlocuteurs, ce ne sont pas les partis politiques, mais ce sont nos partenaires syndicaux ! Enfin, je veux dire, ce reproche n'a absolument aucun fondement ! Le jour où nous disons : nous faisons confiance aux 5 organisations syndicales pour s'asseoir à notre table, pour trouver ensemble nos solutions, c'est bien à notre place, dans notre rôle, dans notre sphère, avec nos dossiers. Et en aucun cas nous n'avons envie de nous substituer à des partis politiques quels qu'ils soient et nous n'avons aucune envie d'exercer le pouvoir d'Etat, quel qu'il soit ! Nous sommes non-partisans, apolitiques, nous avons la même attitude, quelles que soient les forces politiques ! Au contraire, nous disons nous, nous voulons qu'on respecte la démocratie sociale, nous voulons qu'on respecte les acteurs sociaux, nous voulons qu'on respecte les corps intermédiaires, nous voulons qu'on respecte les représentants des entrepreneurs. C'est un besoin de dire : laissez-nous, justement ! Et nous nous plaignons d'un interventionnisme croissant, proliférant de la chose publique dans notre domaine. Et c'est bien la raison pour laquelle on dit : écoutez, si vous voulez vous occuper de tout, prenez-le ! Mais attention, c'est un changement de société. Et nous rappelons qu'il faut (inaudible) des frontières. Qu'est-ce qu'a dit le Conseil constitutionnel ? Quelque chose qui n'est pas très loin de tout ceci en disant : attention, il y a la sphère de la loi, il y a la sphère du contrat. Alors, qu'on nous reproche maintenant de dire que nous remplaçons je ne sais pas quelle droite ou quelle gauche, c'est n'importe quoi ! Nous n'avons aucune relation particulière avec un quelconque parti politique. Et je vous dis qu'en ce qui nous concerne, que nous interlocuteurs, c'est les syndicats, nous interlocuteurs, c'est les salariés. Et point, c'est tout !
BRIGITTE JEANPERRIN : Oui, alors, il y a toute une partie justement, une autre chose dans la refondation sociale, on a parlé des organismes paritaires, c'est tout ce qui tourne autour du contrat de travail. Vous dites le contrat à durée indéterminé, le CDD (sic), ça ne va plus, il faut trouver autre chose ou quelque chose à côté, la formation professionnelle, le statut des cadres, il y en a des choses. Vous pensez que vous allez faire tout ça en un an ? Et vous priorités, elles sont où ? Donnez-nous quelques exemples concrets qui vont quand même intéresser les gens ce soir !
DENIS KESSLER : La France est un drôle de pays. En tout cas, il faut avoir l'espoir chevillé au corps pour se lancer dans une pareille aventure ! Parce que, dès que l'on lance quelque chose comme ça, dans lequel on prend des risques, mais en même temps, c'est exaltant de se dire que l'on va essayer de remettre des choses au point et qu'on va dialoguer et qu'on va essayer d'accoucher de quelque chose, bon. Moi, je trouve ça formidable. On devrait nous dire : allez-y ! On devrait nous dire : allez.
BRIGITTE JEANPERRIN : Ben oui, donnez-nous
DENIS KESSLER : A la place de cela, attention, vous allez vous planter, il y a une chance sur deux, l'Etat est là, à la fin de l'année, vous n'aurez rien fait ! Attendez
BRIGITTE JEANPERRIN : Concrètement, qu'est-ce que vous voulez, en clair ?
DENIS KESSLER : Je vais commencer à prendre du Prozac si ça continue
BRIGITTE JEANPERRIN : Contrat de travail, par exemple, vous voulez faire quoi ?
DENIS KESSLER : Je vais prendre un exemple. Je vais prendre un exemple. Le CDD date d'il y a 10 ans, hein, le contrat à durée déterminée, 10, 6 mois renouvelables, etc. Il date d'il y a 10 ans. Mais il y a 10 ans, il n'y avait que des contrats à durée indéterminée, l'intérim était relativement peu développé, on trouvait sur le marché des gens qui prenaient des contrats à durée indéterminée. A l'heure actuelle, pour des raisons d'évolution économique en profondeur, il est extrêmement difficile de trouver d'emblée un contrat à durée indéterminée. Et les jeunes le savent qu'ils vont d'un CDD à un intérim, puis à un nouveau CDD, puis éventuellement un intérim puis un contrat à l'essai, etc. Et on voit bien que cette situation ne correspond plus, parce que le CDD n'est plus adapté au fonctionnement actuel du marché du travail. Comment favoriser les jeunes, l'insertion des jeunes dans l'entreprise ? Voilà une question que l'on va dire aux syndicats. Faut-il trouver des nouveaux contrats de travail ? Contrats de projet, contrats de mission, contrats d'insertion, éventuellement des nouvelles formes de contrats à durée déterminée. Trouver des passerelles nouvelles pour que de l'école ou l'université à l'entreprise, chacun puisse Mais ça pose aussi un problème de chômage. C'est pour cela qu'on a tout mis sur la table. Pourquoi ? Si vous voulez, le système d'assurance chômage traite très mal à l'heure actuelle des gens qui passent d'un contrat à durée déterminée à un intérim puis à un contrat à durée déterminée. Ce n'est pas fait pour ça pour le moment l'Unedic. Qu'est-ce que nous avons dit ? Nous allons traiter les nouveaux contrats de travail d'un côté, de l'autre côté, nous allons réfléchir à l'évolution de l'assurance chômage pour traiter les nouvelles formes de développement de l'emploi. Ecoutez, et nous allons faire ça avec qui ? Encore nos interlocuteurs, parce que les CDD, c'est une décision entre les employeurs et les syndicats qui date d'il y a 10 ans, et l'Unedic, c'est aussi une décision, comme vous le savez, conventionnelle, entre les employeurs et les syndicats. Et donc, nous avons un superbe dossier à traiter en commun. Comment favoriser l'insertion des jeunes dans l'entreprise ? Eh bien ça, il va falloir s'y mettre.
ALAIN BEDOUET : 20 heures sur FRANCE INTER, merci à tous. Bonsoir.
(source http://www.medef.fr, le 20 janvier 2000)