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Les marchés stagnent, l'export en pâtit
Depuis 2002, l'euro a augmenté de 27 % par rapport au dollar. Il est évident que cette appréciation de l'euro pèse sur les ventes de nos entreprises. Elle renchérit nos prix de vente à l'étranger même si les entreprises ont réagi et réduit leurs marges pour baisser leurs prix à l'export. Les prix de vente industriels, exprimés en euros, à l'exportation, ont ainsi diminué de 3,4 % depuis un an. A l'inverse, les biens importés sont meilleur marché. Et les distributeurs anticipent déjà une progression des ventes de téléviseurs à écran plat pour Noël, importés d'Asie, à prix particulièrement bas.
En réalité, nos exportations ne sont pas seulement déterminées par l'évolution du taux de change, et la France pâtit plus de la spécialisation géographique et sectorielle de ses exportations que de la hausse de l'euro. Les ventes hors des frontières dépendent également de la croissance de nos débouchés, du positionnement en gamme des produits exportés et de la concurrence avec les entreprises de la zone dollar. Un euro fort est compatible avec une croissance des exportations. D'ailleurs, certains de nos partenaires européens connaissent des hausses de leurs exportations dans ce contexte d'appréciation de l'euro.
Les exportations des entreprises allemandes sont deux fois plus importantes que celles des entreprises françaises et progressent cette année. La hausse de l'euro ne saurait donc expliquer les tendances divergentes des deux côtés du Rhin. Ainsi, si les biens d'équipement, catégorie durement touchée dans la conjoncture actuelle, occupent une part similaire dans les exportations allemandes et françaises, l'automobile pèse sensiblement plus lourd dans les ventres de l'Allemagne et a enregistré une croissance sensible en ce début d'année, notamment vers les Etats-Unis. Et les entreprises allemandes exportent proportionnellement plus vers les zones à forte croissance comme les pays asiatiques (quatre fois plus en Chine que les entreprises françaises) et les pays de l'élargissement européen (cinq fois plus).
En France, notre commerce extérieur souffre conjoncturellement car il se concentre dans des secteurs dont l'ajustement au niveau mondial a été marqué depuis plus deux ans (l'aéronautique, les nouvelles technologies, l'électronique) même si les perspectives restent porteuses. Enfin, nos entreprises sont surtout présentes sur le marché européen où la croissance est atone et relativement absentes dans les zones géographiques à forte croissance. Ainsi, la situation conjoncturelle des zones vers lesquelles nous exportons explique le ralentissement en 2003 de nos ventes à l'étranger. Ni la compétitivité de nos entreprises, équivalente à celle de l'Allemagne, ni la seule hausse de l'euro n'en sont les causes principales.
Le défi à relever pour nos entreprises consiste désormais à accroître les ventes sur les marchés les plus dynamiques, l'Asie et les pays de l'élargissement. Les pays qui vont rejoindre l'Union doivent devenir le véritable marché intérieur de nos PME. Le gouvernement a mis en uvre une réforme du dispositif public à l'exportation en ciblant vingt-cinq pays vers lesquels nos efforts d'appui à l'exportation seront prioritairement dirigés. Il s'agit des pays qui connaissent depuis plusieurs années les plus fortes croissances, qui augmentent fortement leurs importations et où la présence française est relativement faible. Après le plan export des Etats-Unis, j'ai lancé, lors de mon dernier déplacement en Russie, un plan export pour ce pays. La Chine, cinquième importateur mondial, qui compte déjà 350 millions d'acheteurs de produits étrangers, fait bien évidemment partie de la liste des pays retenus.
Depuis trente ans, l'Europe s'est imposée sur la scène commerciale internationale et la France a réussi à tirer son épingle du jeu grâce au commerce. L'entreprise a réussi puisque l'Europe est devenue un marché naturel pour nos entreprises (63 % de nos exportations) et la France demeure le quatrième exportateur mondial. Nos ventes à l'étranger ont plus que doublé en quinze ans en volume. Nos entreprises ont su s'adapter à la concurrence internationale, en élargissant la gamme des produits exportés et en se renforçant dans les secteurs d'excellence prometteurs. Notre positionnement sectoriel reste porteur à long terme car nos entreprises profiteront à plein du rebond mondial à condition qu'elles se tournent vers les marchés les plus dynamiques. Cinq millions de Français travaillent pour l'exportation et chaque nouveau milliard d'euros d'exportations génère 15.000 emplois.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 octobre 2003)