Texte intégral
Merci, Monsieur le Ministre, Bonsoir à chacune et à chacun d'entre vous.
C'est ma première visite officielle en dehors du territoire de l'Union européenne et j'ai voulu la faire ici, à Moscou, pour retrouver Serguei Lavrov.
Je dis "retrouver" parce que nous nous sommes déjà rencontrés il y a quelques jours, au lendemain de ma nomination comme ministre des Affaires étrangères de la République française à Bruxelles, pour le Conseil OTAN-Russie.
Naturellement, j'ai le souvenir très précis des discussions, qui ne sont pas terminées, sur l'accord de partenariat entre l'Union européenne et la Russie, puisqu'elles ont été largement menées par les services de mes anciens collègues de la Commission européenne. Sur cette grande question, très importante pour l'avenir de notre continent, nous souhaitons aboutir le plus vite possible à un règlement complet des quatorze points de préoccupation qu'avait exprimés la Russie, pour pouvoir consacrer notre énergie, notre intelligence, nos propositions, aux quatre grands chapitres de coopération entre l'Union européenne et la Russie.
C'est naturellement dans le même esprit que nous avons évoqué les relations entre l'OTAN et la Russie, qui ont fait l'objet de cette réunion, la semaine dernière à Bruxelles.
Une des grandes inquiétudes actuellement dans tous nos pays est celle du terrorisme et nous sommes convenus d'intensifier, notamment par des réunions de haut niveau, la coopération entre nos pays sur cette question de la lutte contre le terrorisme.
Le ministre a lui-même dit que nous avons évoqué un certain nombre de situations régionales, de crises ou de difficultés, en Géorgie, en Moldavie, dans le Haut-Karabakh.
Naturellement, comme le Ministre l'a dit, nous avons évoqué la question de la Tchétchénie, comme le président Poutine et le président Chirac l'avaient fait, comme mon prédécesseur Dominique de Villepin l'avait fait quand il était venu ici. J'ai eu l'occasion de redire au Ministre notre conviction que c'est la voie politique qui permettra d'aboutir à la réconciliation et à la stabilité dans cette région ; que, naturellement, un règlement et un processus politiques devaient être légitimes aux yeux des citoyens, du point de vue du respect des droits afin de faciliter un développement économique.
Nous avions commencé avec le ministre Lavrov une conversation importante, nous allons la poursuivre à l'occasion du dîner de travail ; nous l'avions commencée à Bruxelles, sur la situation du Kosovo et sur les grandes crises qui nous mobilisent actuellement au Proche-Orient et au Moyen-Orient. Là encore, nous pensons que c'est la voie politique qui doit être choisie.
Et s'agissant du conflit en Irak, notre conviction, celle de la France, c'est qu'il faut, dans le cadre des Nations unies, bien préparer la transition du 30 juin vers un gouvernement irakien légitime et représentatif.
Sur le conflit israélo-palestinien, dont nous allons continuer à parler tout à l'heure, je veux redire l'attachement de la France et de tous les autres pays de l'Union européenne avec lesquels je me trouvais ce week-end en Irlande, mes vingt quatre collègues, à la Feuille de route qui a fait l'objet d'un accord au niveau du Quartet avec la Russie, avec les États-Unis, l'Union européenne et les Nations unies. Pour nous, il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route, pour aboutir à l'objectif qui est le nôtre de deux États qui vivent côte à côte : l'État palestinien, viable, et un État d'Israël dans la sécurité. Pas d'alternative, sauf le chaos, encore plus de chaos et de terreur, il n'y a pas non plus d'alternative à la négociation, au respect, à l'écoute, notamment des Palestiniens, sauf la violence.
Merci beaucoup.
Q - (A propos de l'Irak et du rôle des Nations unies)
R. - Ce n'est pas aujourd'hui seulement que nous parlons des Nations unies à propos de l'Irak. Vous pouvez vous inquiéter des conditions dans lesquelles l'Irak, la solution pour l'Irak se fait dans le cadre des Nations unies.
Mais vous ne pouvez pas contester le fait que la France, depuis le début, avant même le début du conflit, et lorsque M. Bush a décrété sa fin, nous avons dit à chaque étape, chaque fois, que la seule solution était une solution politique dans le cadre des Nations unies. Ce n'est pas seulement aujourd'hui, à Moscou, que je le dis.
On ne doit pas regarder dans le rétroviseur pour savoir qui a eu raison, qui a eu tort. Chacun peut se faire une opinion. Regardons devant nous. Il faut sortir de cette tragédie. Et cela intéresse l'ensemble des régions du monde, et notamment la nôtre.
Hier matin j'étais à Paris avec Joschka Fischer pour rencontrer, pour un premier contact, M. Brahimi. Et ce que veut dire M. Brahimi, qui est actuellement avec le Secrétaire général des Nations Unies, est extrêmement important, puisque c'est lui qui va fournir les clés et les conditions dans lesquelles, dans le cadre des Nations unies, on pourra s'assurer que le gouvernement intérimaire, à partir du 1er juillet, sera un gouvernement représentatif, qualifié, respecté par les différentes communautés chiite, sunnite ou kurde en Irak. Et puis il y aura tout de suite après une résolution des Nations unies pour consolider ce processus. Et une seconde résolution après, et puis, je le pense, une conférence, au moins inter-irakienne dans un premier temps, puis plus large, plus internationale, pour consolider ce processus jusqu'aux élections de janvier 2005.
Voilà des étapes concrètes. Il faut bien préparer les étapes une à une, et les prendre dans l'ordre. Et la première c'est celle d'un gouvernement réellement représentatif, crédible et respecté par les différentes communautés irakiennes, le 1er juillet.
Q - Vous arrivez ici avec une claire "étiquette européenne". Est-ce que cela peut influencer la relation entre Paris et Moscou ?
R - Je ne sais pas très bien ce que veut dire ce mot "étiquette". Je préfère dire "expérience" et j'ajouterai "conviction", qui est très ancienne, et je ne reviens pas aux raisons de mon propre engagement, qui est lié à mon soutien, très jeune, au général de Gaulle, qui a dit de belles et de grandes choses sur le dialogue entre la Russie et la France, entre la Russie et l'Europe. Mais cette conviction européenne, que l'Europe doit être un acteur global dans le monde, et cette expérience acquise pendant cinq ans, notamment à l'occasion des négociations de l'Union avec la Russie, me seront probablement utiles pour prendre ma part au renforcement de liens, que souhaite le président de la République - il vous l'a dit il y a quelques jours ici à Moscou.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 21 avril 2004)