Texte intégral
H. Lauret -. On a encore vu hier, au Puy-du-Fou, les intermittents du spectacle qui ne désarment pas. Ce dossier qui conduit à l'annulation de tant et tant de festivals qui font l'orgueil de notre pays, de nos régions, on l'a l'impression que vous allez le traîner un peu comme un boulet et que vous donnez aussi, ce faisant, à vos adversaires, des verges pour vous faire fouetter pour dénoncer une politique culturelle, la vôtre, qui pêche par manque de moyens financiers mais aussi par grand dessein. Vous considérez que c'est injuste, bien sûr ?
- "C'est totalement injuste. D'abord, sur la question des moyens, je n'ai pas moins de moyens que mes prédécesseurs. Je tiens quand même à rappeler que le budget du ministère de la Culture a été, s'agissant de ses moyens d'intervention, renforcé en 2003 et qu'il se situera dans cette perspective en 2004..."
C'est une certitude ? Parce que nous sommes en plein arbitrage...
- "C'est en tout cas l'état actuel de mes négociations avec le ministre du Budget et le Premier ministre. Deuxièmement, quand on arrive dans un ministère, avant d'entreprendre des choses, il faut également regarder quel est l'état de l'instrument. Pour ma part, j'ai eu le sentiment, en arrivant Rue de Valois, que l'instrument était extrêmement fatigué, un peu épuisé, qu'il était menacé de stérilité et qu'il fallait l'engager dans une série de grandes réformes pour en faire un instrument efficace, de façon à ce qu'ensuite, dans un an ou deux, on puisse engager de nouveaux grands projets. C'est un ministère qui, depuis cinquante ans, sédimente, sans jamais faire de choix ou en en faisant très peu. Le moment des choix est revenu. C'est ça faire de la politique culturelle."
Mais là, vous nous faites le coup de l'héritage !
- "Non, ce n'est pas le coup de l'héritage. Dans cet héritage, d'ailleurs, il y a des ministres de tous partis. J'évoque bien la sédimentation qui s'est effectuée depuis la création du ministère de la Culture, donc depuis 1959. Le ministère était héritier de structures administratives antérieures, donc en fait, le ministère de la Culture d'aujourd'hui est un ministère qui est très lesté par son incapacité, au cours des dernières années, à avoir su faire des choix, hiérarchiser ses priorités et donc redéfinir des objectifs très visibles."
Restons sur cette affaire des intermittents, parce qu'on voit bien qu'elle n'est pas terminée. La réforme d'indemnisation était inévitable, je crois que tout le monde est d'accord sur ce postulat. Mais s'y est-on bien pris ? N'a-t-on pas sacrifié la méthodologie à une part d'idéologie, celle de la droite qui est de retour - "vous allez voir ce que vous allez voir !" ? On vous a aussi reproché d'avoir manqué de sens politique, par exemple, en dénonçant le calendrier. Est-ce qu'il fallait véritablement que les partenaires sociaux concluent à cette époque de l'année, avant les festivals de l'été ?
- "Tout cela, c'est un tissu de contresens. Tout d'abord, je tiens à rappeler que l'intermittence du spectacle n'est pas un statut, comme certains le prétendent mais que c'est un régime d'assurance chômage, un régime particulier qu'il appartient à l'Unedic, donc aux partenaires sociaux, de façon paritaire, de le gérer. C'est également à eux qu'il appartient de définir le calendrier de leurs négociations. Je rappelle à chacun que c'est au mois de décembre dernier que les partenaires sociaux avaient décidé de conclure leurs négociations avant le 30 juin de cette année 2003. J'aurais préféré, naturellement, qu'ils le fassent plus rapidement mais l'Etat n'a pas vocation à se substituer à la responsabilité des partenaires sociaux. L'Etat doit cesser de vouloir tout faire, d'intervenir dans tout. D'autre part, s'agissant du calendrier, y a-t-il un bon calendrier ? Est-ce que le règlement de cette situation au mois de mai, pendant le Festival de Cannes, aurait été opportune ? Est-ce que cela aurait été opportun à la fin mai, au mois de juin, quand se tenaient les questions de la retraite et de l'Education ? Est-ce que cela aurait été opportun, à la rentrée, au moment du festival d'automne, de la rentrée des théâtres et des concerts ? Quand on veut réformer, on se rend compte que finalement, on peut toujours se trouver de bons prétextes pour ne pas réformer. C'est un peu comme les gens qui veulent s'arrêter de fumer ou ceux qui veulent engager un régime : il y a toujours un prétexte pour ne pas le faire. Les partenaires sociaux ont choisi ce calendrier, il n'était peut-être pas, en effet, le plus opportun, mais en tout cas, c'est à eux qu'ils appartenaient de le définir."
Mais déclarer la guerre aux abus, là-dessus, là encore, je crois que tout le monde est d'accord - on vous reconnaît d'ailleurs clairement un certain courage ou un courage certain... Mais on ne voit pas bien aujourd'hui où sont les modalités d'ordre structurel qui permettront véritablement de faire bouger le système. Et on a surtout le sentiment - les artistes le disent d'ailleurs - que, d'une certaine manière, vous vous en êtes pris au monde des artistes, au monde de la culture et de l'art, en voulant tout mêler, c'est-à-dire en vous attaquant à un dispositif qui, c'est vrai, fabrique 828 millions d'euros de déficit...
- "Tout d'abord, le déficit, c'est une réalité objective. Aujourd'hui, on se rend compte que le déficit, comme vous le dites, s'élève à 828 millions d'euros par an. D'autre part, ce déficit galope d'année en année, il augmente de 100 millions d'euros supplémentaires chaque année. On dit "vous, vous", parfois, on dit même "votre accord", comme si l'accord du 26 juin était l'accord du ministre de la Culture..."
Mais vous l'avez agréé...
- "C'est le ministre des Affaires sociales qui l'agréera ; la procédure d'agrément est en cours. J'ai le sentiment que si je n'avais pas agi dans le sens des intérêts des professionnels du spectacle et de l'audiovisuel, il n'y aurait plus de régime spécifique d'assurance chômage pour ces professionnels. La position, l'état d'esprit dans lequel j'ai trouvé certains partenaires sociaux, notamment le Medef, il y a un an, c'était la dénonciation pure et simple des annexes 8 et 10 et le reversement de l'ensemble des salariés du secteur dans l'annexe 4, celle du travail temporaire. Je me suis fixé comme objectif de tout faire pour sauver l'intermittence et j'y suis parvenu à force de discussion avec les uns et les autres, de conviction également. J'ai vraiment le sentiment d'avoir sauvé ce régime. Ensuite, il appartenait, de façon tout à fait responsable, aux partenaires sociaux de prendre [inaud] vers une meilleure économie. Non pas vers l'équilibre comptable comme disent certains : il est impossible. L'intermittence sera toujours déficitaire. La seule question est de savoir jusqu'à quel point les partenaires sociaux responsables de l'Unedic sont prêts à consentir un déficit. Mais le déficit, il existera toujours."
Parlons maintenant de votre politique. Il y a un certain nombre de choses que vous avez engagées, qu'on n'a pas nécessairement bien vues, dont une réforme des musées, dont une politique du financement du cinéma, votre projet de loi sur le mécénat, sur l'archéologie préventive, cela fait beaucoup de choses, tout cela est, sans doute, nécessaire mais on a un peu le sentiment que tout cela n'est pas très spectaculaire et qu'aujourd'hui, au fond, vous en souffrez à titre personnel ?
- "Je crois que la politique est faite pour faire des choses sérieuses. Nos concitoyens, notre pays, ont besoin d'engagements sérieux, d'engagements de fond. Quand j'engage le ministère de la Culture dans la décentralisation, dans une nouvelle façon de considérer les relations entre l'Etat et les collectivités locales, quand j'invite les grands établissements de l'Etat qui pratiquement sont tous à Paris, à ouvrir des antennes en région, à mettre en place, s'agissant des musées, des prêts, des dépôts plus systématiques dans les grands musées en région, quand je fais voter par le Parlement une loi sur le mécénat qui fait que notre pays qui était à la traîne du mécénat en Europe, désormais, est à la pointe du mécénat s'agissant des dispositions fiscales de la loi, quand j'engage la réforme de nos musées, que j'autonomise le musée du Louvre, le musée du Louvre qui subissait une situation administrative d'un autre temps, puisque le patron du Louvre n'était pas le vrai patron du Louvre - les personnels, les projets culturels étaient gérés par la direction des musées de France -, j'ai vraiment le sentiment de moderniser l'outil, s'agissant de la relation entre l'Etat et les collectivités locales, la relation entre l'Etat et les industries culturelles, la relation entre l'Etat et les citoyens, pour faire en sorte que, demain, la culture soit une réalité beaucoup plus vivace, beaucoup plus partagée, beaucoup plus tonique dans notre pays. Ce travail était à faire en amont, la facilité pour un ministre de la Culture, c'est d'inventer une nouvelle fête, d'organiser un nouveau divertissement."
Oui mais cela marche ! Les cabines de Paris-plage, cela se voit ! Cela se voit tous les jours d'ailleurs.
- "Je suis vraiment très heureux que Paris-plage donne beaucoup de satisfaction aux Parisiens. Je crois que lorsqu'on a la responsabilité de la politique culturelle d'un pays ou de celle d'une ville, il faut aussi penser les choses plus radicalement, penser à la politique du logement, penser à la politique des transports, penser à la politique de lutte contre la pollution. C'est également cela qui est important. Nous n'avons pas pour vocation de donner, de laisser à nos concitoyens que le souvenir de belles fêtes. Cela serait très superficiel et très souvent, cela finit par de grands drames. La politique est également faite pour faire des choses radicales, des choses profondes, des choses sérieuses, des choses qui servent dans le temps."
C'est vous en résumé ça. On a aussi envie de dire que la culture ou la politique de la culture, c'est les paillettes, c'est un peu glamour, ce sont des choses qui se voient. On sait que vous êtes quelqu'un de connu, de reconnu par vos pairs, il n'y a pas de doute là-dessus. On sait que vous êtes quelqu'un de très sensible à tous ces aspects. Et puis, on a envie de vous dire "mais faites quelque chose, M. le ministre, qui montre que, s'agissant de la politique culturelle, vous avez, vous aussi, un grand dessein, un grand voyage dans la tête.
- "J'ai un grand dessein. Quand, cette année, j'ai lancé une campagne de création de bibliothèques dans les campagnes et à la périphérie des villes, donc dans deux territoires totalement déshérités culturellement de notre pays, j'ai vraiment le sentiment de faire de grandes choses. Quand, demain, au fin fond des campagnes, à la périphérie des villes, là où n'entre jamais, finalement, aucun espoir culturel, aucune idée, aucune lecture, aucun contact avec l'art, je saurais que des jeunes et des moins jeunes peuvent lire, peuvent voir des films, peuvent se retrouver pour discuter, peuvent retrouver toute la dimension de leur dignité culturelle, j'aurais vraiment le sentiment d'avoir rendu service à notre pays, à nos concitoyens."
Mais la politique de la droite en matière de culture, c'est quoi ? C'est de moins en moins financement public et de plus en plus d'argent privé ?
- "C'est que l'Etat joue son rôle. L'Etat a un rôle stratégique, l'Etat doit faire beaucoup de choses dans le domaine de la culture. Mais par ailleurs, l'Etat ne doit pas tout faire ou prétendre tout faire, parce que quand l'Etat prétend tout faire, il fait tout mal. Je crois qu'aujourd'hui, il faut que l'Etat apprenne à partager, partager avec les collectivités locales qui, d'ailleurs, sont les principaux acteurs de la vie culturelle de notre pays."
Donc "décentralisons", c'est ce que vous dites ?
- "Décentralisons, cela veut dire, dans le domaine de la culture, apprenons à mieux coordonner l'action de l'Etat et des collectivités locales. D'autre part, je tiens également à ce que dans le domaine de l'initiative privée, chacun puisse concourir au développement culturel, par le biais des industries culturelles, par le biais des activités culturelles. Votre radio illustre ce phénomène : votre radio concourt, d'une certaine façon, à un service public de la culture. Elle met de la musique, elle met de l'intelligence, elle met du savoir à la disposition de nos concitoyens. Le mécénat n'est pas une façon pour moi de dédouaner l'Etat de ses responsabilités mais bien une façon de dire que l'Etat doit savoir partager l'initiative culturelle avec tous nos concitoyens."
C'est un peu l'inverse de la grande inspiration d'un Malraux quand même ?
- "Non, pas du tout. Vous savez que Malraux regardait les choses de très près et ne disposait que d'un budget misérable. Le budget du ministère de la Culture, à l'époque de Malraux, c'était très très peu de choses, c'était un budget d'intervention très modeste. Il faut apprendre à conjuguer le sens du verbe au sens des réalités, au sens du partage, au sens de l'efficacité. Ensuite, viendra le temps des fêtes, le temps des choses brillantes et non pas le temps des paillettes. Pour ma part, l'expression de "paillettes" me fait tout simplement horreur. C'est une façon de tromper les gens, de les divertir, de les ensorceler. Je crois que notre devoir c'est de respecter les citoyens et de leur donner à comprendre que la culture est une grande chose et que c'est une chose sérieuse."
Une dernière question, en matière de communication, parce que vous êtes aussi le ministre de la Communication : va-t-on augmenter la redevance audiovisuelle ou pas ?
- "La question n'est pas savoir si l'on augmente la redevance mais de quelle façon on fournira à l'audiovisuel public, radio, télévision, les moyens nécessaires au développement des activités."
Et comment fera-t-on ?
- "Il y a plusieurs façons d'y parvenir. On peut y parvenir par l'augmentation du taux de la redevance, on peut également y parvenir en constatant que le rendement de la redevance est suffisant pour assurer à l'audiovisuel public le développement de ces moyens. Nous fixons, pour l'année prochaine, l'objectif du développement de ces moyens à 3 %."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juillet 2003)
- "C'est totalement injuste. D'abord, sur la question des moyens, je n'ai pas moins de moyens que mes prédécesseurs. Je tiens quand même à rappeler que le budget du ministère de la Culture a été, s'agissant de ses moyens d'intervention, renforcé en 2003 et qu'il se situera dans cette perspective en 2004..."
C'est une certitude ? Parce que nous sommes en plein arbitrage...
- "C'est en tout cas l'état actuel de mes négociations avec le ministre du Budget et le Premier ministre. Deuxièmement, quand on arrive dans un ministère, avant d'entreprendre des choses, il faut également regarder quel est l'état de l'instrument. Pour ma part, j'ai eu le sentiment, en arrivant Rue de Valois, que l'instrument était extrêmement fatigué, un peu épuisé, qu'il était menacé de stérilité et qu'il fallait l'engager dans une série de grandes réformes pour en faire un instrument efficace, de façon à ce qu'ensuite, dans un an ou deux, on puisse engager de nouveaux grands projets. C'est un ministère qui, depuis cinquante ans, sédimente, sans jamais faire de choix ou en en faisant très peu. Le moment des choix est revenu. C'est ça faire de la politique culturelle."
Mais là, vous nous faites le coup de l'héritage !
- "Non, ce n'est pas le coup de l'héritage. Dans cet héritage, d'ailleurs, il y a des ministres de tous partis. J'évoque bien la sédimentation qui s'est effectuée depuis la création du ministère de la Culture, donc depuis 1959. Le ministère était héritier de structures administratives antérieures, donc en fait, le ministère de la Culture d'aujourd'hui est un ministère qui est très lesté par son incapacité, au cours des dernières années, à avoir su faire des choix, hiérarchiser ses priorités et donc redéfinir des objectifs très visibles."
Restons sur cette affaire des intermittents, parce qu'on voit bien qu'elle n'est pas terminée. La réforme d'indemnisation était inévitable, je crois que tout le monde est d'accord sur ce postulat. Mais s'y est-on bien pris ? N'a-t-on pas sacrifié la méthodologie à une part d'idéologie, celle de la droite qui est de retour - "vous allez voir ce que vous allez voir !" ? On vous a aussi reproché d'avoir manqué de sens politique, par exemple, en dénonçant le calendrier. Est-ce qu'il fallait véritablement que les partenaires sociaux concluent à cette époque de l'année, avant les festivals de l'été ?
- "Tout cela, c'est un tissu de contresens. Tout d'abord, je tiens à rappeler que l'intermittence du spectacle n'est pas un statut, comme certains le prétendent mais que c'est un régime d'assurance chômage, un régime particulier qu'il appartient à l'Unedic, donc aux partenaires sociaux, de façon paritaire, de le gérer. C'est également à eux qu'il appartient de définir le calendrier de leurs négociations. Je rappelle à chacun que c'est au mois de décembre dernier que les partenaires sociaux avaient décidé de conclure leurs négociations avant le 30 juin de cette année 2003. J'aurais préféré, naturellement, qu'ils le fassent plus rapidement mais l'Etat n'a pas vocation à se substituer à la responsabilité des partenaires sociaux. L'Etat doit cesser de vouloir tout faire, d'intervenir dans tout. D'autre part, s'agissant du calendrier, y a-t-il un bon calendrier ? Est-ce que le règlement de cette situation au mois de mai, pendant le Festival de Cannes, aurait été opportune ? Est-ce que cela aurait été opportun à la fin mai, au mois de juin, quand se tenaient les questions de la retraite et de l'Education ? Est-ce que cela aurait été opportun, à la rentrée, au moment du festival d'automne, de la rentrée des théâtres et des concerts ? Quand on veut réformer, on se rend compte que finalement, on peut toujours se trouver de bons prétextes pour ne pas réformer. C'est un peu comme les gens qui veulent s'arrêter de fumer ou ceux qui veulent engager un régime : il y a toujours un prétexte pour ne pas le faire. Les partenaires sociaux ont choisi ce calendrier, il n'était peut-être pas, en effet, le plus opportun, mais en tout cas, c'est à eux qu'ils appartenaient de le définir."
Mais déclarer la guerre aux abus, là-dessus, là encore, je crois que tout le monde est d'accord - on vous reconnaît d'ailleurs clairement un certain courage ou un courage certain... Mais on ne voit pas bien aujourd'hui où sont les modalités d'ordre structurel qui permettront véritablement de faire bouger le système. Et on a surtout le sentiment - les artistes le disent d'ailleurs - que, d'une certaine manière, vous vous en êtes pris au monde des artistes, au monde de la culture et de l'art, en voulant tout mêler, c'est-à-dire en vous attaquant à un dispositif qui, c'est vrai, fabrique 828 millions d'euros de déficit...
- "Tout d'abord, le déficit, c'est une réalité objective. Aujourd'hui, on se rend compte que le déficit, comme vous le dites, s'élève à 828 millions d'euros par an. D'autre part, ce déficit galope d'année en année, il augmente de 100 millions d'euros supplémentaires chaque année. On dit "vous, vous", parfois, on dit même "votre accord", comme si l'accord du 26 juin était l'accord du ministre de la Culture..."
Mais vous l'avez agréé...
- "C'est le ministre des Affaires sociales qui l'agréera ; la procédure d'agrément est en cours. J'ai le sentiment que si je n'avais pas agi dans le sens des intérêts des professionnels du spectacle et de l'audiovisuel, il n'y aurait plus de régime spécifique d'assurance chômage pour ces professionnels. La position, l'état d'esprit dans lequel j'ai trouvé certains partenaires sociaux, notamment le Medef, il y a un an, c'était la dénonciation pure et simple des annexes 8 et 10 et le reversement de l'ensemble des salariés du secteur dans l'annexe 4, celle du travail temporaire. Je me suis fixé comme objectif de tout faire pour sauver l'intermittence et j'y suis parvenu à force de discussion avec les uns et les autres, de conviction également. J'ai vraiment le sentiment d'avoir sauvé ce régime. Ensuite, il appartenait, de façon tout à fait responsable, aux partenaires sociaux de prendre [inaud] vers une meilleure économie. Non pas vers l'équilibre comptable comme disent certains : il est impossible. L'intermittence sera toujours déficitaire. La seule question est de savoir jusqu'à quel point les partenaires sociaux responsables de l'Unedic sont prêts à consentir un déficit. Mais le déficit, il existera toujours."
Parlons maintenant de votre politique. Il y a un certain nombre de choses que vous avez engagées, qu'on n'a pas nécessairement bien vues, dont une réforme des musées, dont une politique du financement du cinéma, votre projet de loi sur le mécénat, sur l'archéologie préventive, cela fait beaucoup de choses, tout cela est, sans doute, nécessaire mais on a un peu le sentiment que tout cela n'est pas très spectaculaire et qu'aujourd'hui, au fond, vous en souffrez à titre personnel ?
- "Je crois que la politique est faite pour faire des choses sérieuses. Nos concitoyens, notre pays, ont besoin d'engagements sérieux, d'engagements de fond. Quand j'engage le ministère de la Culture dans la décentralisation, dans une nouvelle façon de considérer les relations entre l'Etat et les collectivités locales, quand j'invite les grands établissements de l'Etat qui pratiquement sont tous à Paris, à ouvrir des antennes en région, à mettre en place, s'agissant des musées, des prêts, des dépôts plus systématiques dans les grands musées en région, quand je fais voter par le Parlement une loi sur le mécénat qui fait que notre pays qui était à la traîne du mécénat en Europe, désormais, est à la pointe du mécénat s'agissant des dispositions fiscales de la loi, quand j'engage la réforme de nos musées, que j'autonomise le musée du Louvre, le musée du Louvre qui subissait une situation administrative d'un autre temps, puisque le patron du Louvre n'était pas le vrai patron du Louvre - les personnels, les projets culturels étaient gérés par la direction des musées de France -, j'ai vraiment le sentiment de moderniser l'outil, s'agissant de la relation entre l'Etat et les collectivités locales, la relation entre l'Etat et les industries culturelles, la relation entre l'Etat et les citoyens, pour faire en sorte que, demain, la culture soit une réalité beaucoup plus vivace, beaucoup plus partagée, beaucoup plus tonique dans notre pays. Ce travail était à faire en amont, la facilité pour un ministre de la Culture, c'est d'inventer une nouvelle fête, d'organiser un nouveau divertissement."
Oui mais cela marche ! Les cabines de Paris-plage, cela se voit ! Cela se voit tous les jours d'ailleurs.
- "Je suis vraiment très heureux que Paris-plage donne beaucoup de satisfaction aux Parisiens. Je crois que lorsqu'on a la responsabilité de la politique culturelle d'un pays ou de celle d'une ville, il faut aussi penser les choses plus radicalement, penser à la politique du logement, penser à la politique des transports, penser à la politique de lutte contre la pollution. C'est également cela qui est important. Nous n'avons pas pour vocation de donner, de laisser à nos concitoyens que le souvenir de belles fêtes. Cela serait très superficiel et très souvent, cela finit par de grands drames. La politique est également faite pour faire des choses radicales, des choses profondes, des choses sérieuses, des choses qui servent dans le temps."
C'est vous en résumé ça. On a aussi envie de dire que la culture ou la politique de la culture, c'est les paillettes, c'est un peu glamour, ce sont des choses qui se voient. On sait que vous êtes quelqu'un de connu, de reconnu par vos pairs, il n'y a pas de doute là-dessus. On sait que vous êtes quelqu'un de très sensible à tous ces aspects. Et puis, on a envie de vous dire "mais faites quelque chose, M. le ministre, qui montre que, s'agissant de la politique culturelle, vous avez, vous aussi, un grand dessein, un grand voyage dans la tête.
- "J'ai un grand dessein. Quand, cette année, j'ai lancé une campagne de création de bibliothèques dans les campagnes et à la périphérie des villes, donc dans deux territoires totalement déshérités culturellement de notre pays, j'ai vraiment le sentiment de faire de grandes choses. Quand, demain, au fin fond des campagnes, à la périphérie des villes, là où n'entre jamais, finalement, aucun espoir culturel, aucune idée, aucune lecture, aucun contact avec l'art, je saurais que des jeunes et des moins jeunes peuvent lire, peuvent voir des films, peuvent se retrouver pour discuter, peuvent retrouver toute la dimension de leur dignité culturelle, j'aurais vraiment le sentiment d'avoir rendu service à notre pays, à nos concitoyens."
Mais la politique de la droite en matière de culture, c'est quoi ? C'est de moins en moins financement public et de plus en plus d'argent privé ?
- "C'est que l'Etat joue son rôle. L'Etat a un rôle stratégique, l'Etat doit faire beaucoup de choses dans le domaine de la culture. Mais par ailleurs, l'Etat ne doit pas tout faire ou prétendre tout faire, parce que quand l'Etat prétend tout faire, il fait tout mal. Je crois qu'aujourd'hui, il faut que l'Etat apprenne à partager, partager avec les collectivités locales qui, d'ailleurs, sont les principaux acteurs de la vie culturelle de notre pays."
Donc "décentralisons", c'est ce que vous dites ?
- "Décentralisons, cela veut dire, dans le domaine de la culture, apprenons à mieux coordonner l'action de l'Etat et des collectivités locales. D'autre part, je tiens également à ce que dans le domaine de l'initiative privée, chacun puisse concourir au développement culturel, par le biais des industries culturelles, par le biais des activités culturelles. Votre radio illustre ce phénomène : votre radio concourt, d'une certaine façon, à un service public de la culture. Elle met de la musique, elle met de l'intelligence, elle met du savoir à la disposition de nos concitoyens. Le mécénat n'est pas une façon pour moi de dédouaner l'Etat de ses responsabilités mais bien une façon de dire que l'Etat doit savoir partager l'initiative culturelle avec tous nos concitoyens."
C'est un peu l'inverse de la grande inspiration d'un Malraux quand même ?
- "Non, pas du tout. Vous savez que Malraux regardait les choses de très près et ne disposait que d'un budget misérable. Le budget du ministère de la Culture, à l'époque de Malraux, c'était très très peu de choses, c'était un budget d'intervention très modeste. Il faut apprendre à conjuguer le sens du verbe au sens des réalités, au sens du partage, au sens de l'efficacité. Ensuite, viendra le temps des fêtes, le temps des choses brillantes et non pas le temps des paillettes. Pour ma part, l'expression de "paillettes" me fait tout simplement horreur. C'est une façon de tromper les gens, de les divertir, de les ensorceler. Je crois que notre devoir c'est de respecter les citoyens et de leur donner à comprendre que la culture est une grande chose et que c'est une chose sérieuse."
Une dernière question, en matière de communication, parce que vous êtes aussi le ministre de la Communication : va-t-on augmenter la redevance audiovisuelle ou pas ?
- "La question n'est pas savoir si l'on augmente la redevance mais de quelle façon on fournira à l'audiovisuel public, radio, télévision, les moyens nécessaires au développement des activités."
Et comment fera-t-on ?
- "Il y a plusieurs façons d'y parvenir. On peut y parvenir par l'augmentation du taux de la redevance, on peut également y parvenir en constatant que le rendement de la redevance est suffisant pour assurer à l'audiovisuel public le développement de ces moyens. Nous fixons, pour l'année prochaine, l'objectif du développement de ces moyens à 3 %."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 juillet 2003)