Déclaration de M. Robert Hue, secrétaire national du PCF, sur l'action du PCF notamment au niveau gouvernemental, La Courneuve le 13 septembre 1998.

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Circonstance : Fête de l'Humanité à La Courneuve du 11 au 13 septembre 1998

Texte intégral

Chers amis,
Il y a trois jours sur France-Inter, un animateur d'une émission faisait mine de s'étonner - avec beaucoup d'humour et de gentillesse - que je commence mes interventions non pas par un vibrant "camarades", mais par Mesdames, Messieurs, chers amis, chers camarades. Il y voyait un signe des changements opérés par le PCF... Aujourd'hui, parce que je m'adresse à vous en cette fête de l'Humanité, comme nouveaux adhérents, je vous dis avec la même conviction chers amis, et chers camarades.
Vous avez décidé de devenir membres du Parti communiste, d'y prendre une place active à un moment particulièrement important de la vie de notre pays. Un moment où des millions de nos concitoyens mêlent de très grandes interrogations, des inquiétudes, et un besoin fort, qui se cherche souvent, mais irrépressible au fond, de changer la société.
Notre responsabilité - à nous qui sommes communistes précisément parce que nous voulons changer la société - n'en est que plus grande.
Vous l'avez relevé comme moi sans doute: ces derniers jours, des responsables politiques, des commentateurs se donnent beaucoup de mal pour tenter de cacher l'ampleur et surtout la vraie nature de la crise qui secoue non seulement la Russie, mais l'ensemble d'un monde dominé par les choix capitalistes ultralibéraux.
Cette crise est en effet révélatrice des désordres provoqués par l'ultralibéralisme - c'est à dire la totale liberté laissée aux capitaux financiers de piller la planète et de se rentabiliser au détriment des êtres humains. Il ne s'agit pas seulement d'une crise financière. Elle pose en fait un problème de civilisation. Quelle priorité doit-on se donner: la rentabilité financière des capitaux ou bien le bonheur et l'épanouissement des êtres humains ?
Oui vraiment, vous avez raison de choisir d'être communistes au moment où la démonstration si éclatante - et hélas si douloureuse pour les peuples- est faite que, non, le capitalisme n'est pas l'avenir de l'humanité ! Un très récent rapport des Nations-Unies rappelle qu'en 50 ans la production de richesses a été multipliée par six dans le monde, une centaine de pays pauvres ont vu leur revenu par habitant se réduire ces dernières années. Et je ne me lasserai pas de dire - et vous non plus - mon indignation quand la fortune des 3 personnes les plus riches du monde est supérieure au produit intérieur brut des 48 pays les plus pauvres.
Faut-il ici poursuivre une telle énumération ? On peut hélas multiplier les exemples de pauvreté, d'inégalités révoltantes, d'exclusion.
Dans notre pays même c'est par millions qu'on compte celles et ceux qui n'ont pas d'emploi, celles et ceux qui sont contraints à la précarité, qui n'ont par mois que des revenus dérisoires pour tenter de vivre.
Oui, vraiment il faut changer les priorités dans cette société, dans ce monde.
Comment s'en sortir si on ne s'attaque pas à cette logique de l'argent roi qui fait qu'il est plus rentable pour les capitaux de spéculer sur les monnaies, de détruire des emplois, que d'en créer de nouveaux, et de participer au développement des êtres humains et de la société ?
Communistes, nous sommes de tous les combats quotidiens contre les injustices. Et indissociablement, nous avons vocation à être -et devons être de mieux en mieux- porteurs de réponses politiques modernes aux problèmes posés pour le devenir de notre pays.
Etre communiste c'est en même temps mettre notre énergie, nos capacités d'imagination, au service de l'action politique pour que les choix de la majorité de gauche en France portent le plus loin possible, le plus vite possible, pour répondre aux attentes des Françaises et des Français. Et permettez-moi d'y insister à nouveau: pour répondre à ces attentes, il faut s'attaquer à la racine des problèmes posés, procéder à des réformes portant sur les structures mêmes de notre société. Et nous sommes tout naturellement porteurs de cette radicalité transformatrice.
Cela appelle de notre part beaucoup d'efforts, beaucoup de ténacité. D'autant que dans la majorité plurielle cette volonté de changements radicaux n'est pas partagée par tous. C'est une évidence, mais il n'est sans doute pas inutile de le rappeler.
Des décisions ont été prises qui ont changé pour une part le climat dans notre pays depuis l'arrivée de la gauche au gouvernement. Certaines rompent avec les politiques passées. D'autres traduisent des infléchissements. D'autres encore ne nous satisfont pas parce qu'elles ne mettent pas en cause la logique libérale. Je pense évidemment en particulier aux privatisations.
En même temps des mesures qui traduisent un début de changement - je pense aux 35 heures, à certaines mesures sociales, ou à la taxation de certains profits financiers des grandes entreprises - portent incontestablement la marque de l'apport des communistes, au travail de la majorité plurielle.
On ne peut évidemment en rester là. Il faut que le changement se traduise positivement dans la vie quotidienne de millions d'hommes et de femmes qui attendent cela depuis si longtemps. Et il faut à la fois répondre aux urgences et poser les fondements d'un avenir plus assuré, plus sûr pour la jeunesse et le pays. Je le répète : cela implique d'engager les grandes réformes nécessaires pour s'attaquer à la domination de la finance et permettre aux citoyens d'intervenir plus directement et plus efficacement dans la vie politique du pays. Il s'agit à la fois de répondre à l'urgence sociale et de répondre à l'aspiration grandissante des hommes et des femmes à être partie prenante des décisions - c'est d'un nouvel âge de la démocratie, de la citoyenneté, qu'il s'agit.
Ainsi, si on veut consolider la croissance - face à la crise financière - il faut alimenter en grand la demande intérieure, la consommation, par l'augmentation des salaires, des retraites, des minima sociaux.
Réduire le chômage, cela veut dire évidemment créer des emplois et enrayer l'hémoragie des plans sociaux. Et cela implique d'orienter l'argent vers l'investissement et la formation. Il faut, pour réussir, décider et mettre en oeuvre des mesures nettes en matière de crédit - notamment pour les PME-PMI - comme en matière de fiscalité. Et il faut aussi pour impulser une politique de développement, d'emploi et de progrès social, un secteur public rénové, modernisé, démocratisé qui peut jouer un rôle moteur.
On voit bien là la nature des changements radicaux qu'il faut opérer. Et c'est dans le même esprit qu'il convient, selon nous, que la France s'engage résolument pour une réorientation sociale, progressiste de la construction européenne. La nécessité de cette réorientation s'affirme encore davantage aujourd'hui avec la tourmente financière que j'évoquais précédemment, dont il est illusoire de penser que l'Europe serait à l'abri alors qu'elle est placée sous la domination des marchés financiers.
Oui, ce sont bien des solutions novatrices, hardies, totalement à l'opposé des vieilles recettes du libéralisme qu'il faut promouvoir.
Et pour y parvenir, le Parti communiste, les hommes et les femmes communistes doivent jouer tout leur rôle. Tout leur rôle de communistes, dans le mouvement social pour participer, avec leurs idées, leurs propositions, au nécessaire débat sur les solutions à apporter aux problèmes posés aujourd'hui à notre peuple, à notre pays, et pour contribuer au rassemblement des forces qui peuvent les faire prévaloir.
Tout leur rôle de communistes dans la majorité et au gouvernement de la France pour y être porteur de la radicalité des attentes de notre peuple et travailler à l'élaboration et la mise en oeuvre de la politique nouvelle nécessaire.
Evidemment, que le Parti communiste joue un tel rôle ne convient pas à tout le monde. C'est bien pourquoi tant d'efforts sont déployés pour tenter de donner de notre politique, et de la manière dont les communistes la discutent et la mettent en oeuvre dans leur action quotidienne, une image bien éloignée de la réalité.
On voudrait faire croire - et faire croire d'abord aux communistes, c'est pourquoi je vous en parle ici directement - que le Parti communiste n'aurait le choix qu'entre deux attitudes. La première le conduirait à s'aligner derrière un Parti socialiste dominant à gauche et porteur, tout naturellement puisque c'est sa nature, son identité, d'une politique social démocrate, voire social libérale, hésitant à rompre avec les politiques passées où même les reprenant dans certains domaines - comme par exemple les privatisations. Si nous faisions cela, chers amis, chers camarades, nous ne serions pas le Parti communiste. Et surtout nous ne répondrions pas aux attentes des millions de Français qui ont voulu que le Parti communiste soit dans la majorité, au gouvernement, pour y apporter la fermeté de ses choix transformateurs et y être un lien actif et constructif entre eux-mêmes, leurs aspirations, leurs exigences, et le pouvoir qu'ils ont confié à une gauche qu'ils ont voulue et veulent riche et forte de son pluralisme.
La deuxième attitude qui nous est proposée serait le repli dans une attitude frileuse de protestation d'autant plus impuissante qu'elle ne proposerait rien pour modifier le cours des choses.
Là encore, si nous faisions cela nous ne serions pas le Parti communiste ouvert, constructif, offensif pour être utile à notre peuple, utile au changement, utile à la transformation sociale, que nous avons décidé d'être toujours mieux.
Certains rêvent visiblement de nous voir reculer devant les difficultés et nous replier sur nous-mêmes. Ils s'efforcent de faire croire aux communistes eux-mêmes qu'ils seraient incapables de déployer leur politique de présence active et constructive à la fois dans le mouvement social et dans la majorité. Ils essaient même d'accréditer l'idée que les adhérents et adhérentes du Parti communiste feraient pression pour que leur parti fasse machine arrière et vers un repli identitaire dont je viens de souligner combien il serait néfaste pour les Français et suicidaire pour le Parti lui-même.
Eh bien, moi, j'ai la conviction que ce n'est vraiment pas cela que veulent les communistes, pas cela que vous voulez, vous qui venez de décider de devenir membres de ce Parti. Et j'ai la conviction que les hommes et les femmes communistes d'aujourd'hui sont au contraire parfaitement capables de déployer avec audace et imagination leur politique pour contribuer à réussir le changement et aider notre peuple à se donner un projet novateur de transformations sociales et à se rassembler pour le promouvoir.
Tant pis pour ceux qui rêvent d'un Parti communiste se mettant hors jeu de la vie politique et de l'effort pour que la France donne des réponses neuves et efficaces face aux grands défis de notre temps. Cela ouvrirait la voie à je ne sais quelles combinaisons politiciennes dont, en fin de compte c'est notre peuple qui ferait les frais. Nous ne leur ferons pas ce cadeau !
Nous allons - nous devons - continuer à nous ouvrir plus encore à la société, à la richesse de tout ce qui, dans cette société est porteur d'idées nouvelles, créateur de lien social, à tout ce qui conteste le pouvoir des marchés et le monopole des pouvoirs entre les mains de quelques-uns. Nous voulons nous ouvrir davantage encore, en étroite symbiose avec les mouvements sociaux, à tous ceux pour qui modernité est synonyme de progrès humain.
Il n'est pas d'autre voie pour révolutionner la société que d'y être de plain-pied, comme un ferment d'idées, d'initiatives politiques. Il n'est pas d'autre voie pour être à la hauteur de notre responsabilité.
C'est j'en suis sûr ce que vous attendez de votre Parti.
Le Parti communiste a un besoin vital de votre réflexion, de votre expérience, de votre enthousiasme, de votre exigence d'être entendus, de votre militantisme moderne hors des clichés et des routines.
Ainsi vous contribuerez à donner plus d'audience, plus d'influence, plus de dynamisme à votre Parti.
En cette rentrée politique, chacun le mesure, je l'ai dit, grandes sont nos responsabilités. Ne nous en plaignons pas. Au contraire. Sentir qu'on peut être utile, qu'on peut peser sur les choix et les événements, quoi de plus stimulant !
Ce n'est pas nous qui nous étonnerons des résistances et des obstacles dressés sur la voie du changement. Tant d'intérêts sont en cause ! Et j'ai envie de vous dire : ne vous laissez pas impressionner !
Si nous avons confiance dans le peuple de notre pays, si nous sommes disponibles à ce qui agite la société, alors nous saurons être confiants dans notre capacité à influer sur le cours des choses. Le fait même que vous ayez décidé de devenir communistes dans ce moment témoigne de la confiance qui vous anime.
Soyez assurés très chers amis, chers camarades, que pour ce qui me concerne, je ne ménagerai aucun effort pour que vous ne soyez pas déçus, et pour que vous trouviez, dans notre Parti communiste en pleine mutation, le lieu où faire vraiment et pleinement de la politique et donner ainsi toute son efficacité à votre désir d'être utiles pour changer la société.
(source http://www.pcf.fr, le 20 février 2002)