Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "RTL" le 2 juin 2004, sur l'augmentation de prix du pétrole et ses répercussions sur le transport routier, sur le manque de débat dans la campagne électorale pour les élections européennes et sur les relations entre l'UMP et l'UDF.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Q- J.-M. Aphatie-. RTL consacre une large part de son antenne ce matin à la hausse du pétrole. Le prix du brut s'envole, celui des carburants à la pompe flambe, et pendant ce temps, que font le Gouvernement et le ministre des transports ? Pas grand-chose semble-t-il... Pourquoi ?
R - "Parce ce que vous pensez que le ministre des Transports français a un pouvoir, comme ça, de faire baisser le prix du pétrole dans le monde ?! Non."
Q- C'est l'impuissance du politique face à cette situation ?
R - "Non, pas du tout. C'est une affaire mondiale. C'est une affaire des pays producteurs. C'est une affaire d'accord entre les pays producteurs et les pays consommateurs. Alors, ne dramatisons pas quand même cette hausse, peut-être provisoire ou temporaire. Deuxièmement, cette hausse, même si elle est historique, elle est en partie compensée par la hausse également de l'euro. Et l'euro a encore augmenté ces jours-ci. Donc comme on paye en dollar, avec des euros plus cher, forcément, cette hausse est un tout petit peu tamisée ou modulée. Troisièmement, pour la France, ce n'est pas dramatique parce que tous les pays du monde payent le brut plus cher. Et donc au niveau de la compétitivité de la France, cela ne change pas grand chose. Par contre, pour les consommateurs, les particuliers, etc., c'est vrai qu'à la pompe, l'essence a dû monter de l'ordre de 12 à 13 %, ce qui est une baisse du pouvoir d'achat pour les conducteurs français..."
Q- Et pour les routiers aussi. Ils ne sont pas contents, les routiers ! J.-P. Deneuville, président de la Fédération nationale des transports routiers, a dit : "Pour nous, la situation n'est pas supportable. Il s'agit d'un véritable choc pétrolier. Nous demandons au Gouvernement - donc lui, il pense qu'on pourrait faire des choses ! - de rendre le fruit de l'augmentation de la TVA, due à l'envolée du gazole"...
R - "Oui. Sauf que, comme tous les transporteurs routiers d'Europe, la hausse du brut a une répercussion. Donc, autant il a raison de se plaindre de la concurrence des transporteurs routiers polonais ou de certains pays de l'Europe plutôt de l'Est, parce que là, vraiment les salaires, les charges sont beaucoup moins élevées quand ils viennent faire du transport en France, il y a une compétitivité qui n'est pas assurée des Français ; autant la hausse du pétrole est quand même répartie sur l'ensemble des territoires."
Q- Mais J.-P. Deneuville a raison : l'Etat encaisse davantage de recettes de TVA...
R - "La situation des transporteurs routiers français n'est pas brillante, c'est vrai. Et on travaille beaucoup avec eux, et en bonne intelligence, pour essayer de rétablir cette compétitivité du pavillon français et pour obtenir, à l'échelon européen, une certaine harmonisation des règles sociales, au niveau du temps de travail par exemple, comme au niveau des prestations ou des coûts de transport en général."
Q- En tout cas, ce matin, à l'antenne de RTL, vous dites que le Gouvernement ne va rien faire de particulier face à la hausse des prix du pétrole ?
R - "Non, je n'ai pas dit cela. Je travaille avec les transporteurs routiers pour essayer d'atténuer l'effet de la hausse du pétrole. Dans d'autres domaines, je travaille aussi à l'échelon européen pour permettre au pavillon français d'être plus compétitif sur l'ensemble des vingt-cinq pays européens."
Q- De l'avis général, la campagne pour les élections européennes est terne, ne démarre pas vraiment. Vous savez pourquoi ?
R - "C'est vrai et je le regrette ! Je vais vous dire trois choses, trois informations civiques. D'abord, on vote le dimanche 13 juin ; et d'un ! Deuxièmement, c'est un vote à un seul tour, et troisièmement, c'est pour élire les députés français qui vont siéger au Parlement européen. Si on commençait par dire ces choses basiques, peut-être qu'on pourrait ensuite terminer en disant : "tous aux urnes !". Parce qu'il y a un enjeu européen : c'est la place de la France dans l'Europe, mais c'est aussi l'avenir de l'Europe, et savoir si cette Europe va continuer à se former, à aller de l'avant, à avoir davantage de force dans les domaines, non seulement institutionnels - la Constitution, c'est important bien entendu - mais aussi dans d'autres domaines, comme le développement économique, l'emploi. Il y a de très grandes réussites européennes qu'on ne sait même pas souligner. Je me plais, dans mon secteur des transports, à souligner le succès d'Airbus. Eh bien si Airbus existe, c'est parce qu'il y a des pays européens qui sont venus autour de la table. Ces pays européens ont réussi à battre - ce n'était pas l'objectif - une très grande marque américaine d'avions, qui était la première dans le monde, avec un quasi-monopole. Eh bien maintenant, c'est un succès purement européen !"
Q- La Constitution, vous en parliez : vous seriez favorable à un référendum pour l'adopter ?
R - "Mais oui, la Constitution il faut en parler ! La Constitution, plus il y a de monde..."
Q- Un référendum pour l'adopter ?
R - "Je suis plutôt favorable à un référendum, parce que plus on partage ce débat et on fait sien les institutions qui vont régir l'Europe. Et donc, si on peut interroger directement l'ensemble des Français pour savoir ce qu'ils en pensent, ils en penseront quelque chose parce qu'il y aura débat !"
Q- Enfin, si la campagne est terne, c'est la faute au Gouvernement. Vous le savez, c'est F. Bayrou qui l'a dit, président de l'UDF, membre du parti auquel vous appartenez.
R - "Mais attendez, si vous faites une remarque comme cela, laissez-moi répondre : c'est de la faute de tout le monde !"
Q- Je vais vous citer F. Bayrou : "le Gouvernement n'a pas très envie que l'on parle d'Europe parce qu'il y a des dissensions en son sein".
R - "F. Bayrou a raison de dire que le droit d'aînesse sur les sujets européens, c'est l'UDF qui l'a... "
Q- Ce n'était pas ma question...
R - "...Parce que l'UDF a toujours été - pardonnez-moi d'être dans le domaine des transports - la locomotive de l'Europe. Eh bien, je vous réponds à ma manière et sans faire de polémique."
Q- Mais sans répondre à ma question.
R - "F. Bayrou, comme moi, veut que les Français votent pour l'Europe, de manière simple, claire. Ceux qui veulent exprimer avec leur vote un message pro-européen parfaitement lisible, je le dis très franchement, doivent voter pour l'UDF, parce que c'est à l'UDF qu'il y a le centre de gravité le plus européen de tous les partis
français !"
Q- Il n'en fait pas beaucoup, quelquefois, F. Bayrou contre le Gouvernement ?
R - "Oui, mais bien sûr, mais son rôle n'est pas le même, F. Bayrou. Il est normal qu'il soit..."
Q- Mais il en fait beaucoup quand même !

R - "...Qu'il soit le stimulus de la majorité."
Q- Il rend service à la majorité en fait ?
R - "Il en fait beaucoup parce qu'il a besoin de se distinguer. Et à chaque fois que ses critiques sont positives, il faut les prendre comme telles. Je peux vous dire que les critiques de l'UDF m'aident aussi dans mon job, dans mes fonctions de ministre des Transports. Et donc, c'est bien que ces critiques aient lieu, parce qu'elles font réfléchir sur notre propre action."
Q- Un peu masochiste quand même ce matin G. de Robien...
R - "Non. Simplement, je pense que cela permet d'améliorer les choses. Il ne faut pas dépasser certaines limites. Alors, puisque vous m'interrogez là-dessus, moi, ce que je crois, c'est qu'il faut normaliser les relations entre l'UDF et l'UMP."
Q- Comment ?
R - "...Et qu'il faut institutionnaliser des rapports, comme dans toute bonne coalition. Cela existe dans tous les pays du monde. On n'est pas une démocratie suffisamment moderne encore en France. Tout simplement pour que ces deux formations, qui font partie de la majorité, se rencontrent et décident d'une certaine façon de gérer ensemble la majorité : rencontres régulières, répartition des tâches et adhésion à un projet en commun. Je pense que l'UDF a vocation à être un parti de gouvernement, elle l'a déjà démontré. Et par conséquent, elle a à gérer cette fonction gouvernementale et majoritaire de façon régulière, et non pas chacun en restant dans son coin, en s'ignorant et en regardant si l'autre va soit disparaître, soit..."
Q- Mais aujourd'hui le climat n'est pas très bon avec l'UDF.
- "Le climat est bien meilleur aujourd'hui qu'il n'était il y a six mois."
Q- Vous êtes optimiste, c'est bien.
- "Non, je ne suis pas optimiste, je suis réaliste. Et je constate, parce que j'entends parler les uns et les autres. Je fais partie de l'UDF, je suis dans un gouvernement plutôt UMP, comme vous le savez, eh bien il n'y a plus d'agressivité, je le dis très franchement, du côté de la majorité UMP vis-à-vis de l'UDF. Ce n'était pas le cas il y a deux ans."
Q- C'est vous qui avez permis à E. Gossuin, ex-miss France, d'entrer au Conseil régional de la Picardie. Depuis deux mois, elle est enfermée dans "la ferme" de TF1. Vous regardez "la ferme" ?
R - "Ce n'est pas tout à fait vrai."
Q- Elle est sortie deux fois pour aller au Conseil...
R- "J'ai regardé deux fois "la ferme", dont vendredi dernier. Elle est sortie à chaque fois qu'il y avait une session au Conseil régional. La saga "Elodie" dans les médias m'inspire quelques réflexions. Je dis simplement : il faut arrêter de critiquer, à travers par exemple E. Gossuin, les jeunes qui s'engagent en politique, qui veulent vraiment faire leur boulot en politique. C'est quelque chose d'anti-jeune et d'anti-femme ! Et parce qu'elle réussit, il y a quelque chose qui ressemble un peu à de la jalousie. Heureusement, il y a une grande majorité de Français qui soutient son action parce qu'elle est élue et responsable."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 2 juin 2004)