Déclaration de M. Patrick Devedjian, ministre délégué à l'industrie, sur le bilan de la consommation énergétique de la France en 2003 et sur l'évolution de la production d'énergie, Paris le 9 avril 2004.

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Circonstance : Présentation du bilan énergétique 2003 de la France à Paris, le 9 avril 2004

Texte intégral

Je suis très heureux de vous accueillir pour la première fois en tant que Ministre délégué à l'industrie pour vous présenter le bilan énergétique de la France 2003.
Si j'ai choisi le domaine de l'énergie pour cette première conférence de presse, ce n'est pas un hasard. L'actualité dans ce domaine est en effet intense :
à l'international : avec les tensions persistantes sur les prix du pétrole, du gaz et du charbon résultant en partie du comportement des pays producteurs mais surtout de la forte demande asiatique et notamment chinoise ;
- au niveau national bien sûr avec la refondation en cours de la politique énergétique et la nécessaire évolution de nos entreprises EDF et GDF.
Sur ce dernier sujet, vous savez qu'un débat d'orientation sur la politique énergétique se tiendra la semaine prochaine, le 15 avril au Parlement, et vous comprendrez donc que je réserve aux députés et aux sénateurs la primeur de leur présenter nos grandes orientations énergétiques et notre projet pour EDF et GDF. Je ne répondrais donc pas aujourd'hui à vos questions sur ce point.
Pour autant, il m'a paru très intéressant en guise d'introduction à ce débat et pour une meilleure compréhension de la problématique énergétique par les Français, de vous présenter ce matin les quelques faits saillants du bilan énergétique 2003, faits qui illustrent à la fois les contraintes qui pèsent sur la politique énergétique et les tendances récentes.
J'en retiens pour ma part 3 grandes idées :
- la maîtrise de la demande d'énergie et la baisse des émissions de CO2 sont possibles - la preuve c'est ce que nous avons obtenu en 2003 notamment dans les transports ce qui est extrêmement encourageant ;
- la sécurité d'approvisionnement doit rester un impératif majeur de la politique énergétique française compte tenu de l'importance de notre facture énergétique et des tensions que nous commençons à percevoir sur la scène internationale ;
- le développement des énergies renouvelables, qui est tout à fait souhaitable, est en cours mais il faut avoir l'honnêteté de dire que ces énergies ne représentent aujourd'hui et ne représenteront sans doute demain qu'une part limitée de notre production. L'énergie nucléaire constitue dans ces conditions la seule alternative possible au recours aux importations de gaz et de fioul. Sa place dans le panier énergétique français constitue donc un élément déterminant dans la lutte contre l'effet de serre et dans la préservation de notre indépendance nationale.
Dernière remarque de cette introduction : une année bien sûr ne fait pas une tendance d'autant que 2003 a été un peu particulière avec une croissance faible et un climat tempéré mais contrasté (hiver très froid et canicule). Certaines évolutions devront donc être confirmées en 2004 et je prends rendez-vous avec vous dans un an pour le faire.
1. La demande d'énergie a baissé en 2003 - (slide 1)
Pour la première année depuis 9 ans, la consommation finale énergétique a baissé de 1,7% à 159 Mtep. Ceci s'explique bien sûr par la faiblesse de la croissance dont personne ne peut se réjouir mais aussi par des effets structurels très prometteurs.
A - Cette baisse concerne l'ensemble des secteurs de consommation :
o En premier lieu, les transports enregistrent une baisse historique de leur consommation de 1,1%, à 49 Mtep, alors que l'évolution tendancielle depuis 20 ans est de 2,1% par an. Il faut remonter au lendemain du premier choc pétrolier, en 1974, pour trouver une baisse dans ce secteur.
o Cette baisse résulte d'un meilleur respect, par les conducteurs, des limites de vitesses qui a entraîné une baisse de la consommation unitaire des véhicules de 1,8%. Le taux de dépassement de plus de 10 km/h de ces vitesses s'est en effet réduit de 10 points.
o Elle a été de surcroît obtenue malgré des déplacements qui continuent de croître de 0,8% en 2004 (contre 0,7% en 2003) ;
o La consommation du résidentiel-tertiaire baisse également de 2 % en 2003 à 68,2 Mtep - première année de baisse depuis 1993.
o Ceci résulte d'une baisse du gaz de 2,4% et de 7% du fioul, certes en partie du fait d'un niveau élevé des prix mais aussi grâce à une poursuite de l'amélioration de l'isolation des bâtiments et à une amélioration des comportements individuels.
o Seule la consommation d'électricité continue de croître de +1,9%, au fur et à mesure de l'engouement pour les appareils électroniques grand public, le développement de la climatisation et le multi-équipement en électroménager et malgré les efforts, réels mais lents, en faveur de la maîtrise de la demande d'électricité. Cette évolution a néanmoins un effet limité sur les émissions de gaz à effet de serre.
o Enfin, et c'est la seule baisse dont je ne me réjouirai pas car elle traduit surtout la faiblesse de la croissance en 2003, la consommation d'énergie dans l'industrie diminue de 2,0%, à 37,5 Mtep.
B - Cette baisse entraîne une forte amélioration de l'efficacité énergétique de l'économie française (slide 2)
Pour prendre en effet en compte l'impact de la croissance sur les consommations d'énergie, il est évidemment intéressant d'observer l'évolution de l'intensité énergétique finale de la France, c'est-à-dire le rapport entre consommation d'énergie et PIB.
L'année 2003 est à cet égard un record historique. La France n'aura jamais produit autant de richesse avec si peu d'énergie.
De surcroît, le rythme de l'amélioration de l'efficacité énergétique de - 1,9% en 2003 - a doublé par rapport à son évolution moyenne constatée depuis 20 ans (0,8%).
Ceci démontre toute la pertinence de l'ambition que nous avons proposé dans le livre blanc sur les énergies d'améliorer l'intensité énergétique de 2% chaque année à l'horizon 2015.
o C - Baisse de la consommation de pétrole et de gaz - Hausse de l'électricité et du charbon
La consommation de pétrole baisse en effet de 3,1% retrouvant son niveau de 1994 à 93 Mtep. Le gaz stagne pour la première fois après 17 années de hausses soutenues (3% /an).
A contrario, l'électricité continue de croître de 0,9% mais moins rapidement (tendance moyenne de +2,2%). Le charbon connaît également une certaine hausse (+4,9%) du fait de la mobilisation des centrales thermiques durant l'épisode de canicule de l'été.
D - Les émissions de CO2 baissent en 2003 d'environ 1,2% (slide 3)
Par secteur, cette baisse des émissions se retrouve dans tous les secteurs notamment 4,8% dans le résidentiel-tertiaire et surtout 1,1% dans les transports.
Malgré cette bonne année, les émissions brutes de CO2 excèdent toutefois encore d'environ 2,6% celles de 1990.
Tout ceci confirme s'il en était besoin l'effort majeur que nous devons consentir, d'une part pour respecter notre engagement, de stabiliser nos émissions d'ici 2010 par rapport à 1990 conformément au Protocole de Kyoto, mais surtout pour diminuer d'ici 2050 nos émissions d'un facteur quatre comme l'a souhaité le Premier ministre.
2. Les tensions internationales sur l'énergie confirment la nécessité de conserver un taux d'indépendance énergétique élevé.
A - Pour une raison économique évidente, l'énergie coûte cher à notre pays (slide 4)
Notre facture énergétique a ainsi rebondi de 4,7%, à 22,7 milliards d'euros, après deux années de baisse. Elle représente 1,47% du PIB (contre 3%-5% entre 1973 et 1986) et résulte à la fois :
- des importations de pétrole et de gaz : 24 Md euros ;
- des exportations d'électricité pour 2.2 Md euros, exportations qui ont d'ailleurs baissé de 76 à 66 TWh.
Cette évolution aurait d'ailleurs pu être bien pire puisque la forte hausse du prix du pétrole, du charbon et du gaz a été limitée par la dépréciation du dollar qui a perdu 16,6% en un an.
Je note également que le taux d'indépendance énergétique de la France qui se maintient globalement à 50% grâce à la production nucléaire réduit fortement la sensibilité de notre économie à l'évolution des prix de l'énergie.
Notre facture énergétique serait en effet augmentée de 7 à 10 Md euros si l'on devait substituer à notre parc nucléaire des importations de gaz ou de pétrole.
B - Ensuite parce que l'opposition entre une demande nouvelle en provenance d'Asie et la concentration de l'offre dans un nombre limité de pays - ce qu'illustre très bien 2003 - ne peut conduire qu'à un renchérissement à long terme des prix de l'énergie
Je constate en effet que :
si la production mondiale de pétrole a cru en 2003 globalement de 3,7%, elle résulte d'une hausse de la production de l'OPEP de 6,7%, de la Russie de 10% mais d'une stagnation de celle des pays de l'OCDE. Cette tendance a évidemment vocation à perdurer puisque l'OPEP concentre 80% des réserves mondiales mais ne fournit que 40% des consommations.
- l'OPEP a eu tendance ces derniers temps à privilégier une politique de fixation des prix du pétrole en haut de sa fourchette de référence de 22 à 28$.
- Les prix de l'énergie sont fortement impactés par la forte croissance de la demande chinoise qui est devenu avec un taux de croissance de 11% de sa consommation le deuxième consommateur de pétrole au monde.
Si le prix du pétrole importé en France est ainsi resté quasi-constant en Euro à 193 /t, il est en revanche passé de 25 $/bl en 2002 à 29,7 en 2003. De même, le prix du gaz naturel a fortement cru et celui du charbon a même doublé.
Tout ceci confirme en conclusion l'impérieuse nécessité de maîtriser nos consommations et de préserver notre indépendance énergétique - ce qui me conduit naturellement à vous parler de la production d'énergie en France.
3. Une évolution de la production d'énergie globalement satisfaisante (slide 5)
Cette évolution est marquée par trois tendances :
A - Une amélioration continue de l'efficacité du parc nucléaire qui produit 78% de notre électricité : La production de ce parc a en effet cru de 1% à 440 TWh, soit une amélioration de son taux de disponibilité de 0,2% à 82,7%.
B - Une progression des énergies renouvelables thermiques, c'est-à-dire du bois, de l'utilisation des déchets et de l'énergie solaire : Celles-ci ont en effet cru de 8% en 2003 pour représenter 12,6 Mtep soit 10% de la production de notre parc nucléaire, ce qui est loin d'être négligeable. Cette évolution résulte notamment d'une utilisation croissante du bois et d'une progression du solaire.
C - Enfin un développement des énergies renouvelables électriques contrasté entre :
o L'hydraulique qui a pâti fortement de la sécheresse (indice d'hydraulicité de 0,91), avec une baisse de la production de 2,4% à 65 TWh après une baisse de 16% en 2002 ;
o L'éolien dont le parc s'est accru de 63% pour atteindre 230 MW - la production restant néanmoins encore très faible à 342 GWh (soit 0,0006 % de la production). (slide 6)
Ce taux de progression est néanmoins encourageant puisqu'il devrait permettre à la France d'atteindre son objectif moyen de 4000 MW en 2007.
Compte tenu de la médiocre performance de l'hydraulique, la part des énergies renouvelables dans la consommation d'électricité a donc baissé à 15% ce qui doit bien sûr nous inciter à redoubler d'efforts pour atteindre l'objectif fixé par la directive européenne de 21% en 2010.
Conclusion
L'année 2003 est une année qui récompense l'action du Gouvernement qui s'est entre autre fixé comme priorité de refonder la politique énergétique française.
Elle nous indique la voie à suivre :
la consommation d'énergie a baissé, les émissions de CO2 également, l'intensité énergétique s'est améliorée en particulier dans les transports - ce qui est tout à fait historique - et également dans le logement ;
même si nous devons néanmoins rester modeste : 2001 et 2002 étaient des mauvaises années - 2003, du fait d'une croissance faible, est également une année particulière.
Cela-dit, 2003 nous montre que quand on prend la peine de parler aux Français d'énergie et de les responsabiliser, les comportements changent et facilitent l'action législative, réglementaire ou incitative du Gouvernement.
C'est ce que je m'emploierai à faire dans les prochains mois.
(Source http://www.industrie.gouv.fr, le 13 avril 2004)