Texte intégral
(Point de presse, à Dublin le 6 mai 2004) :
Mesdames, Messieurs, merci beaucoup de votre présence et de votre patience.
Je suis très heureux de ces quelques instants de dialogue, après lesquels je devrai retourner en séance.
Comme je viens de le dire à tous les ministres en séance plénière, ce fut un moment important pour moi, c'est la première fois que le nouveau ministre français des Affaires étrangères participe à cette grande réunion réunissant les ministres des deux rives de la Méditerranée. C'est un moment important car il se situe immédiatement après le 1er mai, moment de la réunification du continent européen, pas complète mais très bien engagée ; c'est donc l'occasion aussi que les dix nouveaux Etats membres de l'Union, notamment huit d'entre eux, participent pleinement à ce processus de dialogue méditerranéen. C'est aussi l'occasion de rappeler l'engagement de la France dès le début dans ce processus qu'elle a voulu il y a neuf ans, avec l'Espagne, l'Italie et d'autres partenaires et je rappelle d'ailleurs que c'est à Cannes, sous présidence française - un Conseil européen auquel je participais en tant que ministre des Affaires européennes - que les premiers crédits ont été dégagés pour soutenir ce processus. Seulement neuf ans après, il y a des interrogations sur ce processus et donc c'est certainement une nécessité de lui donner une nouvelle dynamique, dans la forme et dans le fond.
Dans la forme, peut-être avec des méthodes de travail différentes dans toutes ces réunions, pour qu'elles soient le plus utile possible, je sais qu'il y a des réflexions sur ce sujet, dans la forme aussi pour que ce que nous faisons et qui n'est pas négligeable - je rappelle que ce sont 13 milliards d'euros qui sont engagés sur la période 2000-2006 en crédits et en emprunts - pour que l'on fasse mieux connaître ce qui se fait avec cet argent concrètement. J'ai engagé la Commission à faire des propositions à partir de ses délégations, dans chaque pays pour cela.
Je pense aussi qu'il faut donner à cette coopération son caractère politique et institutionnel, une dimension plus humaine et plus humaniste et c'est probablement la grande utilité de la fondation euro-méditerranéenne pour le dialogue des cultures dont le siège a été fixé à Alexandrie grâce à la compréhension de notre collègue italien que je veux remercier.
Dans mon intervention, j'ai insisté sur trois points, le dialogue politique sur la stabilité et dans le cas de la politique européenne de sécurité et de défense, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, j'ai été très engagé dans la rédaction du projet de Constitution européenne puisque j'ai présidé le groupe sur la défense et j'ai rappelé à tous mes collègues que, dans le respect de nos alliances, notre intention était de développer une capacité autonome d'action et de décision en matière de défense. Comment pourrait-on le faire sans un dialogue de part et d'autre de la Méditerranée ? Je crois donc que les pays de l'autre rive doivent avoir confiance, ne doivent pas avoir peur de ce dialogue qui touche à tous les aspects de la sécurité, de la stabilité et qui concerne notamment la lutte contre le terrorisme, c'est notre cause commune.
Le deuxième point concerne l'intégration régionale et c'est vrai que, plus on est nombreux, plus c'est difficile de travailler, on le voit dans l'Union, il faut des institutions fortes, il faut du temps, probablement cela justifie que des pays qui ont des raisons plus précises, plus proches de travailler ensemble, comme le Maghreb ou les pays qui ont signé l'Accord d'Agadir, puissent mettre en oeuvre des coopérations plus proches et plus structurées.
Le troisième point est celui des nouveaux instruments que l'Europe va proposer avec une relation de voisinage qui va prolonger, j'espère amplifier MEDA, la suggestion est peut-être, pour donner davantage d'efficacité, à cette coopération dans certaines régions qui le voudraient, dans certains territoires qui le voudraient, de l'autre côté de la Méditerranée, que l'on puisse utiliser avec ce nouvel instrument de voisinage l'expérience réussie des fonds structurels européens que j'ai eu l'honneur de gérer pendant cinq ans ; cette expérience pourrait être utilisée dans des régions volontaires, dans des régions destinataires de programmation sur sept ans, programmation très concrète, avec un état d'esprit de confiance, de partenariat, de responsabilisation des partenaires nationaux ou locaux. Je pense que cette expérience des fonds structurels européens pourrait être, d'une certaine manière, utilisée concrètement pour réussir cette politique de voisinage de l'autre côté de la Méditerranée.
Hier soir, au cours d'un dîner très politique, nous avons évoqué les grandes crises, les grandes tragédies qui nous concernent tous, soit dans le conflit israélo-palestinien, soit en Irak. Dans ces deux crises, dans ces deux tragédies, la seule issue pour nous est une issue politique.
S'agissant de l'Irak, j'ai rappelé l'état d'esprit de la France, quelles qu'aient été nos analyses différentes dans le passé, nous voulons regarder devant, et lorsque l'on regarde devant nous, on voit d'abord une date qui est celle du 30 juin, qui est une date importante pour réussir le retour à la souveraineté, l'Irak doit être gouvernée par les Irakiens.
Pour que l'Irak soit gouvernée par les Irakiens, le 30 juin ne doit pas être une date artificielle. Comme le dit le président de la République française, il faut que cette date marque une rupture sincère, visible, forte dans la manière de gérer cette crise, cette tragédie. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur le travail des recommandations de M. Brahimi, que j'ai rencontré deux fois dans les jours passés. Cela veut dire la mise en place d'un gouvernement respecté, qui doit disposer de la réalité des pouvoirs, du pouvoir économique bien entendu ; les Irakiens doivent notamment gérer leurs ressources nationales. Ce gouvernement va devoir gérer une date de transition et préparer les élections de janvier 2005. C'est cette première étape du processus qui doit être consolidée par une première résolution des Nations unies. Cette résolution doit définir les modalités, le rôle précis, réaliste, des Nations unies, centré sur ce processus politique. Il faut aussi garantir la poursuite de ce processus, les étapes suivantes et réaffirmer qu'à l'issue de ces étapes, comme le prévoyait d'ailleurs la résolution 1511, les forces étrangères quitteront l'Irak. C'est ce départ qui marquera, le moment venu, et vous savez bien que ce n'est pas demain matin, le moment venu aux yeux des Irakiens, la fin de l'occupation et la restauration de leur souveraineté.
Vous aurez noté dans quel état d'esprit nous avons travaillé avec nos amis et partenaires du Conseil de sécurité, notamment avec les membres européens du Conseil mais aussi les Russes, dans les jours qui viennent pour la discussion qui s'ouvre sur ce projet de résolution.
Je voudrais dire enfin quelques mots de notre discussion sur le Proche-Orient. D'abord, ce qui m'a beaucoup frappé, Mesdames et Messieurs, c'est que je ne crois pas qu'il y ait d'autres endroits de cette nature, où tous les ministres, tous les responsables sont là, autour de la table, comme c'était le cas hier soir, tous. C'est la seule enceinte où ils se parlent, où ils s'écoutent, sans se comprendre nécessairement, mais où ils sont tous là et nous avec eux. Je dis qu'ils se parlent sans toujours se comprendre, il y a eu, de ce point de vue-là, un échange assez dur et très franc entre Nabil Chaath et Silvan Shalom hier soir qui montre l'ampleur des divergences.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Au Gymnich, pas loin d'ici, il y a une quinzaine de jours, nous nous trouvions dans une situation très difficile, au lendemain de l'accord entre le président Bush et le Premier ministre Sharon. Ce qui m'a conduit à dire que l'on ne pouvait pas faire la paix dans cette région seulement entre Américains et Israéliens mais que l'on devait aussi faire la paix avec les Palestiniens.
A ce moment-là, plusieurs de vos confrères et d'autres observateurs pensaient que la Feuille de route était réellement mise en cause, mais ce jour-là, les vingt-cinq pays de l'Union ont réaffirmé unanimement qu'il n'y avait pas d'alternative sauf le chaos, sauf une spirale indéfinie de violence, de morts, de victimes civiles innocentes, de sang. Il n'y avait pas non plus d'alternative à la négociation sauf à préférer la violence. Nous avons tenu cette ligne et notamment Javier Solana, dans les jours passés à New York au moment de la réunion hier du Quartet, et je veux l'en remercier. Nous avons tenu cette ligne en concertation avec la Russie et avec les Nations unies pour crédibiliser le seul cadre dans lequel nous pouvons travailler tous ensemble qui est le Quartet. Nous n'avons pas voulu baisser les bras et je pense que nous avons eu raison puisque cette démarche a été finalement reconnue et comprise par tous les partenaires. Hier, j'ai entendu beaucoup de ministres reconnaître que la réunion du Quartet avait donné finalement, sur cette base, un bon résultat. Nous nous en tenons et nous nous en tiendrons, à cette démarche collective. Mais pour sortir de cette crise, pour avancer, il faut qu'il y ait des gestes, de la volonté de tous les côtés. Nous attendons ces gestes. Un geste positif est que les Américains ont confirmé que le Quartet était le cadre de discussion, que la Feuille de route était là. C'est ce qui a été dit au gouvernement de Jordanie et au Roi, c'est ce qui a été écrit hier en parlant des étapes à propos de Gaza alors que nous avons craint ou pensé que le retrait de Gaza allait être considéré comme un substitut à la Feuille de route.
Concernant l'Autorité palestinienne, et c'était l'objet de mon entretien avec Nabil Chaath, il faut également poursuivre les réformes, réorganiser les services de sécurité avec l'aide de la communauté internationale, faire des efforts contre le terrorisme et pour faire cesser les attentats suicide.
Et concernant Israël, il doit retrouver le chemin du dialogue et de la négociation avec l'Autorité palestinienne ; il faut interrompre les exécutions extra-judiciaires, il faut rectifier le tracé du mur, il faut que nous obtenions la confirmation que le retrait de Gaza est une étape, un élément d'un plan global. Il faut travailler sur ce retrait de Gaza pour le réussir avec les Palestiniens et nos efforts doivent converger dans ce que nous disons ensemble pour obtenir un cessez-le-feu.
Pardonnez-moi cet exposé un peu long mais ainsi, je vous aurais tout dit, j'ai rencontré beaucoup de ministres que je ne connaissais pas, je vais continuer d'ailleurs, c'était très positif et ils sont maintenant mes collègues et j'ai avec eux des relations bilatérales très constructives.
Q - Il y a une volonté de renforcer et de modifier le dialogue entre européens, mais lors de la réunion de la troïka européenne avec le ministre israélien M. Sharon, il y a eu des affrontements, des accusations des Israéliens qui ne sont pas constructives. Selon les Israéliens, la Feuille de route ne peut pas être un moyen de dialogue. Comment peut-on espérer relancer les négociations, l'Euromed, modifier les choses en voyant cette situation catastrophique, - même au sein de l'Union, on ne parvient plus à dialoguer avec les Israéliens ?
R - Pour l'instant, ce dialogue, même s'il est dur comme vous l'avez observé, existe. La preuve c'est que tout le monde est là aujourd'hui, et tout le monde était là hier soir. Je ne connais pas les détails des propos de la Troïka, mais je vois mal comment on peut reprocher aux Européens de soutenir la Feuille de route puisque cette Feuille de route a été approuvée par Israël comme par l'Autorité palestinienne. Il est certain que cette tragédie qui n'en finit pas, dont la solution recule, constitue une hypothèque pour l'ensemble du dialogue euro-méditerranéen. Mais ce qui est important, c'est que les Européens soient unis, unanimes dans leurs sentiments à propos de ce conflit et dans leur attachement à l'objectif de deux Etats vivant côte à côte, l'Etat israélien dans la sécurité - et nous Français, nous ne transigerons jamais avec la sécurité d'Israël - et un Etat palestinien vivant. Voilà l'objectif, nous sommes tous d'accord là-dessus dans le Quartet, et c'est l'objectif qu'Israéliens et Palestiniens ont également accepté. Nous sommes tous d'accord sur la Feuille de route, tous d'accord sur la méthode, - le Quartet - et la négociation, et nous nous tiendrons à cette idée et nous ferons pression, à toutes les occasions, la semaine prochaine encore au G8, pour préserver cet acquis et cette base.
Q - Votre gouvernement a-t-il donné une date pour commencer les négociations d'adhésion avec la Turquie ? Et quelle est votre position concernant l'avenir de Chypre surtout du côté turc ?
R - Je suis étonné que vous me disiez que ce que j'ai dit ait été mal compris. En tout cas, cela a été très bien compris, comme je l'ai dit précisément et en pesant chaque mot, par le ministre turc des Affaires étrangères à qui j'en ai parlé. Il y a un débat extrêmement vif sur cette question en France et j'ai compris que ce n'était pas seulement en France. Nous devons participer à ce débat en écoutant tout le monde.
La ligne du gouvernement français, du président de la République, reste la même, elle n'a pas changé. Le président de la République a redit, dans sa conférence de presse, la vocation européenne de la Turquie. Ce qui est en discussion aujourd'hui, c'est de savoir si la Commission proposera, à la fin de l'année, d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Turquie qui n'ont jamais été ouvertes et, si cette négociation est ouverte, tout le monde sait qu'elle peut durer longtemps, très longtemps. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il n'était pas question que la Turquie entre demain ou après-demain matin dans l'Union. C'est la vérité. Nous attendons donc le rapport de la Commission et c'est ce rapport qui est pour nous l'élément important. J'ai ajouté que nous n'oublions pas l'histoire et le dialogue engagé avec la Turquie depuis 1963, notamment sous l'impulsion du général de Gaulle et du chancelier allemand Konrad Adenauer et, à l'époque, il y avait six pays dans l'Union. Enfin, j'ai rappelé à tous les gens qui débattent de ce sujet que nous avons intérêt à regarder les choses toujours dans la même perspective historique et d'avenir, et lorsque l'on regarde cette perspective, on voit bien que l'intérêt de l'Union européenne, l'intérêt de la Turquie, c'est de préserver, de continuer et de consolider ce dialogue pour leur propre stabilité et pour leur propre sécurité.
Concernant Chypre, il n'y a pas de fatalité à cette division de l'île. Notre conviction reste que c'est toute l'île qui doit être un jour membre de l'Union européenne. Au-delà de ce qui s'est passé il y a quelques jours avec le référendum, nous devons garder cette perspective-là et la Commission doit trouver les moyens d'apporter à la communauté chypriote-turque l'aide au développement et au progrès économique dont elle a besoin. Cette séparation est d'une autre époque.
Je suis allé à Nicosie il y a quelques semaines, j'ai pu réunir des jeunes des deux communautés, j'ai été durablement marqué par cette rencontre. De quoi ont-ils envie ces jeunes ? Ils ont envie de vivre ensemble, de se marier, de travailler ensemble et donc il faut que les hommes politiques, que des dirigeants adultes, si je puis dire, des deux communautés mettent de la perspective aussi dans leur attitude et la seule perspective, c'est celle de l'Union européenne. Nous n'y sommes pas parvenus cette fois-ci, mais cela arrivera, j'en ai la conviction.
Q - Concernant l'Irak, vous avez dit tout à l'heure qu'au Moyen-Orient, les Européens sont dynamiques, où en êtes-vous dans vos discussions sur la position européenne en vu de cette première résolution de l'ONU ?
R - Pour l'instant, il n'y a pas de position européenne concernant une résolution, que nous ne connaissons pas ; je serais tenté de dire que, pour ne pas être pris de court et subir, il vaut mieux prévenir. Et donc nous commençons à travailler avec nos partenaires, notamment européens et aussi en concertation avec la Russie. Je l'ai dit tout à l'heure : les membres du Conseil de sécurité notamment commencent à travailler à des éléments de cette résolution, qui sont importants pour nous, et que je vous ai rappelés tout à l'heure assez précisément, et au mandat précis, restreint qui devrait être celui des Nations unies. Nous travaillons. On ne peut pas dire franchement qu'il y ait une position européenne puisque nous n'en avons pas parlé, mais le fait que l'on discute de cela, en regardant devant nous, sans chercher les uns et les autres à donner des leçons par rapport au passé que tout le monde connaît et aux analyses différentes que nous avons faites les uns et les autres, le fait que nous regardions devant nous, que nous soyons dans cet état d'esprit grave et en même temps constructif, - et je pèse mes mots -, devrait permettre, j'espère, d'avoir une position européenne mais je ne peux pas le dire aujourd'hui. En tout cas, nous travaillons à plusieurs aux éléments de cette résolution et nous allons en reparler naturellement lors du G8, la semaine prochaine à Washington.
Mais cette résolution sera, en quelque sorte, un moment de vérité, pour le rôle que nous voulons voir jouer aux Nations unies et pour la sincérité du transfert de souveraineté aux Irakiens.
Q - Dans ce forum unique où les Arabes et les Israéliens se sont parlé avec les Européens, le ministre israélien vous a-t-il écouté ?
R - C'est à lui de vous dire s'il nous a écouté. Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec lui, pour être tout à fait franc. Je lui ai dit quelques mots ce matin, nous sommes convenus de trouver un moment dans la journée, si nous le pouvons, pour avoir une discussion un peu plus approfondie, mais cela n'a pas été possible aujourd'hui. Franchement, je ne cherche pas à me dégager de votre question, mais je n'ai pas eu la possibilité de savoir s'il a écouté. C'est un homme politique expérimenté, et quand il vient là, il sait bien où il vient, pour rencontrer des Européens et d'autres pays de la région, il ne peut pas ne pas être frappé par l'unanimité des vingt-cinq pays européens qu'il rencontre. Je ne sais pas s'il nous a écouté, je l'espère, mais il ne peut pas ne pas être interpellé par l'unanimité des vingt-cinq pays européens, qui connaissent bien cette région, qui y ont été engagés, qui sont prêts à aider, qui ont déjà prouvé qu'ils étaient disponibles. J'espère que cette unanimité comptera pour lui.
J'ai en tout cas l'intention dans les prochaines semaines, de me rendre dans cette région, aussi bien à Tel Aviv qu'à Ramallah.
Q - Monsieur le Ministre, on a vu de nouvelles images de sévices infligés par des soldats américains à des prisonniers irakiens. Qu'en pensez-vous ? Que pensez-vous des déclarations de M. Bush ? A-t-il fait assez pour apporter une solution à ce problème ?
R -Je n'ai pas l'intention de commenter les déclarations du président Bush. Ce que je peux simplement dire, comme ministre de la République française, et comme être humain, c'est que je trouve inqualifiables de telles attitudes ! Inqualifiables ! Inacceptables du point de vue de la dignité des hommes et des femmes, du point de vue des Droits de l'Homme, du point de vue du respect du droit international, qui reste notre seule règle ! Il y a des conventions pour le traitement des prisonniers, il y a un droit de la guerre. Comment peut-on ignorer à ce point ce droit et donner de tels spectacles ? Je trouve que c'est indigne !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)
(Entretien avec MBC, Al Arabiya et Al Jazira, à Dublin le 6 mai 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, comment voyez-vous votre relation Union européenne avec les pays du Maghreb en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme ? Que proposez-vous en termes pratiques pour renforcer cette lutte ?
R - La lutte contre le terrorisme concerne naturellement toutes les formes de terrorisme et tous les pays, où qu'ils se trouvent. On le voit bien, personne n'est à l'abri. Il doit y avoir une coopération sur le plan de la police et de la justice, pour tout ce qui touche à la répression des formes de terrorisme, des réseaux - et nous sommes mobilisés pour cette coopération, de part et d'autre de la Méditerranée. C'est un des sujets du dialogue politique que nous devons avoir avec les pays de l'autre rive de la Méditerranée, comme nous l'avons nous-mêmes à l'intérieur de l'Union européenne, et on a bien vu, notamment avec l'attentat de Madrid, que l'Europe pouvait être frappée au coeur de sa propre démocratie. Je pense aussi qu'au-delà de la répression, de la coopération policière et judiciaire, une manière de réduire le terrorisme à la source, c'est de réduire le désespoir et l'humiliation, de donner un horizon aux jeunes qui vivent dans tous ces pays et de leur donner un futur, par le progrès économique, par l'éducation, par la justice. L'autre volet pour réduire le terrorisme, pour créer de la stabilité, pour créer de la sécurité, c'est de promouvoir le développement économique et l'éducation.
Q - Beaucoup de pays arabes croient que le gouvernement israélien n'est pas sérieux pour faire la paix, pour faire des négociations ?
R - S'agissant de la tragédie du Proche-Orient et du conflit entre Israël et l'Autorité palestinienne, il est important de dire que les Européens sont unanimes. Tous, les vingt-cinq pays - nous sommes maintenant vingt-cinq pays - ont la même analyse pour empêcher que cette tragédie continue, ce bain de sang de part et d'autre, ces attentats-suicide, ces exécutions extrajudiciaires, qui ne sont pas acceptables non plus. Et nous avons l'objectif, tous ensemble, de deux Etats : un Etat d'Israël vivant dans la sécurité, un Etat palestinien viable, côte à côte. Voilà ce qui est au bout de la route. Pour y parvenir, il y a une Feuille de route qui a été agréée par tout le monde. Il y a un cadre, qu'on appelle le Quartet, avec les Nations unies, la Russie, l'Union européenne, les Etats-Unis. Tout cela est accepté, y compris par Israël et par l'Autorité palestinienne. Nous tenons à cet objectif, nous tenons à cette Feuille de Route, nous tenons à cette méthode. On ne fera pas la paix seulement entre Israël et les Etats-Unis, on doit la faire aussi avec les Palestiniens. On doit les respecter, négocier avec eux. Voilà ce que nous avons dit, et les pays européens ont dit cela au ministre israélien, tous ensemble, unanimement.
Q - Comment Euromed va-t-il permettre de faire progresser la résolution du conflit israélo-palestinien ?
R - Euromed est un cadre de discussion et un processus politique, économique, humain, culturel aussi, qui lient les pays de l'Union européenne, - les vingt-cinq pays -, et tous les pays de l'autre rive. La première chose que l'on peut faire, c'est de préserver ce cadre, parce que tout le monde en fait partie. Tous les ministres sont là, se parlent, même s'ils ne s'écoutent pas toujours. C'est très important. Voilà le premier acquis d'Euromed, de ce processus de Barcelone. J'ai été très frappé hier, au cours d'un dîner de travail politique : le ministre palestinien s'est exprimé clairement, et le ministre israélien s'est exprimé avec véhémence. Ils étaient autour de la même table et nous étions là avec eux. Voilà la première contribution. Et naturellement, la deuxième contribution, c'est la pression, le dialogue politique que nous maintenons, dans le cadre de cette Feuille de route sur laquelle nous sommes d'accord, pour atteindre l'objectif pour lequel nous sommes d'accord : deux Etats vivant côte à côte, un Etat d'Israël et un Etat palestinien. Nous devons pouvoir travailler ensemble dans ce sens, c'est cela l'utilité, je dirais même la nécessité, d'Euromed.
Q - Comment convaincre les Palestiniens que le plan de retrait unilatéral de Gaza pourrait être utile, pourrait être une étape vers la paix ?
R - Les Palestiniens savent bien ce qu'il y a dans la Feuille de route. Sur cette route, il y a, à un moment ou à un autre, le retrait de Gaza. Je ne crois pas que les Palestiniens ont besoin d'être convaincus que le retrait de Gaza est utile. La question est : est-ce que l'on se contente de cela ? Est-ce un substitut à tout le reste ? Nous disons non, c'est un élément d'un plan global. Est-ce que ce retrait de Gaza va se faire unilatéralement sans discussion ? Nous disons non, pour que ce soit un retrait utile et réussi, il faut le faire en liaison avec les Palestiniens. Israël doit discuter avec les Palestiniens des conditions, des modalités, du moment de ce retrait de la bande de Gaza, pour que ce territoire, lié à la Cisjordanie, soit viable. Voilà ce que je peux répondre. Le retrait de Gaza est un élément utile. Il était compris et reste compris dans la Feuille de route et fait partie d'un plan global.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)
(Entretien avec RMC-Moyen Orient, à Dublin le 6 mai 2004) :
Q - Monsieur le ministre, Euromed est un exercice qui a été créé, à l'origine, pour aider la réalisation de la paix et l'accompagner. Aujourd'hui, on se trouve dans une situation presque dans l'impasse. Est-ce qu'Euromed est encore un exercice utile quand le ministre des Affaires étrangères israélien accuse les Européens d'être du côté des Palestiniens quand ils lui réclament d'appliquer la Feuille de route ?
R - Euromed a été créé il y a neuf ans pour créer un cadre de travail politique, de stabilité, pour la paix, pour le progrès. Heureusement que nous avons ce cadre parce que c'est le seul où l'on peut tous se retrouver ensemble, tous les pays européens - et nous sommes maintenant vingt-cinq -, tous les pays de l'autre rive de la Méditerranée, et le dialogue existe entre tous les ministres, même s'il est véhément, même si certains ne s'écoutent pas, ce dialogue existe notamment avec le ministre israélien, il n'a lieu que là, dans ce cadre-là. Il faut donc le préserver. Maintenant, je serais surpris que du côté d'Israël on nous reproche, à nous Européens, de défendre la Feuille de route puisqu'elle a fait l'objet d'un travail avec les Américains, avec les Russes, entre Européens et avec les Nations unies. Elle a été agréée par Israël et par l'Autorité palestinienne. Il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route, sauf le chaos ; il n'y a pas d'alternative à la négociation entre Israël et l'Autorité palestinienne, sauf la violence. Personne ne peut nous reprocher de défendre cette Feuille de route parce qu'il n'y a pas d'alternative pour arriver à la paix, pour arriver à l'objectif de deux Etats qui vivront côte à côte, un Etat d'Israël dans la sécurité et un Etat palestinien viable politiquement et économiquement. Les Européens, je veux le dire, sont unanimes sur cette analyse, unanimes sur cette méthode et unanimes sur l'objectif.
Q - Le deuxième sujet de politique générale, c'est l'Irak. Quelle était la position de la France lors de la réunion ? Avez-vous l'impression que vous êtes écoutés ?
R - Oui, nous sommes écoutés et nous le sommes en particulier parce que, plutôt que de parler du passé - tout le monde sait la position que nous avons eue contre cette guerre, contre l'engagement militaire - nous voulons regarder devant nous. La tragédie irakienne nous concerne tous. Il faut en sortir. On en sortira dans le cadre des Nations unies, par un processus politique, et sur cette idée-là, il me semble que nous ne sommes pas seuls à dire cela. Il y a beaucoup de pays qui sont convaincus depuis longtemps, parfois depuis moins longtemps, que la seule issue à ce conflit irakien n'est pas militaire mais politique et qu'il faut regarder devant nous. Devant nous, il y a le 30 juin : une échéance très importante qui doit marquer une rupture politique visible, sincère, celle d'un vrai transfert de souveraineté aux Irakiens. L'Irak doit être gouverné par les Irakiens. Et ce sera la première preuve, le premier moment de vérité, pour le rôle que nous voulons voir jouer aux Nations unies et pour la sincérité du transfert de souveraineté aux Irakiens.
Q - La dernière question, que nous n'avons pas encore évoquée, concernant le partenariat stratégique avec l'Union européenne. Avez-vous écouté vos homologues arabes ? Peut-on avoir un espoir qu'il y ait un plus grand partenariat stratégique avec les pays arabes ? Est-ce qu'ils soutiennent les propositions européennes ?
R - Oui, j'ai beaucoup écouté mes amis et mes collègues des pays arabes. Ils ont des craintes sur cette idée d'un dialogue politique et stratégique et je crois qu'ils ont tort d'avoir des craintes. Nous-mêmes, en Europe, nous travaillons beaucoup à cette politique européenne de sécurité et de défense, dans le respect de nos alliances, notamment de l'Alliance atlantique, mais nous voulons développer une capacité autonome de décision et d'action en matière de défense. C'est d'ailleurs ce que réaffirme le projet de Constitution européenne. A partir de cette volonté européenne, nous sommes soucieux d'un vrai dialogue partenarial avec l'autre rive parce que nous sommes tous concernés par les mêmes enjeux de sécurité et de stabilité, et notamment dans la dimension de lutte contre le terrorisme. Réellement, il y a un intérêt pour tout le monde à ce dialogue stratégique. Si la confiance est reconstruite, et je pense qu'elle n'est pas loin de l'être, nous pouvons imaginer une sorte de partenariat de la paix et de la sécurité entre les pays riverains de la Méditerranée, notamment de l'Union européenne et des pays arabes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)
Mesdames, Messieurs, merci beaucoup de votre présence et de votre patience.
Je suis très heureux de ces quelques instants de dialogue, après lesquels je devrai retourner en séance.
Comme je viens de le dire à tous les ministres en séance plénière, ce fut un moment important pour moi, c'est la première fois que le nouveau ministre français des Affaires étrangères participe à cette grande réunion réunissant les ministres des deux rives de la Méditerranée. C'est un moment important car il se situe immédiatement après le 1er mai, moment de la réunification du continent européen, pas complète mais très bien engagée ; c'est donc l'occasion aussi que les dix nouveaux Etats membres de l'Union, notamment huit d'entre eux, participent pleinement à ce processus de dialogue méditerranéen. C'est aussi l'occasion de rappeler l'engagement de la France dès le début dans ce processus qu'elle a voulu il y a neuf ans, avec l'Espagne, l'Italie et d'autres partenaires et je rappelle d'ailleurs que c'est à Cannes, sous présidence française - un Conseil européen auquel je participais en tant que ministre des Affaires européennes - que les premiers crédits ont été dégagés pour soutenir ce processus. Seulement neuf ans après, il y a des interrogations sur ce processus et donc c'est certainement une nécessité de lui donner une nouvelle dynamique, dans la forme et dans le fond.
Dans la forme, peut-être avec des méthodes de travail différentes dans toutes ces réunions, pour qu'elles soient le plus utile possible, je sais qu'il y a des réflexions sur ce sujet, dans la forme aussi pour que ce que nous faisons et qui n'est pas négligeable - je rappelle que ce sont 13 milliards d'euros qui sont engagés sur la période 2000-2006 en crédits et en emprunts - pour que l'on fasse mieux connaître ce qui se fait avec cet argent concrètement. J'ai engagé la Commission à faire des propositions à partir de ses délégations, dans chaque pays pour cela.
Je pense aussi qu'il faut donner à cette coopération son caractère politique et institutionnel, une dimension plus humaine et plus humaniste et c'est probablement la grande utilité de la fondation euro-méditerranéenne pour le dialogue des cultures dont le siège a été fixé à Alexandrie grâce à la compréhension de notre collègue italien que je veux remercier.
Dans mon intervention, j'ai insisté sur trois points, le dialogue politique sur la stabilité et dans le cas de la politique européenne de sécurité et de défense, comme vous le savez, Mesdames et Messieurs, j'ai été très engagé dans la rédaction du projet de Constitution européenne puisque j'ai présidé le groupe sur la défense et j'ai rappelé à tous mes collègues que, dans le respect de nos alliances, notre intention était de développer une capacité autonome d'action et de décision en matière de défense. Comment pourrait-on le faire sans un dialogue de part et d'autre de la Méditerranée ? Je crois donc que les pays de l'autre rive doivent avoir confiance, ne doivent pas avoir peur de ce dialogue qui touche à tous les aspects de la sécurité, de la stabilité et qui concerne notamment la lutte contre le terrorisme, c'est notre cause commune.
Le deuxième point concerne l'intégration régionale et c'est vrai que, plus on est nombreux, plus c'est difficile de travailler, on le voit dans l'Union, il faut des institutions fortes, il faut du temps, probablement cela justifie que des pays qui ont des raisons plus précises, plus proches de travailler ensemble, comme le Maghreb ou les pays qui ont signé l'Accord d'Agadir, puissent mettre en oeuvre des coopérations plus proches et plus structurées.
Le troisième point est celui des nouveaux instruments que l'Europe va proposer avec une relation de voisinage qui va prolonger, j'espère amplifier MEDA, la suggestion est peut-être, pour donner davantage d'efficacité, à cette coopération dans certaines régions qui le voudraient, dans certains territoires qui le voudraient, de l'autre côté de la Méditerranée, que l'on puisse utiliser avec ce nouvel instrument de voisinage l'expérience réussie des fonds structurels européens que j'ai eu l'honneur de gérer pendant cinq ans ; cette expérience pourrait être utilisée dans des régions volontaires, dans des régions destinataires de programmation sur sept ans, programmation très concrète, avec un état d'esprit de confiance, de partenariat, de responsabilisation des partenaires nationaux ou locaux. Je pense que cette expérience des fonds structurels européens pourrait être, d'une certaine manière, utilisée concrètement pour réussir cette politique de voisinage de l'autre côté de la Méditerranée.
Hier soir, au cours d'un dîner très politique, nous avons évoqué les grandes crises, les grandes tragédies qui nous concernent tous, soit dans le conflit israélo-palestinien, soit en Irak. Dans ces deux crises, dans ces deux tragédies, la seule issue pour nous est une issue politique.
S'agissant de l'Irak, j'ai rappelé l'état d'esprit de la France, quelles qu'aient été nos analyses différentes dans le passé, nous voulons regarder devant, et lorsque l'on regarde devant nous, on voit d'abord une date qui est celle du 30 juin, qui est une date importante pour réussir le retour à la souveraineté, l'Irak doit être gouvernée par les Irakiens.
Pour que l'Irak soit gouvernée par les Irakiens, le 30 juin ne doit pas être une date artificielle. Comme le dit le président de la République française, il faut que cette date marque une rupture sincère, visible, forte dans la manière de gérer cette crise, cette tragédie. Pour cela, nous pouvons nous appuyer sur le travail des recommandations de M. Brahimi, que j'ai rencontré deux fois dans les jours passés. Cela veut dire la mise en place d'un gouvernement respecté, qui doit disposer de la réalité des pouvoirs, du pouvoir économique bien entendu ; les Irakiens doivent notamment gérer leurs ressources nationales. Ce gouvernement va devoir gérer une date de transition et préparer les élections de janvier 2005. C'est cette première étape du processus qui doit être consolidée par une première résolution des Nations unies. Cette résolution doit définir les modalités, le rôle précis, réaliste, des Nations unies, centré sur ce processus politique. Il faut aussi garantir la poursuite de ce processus, les étapes suivantes et réaffirmer qu'à l'issue de ces étapes, comme le prévoyait d'ailleurs la résolution 1511, les forces étrangères quitteront l'Irak. C'est ce départ qui marquera, le moment venu, et vous savez bien que ce n'est pas demain matin, le moment venu aux yeux des Irakiens, la fin de l'occupation et la restauration de leur souveraineté.
Vous aurez noté dans quel état d'esprit nous avons travaillé avec nos amis et partenaires du Conseil de sécurité, notamment avec les membres européens du Conseil mais aussi les Russes, dans les jours qui viennent pour la discussion qui s'ouvre sur ce projet de résolution.
Je voudrais dire enfin quelques mots de notre discussion sur le Proche-Orient. D'abord, ce qui m'a beaucoup frappé, Mesdames et Messieurs, c'est que je ne crois pas qu'il y ait d'autres endroits de cette nature, où tous les ministres, tous les responsables sont là, autour de la table, comme c'était le cas hier soir, tous. C'est la seule enceinte où ils se parlent, où ils s'écoutent, sans se comprendre nécessairement, mais où ils sont tous là et nous avec eux. Je dis qu'ils se parlent sans toujours se comprendre, il y a eu, de ce point de vue-là, un échange assez dur et très franc entre Nabil Chaath et Silvan Shalom hier soir qui montre l'ampleur des divergences.
Où en sommes-nous aujourd'hui ? Au Gymnich, pas loin d'ici, il y a une quinzaine de jours, nous nous trouvions dans une situation très difficile, au lendemain de l'accord entre le président Bush et le Premier ministre Sharon. Ce qui m'a conduit à dire que l'on ne pouvait pas faire la paix dans cette région seulement entre Américains et Israéliens mais que l'on devait aussi faire la paix avec les Palestiniens.
A ce moment-là, plusieurs de vos confrères et d'autres observateurs pensaient que la Feuille de route était réellement mise en cause, mais ce jour-là, les vingt-cinq pays de l'Union ont réaffirmé unanimement qu'il n'y avait pas d'alternative sauf le chaos, sauf une spirale indéfinie de violence, de morts, de victimes civiles innocentes, de sang. Il n'y avait pas non plus d'alternative à la négociation sauf à préférer la violence. Nous avons tenu cette ligne et notamment Javier Solana, dans les jours passés à New York au moment de la réunion hier du Quartet, et je veux l'en remercier. Nous avons tenu cette ligne en concertation avec la Russie et avec les Nations unies pour crédibiliser le seul cadre dans lequel nous pouvons travailler tous ensemble qui est le Quartet. Nous n'avons pas voulu baisser les bras et je pense que nous avons eu raison puisque cette démarche a été finalement reconnue et comprise par tous les partenaires. Hier, j'ai entendu beaucoup de ministres reconnaître que la réunion du Quartet avait donné finalement, sur cette base, un bon résultat. Nous nous en tenons et nous nous en tiendrons, à cette démarche collective. Mais pour sortir de cette crise, pour avancer, il faut qu'il y ait des gestes, de la volonté de tous les côtés. Nous attendons ces gestes. Un geste positif est que les Américains ont confirmé que le Quartet était le cadre de discussion, que la Feuille de route était là. C'est ce qui a été dit au gouvernement de Jordanie et au Roi, c'est ce qui a été écrit hier en parlant des étapes à propos de Gaza alors que nous avons craint ou pensé que le retrait de Gaza allait être considéré comme un substitut à la Feuille de route.
Concernant l'Autorité palestinienne, et c'était l'objet de mon entretien avec Nabil Chaath, il faut également poursuivre les réformes, réorganiser les services de sécurité avec l'aide de la communauté internationale, faire des efforts contre le terrorisme et pour faire cesser les attentats suicide.
Et concernant Israël, il doit retrouver le chemin du dialogue et de la négociation avec l'Autorité palestinienne ; il faut interrompre les exécutions extra-judiciaires, il faut rectifier le tracé du mur, il faut que nous obtenions la confirmation que le retrait de Gaza est une étape, un élément d'un plan global. Il faut travailler sur ce retrait de Gaza pour le réussir avec les Palestiniens et nos efforts doivent converger dans ce que nous disons ensemble pour obtenir un cessez-le-feu.
Pardonnez-moi cet exposé un peu long mais ainsi, je vous aurais tout dit, j'ai rencontré beaucoup de ministres que je ne connaissais pas, je vais continuer d'ailleurs, c'était très positif et ils sont maintenant mes collègues et j'ai avec eux des relations bilatérales très constructives.
Q - Il y a une volonté de renforcer et de modifier le dialogue entre européens, mais lors de la réunion de la troïka européenne avec le ministre israélien M. Sharon, il y a eu des affrontements, des accusations des Israéliens qui ne sont pas constructives. Selon les Israéliens, la Feuille de route ne peut pas être un moyen de dialogue. Comment peut-on espérer relancer les négociations, l'Euromed, modifier les choses en voyant cette situation catastrophique, - même au sein de l'Union, on ne parvient plus à dialoguer avec les Israéliens ?
R - Pour l'instant, ce dialogue, même s'il est dur comme vous l'avez observé, existe. La preuve c'est que tout le monde est là aujourd'hui, et tout le monde était là hier soir. Je ne connais pas les détails des propos de la Troïka, mais je vois mal comment on peut reprocher aux Européens de soutenir la Feuille de route puisque cette Feuille de route a été approuvée par Israël comme par l'Autorité palestinienne. Il est certain que cette tragédie qui n'en finit pas, dont la solution recule, constitue une hypothèque pour l'ensemble du dialogue euro-méditerranéen. Mais ce qui est important, c'est que les Européens soient unis, unanimes dans leurs sentiments à propos de ce conflit et dans leur attachement à l'objectif de deux Etats vivant côte à côte, l'Etat israélien dans la sécurité - et nous Français, nous ne transigerons jamais avec la sécurité d'Israël - et un Etat palestinien vivant. Voilà l'objectif, nous sommes tous d'accord là-dessus dans le Quartet, et c'est l'objectif qu'Israéliens et Palestiniens ont également accepté. Nous sommes tous d'accord sur la Feuille de route, tous d'accord sur la méthode, - le Quartet - et la négociation, et nous nous tiendrons à cette idée et nous ferons pression, à toutes les occasions, la semaine prochaine encore au G8, pour préserver cet acquis et cette base.
Q - Votre gouvernement a-t-il donné une date pour commencer les négociations d'adhésion avec la Turquie ? Et quelle est votre position concernant l'avenir de Chypre surtout du côté turc ?
R - Je suis étonné que vous me disiez que ce que j'ai dit ait été mal compris. En tout cas, cela a été très bien compris, comme je l'ai dit précisément et en pesant chaque mot, par le ministre turc des Affaires étrangères à qui j'en ai parlé. Il y a un débat extrêmement vif sur cette question en France et j'ai compris que ce n'était pas seulement en France. Nous devons participer à ce débat en écoutant tout le monde.
La ligne du gouvernement français, du président de la République, reste la même, elle n'a pas changé. Le président de la République a redit, dans sa conférence de presse, la vocation européenne de la Turquie. Ce qui est en discussion aujourd'hui, c'est de savoir si la Commission proposera, à la fin de l'année, d'ouvrir les négociations d'adhésion avec la Turquie qui n'ont jamais été ouvertes et, si cette négociation est ouverte, tout le monde sait qu'elle peut durer longtemps, très longtemps. Voilà pourquoi j'ai dit qu'il n'était pas question que la Turquie entre demain ou après-demain matin dans l'Union. C'est la vérité. Nous attendons donc le rapport de la Commission et c'est ce rapport qui est pour nous l'élément important. J'ai ajouté que nous n'oublions pas l'histoire et le dialogue engagé avec la Turquie depuis 1963, notamment sous l'impulsion du général de Gaulle et du chancelier allemand Konrad Adenauer et, à l'époque, il y avait six pays dans l'Union. Enfin, j'ai rappelé à tous les gens qui débattent de ce sujet que nous avons intérêt à regarder les choses toujours dans la même perspective historique et d'avenir, et lorsque l'on regarde cette perspective, on voit bien que l'intérêt de l'Union européenne, l'intérêt de la Turquie, c'est de préserver, de continuer et de consolider ce dialogue pour leur propre stabilité et pour leur propre sécurité.
Concernant Chypre, il n'y a pas de fatalité à cette division de l'île. Notre conviction reste que c'est toute l'île qui doit être un jour membre de l'Union européenne. Au-delà de ce qui s'est passé il y a quelques jours avec le référendum, nous devons garder cette perspective-là et la Commission doit trouver les moyens d'apporter à la communauté chypriote-turque l'aide au développement et au progrès économique dont elle a besoin. Cette séparation est d'une autre époque.
Je suis allé à Nicosie il y a quelques semaines, j'ai pu réunir des jeunes des deux communautés, j'ai été durablement marqué par cette rencontre. De quoi ont-ils envie ces jeunes ? Ils ont envie de vivre ensemble, de se marier, de travailler ensemble et donc il faut que les hommes politiques, que des dirigeants adultes, si je puis dire, des deux communautés mettent de la perspective aussi dans leur attitude et la seule perspective, c'est celle de l'Union européenne. Nous n'y sommes pas parvenus cette fois-ci, mais cela arrivera, j'en ai la conviction.
Q - Concernant l'Irak, vous avez dit tout à l'heure qu'au Moyen-Orient, les Européens sont dynamiques, où en êtes-vous dans vos discussions sur la position européenne en vu de cette première résolution de l'ONU ?
R - Pour l'instant, il n'y a pas de position européenne concernant une résolution, que nous ne connaissons pas ; je serais tenté de dire que, pour ne pas être pris de court et subir, il vaut mieux prévenir. Et donc nous commençons à travailler avec nos partenaires, notamment européens et aussi en concertation avec la Russie. Je l'ai dit tout à l'heure : les membres du Conseil de sécurité notamment commencent à travailler à des éléments de cette résolution, qui sont importants pour nous, et que je vous ai rappelés tout à l'heure assez précisément, et au mandat précis, restreint qui devrait être celui des Nations unies. Nous travaillons. On ne peut pas dire franchement qu'il y ait une position européenne puisque nous n'en avons pas parlé, mais le fait que l'on discute de cela, en regardant devant nous, sans chercher les uns et les autres à donner des leçons par rapport au passé que tout le monde connaît et aux analyses différentes que nous avons faites les uns et les autres, le fait que nous regardions devant nous, que nous soyons dans cet état d'esprit grave et en même temps constructif, - et je pèse mes mots -, devrait permettre, j'espère, d'avoir une position européenne mais je ne peux pas le dire aujourd'hui. En tout cas, nous travaillons à plusieurs aux éléments de cette résolution et nous allons en reparler naturellement lors du G8, la semaine prochaine à Washington.
Mais cette résolution sera, en quelque sorte, un moment de vérité, pour le rôle que nous voulons voir jouer aux Nations unies et pour la sincérité du transfert de souveraineté aux Irakiens.
Q - Dans ce forum unique où les Arabes et les Israéliens se sont parlé avec les Européens, le ministre israélien vous a-t-il écouté ?
R - C'est à lui de vous dire s'il nous a écouté. Je n'ai pas eu l'occasion de discuter avec lui, pour être tout à fait franc. Je lui ai dit quelques mots ce matin, nous sommes convenus de trouver un moment dans la journée, si nous le pouvons, pour avoir une discussion un peu plus approfondie, mais cela n'a pas été possible aujourd'hui. Franchement, je ne cherche pas à me dégager de votre question, mais je n'ai pas eu la possibilité de savoir s'il a écouté. C'est un homme politique expérimenté, et quand il vient là, il sait bien où il vient, pour rencontrer des Européens et d'autres pays de la région, il ne peut pas ne pas être frappé par l'unanimité des vingt-cinq pays européens qu'il rencontre. Je ne sais pas s'il nous a écouté, je l'espère, mais il ne peut pas ne pas être interpellé par l'unanimité des vingt-cinq pays européens, qui connaissent bien cette région, qui y ont été engagés, qui sont prêts à aider, qui ont déjà prouvé qu'ils étaient disponibles. J'espère que cette unanimité comptera pour lui.
J'ai en tout cas l'intention dans les prochaines semaines, de me rendre dans cette région, aussi bien à Tel Aviv qu'à Ramallah.
Q - Monsieur le Ministre, on a vu de nouvelles images de sévices infligés par des soldats américains à des prisonniers irakiens. Qu'en pensez-vous ? Que pensez-vous des déclarations de M. Bush ? A-t-il fait assez pour apporter une solution à ce problème ?
R -Je n'ai pas l'intention de commenter les déclarations du président Bush. Ce que je peux simplement dire, comme ministre de la République française, et comme être humain, c'est que je trouve inqualifiables de telles attitudes ! Inqualifiables ! Inacceptables du point de vue de la dignité des hommes et des femmes, du point de vue des Droits de l'Homme, du point de vue du respect du droit international, qui reste notre seule règle ! Il y a des conventions pour le traitement des prisonniers, il y a un droit de la guerre. Comment peut-on ignorer à ce point ce droit et donner de tels spectacles ? Je trouve que c'est indigne !
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)
(Entretien avec MBC, Al Arabiya et Al Jazira, à Dublin le 6 mai 2004) :
Q - Monsieur le Ministre, comment voyez-vous votre relation Union européenne avec les pays du Maghreb en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme ? Que proposez-vous en termes pratiques pour renforcer cette lutte ?
R - La lutte contre le terrorisme concerne naturellement toutes les formes de terrorisme et tous les pays, où qu'ils se trouvent. On le voit bien, personne n'est à l'abri. Il doit y avoir une coopération sur le plan de la police et de la justice, pour tout ce qui touche à la répression des formes de terrorisme, des réseaux - et nous sommes mobilisés pour cette coopération, de part et d'autre de la Méditerranée. C'est un des sujets du dialogue politique que nous devons avoir avec les pays de l'autre rive de la Méditerranée, comme nous l'avons nous-mêmes à l'intérieur de l'Union européenne, et on a bien vu, notamment avec l'attentat de Madrid, que l'Europe pouvait être frappée au coeur de sa propre démocratie. Je pense aussi qu'au-delà de la répression, de la coopération policière et judiciaire, une manière de réduire le terrorisme à la source, c'est de réduire le désespoir et l'humiliation, de donner un horizon aux jeunes qui vivent dans tous ces pays et de leur donner un futur, par le progrès économique, par l'éducation, par la justice. L'autre volet pour réduire le terrorisme, pour créer de la stabilité, pour créer de la sécurité, c'est de promouvoir le développement économique et l'éducation.
Q - Beaucoup de pays arabes croient que le gouvernement israélien n'est pas sérieux pour faire la paix, pour faire des négociations ?
R - S'agissant de la tragédie du Proche-Orient et du conflit entre Israël et l'Autorité palestinienne, il est important de dire que les Européens sont unanimes. Tous, les vingt-cinq pays - nous sommes maintenant vingt-cinq pays - ont la même analyse pour empêcher que cette tragédie continue, ce bain de sang de part et d'autre, ces attentats-suicide, ces exécutions extrajudiciaires, qui ne sont pas acceptables non plus. Et nous avons l'objectif, tous ensemble, de deux Etats : un Etat d'Israël vivant dans la sécurité, un Etat palestinien viable, côte à côte. Voilà ce qui est au bout de la route. Pour y parvenir, il y a une Feuille de route qui a été agréée par tout le monde. Il y a un cadre, qu'on appelle le Quartet, avec les Nations unies, la Russie, l'Union européenne, les Etats-Unis. Tout cela est accepté, y compris par Israël et par l'Autorité palestinienne. Nous tenons à cet objectif, nous tenons à cette Feuille de Route, nous tenons à cette méthode. On ne fera pas la paix seulement entre Israël et les Etats-Unis, on doit la faire aussi avec les Palestiniens. On doit les respecter, négocier avec eux. Voilà ce que nous avons dit, et les pays européens ont dit cela au ministre israélien, tous ensemble, unanimement.
Q - Comment Euromed va-t-il permettre de faire progresser la résolution du conflit israélo-palestinien ?
R - Euromed est un cadre de discussion et un processus politique, économique, humain, culturel aussi, qui lient les pays de l'Union européenne, - les vingt-cinq pays -, et tous les pays de l'autre rive. La première chose que l'on peut faire, c'est de préserver ce cadre, parce que tout le monde en fait partie. Tous les ministres sont là, se parlent, même s'ils ne s'écoutent pas toujours. C'est très important. Voilà le premier acquis d'Euromed, de ce processus de Barcelone. J'ai été très frappé hier, au cours d'un dîner de travail politique : le ministre palestinien s'est exprimé clairement, et le ministre israélien s'est exprimé avec véhémence. Ils étaient autour de la même table et nous étions là avec eux. Voilà la première contribution. Et naturellement, la deuxième contribution, c'est la pression, le dialogue politique que nous maintenons, dans le cadre de cette Feuille de route sur laquelle nous sommes d'accord, pour atteindre l'objectif pour lequel nous sommes d'accord : deux Etats vivant côte à côte, un Etat d'Israël et un Etat palestinien. Nous devons pouvoir travailler ensemble dans ce sens, c'est cela l'utilité, je dirais même la nécessité, d'Euromed.
Q - Comment convaincre les Palestiniens que le plan de retrait unilatéral de Gaza pourrait être utile, pourrait être une étape vers la paix ?
R - Les Palestiniens savent bien ce qu'il y a dans la Feuille de route. Sur cette route, il y a, à un moment ou à un autre, le retrait de Gaza. Je ne crois pas que les Palestiniens ont besoin d'être convaincus que le retrait de Gaza est utile. La question est : est-ce que l'on se contente de cela ? Est-ce un substitut à tout le reste ? Nous disons non, c'est un élément d'un plan global. Est-ce que ce retrait de Gaza va se faire unilatéralement sans discussion ? Nous disons non, pour que ce soit un retrait utile et réussi, il faut le faire en liaison avec les Palestiniens. Israël doit discuter avec les Palestiniens des conditions, des modalités, du moment de ce retrait de la bande de Gaza, pour que ce territoire, lié à la Cisjordanie, soit viable. Voilà ce que je peux répondre. Le retrait de Gaza est un élément utile. Il était compris et reste compris dans la Feuille de route et fait partie d'un plan global.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)
(Entretien avec RMC-Moyen Orient, à Dublin le 6 mai 2004) :
Q - Monsieur le ministre, Euromed est un exercice qui a été créé, à l'origine, pour aider la réalisation de la paix et l'accompagner. Aujourd'hui, on se trouve dans une situation presque dans l'impasse. Est-ce qu'Euromed est encore un exercice utile quand le ministre des Affaires étrangères israélien accuse les Européens d'être du côté des Palestiniens quand ils lui réclament d'appliquer la Feuille de route ?
R - Euromed a été créé il y a neuf ans pour créer un cadre de travail politique, de stabilité, pour la paix, pour le progrès. Heureusement que nous avons ce cadre parce que c'est le seul où l'on peut tous se retrouver ensemble, tous les pays européens - et nous sommes maintenant vingt-cinq -, tous les pays de l'autre rive de la Méditerranée, et le dialogue existe entre tous les ministres, même s'il est véhément, même si certains ne s'écoutent pas, ce dialogue existe notamment avec le ministre israélien, il n'a lieu que là, dans ce cadre-là. Il faut donc le préserver. Maintenant, je serais surpris que du côté d'Israël on nous reproche, à nous Européens, de défendre la Feuille de route puisqu'elle a fait l'objet d'un travail avec les Américains, avec les Russes, entre Européens et avec les Nations unies. Elle a été agréée par Israël et par l'Autorité palestinienne. Il n'y a pas d'alternative à cette Feuille de route, sauf le chaos ; il n'y a pas d'alternative à la négociation entre Israël et l'Autorité palestinienne, sauf la violence. Personne ne peut nous reprocher de défendre cette Feuille de route parce qu'il n'y a pas d'alternative pour arriver à la paix, pour arriver à l'objectif de deux Etats qui vivront côte à côte, un Etat d'Israël dans la sécurité et un Etat palestinien viable politiquement et économiquement. Les Européens, je veux le dire, sont unanimes sur cette analyse, unanimes sur cette méthode et unanimes sur l'objectif.
Q - Le deuxième sujet de politique générale, c'est l'Irak. Quelle était la position de la France lors de la réunion ? Avez-vous l'impression que vous êtes écoutés ?
R - Oui, nous sommes écoutés et nous le sommes en particulier parce que, plutôt que de parler du passé - tout le monde sait la position que nous avons eue contre cette guerre, contre l'engagement militaire - nous voulons regarder devant nous. La tragédie irakienne nous concerne tous. Il faut en sortir. On en sortira dans le cadre des Nations unies, par un processus politique, et sur cette idée-là, il me semble que nous ne sommes pas seuls à dire cela. Il y a beaucoup de pays qui sont convaincus depuis longtemps, parfois depuis moins longtemps, que la seule issue à ce conflit irakien n'est pas militaire mais politique et qu'il faut regarder devant nous. Devant nous, il y a le 30 juin : une échéance très importante qui doit marquer une rupture politique visible, sincère, celle d'un vrai transfert de souveraineté aux Irakiens. L'Irak doit être gouverné par les Irakiens. Et ce sera la première preuve, le premier moment de vérité, pour le rôle que nous voulons voir jouer aux Nations unies et pour la sincérité du transfert de souveraineté aux Irakiens.
Q - La dernière question, que nous n'avons pas encore évoquée, concernant le partenariat stratégique avec l'Union européenne. Avez-vous écouté vos homologues arabes ? Peut-on avoir un espoir qu'il y ait un plus grand partenariat stratégique avec les pays arabes ? Est-ce qu'ils soutiennent les propositions européennes ?
R - Oui, j'ai beaucoup écouté mes amis et mes collègues des pays arabes. Ils ont des craintes sur cette idée d'un dialogue politique et stratégique et je crois qu'ils ont tort d'avoir des craintes. Nous-mêmes, en Europe, nous travaillons beaucoup à cette politique européenne de sécurité et de défense, dans le respect de nos alliances, notamment de l'Alliance atlantique, mais nous voulons développer une capacité autonome de décision et d'action en matière de défense. C'est d'ailleurs ce que réaffirme le projet de Constitution européenne. A partir de cette volonté européenne, nous sommes soucieux d'un vrai dialogue partenarial avec l'autre rive parce que nous sommes tous concernés par les mêmes enjeux de sécurité et de stabilité, et notamment dans la dimension de lutte contre le terrorisme. Réellement, il y a un intérêt pour tout le monde à ce dialogue stratégique. Si la confiance est reconstruite, et je pense qu'elle n'est pas loin de l'être, nous pouvons imaginer une sorte de partenariat de la paix et de la sécurité entre les pays riverains de la Méditerranée, notamment de l'Union européenne et des pays arabes.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 10 mai 2004)