Texte intégral
Monsieur le Président,
L'occasion qui m'est donnée de participer aujourd'hui, avec vous-même et les éminentes personnalités qui vous entourent, au dixième dialogue post-Forum du Pacifique, constitue un honneur auquel je suis particulièrement sensible. Permettez-moi à ce titre d'adresser aux Etats fédérés de Micronésie mes remerciements pour la remarquable organisation de cette rencontre annuelle entre le Forum et ses partenaires extérieurs, ainsi que mes voeux sincères de succès dans les responsabilités décisives que notre hôte assurera au cours de l'année à venir, à la tête de l'Organisation.
Pour la France, l'année 1998 restera comme une étape marquante de l'évolution politique de l'Océanie. La conclusion des Accords de Nouméa, sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, permet de tracer pour le territoire un avenir de paix et de développement partage entre toutes les communautés qui y vivent.
Il y a dix ans déjà, les Accords de Matignon permettaient le rétablissement de la paix civile en Nouvelle-Calédonie, instauraient un esprit de dialogue et favorisaient une politique de rééquilibrage entre les communautés. A plusieurs reprises, ces dernières années, des délégations de pays membres du Forum ont pu constater sur place, au cours de leurs visites sur le territoire, cette évolution positive.
Tout comme les Accords de Matignon, auxquels le lie une étroite filiation, l'Accord de Nouméa, signé le 5 mai dernier, est le fruit de ce même esprit de dialogue entre des hommes de bonne volonté qui ont accepté, sans renier leurs convictions ni renoncer à leurs aspirations, de parcourir ensemble un nouveau chemin pour sceller leur destin commun. Il a été négocié par le gouvernement avec les deux principales forces politiques : le FLNKS et le RPCR.
La signature de cet accord a suscité en Nouvelle-Calédonie une réaction de soulagement et une large adhésion. Le Parlement français, réuni en congrès le 6 juillet, a procédé à la révision constitutionnelle que sa mise en oeuvre nécessitait. Avant la fin de cette année, probablement en novembre, les électeurs de Nouvelle-Calédonie concernés seront appelés à se déterminer démocratiquement à son sujet. Je ne doute pas qu'une majorité de Calédoniens approuvera cet accord signé en leur nom.
La conclusion de l'Accord de Nouméa traduit la volonté de la France d'accompagner, conformément aux valeurs qui sont les siennes, le désir d'émancipation des populations auxquelles elle est historiquement liée. La présence de très nombreux pays du Forum en mai dernier à l'inauguration du Centre Tjibaou et à la cérémonie de signature des Accords de Nouméa, a montré à quel point la compréhension entre la France et ses partenaires de la région, troublée dans un passé encore récent par des malentendus, était grande désormais.
D'ailleurs, la démarche de l'Accord de Nouméa s'inspire pour beaucoup de l'esprit même du Pacifique. Plutôt que de figer les institutions dans une tradition de droit normatif, il s'agit de se placer dans une perspective d'évolution maîtrisée, nourrie d'un dialogue permanent.
Cet Accord a pour but de permettre à la Nouvelle-Calédonie de maîtriser son destin, destin choisi, destin partagé.
Le destin choisi, c'est la possibilité pour les Néocalédoniens de maîtriser leur développement selon des modalités qui vont bien au-delà de l'autonomie, même très large. L'exécutif sera transféré à un gouvernement composé de représentants des diverses forces politiques, désignés à la proportionnelle dans un esprit semblable à celui qui préside à la recherche du consensus océanien.
Les compétences actuellement exercées par l'Etat seront progressivement transférées à la Nouvelle-Calédonie, ou partagées avec elle, comme, par exemple, dans le domaine des relations extérieures.
Ainsi, sans mettre en cause la compétence générale de l'Etat dans le domaine des relations extérieures, l'Accord de Nouméa prévoit de reconnaître à la Nouvelle-Calédonie la possibilité d'être "membre de certaines organisations internationales ou associées à elles". Il prévoit aussi que "la Nouvelle-Calédonie pourra avoir des représentations dans des pays de la zone Pacifique" et "conclure des accords avec ces pays dans ses domaines de compétence".
Cet accord ouvre, on le voit, de nouvelles perspectives pour l'insertion de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique.
Au terme de cette évolution, l'Etat ne conservera que quelques compétences : justice, défense, ordre public, monnaie.
Dans des conditions précisément décrites par l'Accord de Nouméa, les populations intéressées seront appelées, dans les vingt ans ou moins si le Congrès le décide, à se prononcer sur la question de la pleine souveraineté.
L'Accord de Nouméa, c'est aussi un destin partagé entre toutes les communautés qui font la richesse de la Nouvelle-Calédonie. La France, qui a reconnu lucidement les ombres et les lumières de l'histoire de cette terre, souhaite y garantir la paix civile et offrir les conditions d'un développement harmonieux à une population qui, le moment venu, aura à choisir lucidement son destin.
La Polynésie française, quant à elle, est un territoire disposant déjà d'une très large autonomie au sein de la République, en vertu de deux statuts d'autonomie successifs adoptés en 1984 et 1996. A ce titre, ce territoire bénéficie de transferts de compétence dans de nombreux domaines, tels l'exploration et l'exploitation des ressources de la mer, les communications, le régime des investissements étrangers ou la négociation relative aux dessertes maritimes ou aériennes. Le président du Territoire a également, dans les conditions prévues par le statut d'autonomie, des pouvoirs de négociations et de signature d'accords internationaux.
Selon le souhait du gouvernement de Polynésie française, l'Etat et le Territoire ont engagé, il y a quelques semaines, des discussions destinées à conforter et élargir encore le statut d'autonomie. Elles devraient pouvoir aboutir avant la fin de cette année. Une révision de la Constitution s'inspirera des dispositions prévues pour la Nouvelle-Calédonie.
L'évolution institutionnelle des territoires français du Pacifique ne signifie nullement, soyez-en certains, que la France a l'intention d'opérer un désengagement qui se traduirait par le ralentissement de ses efforts en faveur du développement du Pacifique insulaire.
Il apparaît, en revanche, que notre association croissante aux actions multilatérales entreprises dans la région, accompagnée d'une étroite coordination avec les bailleurs de fonds, constitue la caractéristique dominante de notre politique au cours des deux dernières années, et particulièrement en 1998.
J'assistais, il y a presque un an, à Canberra, au cinquantième anniversaire de la Communauté du Pacifique qui, grâce à l'action énergique de son directeur général, M. Robert Dun, est maintenant à même de jouer pleinement son rôle de rouage principal de la coopération technique dans la région. C'est avec satisfaction que cette année nous avons porté de 15,8 % à 19,5 % notre contribution au budget de la CPS. Cette décision, s'ajoutant à l'augmentation depuis 1994 de notre participation au financement des programmes, porte à 40 % l'accroissement global de notre effort.
Nous ne sommes pas membre du Forum, cette autre instance majeure du Pacifique, et cependant un tournant vient d'être pris au cours des derniers six mois dans les relations de la France avec votre organisation. Nous avons ainsi participé à plusieurs réunions de concertation technique dans les domaines tels que la pêche ou la navigation aérienne. Nous observons avec attention les résultats des réunions annuelles des ministres de l'Economie du Forum, qui ont pour but de coordonner les efforts des pays de la région en vue d'un développement durable. Une importante négociation avec l'Agence des pêches du Forum est actuellement menée par la France au nom de ses territoires afin de permettre l'accès de leurs navires thoniers aux Zones économiques exclusives de la région. L'accord que nous espérons conclure comprendra un volet de Coopération.
Dans la ligne de ces initiatives nouvelles que je viens d'évoquer, la France est prête, au cours des années à venir, et avec votre accord, à aller plus loin dans la voie d'une coopération renforcée avec le Forum.
L'effort financier que nous consentons au profit du développement des pays insulaires n'a pas diminué en dépit de notre actuelle politique de rigueur budgétaire. Constituée de subventions et de prêts, sa part mesurable en termes monétaires demeure de l'ordre de 25 millions de dollars. Il faudrait y ajouter plusieurs types d'action dont le coût est moins immédiatement quantifiable, tels la surveillance des Zones économiques exclusives de certains pays insulaires (Vanuatu, Cook, Fidji), notre Coopération en matière de formation des forces armées ou de gendarmerie, ou l'acheminement de nos secours d'urgences aux Etats victimes de catastrophes naturelles. Notre action humanitaire, menée dans le cadre de l'Accord Franz de 1992 avec nos partenaires australiens et néo-zélandais, a été illustrée récemment par plusieurs opérations, en faveur de Tonga, de Vanuatu et à deux reprises de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La plus notable a été, en mars dernier, la distribution conjointe par la France et l'Australie, d'une aide alimentaire acheminée de Nouméa, aux populations de Papouasie-Nouvelle Guinée frappées par la sécheresse due au phénomène El Nino.
Dans la mise en oeuvre de notre Coopération, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française assument un rôle crucial, qui ne pourra, à l'évidence qu'être considérablement renforcé par l'évolution de leur statut. De plus en plus, nos territoires concluront avec leurs voisins, comme la Nouvelle-Calédonie l'a déjà fait avec le Vanuatu, où la Polynésie française avec Kiribati, leurs propres accords de Coopération.
Il est, à ce propos, un aspect particulier de la Coopération que nous espérons particulièrement voir se renforcer et sur lequel, à l'occasion de notre rencontre, je souhaiterais attirer votre attention, celui de la recherche scientifique au service du développement. Nous souhaitons promouvoir par la passation d'accords, visant à terme à une véritable "mise en réseau", les relations entre l'université française du Pacifique établie à Nouméa et à Papeete et les institutions universitaires du Pacifique. Par ailleurs, nos instituts de recherche, l'ORSTOM établi à Nouméa, et également l'IFREMER, le CIRAD dans le domaine agricole, l'Institut Louis Malarde de Papeete dans celui des maladies tropicales, ont pour vocation d'être pour la région de véritables "centres de ressources", susceptibles d'engager avec leurs partenaires des programmes de recherche pluriannuels, autant que de répondre à des demandes ponctuelles de pays insulaires confrontés aux difficultés de leur environnement. Il s'agit là d'une orientation à long terme de notre politique, pour laquelle nous sommes, bien entendu, à l'écoute de vos suggestions et de vos besoins.
Je n'ignore pas que la préoccupation la plus immédiate de nos amis du Pacifique insulaire est la renégociation de la Convention de Lomé qui commencera le 30 septembre prochain. Il n'est pas besoin d'insister sur l'attachement de la France à un engagement résolu de l'Union européenne en faveur du développement des pays ACP, attachement dont nous avions fait preuve dès le Sommet de Cannes en 1995, en devenant notamment à hauteur de 24, 3 % le premier contributeur au FED.
C'est dans ce même esprit, que nous nous sommes impliqués dans la concertation européenne sur l'avenir de la Convention.
Le mandat de négociation adopté en juin par les partenaires de l'Union et auquel nous avons apporté notre soutien, nous paraît avoir tenu compte de la situation des pays ACP, comme des évolutions rendues nécessaires par l'évolution du contexte international.
L'intérêt des pays ACP, notamment des Etats insulaires du Pacifique, est en effet de parvenir à terme à une meilleure insertion dans l'économie mondiale. Nous souhaitons vous y aider. La dynamique régionale débouchant sur la formation de zones d'unions douanières qui pourraient, si elles le souhaitent, négocier par la suite, des accords de libéralisation des échanges avec l'Union européenne, constitue la meilleure voie pour une adaptation aux contraintes de l'OMC. A ce titre, le projet, que vous êtes en train d'élaborer, d'une zone de libre-échange entre les pays du Forum va dans la bonne direction.
Chacun comprend, cependant, qu'une telle évolution ne peut se faire que par étapes. Nous avons en conséquence soutenu et obtenu, le principe de l'instauration d'une période transitoire de cinq ans, durant laquelle les avantages commerciaux de l'actuelle convention seront préservés, notamment les protocoles-produits dont l'importance est cruciale pour certains d'entre vous. Une libéralisation, négociée avec les pays ACP pourra être mise en oeuvre ultérieurement de façon progressive et étalée. Dans cette perspective, la vulnérabilité des pays ACP, dépendants du cours des matières premières et de leurs fluctuations devra être prise en compte : en clair, il conviendra de trouver un ou des successeurs aux systèmes Stabex et Sysmin actuellement en place.
Comme vous le savez par ailleurs, l'actualisation de la Convention, consistera à maintenir un accord global tout en introduisant une différenciation régionale qui se traduire par la passation d'accords complémentaires. La France est très consciente des particularités des Etats insulaires du Pacifique. Il est donc particulièrement important qu'au cours de la négociation, nous maintenions, par l'intermédiaire de nos ambassadeurs dans la région, un dialogue étroit avec vous.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions, et vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)
L'occasion qui m'est donnée de participer aujourd'hui, avec vous-même et les éminentes personnalités qui vous entourent, au dixième dialogue post-Forum du Pacifique, constitue un honneur auquel je suis particulièrement sensible. Permettez-moi à ce titre d'adresser aux Etats fédérés de Micronésie mes remerciements pour la remarquable organisation de cette rencontre annuelle entre le Forum et ses partenaires extérieurs, ainsi que mes voeux sincères de succès dans les responsabilités décisives que notre hôte assurera au cours de l'année à venir, à la tête de l'Organisation.
Pour la France, l'année 1998 restera comme une étape marquante de l'évolution politique de l'Océanie. La conclusion des Accords de Nouméa, sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, permet de tracer pour le territoire un avenir de paix et de développement partage entre toutes les communautés qui y vivent.
Il y a dix ans déjà, les Accords de Matignon permettaient le rétablissement de la paix civile en Nouvelle-Calédonie, instauraient un esprit de dialogue et favorisaient une politique de rééquilibrage entre les communautés. A plusieurs reprises, ces dernières années, des délégations de pays membres du Forum ont pu constater sur place, au cours de leurs visites sur le territoire, cette évolution positive.
Tout comme les Accords de Matignon, auxquels le lie une étroite filiation, l'Accord de Nouméa, signé le 5 mai dernier, est le fruit de ce même esprit de dialogue entre des hommes de bonne volonté qui ont accepté, sans renier leurs convictions ni renoncer à leurs aspirations, de parcourir ensemble un nouveau chemin pour sceller leur destin commun. Il a été négocié par le gouvernement avec les deux principales forces politiques : le FLNKS et le RPCR.
La signature de cet accord a suscité en Nouvelle-Calédonie une réaction de soulagement et une large adhésion. Le Parlement français, réuni en congrès le 6 juillet, a procédé à la révision constitutionnelle que sa mise en oeuvre nécessitait. Avant la fin de cette année, probablement en novembre, les électeurs de Nouvelle-Calédonie concernés seront appelés à se déterminer démocratiquement à son sujet. Je ne doute pas qu'une majorité de Calédoniens approuvera cet accord signé en leur nom.
La conclusion de l'Accord de Nouméa traduit la volonté de la France d'accompagner, conformément aux valeurs qui sont les siennes, le désir d'émancipation des populations auxquelles elle est historiquement liée. La présence de très nombreux pays du Forum en mai dernier à l'inauguration du Centre Tjibaou et à la cérémonie de signature des Accords de Nouméa, a montré à quel point la compréhension entre la France et ses partenaires de la région, troublée dans un passé encore récent par des malentendus, était grande désormais.
D'ailleurs, la démarche de l'Accord de Nouméa s'inspire pour beaucoup de l'esprit même du Pacifique. Plutôt que de figer les institutions dans une tradition de droit normatif, il s'agit de se placer dans une perspective d'évolution maîtrisée, nourrie d'un dialogue permanent.
Cet Accord a pour but de permettre à la Nouvelle-Calédonie de maîtriser son destin, destin choisi, destin partagé.
Le destin choisi, c'est la possibilité pour les Néocalédoniens de maîtriser leur développement selon des modalités qui vont bien au-delà de l'autonomie, même très large. L'exécutif sera transféré à un gouvernement composé de représentants des diverses forces politiques, désignés à la proportionnelle dans un esprit semblable à celui qui préside à la recherche du consensus océanien.
Les compétences actuellement exercées par l'Etat seront progressivement transférées à la Nouvelle-Calédonie, ou partagées avec elle, comme, par exemple, dans le domaine des relations extérieures.
Ainsi, sans mettre en cause la compétence générale de l'Etat dans le domaine des relations extérieures, l'Accord de Nouméa prévoit de reconnaître à la Nouvelle-Calédonie la possibilité d'être "membre de certaines organisations internationales ou associées à elles". Il prévoit aussi que "la Nouvelle-Calédonie pourra avoir des représentations dans des pays de la zone Pacifique" et "conclure des accords avec ces pays dans ses domaines de compétence".
Cet accord ouvre, on le voit, de nouvelles perspectives pour l'insertion de la Nouvelle-Calédonie dans le Pacifique.
Au terme de cette évolution, l'Etat ne conservera que quelques compétences : justice, défense, ordre public, monnaie.
Dans des conditions précisément décrites par l'Accord de Nouméa, les populations intéressées seront appelées, dans les vingt ans ou moins si le Congrès le décide, à se prononcer sur la question de la pleine souveraineté.
L'Accord de Nouméa, c'est aussi un destin partagé entre toutes les communautés qui font la richesse de la Nouvelle-Calédonie. La France, qui a reconnu lucidement les ombres et les lumières de l'histoire de cette terre, souhaite y garantir la paix civile et offrir les conditions d'un développement harmonieux à une population qui, le moment venu, aura à choisir lucidement son destin.
La Polynésie française, quant à elle, est un territoire disposant déjà d'une très large autonomie au sein de la République, en vertu de deux statuts d'autonomie successifs adoptés en 1984 et 1996. A ce titre, ce territoire bénéficie de transferts de compétence dans de nombreux domaines, tels l'exploration et l'exploitation des ressources de la mer, les communications, le régime des investissements étrangers ou la négociation relative aux dessertes maritimes ou aériennes. Le président du Territoire a également, dans les conditions prévues par le statut d'autonomie, des pouvoirs de négociations et de signature d'accords internationaux.
Selon le souhait du gouvernement de Polynésie française, l'Etat et le Territoire ont engagé, il y a quelques semaines, des discussions destinées à conforter et élargir encore le statut d'autonomie. Elles devraient pouvoir aboutir avant la fin de cette année. Une révision de la Constitution s'inspirera des dispositions prévues pour la Nouvelle-Calédonie.
L'évolution institutionnelle des territoires français du Pacifique ne signifie nullement, soyez-en certains, que la France a l'intention d'opérer un désengagement qui se traduirait par le ralentissement de ses efforts en faveur du développement du Pacifique insulaire.
Il apparaît, en revanche, que notre association croissante aux actions multilatérales entreprises dans la région, accompagnée d'une étroite coordination avec les bailleurs de fonds, constitue la caractéristique dominante de notre politique au cours des deux dernières années, et particulièrement en 1998.
J'assistais, il y a presque un an, à Canberra, au cinquantième anniversaire de la Communauté du Pacifique qui, grâce à l'action énergique de son directeur général, M. Robert Dun, est maintenant à même de jouer pleinement son rôle de rouage principal de la coopération technique dans la région. C'est avec satisfaction que cette année nous avons porté de 15,8 % à 19,5 % notre contribution au budget de la CPS. Cette décision, s'ajoutant à l'augmentation depuis 1994 de notre participation au financement des programmes, porte à 40 % l'accroissement global de notre effort.
Nous ne sommes pas membre du Forum, cette autre instance majeure du Pacifique, et cependant un tournant vient d'être pris au cours des derniers six mois dans les relations de la France avec votre organisation. Nous avons ainsi participé à plusieurs réunions de concertation technique dans les domaines tels que la pêche ou la navigation aérienne. Nous observons avec attention les résultats des réunions annuelles des ministres de l'Economie du Forum, qui ont pour but de coordonner les efforts des pays de la région en vue d'un développement durable. Une importante négociation avec l'Agence des pêches du Forum est actuellement menée par la France au nom de ses territoires afin de permettre l'accès de leurs navires thoniers aux Zones économiques exclusives de la région. L'accord que nous espérons conclure comprendra un volet de Coopération.
Dans la ligne de ces initiatives nouvelles que je viens d'évoquer, la France est prête, au cours des années à venir, et avec votre accord, à aller plus loin dans la voie d'une coopération renforcée avec le Forum.
L'effort financier que nous consentons au profit du développement des pays insulaires n'a pas diminué en dépit de notre actuelle politique de rigueur budgétaire. Constituée de subventions et de prêts, sa part mesurable en termes monétaires demeure de l'ordre de 25 millions de dollars. Il faudrait y ajouter plusieurs types d'action dont le coût est moins immédiatement quantifiable, tels la surveillance des Zones économiques exclusives de certains pays insulaires (Vanuatu, Cook, Fidji), notre Coopération en matière de formation des forces armées ou de gendarmerie, ou l'acheminement de nos secours d'urgences aux Etats victimes de catastrophes naturelles. Notre action humanitaire, menée dans le cadre de l'Accord Franz de 1992 avec nos partenaires australiens et néo-zélandais, a été illustrée récemment par plusieurs opérations, en faveur de Tonga, de Vanuatu et à deux reprises de la Papouasie-Nouvelle-Guinée. La plus notable a été, en mars dernier, la distribution conjointe par la France et l'Australie, d'une aide alimentaire acheminée de Nouméa, aux populations de Papouasie-Nouvelle Guinée frappées par la sécheresse due au phénomène El Nino.
Dans la mise en oeuvre de notre Coopération, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française assument un rôle crucial, qui ne pourra, à l'évidence qu'être considérablement renforcé par l'évolution de leur statut. De plus en plus, nos territoires concluront avec leurs voisins, comme la Nouvelle-Calédonie l'a déjà fait avec le Vanuatu, où la Polynésie française avec Kiribati, leurs propres accords de Coopération.
Il est, à ce propos, un aspect particulier de la Coopération que nous espérons particulièrement voir se renforcer et sur lequel, à l'occasion de notre rencontre, je souhaiterais attirer votre attention, celui de la recherche scientifique au service du développement. Nous souhaitons promouvoir par la passation d'accords, visant à terme à une véritable "mise en réseau", les relations entre l'université française du Pacifique établie à Nouméa et à Papeete et les institutions universitaires du Pacifique. Par ailleurs, nos instituts de recherche, l'ORSTOM établi à Nouméa, et également l'IFREMER, le CIRAD dans le domaine agricole, l'Institut Louis Malarde de Papeete dans celui des maladies tropicales, ont pour vocation d'être pour la région de véritables "centres de ressources", susceptibles d'engager avec leurs partenaires des programmes de recherche pluriannuels, autant que de répondre à des demandes ponctuelles de pays insulaires confrontés aux difficultés de leur environnement. Il s'agit là d'une orientation à long terme de notre politique, pour laquelle nous sommes, bien entendu, à l'écoute de vos suggestions et de vos besoins.
Je n'ignore pas que la préoccupation la plus immédiate de nos amis du Pacifique insulaire est la renégociation de la Convention de Lomé qui commencera le 30 septembre prochain. Il n'est pas besoin d'insister sur l'attachement de la France à un engagement résolu de l'Union européenne en faveur du développement des pays ACP, attachement dont nous avions fait preuve dès le Sommet de Cannes en 1995, en devenant notamment à hauteur de 24, 3 % le premier contributeur au FED.
C'est dans ce même esprit, que nous nous sommes impliqués dans la concertation européenne sur l'avenir de la Convention.
Le mandat de négociation adopté en juin par les partenaires de l'Union et auquel nous avons apporté notre soutien, nous paraît avoir tenu compte de la situation des pays ACP, comme des évolutions rendues nécessaires par l'évolution du contexte international.
L'intérêt des pays ACP, notamment des Etats insulaires du Pacifique, est en effet de parvenir à terme à une meilleure insertion dans l'économie mondiale. Nous souhaitons vous y aider. La dynamique régionale débouchant sur la formation de zones d'unions douanières qui pourraient, si elles le souhaitent, négocier par la suite, des accords de libéralisation des échanges avec l'Union européenne, constitue la meilleure voie pour une adaptation aux contraintes de l'OMC. A ce titre, le projet, que vous êtes en train d'élaborer, d'une zone de libre-échange entre les pays du Forum va dans la bonne direction.
Chacun comprend, cependant, qu'une telle évolution ne peut se faire que par étapes. Nous avons en conséquence soutenu et obtenu, le principe de l'instauration d'une période transitoire de cinq ans, durant laquelle les avantages commerciaux de l'actuelle convention seront préservés, notamment les protocoles-produits dont l'importance est cruciale pour certains d'entre vous. Une libéralisation, négociée avec les pays ACP pourra être mise en oeuvre ultérieurement de façon progressive et étalée. Dans cette perspective, la vulnérabilité des pays ACP, dépendants du cours des matières premières et de leurs fluctuations devra être prise en compte : en clair, il conviendra de trouver un ou des successeurs aux systèmes Stabex et Sysmin actuellement en place.
Comme vous le savez par ailleurs, l'actualisation de la Convention, consistera à maintenir un accord global tout en introduisant une différenciation régionale qui se traduire par la passation d'accords complémentaires. La France est très consciente des particularités des Etats insulaires du Pacifique. Il est donc particulièrement important qu'au cours de la négociation, nous maintenions, par l'intermédiaire de nos ambassadeurs dans la région, un dialogue étroit avec vous.
Je serai maintenant heureux de répondre à vos questions, et vous remercie de votre attention.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 septembre 2001)