Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et de la décentralisation culturelle, sur le soutien aux arts de la rue, notamment par les collectivités locales, et l'aide de l'Etat en région, Aurillac le 26 août 2000.

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Circonstance : Festival des arts de la rue à Aurillac le 25 août 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs,
Je suis particulièrement heureux d'être parmi vous, aujourd'hui, à Aurillac, ville pionnière des Arts de la rue, pour cette quinzième édition du Festival.
Quinze ans déjà que ce festival emblématique marque l'évolution des arts de la rue. Il en est le miroir, dans lequel se reflètent les interrogations de toute une profession, mais il en est aussi et surtout l'une des forces de propositions parmi les plus vives.
Le Festival d'Aurillac, tout comme Lieux Publics, le Centre national de création des arts de la rue, ont posé les jalons d'une reconnaissance des arts de la rue, comme un art à part entière. Une reconnaissance que les collectivités locales en premier lieu et l'Etat plus récemment, accompagnent de leur soutien.
C'est son fondateur, Michel Crespin, figure "(déjà !) historique, mais ô combien vivante des arts de la rue", qui a donné au Festival d'Aurillac cette force, cet impact, cette densité qui l'ont conduit au succès que l'on sait. Je veux lui rendre cet hommage tant pour son action passée que pour celle qu'il s'apprête à entreprendre dans le domaine de la formation et de la transmission.
Mais une personnalité artistique, aussi talentueuse soit-elle, ne peut réussir une telle aventure sans le soutien d'une volonté politique forte. Je sais votre histoire, Monsieur le Maire, je sais la "complicité" (au sens noble du terme) que l'équipe municipale d'Aurillac a entretenu et entretient avec ses directeurs. Le dernier document du Département des Etudes et de la prospective consacré à l'économie des arts de la rue, souligne, à juste titre, "le rôle essentiel de l'initiative locale" dans la création des Festivals de rue, "loin d'une logique étatique d'aménagement du territoire". C'est toujours la qualité du couple "élu - artiste ou professionnel", qui constitue la condition première du succès, et je tiens à saluer ici tous les responsables politiques présents qui soutiennent ce grand événement.
Du temps s'est écoulé depuis les premières aventures des pionniers des arts de la rue. Aujourd'hui le Festival d'Aurillac, sous l'égide éclairée, compétente et passionnée de Jean-Marie Songy, a consolidé son assise de manifestation-phare. Il a su conjuguer adhésion populaire et exigence dans ses choix artistiques. Il s'est affirmé désormais comme le rendez-vous incontournable de la profession au niveau national et international.
Les chiffres sont là pour en témoigner : le Festival d'Aurillac rassemble sur quatre jours plus de cent mille personnes, habitants de la ville et de la région, mais aussi de passionnés se déplaçant de toute la France, voire de l'Europe, pour venir assister à ce rituel populaire qu'est devenu le Festival d'Aurillac.
Au fil des années, le Festival s'est attaché un public, qui suit attentivement les propositions artistiques, tout en jouissant de l'ambiance ludique, ouverte et décontractée, qui fait le charme de ce festival.
En ce sens aussi, le Festival d'Aurillac incarne l'une des valeurs défendues par les politiques publiques et que les arts de la rue ont depuis toujours exprimé : le rapport immédiat au public, le droit d'accès des citoyens à la culture, dans toutes ses formes, l'engagement si particulier de l'artiste de rue, le caractère souvent collectif du travail de création, une reconnaissance mutuelle qui existent peu ailleurs, une diversité de l'offre et une adaptabilité exceptionnelle, plus que d'autres disciplines de la scène, les arts de la rue s'inscrivent, par nature, au cur de cette démocratie culturelle que nous tâchons de construire.
Le Festival est en effet un formidable terrain d'initiation, de découverte et d'acculturation pour le public comme pour les artistes. Chaque année 400 compagnies, invitées ou en off, dont plus du quart viennent de l'étranger, prennent possession de la ville, de ses cours, de ses rues, mais aussi de ses paysages naturels et de ses histoires. Ils détournent cette ville qui aime être détournée, qui a choisi de l'être depuis 1985 pour y installer la griffe éclectique et urbaine de la créativité internationale.
Aurillac et son agglomération deviennent alors un immense comptoir d'échanges où les projets se nouent et où les aventures artistiques surgissent.
Mais, la consolidation du succès du Festival d'Aurillac sur le plan du public et de la profession ne saurait perdurer sans accomplir une évolution nécessaire.
Le Festival d'Aurillac n'échappe pas à la problématique générale qui traverse les arts de la rue. Après des années de croissance au cours desquelles il a fallu gagner parfois durement une véritable reconnaissance, les temps sont mûrs pour que les arts de la rue dépassent le phénomène estival pour s'investir dans des projets durables.
C'est ainsi qu'un premier maillage de pôles artistiques de référence a vu le jour grâce au soutien de villes qui depuis des années ont misé sur les arts de la rue. C'est le cas de Saint-Gaudens avec les Haras, de Sotteville-lès-Rouen avec l'Atelier 231, de Châlon-sur-Saône avec l'Abattoir, de Brest avec le Fourneau ou encore de l'ensemble des communes réunies autour du projet de Culture Commune aujourd'hui installée à Loos-en-Gohelle.
Prenant appui sur des expériences réussies de festival, ces pôles sont aujourd'hui les points d'ancrage du développement des arts de la rue dans une logique de continuité de l'action sur un territoire. Les projets en chantier à Aurillac sont au cur de ces interrogations. Après avoir lancé des défis artistiques, après avoir aiguisé une très grande attente de la part du public, après avoir suscité puis construit une relation partenariale forte avec les collectivités, il pose désormais légitimement l'enjeu de son développement dans la durée.
Depuis des années le Festival s'est engagé dans des actions de production et il a récemment développé une saison des arts de la rue étendue sur plusieurs mois. La compagnie El Teatro del Silencio est installée pour trois ans dans la région et elle a déjà bénéficié de résidences de création, comme d'autres compagnies importantes.
Des initiatives en matière de formation ont été prises avec, notamment, les classes théâtre du Lycée Emile Duclaux et l'accueil de plusieurs stagiaires d'écoles professionnelles pour les métiers de la culture.
Le Festival a, par ailleurs, montré à travers ses choix artistiques sa capacité à déborder le domaine spécifique art de la rue, en invitant des spectacles d'autres sensibilités artistiques, dès lors qu'un projet fort s'inscrit dans l'espace public.
Cette maturité du Festival d'Aurillac trouve un cadre d'accomplissement dans le projet d'ouverture d'un lieu de fabrication, le Parapluie.
Il est aujourd'hui nécessaire de considérer la poursuite de ce projet dans un cadre cohérent, en tenant compte des autres projets d'aménagement d'équipements culturels sur le territoire. Je pense particulièrement à la nécessité de refonder, après le terrible incendie qui l'a dévasté, le Théâtre d'Aurillac, outil indispensable à la vie culturelle de la cité.
L'Etat souhaite que les arts de la rue s'enracinent de manière durable et constructive dans le paysage culturel du pays. Pour cela, deux axes de politique d'intervention vont être poursuivis, après une année d'augmentation significative des budgets qui leur sont consacrés.
Le premier axe porte sur les pôles structurants : lieux de fabrication et scènes conventionnées pluridisciplinaires, avec une dominante "arts de la rue". L'Etat souhaite développer ces pôles, mais il ne saurait être le seul financeur. Le partenariat avec les collectivités territoriales et locales est indispensable à la réussite de ces projets.
Le deuxième axe concerne le conventionnement des compagnies les plus significatives sur le plan artistique. A l'heure actuelle une quinzaine d'entre elles bénéficient d'un conventionnement qui leur garantit un suivi de l'aide de l'Etat en région. Par ailleurs, le Ministère de la culture et de la communication a réservé sur ces crédits centraux des aides spécifiques pour favoriser la création, il a ouvert des aides à la création dramatique, aux nouvelles dramaturgies non textuelles, dans lesquelles peuvent s'inscrire les arts de la rue.
Enfin, l'Etat souhaite approfondir, en collaboration avec les autres puissances publiques et les partenaires professionnels, la réflexion sur les formations aux arts de la rue.
Une mission d'étude a été confiée à Franceline Spielmann par le Ministère. Ses préconisations ont retenu toute l'attention des services et sont actuellement à l'étude.
Je l'évoquais au début de mon intervention, les questions de formation sont essentielles pour assurer la perpétuation de tout mouvement artistique et sa nécessaire transmission aux générations futures.
Soyons certains que sur ce terrain aussi, les artistes de rue feront preuve d'imagination et d'esprit d'initiative. Aux pouvoirs publics, Etat et collectivités locales, de les accompagner dans cette nouvelle phase d'accomplissement.
En conclusion je voudrais vous réaffirmer ma volonté d'agir en faveur des arts de la rue.
Un champ artistique aussi vivant - [je le rappelle quelques huit cent compagnies répertoriées, prés de quatre mille personnes mobilisées en permanence, un chiffre d'affaire d'environ trois cent cinquante millions de francs] n'a plus à faire la preuve ni de son importance ni de sa créativité.
Art du décloisonnement des disciplines, des cultures et des pratiques,
Art des confrontations esthétiques,
Art des avant-postes urbains,
Art de plein droit si je puis dire, nous savons que les arts de la rue représentent à la fois un creuset de formes radicalement nouvelles et un laboratoire permanent pour la ville.
Autant de raisons qui nous concernent, tant l'Etat que les puissances publiques.
Croyez moi, je me sens concerné.
Je vous remercie de votre attention.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 28 août 2000)