Texte intégral
Les travaux de notre CCN s'inscrivent dans un contexte bien particulier.
Nous avions un programme d'échanges et de discussions qui était chargé, et l'actualité est venue perturber le bel ordonnancement que nous avions calculé !
J'entends bien, que l'on puisse rester insatisfait de n'avoir pas pu aller au bout de certains débats, en même temps je pense que nos deux jours nous ont quand même permis de prendre le temps de traiter sur le fond les sujets posés au CCN.
Le premier aspect que je voudrais souligner, c'est la nécessité, l'importance qu'il y a à ce que le plus rapidement possible, et donc avant la parution du Peuple, chacune de nos organisations ait connaissance des débats, de notre état d'esprit, de notre démarche, des objectifs que nous nous sommes fixés à l'issue de ce CCN.
Nous devons prendre le temps de restituer notre réflexion commune dans l'ensemble de l'organisation, de livrer des éléments supplémentaires à la réflexion sur les caractéristiques du moment que nous vivons ou sur les sujets sur lesquels notre activité va se concentrer.
Mon absence de la séance d'hier après-midi en raison de la réunion exceptionnelle des 5 Confédérations me conduit à limiter l'essentiel de mon propos à quelques considérations directement utiles pour les jours et les semaines à venir.
A l'exigence de nouveau progrès social que nous visions par les délibérations du 46e congrès et présente dans la plupart des conflits qui animent notre pays, le MEDEF prétend opposer et imposer au monde du travail une refondation libérale des acquis sociaux qui n'épargnerait aucun salarié, aucun chômeur, aucun retraité.
L'enjeu est donc considérable pour les salariés dans leur ensemble, c'est aussi en quelque sorte une nouvelle épreuve de vérité pour l'ensemble du syndicalisme.
Nous devons faire beaucoup d'efforts pour rendre concret, rendre lisible ce qui pourrait, faute d'explications, apparaître comme une polémique entre syndicats et patronat. Ou pire encore n'être considéré que du domaine des états majors sans conséquence directe sur la vie de chacun.
Or, c'est de tout autre chose dont il s'agit.
Il y a certes une volonté idéologique du patronat de combler le vide créé par une droite en difficulté face au gouvernement.
Mais il y a beaucoup plus la nécessité pour le patronat, en conformité avec les choix du libéralisme, en France comme en Europe, de se dégager de toutes règles sociales qui, même affaiblies représentent des obstacles encore trop importants à la logique de marché.
Le MEDEF veut et cherche coûte que coûte à imposer à tous les niveaux - ses propositions récentes l'illustrent clairement - une forme d'organisation sociale, qui réduise au minimum les garanties collectives et les solidarités nationales, afin de laisser le champ libre à des accords de gré à gré, déstabilisant tous les contrats de travail, offrir une voie royale à l'irruption de la capitalisation dans le système de la protection sociale et à la déréglementation du travail
C'est la remise en cause de toute une architecture sociale, dont nous revendiquons la nécessaire rénovation, mais qu'eux veulent détruire.
C'est dire que nous rentrons dans une période très lourde d'enjeux car derrière tout cela il s'agit de bien autre chose que de l'avenir du "paritarisme" tel qu'il existe aujourd'hui.
Au-delà des "effets de manche" du MEDEF et de sa volonté de rendre spectaculaire sa cohésion et sa détermination, nous sommes face à une attaque de grande ampleur dont nous devons prendre et faire prendre toute la mesure.
En même temps il faut nous garder d'adopter une attitude fataliste. Notre lucidité sur les visées stratégiques du patronat ne doit surtout pas nous faire conclure à l'inéluctabilité de leur réalisation. Le rapport de force que nous devons construire est destiné à offrir et ouvrir aux salariés d'autres perspectives que celles uniquement de résistance à l'offensive qui se présente : nous prenons en compte la stratégie du patronat non seulement pour la dénoncer et la combattre, mais pour la retourner au service des salariés et avec eux.
Car entre les objectifs affichés du MEDEF et leurs applications, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Pour avoir la crédibilité nécessaire, leur nouvelle "constitution sociale refondé " doit être négociée avec des syndicats. D'autant que le désaccord assez large avec le gouvernement sur le domaine de la loi et sur l'articulation avec les accords contractuels, oblige le patronat à rechercher une légitimité qu'il ne peut se procurer qu'avec la complicité de certaines organisations syndicales, à supposer qu'il l'obtiendrait.
Il n'est pas du tout anodin de relever qu'entre gouvernement et patronat des désaccords existent sur la portée de la politique contractuelle.
Le 1er Ministre lui même a manifesté très fermement son hostilité à l'idée que les accords contractuels pourraient acquérir une validité plus forte que celle de la loi.
Il faisait écho bien évidemment aux propos du Président de la République qui, pour favoriser la politique contractuelle suggère une révision constitutionnelle qui permettrait de se dégager des " contraintes " de la démarche législative.
Pour tout le monde, la partie qui s'engage comporte des risques. Si chacun ne dispose pas du même jeu, les cartes sont sur la table et les atouts sont répartis
En ce sens, l'attitude du MEDEF, si elle peut être perçue comme une nouvelle offensive contre les salariés, ne découle pas pour autant d'une position de force.
Il tente de contenir la montée d'exigences sociales, dont il estime qu'elles ne sont plus en mesure d'être contenues efficacement par le dispositif des relations sociales en vigueur, et le paritarisme actuel s'inscrit dans ce cadre là.
Mais sa stratégie de la terre brûlée peut avoir son revers.
L'unité constitue pour elle une pierre d'achoppement importante.
Nos efforts pour parvenir à une réunion commune débouchant sur une déclaration claire et offensive s'inscrivent dans cette démarche.
Certes, le chemin peut nous sembler parfois un peu long mais il n'y a pas de stratégie de rechange et tout confirme, à l'issue de notre rencontre d'hier, que c'est bien par cette voie là que nous parviendrons à franchir de nouvelles étapes dans le sens des intérêts des salariés, des retraités et chômeurs.
C'est dans cette voie qu'il nous faut conjuguer notre volonté et notre action pour un syndicalisme rassemblé sans exclusive et sans trompe l'il afin que les syndiqués, les salariés soient en position d'acteurs et de décideurs.
La déclaration commune d'hier entre les 5 Confédérations est un point d'appui à tous les niveaux. Sa force et les suites dont elle est porteuse vont beaucoup dépendre de l'écho que nous allons lui donner dans les entreprises, des prolongements qu'elle peut susciter à l'échelle professionnelle, à l'échelle locale. A nous de nous en saisir.
Bien évidemment, la brutalité du MEDEF et l'affichage de ses ambitions peuvent inciter à des surenchères tacticiennes, également destinées à minimiser l'importance de la position commune adoptée que certains journalistes se sont empressés de qualifier de position a minima. Cela étant, au-delà de la lettre du texte qui a été approuvé en commun, il va nous falloir faire effort pour faire vivre son esprit.
Si ce texte adopté affiche un refus clair de collaborer à la refondation sociale version MEDEF, il ne résout pas par un coup de baguette magique les différences d'opinions existantes entre Confédérations sur la nature des réponses à construire ensemble.
Ca n'était pas son but et cela n'enlève rien à la portée d'une position qui ouvre un nouvel horizon dans les relations entre Confédérations, qui donne de la crédibilité à l'objectif de syndicalisme rassemblé que nous avons défendu lors du 46e congrès, il y a juste un an.
C'est parce que nous avons combattu en son temps la logique de blocs syndicaux, figés dans une posture qui opposerait les réformistes d'un côté, les contestataires de l'autre, que nous devons apprécier le pas franchi hier.
Nous n'avons pas d'interlocuteur privilégié dans notre volonté d'opposer au MEDEF le front le plus large possible sur un contenu qui réponde aux besoins des salariés.
Nous ne concevons pas la construction des convergences sous forme de concessions stratégiques, comme beaucoup d'observateurs aimeraient résumer les rapports intersyndicaux. Avec toutes les confédérations nous avons au stade actuel, tantôt des motifs de divergence, tantôt des points de convergence, et c'est le cas avec toutes les autres organisations.
Ne sous-estimons pas cependant ce que le poids de nos arguments dans le débat public, et des mobilisations en cours a pu et peut provoquer comme changement de comportement, de positionnement pour chacune des organisations déclarées représentatives de l'opinion des salariés.
C'est cette attitude qui nous place aussi à l'aise je crois pour examiner les propositions de mobilisation unitaire qui nous sont faites comme celle du 1er février suggéré par FO.
Je rappelle que notre position ouverte à des discussions décentralisées découle d'un débat à la Commission Exécutive Confédérale puis confirmée dans les contacts téléphoniques avec les unions départementales et les fédérations les 6 et 7 janvier, comme étant la position qui correspondait le mieux à la période et aux processus de mobilisation professionnelle qu'il fallait parallèlement conforter.
D'où notre volonté à la fois de rester ancrés sur la décision de consacrer le 1er février à un déploiement de toutes nos forces en direction des salariés dépourvus d'organisations syndicales, destiné à sensibiliser sur la mise en uvre concrète des 35 heures dans leurs entreprises, et en même temps d'être ouverts à des initiatives de mobilisation, dès lors qu'elles correspondaient bien à la situation locale, départementale ou professionnelle.
Mais attention, la bonne impulsion, celle qui peut aider les syndicats vers qui tout converge, ce n'est pas d'empiler les courriers, les appels, les recommandations provenant de chacun des étages de la CGT : c'est plutôt de réfléchir en permanence comment à la Confédération, dans les fédérations, les unions départementales nous conjuguons nos interventions de manière complémentaire pour la prise de conscience, pour l'information, la mobilisation, en tenant compte des réalités professionnelles, locales, des réalités géographiques.
J'ai aussi entendu des camarades estimant qu'en certains domaines nos qualificatifs à l'égard du gouvernement ne seraient pas assez "percutants".
Ce n'est pas l'opinion du gouvernement.
J'ai participé moi aussi à des débats autour des mérites à décerner au gouvernement dont il suffirait de rappeler sa qualification "de gauche plurielle" pour que "tout naturellement" il se mette en demeure de répondre à toutes nos attentes.
Sans évacuer la critique toujours légitime à notre égard, ma réaction consiste aussi à faire réfléchir sur le temps que nous consacrons dans nos réunions et nos débats pour évaluer, dans chaque syndicat, dans chaque organisation, si nous avons fait tout ce que nous devions faire pour amener le gouvernement ou les parlementaires à prendre les bonnes décisions, qu'il s'agisse des 35 heures ou de tous autres sujets.
Un exemple, et sans volonté aucune de ma part de culpabiliser qui que ce soit, mais simplement pour que le CCN, et plus largement les militants, perçoivent bien à quoi nous sommes confrontés dans la construction de nos initiatives, y compris en direction du gouvernement.
Nous avons effectivement besoin de faire respecter les libertés syndicales, nous avons besoin d'obtenir une loi d'amnistie comme première mesure engageant un processus pour des droits nouveaux en faveur des salariés, de leurs organisations syndicales sur leur lieu de travail.
C'était l'objectif du 20 janvier, à travers l'initiative sur le parvis des Droits de l'Homme, place du Trocadéro, en complément des initiatives locales, nous voulions donner une ampleur exceptionnelle à cette exigence qui correspondait aux attaques dont nous sommes trop souvent victimes en matière de libertés syndicales.
Il nous faut convenir que l'ampleur de notre rassemblement ne représente qu'une pression relative pour se faire entendre du Ministère de la justice et du Ministère du travail et obtenir gain de cause sur ce que nous réclamons.
Les salariés doivent percevoir les enjeux de la période, j'y reviens et beaucoup de débats ne peuvent se dérouler en dehors d'eux.
A l'inverse, si nous nous appuyons sur les luttes unitaires, au plan national et local, certaines se sont déroulées, d'autres sont en préparation qui portent des exigences de garanties collectives, de droits, de libertés pour faire le lien avec l'intransigeance du patronat dans les négociations, nous pourrons mieux nous faire comprendre sur le but recherché et peser avec une toute autre efficacité revendicative sur les décisions et les choix qui sont à opérer.
De ce point de vue là, le 3 février - rencontre avec le MEDEF - représente bien évidemment un rendez vous important pour lequel nous avons besoin de mettre au point un dispositif serré de relations entre nous, permettant en quelque sorte d'être en relation directe avec ces discussions mais aussi avec une nouvelle rencontre des Confédérations syndicales, qui pourrait se dérouler dès le 3 février au soir.
Le besoin de démocratie sociale est au cur des défis qui se présentent devant nous, c'est évidemment en contradiction avec la méthode proposée par le MEDEF, qui vise à la fois à verrouiller préalablement le cadre, les modalités et même les résultats du débat.
Toute autre est notre démarche et tout autre est l'attente des salariés.
Je le disais, nous avons des atouts en notre possession.
Pour ce faire, les salariés doivent pouvoir s'appuyer sur tous les enjeux sociaux de la période. Nous sommes encore loin du compte quant aux dizaines de milliers de salariés que nous avons besoin de contacter, pour que cette ambition de progrès social portée par la réduction du temps de travail se concrétise à leur avantage dans leur entreprise. Et ceci est aussi vrai sur les retraites, sur la protection sociale et sur de multiples autres dossiers.
Ces salariés doivent rencontrer une CGT disponible, ouverte qui par des actes affiche sa volonté, ses ambitions d'être utile, conquérante et ne pas simplement continuer à la percevoir comme une force nécessaire en cas de coup dur, à laquelle encore trop souvent on se contente de faire appel uniquement pour se défendre.
Nous avons, et les actions présentes le confirment, encore un énorme travail de déploiement de toutes nos forces en direction des salariés de toutes catégories, de toutes professions, afin de faire vivre des perspectives revendicatives, unitaires, pas seulement pour faire face aux mauvais coups, mais également pour prétendre à de nouvelles avancées en matière d'emplois, en matière de progrès social.
C'est la mise en uvre concrète de notre syndicalisme solidaire dont il est question et où chaque organisation a son rôle à jouer.
Tout cela va reposer tout particulièrement sur l'efficacité des directions de syndicats les mieux à même de donner à la fois les bonnes impulsions et diffuser l'ensemble de la démarche dans toutes ses dimensions confédérales, fédérales, régionales, départementales, locales, tout en aidant à la mise en uvre, à la circulation de l'information, de nos analyses pour prendre les décisions de coordination les plus appropriées dans les mobilisations futures.
Travailler à une plus grande convergence sur les enjeux revendicatifs, nécessite, à tous les niveaux, une plus grande anticipation, une plus grande réactivité. Ceci implique parallèlement, comme le CCN l'a fait, de pousser la réflexion sur notre outil syndical, nos structures, nos moyens financiers, notre mode de fonctionnement, la diffusion de notre presse - il y a eu plusieurs interventions importantes lors de ce CCN sur ces aspects, elles doivent être aussi connues des militants et provoquer d'autres discussions dans nos organisations.
En ne perdant jamais de vue que si des responsabilités importantes incombent aux syndicats et donc aux directions syndicales, il est indispensable de concevoir les transformations à venir dans la perspective de les y aider et donc avec l'implication des principaux intéressés.
C'est le sens des transformations que nous avons commencé à opérer dans la maison confédérale, c'est également le sens que nous voulons donner aux projets confédéraux, animés notamment par des membres du Bureau confédéral ou des membres de la Commission exécutive.
Autrement dit, si nous voulons que les syndicats soient les véritables vecteurs de la mise en uvre de l'activité de toute la CGT, il faut avoir ensemble la volonté de mettre à leur disposition les moyens qui le leur permettent.
Vaste chantier, énorme enjeu pour toute la CGT qui passe nécessairement par des évolutions qui ne se décrètent pas, mais qui se concrétiseront dans des actes et dans l'activité revendicative.
Nous devrions pouvoir concrétiser les 700 000 syndiqués à la CGT dans les prochaines semaines, et c'est avec ce dernier objectif en tête que je vous propose de nous quitter comme le symbole d'un cap à atteindre pour consolider le rapport de force dont les salariés ont besoin.
(Source http://www.cgt.fr, le 26 janvier 2000)
Nous avions un programme d'échanges et de discussions qui était chargé, et l'actualité est venue perturber le bel ordonnancement que nous avions calculé !
J'entends bien, que l'on puisse rester insatisfait de n'avoir pas pu aller au bout de certains débats, en même temps je pense que nos deux jours nous ont quand même permis de prendre le temps de traiter sur le fond les sujets posés au CCN.
Le premier aspect que je voudrais souligner, c'est la nécessité, l'importance qu'il y a à ce que le plus rapidement possible, et donc avant la parution du Peuple, chacune de nos organisations ait connaissance des débats, de notre état d'esprit, de notre démarche, des objectifs que nous nous sommes fixés à l'issue de ce CCN.
Nous devons prendre le temps de restituer notre réflexion commune dans l'ensemble de l'organisation, de livrer des éléments supplémentaires à la réflexion sur les caractéristiques du moment que nous vivons ou sur les sujets sur lesquels notre activité va se concentrer.
Mon absence de la séance d'hier après-midi en raison de la réunion exceptionnelle des 5 Confédérations me conduit à limiter l'essentiel de mon propos à quelques considérations directement utiles pour les jours et les semaines à venir.
A l'exigence de nouveau progrès social que nous visions par les délibérations du 46e congrès et présente dans la plupart des conflits qui animent notre pays, le MEDEF prétend opposer et imposer au monde du travail une refondation libérale des acquis sociaux qui n'épargnerait aucun salarié, aucun chômeur, aucun retraité.
L'enjeu est donc considérable pour les salariés dans leur ensemble, c'est aussi en quelque sorte une nouvelle épreuve de vérité pour l'ensemble du syndicalisme.
Nous devons faire beaucoup d'efforts pour rendre concret, rendre lisible ce qui pourrait, faute d'explications, apparaître comme une polémique entre syndicats et patronat. Ou pire encore n'être considéré que du domaine des états majors sans conséquence directe sur la vie de chacun.
Or, c'est de tout autre chose dont il s'agit.
Il y a certes une volonté idéologique du patronat de combler le vide créé par une droite en difficulté face au gouvernement.
Mais il y a beaucoup plus la nécessité pour le patronat, en conformité avec les choix du libéralisme, en France comme en Europe, de se dégager de toutes règles sociales qui, même affaiblies représentent des obstacles encore trop importants à la logique de marché.
Le MEDEF veut et cherche coûte que coûte à imposer à tous les niveaux - ses propositions récentes l'illustrent clairement - une forme d'organisation sociale, qui réduise au minimum les garanties collectives et les solidarités nationales, afin de laisser le champ libre à des accords de gré à gré, déstabilisant tous les contrats de travail, offrir une voie royale à l'irruption de la capitalisation dans le système de la protection sociale et à la déréglementation du travail
C'est la remise en cause de toute une architecture sociale, dont nous revendiquons la nécessaire rénovation, mais qu'eux veulent détruire.
C'est dire que nous rentrons dans une période très lourde d'enjeux car derrière tout cela il s'agit de bien autre chose que de l'avenir du "paritarisme" tel qu'il existe aujourd'hui.
Au-delà des "effets de manche" du MEDEF et de sa volonté de rendre spectaculaire sa cohésion et sa détermination, nous sommes face à une attaque de grande ampleur dont nous devons prendre et faire prendre toute la mesure.
En même temps il faut nous garder d'adopter une attitude fataliste. Notre lucidité sur les visées stratégiques du patronat ne doit surtout pas nous faire conclure à l'inéluctabilité de leur réalisation. Le rapport de force que nous devons construire est destiné à offrir et ouvrir aux salariés d'autres perspectives que celles uniquement de résistance à l'offensive qui se présente : nous prenons en compte la stratégie du patronat non seulement pour la dénoncer et la combattre, mais pour la retourner au service des salariés et avec eux.
Car entre les objectifs affichés du MEDEF et leurs applications, il y a loin de la coupe aux lèvres.
Pour avoir la crédibilité nécessaire, leur nouvelle "constitution sociale refondé " doit être négociée avec des syndicats. D'autant que le désaccord assez large avec le gouvernement sur le domaine de la loi et sur l'articulation avec les accords contractuels, oblige le patronat à rechercher une légitimité qu'il ne peut se procurer qu'avec la complicité de certaines organisations syndicales, à supposer qu'il l'obtiendrait.
Il n'est pas du tout anodin de relever qu'entre gouvernement et patronat des désaccords existent sur la portée de la politique contractuelle.
Le 1er Ministre lui même a manifesté très fermement son hostilité à l'idée que les accords contractuels pourraient acquérir une validité plus forte que celle de la loi.
Il faisait écho bien évidemment aux propos du Président de la République qui, pour favoriser la politique contractuelle suggère une révision constitutionnelle qui permettrait de se dégager des " contraintes " de la démarche législative.
Pour tout le monde, la partie qui s'engage comporte des risques. Si chacun ne dispose pas du même jeu, les cartes sont sur la table et les atouts sont répartis
En ce sens, l'attitude du MEDEF, si elle peut être perçue comme une nouvelle offensive contre les salariés, ne découle pas pour autant d'une position de force.
Il tente de contenir la montée d'exigences sociales, dont il estime qu'elles ne sont plus en mesure d'être contenues efficacement par le dispositif des relations sociales en vigueur, et le paritarisme actuel s'inscrit dans ce cadre là.
Mais sa stratégie de la terre brûlée peut avoir son revers.
L'unité constitue pour elle une pierre d'achoppement importante.
Nos efforts pour parvenir à une réunion commune débouchant sur une déclaration claire et offensive s'inscrivent dans cette démarche.
Certes, le chemin peut nous sembler parfois un peu long mais il n'y a pas de stratégie de rechange et tout confirme, à l'issue de notre rencontre d'hier, que c'est bien par cette voie là que nous parviendrons à franchir de nouvelles étapes dans le sens des intérêts des salariés, des retraités et chômeurs.
C'est dans cette voie qu'il nous faut conjuguer notre volonté et notre action pour un syndicalisme rassemblé sans exclusive et sans trompe l'il afin que les syndiqués, les salariés soient en position d'acteurs et de décideurs.
La déclaration commune d'hier entre les 5 Confédérations est un point d'appui à tous les niveaux. Sa force et les suites dont elle est porteuse vont beaucoup dépendre de l'écho que nous allons lui donner dans les entreprises, des prolongements qu'elle peut susciter à l'échelle professionnelle, à l'échelle locale. A nous de nous en saisir.
Bien évidemment, la brutalité du MEDEF et l'affichage de ses ambitions peuvent inciter à des surenchères tacticiennes, également destinées à minimiser l'importance de la position commune adoptée que certains journalistes se sont empressés de qualifier de position a minima. Cela étant, au-delà de la lettre du texte qui a été approuvé en commun, il va nous falloir faire effort pour faire vivre son esprit.
Si ce texte adopté affiche un refus clair de collaborer à la refondation sociale version MEDEF, il ne résout pas par un coup de baguette magique les différences d'opinions existantes entre Confédérations sur la nature des réponses à construire ensemble.
Ca n'était pas son but et cela n'enlève rien à la portée d'une position qui ouvre un nouvel horizon dans les relations entre Confédérations, qui donne de la crédibilité à l'objectif de syndicalisme rassemblé que nous avons défendu lors du 46e congrès, il y a juste un an.
C'est parce que nous avons combattu en son temps la logique de blocs syndicaux, figés dans une posture qui opposerait les réformistes d'un côté, les contestataires de l'autre, que nous devons apprécier le pas franchi hier.
Nous n'avons pas d'interlocuteur privilégié dans notre volonté d'opposer au MEDEF le front le plus large possible sur un contenu qui réponde aux besoins des salariés.
Nous ne concevons pas la construction des convergences sous forme de concessions stratégiques, comme beaucoup d'observateurs aimeraient résumer les rapports intersyndicaux. Avec toutes les confédérations nous avons au stade actuel, tantôt des motifs de divergence, tantôt des points de convergence, et c'est le cas avec toutes les autres organisations.
Ne sous-estimons pas cependant ce que le poids de nos arguments dans le débat public, et des mobilisations en cours a pu et peut provoquer comme changement de comportement, de positionnement pour chacune des organisations déclarées représentatives de l'opinion des salariés.
C'est cette attitude qui nous place aussi à l'aise je crois pour examiner les propositions de mobilisation unitaire qui nous sont faites comme celle du 1er février suggéré par FO.
Je rappelle que notre position ouverte à des discussions décentralisées découle d'un débat à la Commission Exécutive Confédérale puis confirmée dans les contacts téléphoniques avec les unions départementales et les fédérations les 6 et 7 janvier, comme étant la position qui correspondait le mieux à la période et aux processus de mobilisation professionnelle qu'il fallait parallèlement conforter.
D'où notre volonté à la fois de rester ancrés sur la décision de consacrer le 1er février à un déploiement de toutes nos forces en direction des salariés dépourvus d'organisations syndicales, destiné à sensibiliser sur la mise en uvre concrète des 35 heures dans leurs entreprises, et en même temps d'être ouverts à des initiatives de mobilisation, dès lors qu'elles correspondaient bien à la situation locale, départementale ou professionnelle.
Mais attention, la bonne impulsion, celle qui peut aider les syndicats vers qui tout converge, ce n'est pas d'empiler les courriers, les appels, les recommandations provenant de chacun des étages de la CGT : c'est plutôt de réfléchir en permanence comment à la Confédération, dans les fédérations, les unions départementales nous conjuguons nos interventions de manière complémentaire pour la prise de conscience, pour l'information, la mobilisation, en tenant compte des réalités professionnelles, locales, des réalités géographiques.
J'ai aussi entendu des camarades estimant qu'en certains domaines nos qualificatifs à l'égard du gouvernement ne seraient pas assez "percutants".
Ce n'est pas l'opinion du gouvernement.
J'ai participé moi aussi à des débats autour des mérites à décerner au gouvernement dont il suffirait de rappeler sa qualification "de gauche plurielle" pour que "tout naturellement" il se mette en demeure de répondre à toutes nos attentes.
Sans évacuer la critique toujours légitime à notre égard, ma réaction consiste aussi à faire réfléchir sur le temps que nous consacrons dans nos réunions et nos débats pour évaluer, dans chaque syndicat, dans chaque organisation, si nous avons fait tout ce que nous devions faire pour amener le gouvernement ou les parlementaires à prendre les bonnes décisions, qu'il s'agisse des 35 heures ou de tous autres sujets.
Un exemple, et sans volonté aucune de ma part de culpabiliser qui que ce soit, mais simplement pour que le CCN, et plus largement les militants, perçoivent bien à quoi nous sommes confrontés dans la construction de nos initiatives, y compris en direction du gouvernement.
Nous avons effectivement besoin de faire respecter les libertés syndicales, nous avons besoin d'obtenir une loi d'amnistie comme première mesure engageant un processus pour des droits nouveaux en faveur des salariés, de leurs organisations syndicales sur leur lieu de travail.
C'était l'objectif du 20 janvier, à travers l'initiative sur le parvis des Droits de l'Homme, place du Trocadéro, en complément des initiatives locales, nous voulions donner une ampleur exceptionnelle à cette exigence qui correspondait aux attaques dont nous sommes trop souvent victimes en matière de libertés syndicales.
Il nous faut convenir que l'ampleur de notre rassemblement ne représente qu'une pression relative pour se faire entendre du Ministère de la justice et du Ministère du travail et obtenir gain de cause sur ce que nous réclamons.
Les salariés doivent percevoir les enjeux de la période, j'y reviens et beaucoup de débats ne peuvent se dérouler en dehors d'eux.
A l'inverse, si nous nous appuyons sur les luttes unitaires, au plan national et local, certaines se sont déroulées, d'autres sont en préparation qui portent des exigences de garanties collectives, de droits, de libertés pour faire le lien avec l'intransigeance du patronat dans les négociations, nous pourrons mieux nous faire comprendre sur le but recherché et peser avec une toute autre efficacité revendicative sur les décisions et les choix qui sont à opérer.
De ce point de vue là, le 3 février - rencontre avec le MEDEF - représente bien évidemment un rendez vous important pour lequel nous avons besoin de mettre au point un dispositif serré de relations entre nous, permettant en quelque sorte d'être en relation directe avec ces discussions mais aussi avec une nouvelle rencontre des Confédérations syndicales, qui pourrait se dérouler dès le 3 février au soir.
Le besoin de démocratie sociale est au cur des défis qui se présentent devant nous, c'est évidemment en contradiction avec la méthode proposée par le MEDEF, qui vise à la fois à verrouiller préalablement le cadre, les modalités et même les résultats du débat.
Toute autre est notre démarche et tout autre est l'attente des salariés.
Je le disais, nous avons des atouts en notre possession.
Pour ce faire, les salariés doivent pouvoir s'appuyer sur tous les enjeux sociaux de la période. Nous sommes encore loin du compte quant aux dizaines de milliers de salariés que nous avons besoin de contacter, pour que cette ambition de progrès social portée par la réduction du temps de travail se concrétise à leur avantage dans leur entreprise. Et ceci est aussi vrai sur les retraites, sur la protection sociale et sur de multiples autres dossiers.
Ces salariés doivent rencontrer une CGT disponible, ouverte qui par des actes affiche sa volonté, ses ambitions d'être utile, conquérante et ne pas simplement continuer à la percevoir comme une force nécessaire en cas de coup dur, à laquelle encore trop souvent on se contente de faire appel uniquement pour se défendre.
Nous avons, et les actions présentes le confirment, encore un énorme travail de déploiement de toutes nos forces en direction des salariés de toutes catégories, de toutes professions, afin de faire vivre des perspectives revendicatives, unitaires, pas seulement pour faire face aux mauvais coups, mais également pour prétendre à de nouvelles avancées en matière d'emplois, en matière de progrès social.
C'est la mise en uvre concrète de notre syndicalisme solidaire dont il est question et où chaque organisation a son rôle à jouer.
Tout cela va reposer tout particulièrement sur l'efficacité des directions de syndicats les mieux à même de donner à la fois les bonnes impulsions et diffuser l'ensemble de la démarche dans toutes ses dimensions confédérales, fédérales, régionales, départementales, locales, tout en aidant à la mise en uvre, à la circulation de l'information, de nos analyses pour prendre les décisions de coordination les plus appropriées dans les mobilisations futures.
Travailler à une plus grande convergence sur les enjeux revendicatifs, nécessite, à tous les niveaux, une plus grande anticipation, une plus grande réactivité. Ceci implique parallèlement, comme le CCN l'a fait, de pousser la réflexion sur notre outil syndical, nos structures, nos moyens financiers, notre mode de fonctionnement, la diffusion de notre presse - il y a eu plusieurs interventions importantes lors de ce CCN sur ces aspects, elles doivent être aussi connues des militants et provoquer d'autres discussions dans nos organisations.
En ne perdant jamais de vue que si des responsabilités importantes incombent aux syndicats et donc aux directions syndicales, il est indispensable de concevoir les transformations à venir dans la perspective de les y aider et donc avec l'implication des principaux intéressés.
C'est le sens des transformations que nous avons commencé à opérer dans la maison confédérale, c'est également le sens que nous voulons donner aux projets confédéraux, animés notamment par des membres du Bureau confédéral ou des membres de la Commission exécutive.
Autrement dit, si nous voulons que les syndicats soient les véritables vecteurs de la mise en uvre de l'activité de toute la CGT, il faut avoir ensemble la volonté de mettre à leur disposition les moyens qui le leur permettent.
Vaste chantier, énorme enjeu pour toute la CGT qui passe nécessairement par des évolutions qui ne se décrètent pas, mais qui se concrétiseront dans des actes et dans l'activité revendicative.
Nous devrions pouvoir concrétiser les 700 000 syndiqués à la CGT dans les prochaines semaines, et c'est avec ce dernier objectif en tête que je vous propose de nous quitter comme le symbole d'un cap à atteindre pour consolider le rapport de force dont les salariés ont besoin.
(Source http://www.cgt.fr, le 26 janvier 2000)