Déclaration de M. François Baroin, secrétaire général délégué de l'UMP, sur la diversité des opinions au sein de l'UMP, l'Europe comme chance pour la France et le bilan de l'action culturelle de la gauche, Aubervilliers le 9 mai 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Conseil national de l'UMP à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis) le 9 mai 2004

Texte intégral

Merci François et Martial, monsieur le Président, cher Alain, mesdames messieurs, mes chers amis, nous sommes réunis pour ce Conseil national qui doit marquer, à mon sens parce que nous avons entre nous un devoir de franchise, une nouvelle étape dans la vie de notre mouvement. Car il n'a échappé à personne, après les premières échéances électorales auxquelles nous étions confrontées, que ces débuts n'étaient pas ceux dont nous avions rêvé.
Il faut bien par quelques chutes, lorsque l'on est jeune faire le dur apprentissage de l'équilibre.
Je ne dirais pas aujourd'hui, au moment où nous nous retrouvons pour repartir en avant, selon la formule que tout ce qui ne nous tue pas, nous rend plus fort, car ce n'est pas automatique, qu'il nous appartient d'avoir l'intelligence, d'en tirer très vite les leçons.
Finalement, et vous me pardonnerez cette boutade, nous avons, d'une certaine manière, une chance dans notre revers.
D'habitude lorsque nous perdons les élections, nous prenons de bonnes résolutions, nous analysons très bien les causes de la défaite et nous restons cinq ans dans l'opposition. Quand l'heure du retour aux affaires approche, autant grâce à nos projets, qu'à l'usure de nos adversaires, le temps de l'analyse de la défaite est si loin, que nous avons oublié nos bonnes résolutions.
Alors puisque nous avons les cartes en main, prenons les bonnes résolutions. Tentons de répondre aux promesses que nous nous étions faites.
Une génération se lève et demande un espoir. L'espoir d'une France qui ne s'interroge pas de manière dépressive sur son déclin, mais qui parle d'une voix forte, d'un pays sans complexe, sans frilosité, qui aille à la conquête du monde sans chercher quelques parapluies à ouvrir face aux concepts épouvantails autant que flous de la mondialisation.
Vous me pardonnerez après mes travaux sur la laïcité de citer le Pape : " n'ayons pas peur ". N'ayons pas peur de faire de la politique, d'avoir des idées, qui ne sont pas celles des autres, d'être parfois seul à y croire, de les défendre avec force, d'ironiser, de polémiquer s'il le faut.
Ne nous excusons pas d'avoir une ambition pour la France et les Français. Refusons l'idée que tour se vaut et qu'il n'y aurait plus de clivages. N'ayons pas peur en effet d'affirmer notre droit, par vocation, par conviction, d'exprimer des projets. Il y a des corps intermédiaires, des groupes de pression, mais il y a une vocation de la politique, c'est d'exprimer une vision de l'intérêt général.
Recherchons, imaginons des solutions, des projets avec ferveur et conviction. Si notre démarche est sincère, pourquoi ne serions nous pas en mesure de convaincre l'ensemble des Français ?
J'ai la conviction que les Français savent bien que les socialistes leur mentent. Ils ont rarement voté pour eux avec un enthousiasme forcené. Nos adversaires ont le plus souvent profité de notre usure ou de la mauvaise conjoncture économique, qui, comme une malédiction, a accompagné nos passages au pouvoir.
Peut-être nos compatriotes ont aussi senti nos propres doutes, nous ont reproché de ne pas donner assez longtemps l'image de la force intérieure de nos convictions. N'hésitons plus à tracer nos sillons, à réfléchir librement, à montrer notre vitalité intellectuelle, notre énergie.
Oui, une génération se lève et elle est prête à faire de la politique avec cur et sans tabou.
Commençons avec l'UMP. Quelle richesse de tradition gaulliste, radicale, démocrate chrétienne, libérale, richesse de tradition politique en notre sein. La famille radicale a plus de 100 ans, le gaullisme qui a, comme disait de Gaulle, 1000 ans, la démocratie chrétienne, je n'ose pas dire 2 000, le libéralisme deux siècles, selon que l'on se réfère aux philosophes anglais et aux économistes français injustement oubliés, ou quelques millénaires si l'on pense à la Grèce.
Pourquoi aurions-nous honte d'afficher la diversité et la force des sensibilités qui nous inspirent et nous rassemblent, et de le faire au grand jour ?
A ne pas le faire, malgré les efforts de notre président, de notre direction, nous n'avons, il faut bien le reconnaître, que des arrières pensées ou des procès d'intention.
N'ayons pas peur, les courants existeront et s'exprimeront librement. Qu'on ne compte pas sur moi pour les brider. Débattons, votons sur des orientations, allons au fond des choses, de quoi aurions-nous peur ? Nous sommes ambitieux pour la France.
Dans chaque famille, dans chaque café, entre la poire et le fromage, on débat avec passion, sur le voile, sur l'entrée de la Turquie dans l'Europe, sur la suppression du lundi de Pentecôte, et les politiques seraient assez anormaux, assez bizarres, assez déconnectés pour afficher une identité de vue miraculeuse, une absence totale d'interrogation ?
A tous les Français, qui ne seraient pas guéris des fausses promesses socialistes, et qui seraient tentés de zapper, qui aiment bien se laisser séduire par des options nouvelles, qui veulent à tout prix d'autres choix, d'autres visages, nous pourrons dire : pas besoin d'aller voir ailleurs, c'est ici que l'avenir s'invente, ici que les alternatives s'imaginent et que les têtes nouvelles se préparent.
N'ayons pas peur d'exposer des choix tranchés.
Mes chers amis,
vous avez déjà entendu, l'Europe, une chance pour la France, les Français sont attachés à la sécurité sociale, notre système de santé est le meilleur du monde, toutes ces formules ont l'air juste, mais osons faire souffler un vent de liberté, être incisif, poser les questions qui fâchent, trancher, offrir des choix, car c'est dans l'ambiguïté que les socialistes sont les meilleurs, dans l'imposture des généralités et des bons sentiments.
L'Europe, une chance pour la France, oui et après ? Arriverons-nous à faire vivre notre rêve d'une Europe indépendante des Etats-Unis, alors que sur les sujets qui nous tiennent à cur, l'autonomie en matière de défense, l'exception culturelle, l'indépendance alimentaire, nous sommes souvent minoritaires ?
L'Europe jusqu'où, pour quoi faire ? L'Europe sociale, pour manifester que notre modèle n'est pas celui des américains ? Que nous croyons, en républicains, à un certain rôle de l'Etat, pourquoi pas !
L'Europe sociale, pour imposer par des directives des contraintes sociales excessives et encourager un culte aveugle et fanatique des dépenses publiques ? Ce n'est peut-être pas notre philosophie.
C'est ce que nous proposent les socialistes pour le 13 juin.
Notre système de santé est le meilleur du monde. Tant mieux, espérons-le. Mais voilà que nous avons à la fois, pénurie de médecins, crise des urgences, manque de personnel à l'hôpital, file d 'attente chez les spécialistes, faiblesse dans les dépôts de brevets de médicaments et déficits abyssaux.
N'ayons pas peur de la vérité et n'ayons pas peur de dire à ceux qui nous ont précédés, leurs quatre vérités. Oui, n'ayons aucun complexe à aller au fond des choses, à mettre chacun devant ses responsabilités, à dissiper les illusions, à décrire le véritable bilan de la gauche.
Les Français doivent savoir que le système de santé n'a pas été géré, que les 35 heures n'ont pas crée d'emplois, qu'elles ont juste diminué les revenus des salariés, qu'elles ont affaibli la compétitivité de notre économie, que jamais, je dis bien jamais car c'est culturel, la gauche ne sera aussi déterminée que nous pour lutter contre l'insécurité et pour donner à la justice les moyens de faire appliquer les lois.
Si nous voulons garder notre modèle républicain, ce n'est pas avec la gauche où les tendances favorables au communautarisme ont pris le dessus, que nous y arriverons.
L'excès de dépense publique creuse souvent les déficits sans rien n'apporter de constructif et de fécond à long terme. Même en matière culturelle, et c'est un bon exemple, où nous avons souvent tant de complexe, une part du cinéma plutôt en régression, une industrie du disque malade, une fréquentation des musées en baisse, un patrimoine bien souvent à l'abandon ou fermé pour travaux, des intermittents du spectacle avant tout victimes d'une situation fossilisée, sans réforme pendant des années, une création contemporaine, qui bien souvent n'arrive pas à franchir les frontières du pays, et parfois un copinage qui tourne en rond, des grands établissements et grands travaux qui pompent tout le budget, si l'on se pince, si l'on résiste à l'hypnose, il est où le bilan de Jack Lang ? Comme dirait Lelouch : " Tout ça pour ça !".
Voilà, puisque nous sommes maintenant et c'est une triste vérité que nous devons respecter, au niveau régional, dans l'opposition, commençons par mettre en place et c'est votre responsabilité d'élu de l'UMP, un observatoire des régions, afin d'être, dès à présent, en mesure de pointer les fautes de gestion, de celles et ceux qui se croient déjà en pays conquis.
Vous connaissez les classements que publient les magazines sur la gestion des régions. J'y ai souvent vu en tête ma région, Champagne Ardenne, ainsi que Poitou-Charentes, mais pour Nord Pas de Calais, toujours gérée par la gauche, il fallait regarder en bas, vers leurs dettes, effectifs pléthoriques et investissements utiles réduits à pas grand chose.
Mes chers amis,
Vous savez ce que l'on dit de la difficulté d'être un parti de gouvernement. On craint de le gêner en pensant trop fort, on n'ose plus dire ce à quoi l'on croit, on n'ose pas critiquer l'opposition puisqu'elle n'est plus aux affaires. Et bien, nous n'allons pas nous priver de critiquer l'opposition, chaque fois qu'elle prouvera par ses actes, dans chaque région, qu'elle ne peut prétendre offrir une alternative à notre projet.
Ici, par notre ligne de parti démocratique stimulante, nous allons tenter de montrer qu'il n'y a pas besoin d'aller voir ailleurs, que les débats aujourd'hui, c'est grâce à la diversité et à la profondeur des courants d'idées rassemblés ici, à leur frottement, à leur choc s'il le faut, que nous pourrons y répondre.
Je ne souhaite pas, nous ne souhaitons pas, que le 13 juin celles et ceux qui nous ont quittés en l'espace de deux ans, offrent à nouveau sur un plateau d'argent une victoire à nos adversaires qui ne le méritent pas. Ils ne le méritent pas en raison de ce qu'ils ont fait pendant cinq ans et ils ne le méritent pas non plus en raison de leur absence de projet.
Voilà pourquoi je voudrais, devant vous, vous encourager à partager cette conviction, que nous pouvons parfaitement sortir de la petite déprime au lendemain de cette lourde défaite, qui nous traverse, pourquoi le taire.
Je voudrais également, devant vous, rendre un hommage appuyé à Alain Juppé, pour de très nombreuses raisons.
D'abord, parce qu'il a créé l'élan, il a donné cette dynamique. Par sa vision, il a entraîné beaucoup d'entre nous sur un chemin qui peut être heureux, un chemin de croissance, celui d'une nouvelle conquête d'un espace politique.
Si nous avons appris très tôt, grâce à lui et à d'autres, dans la victoire, nous devons aussi, grâce à lui et pour lui, apprendre dans cette défaite. Il veut organiser la relève, je le remercie de sa confiance.
Il a mis en place une commission exécutive, au premier rang desquels se trouvent Marcel Saddier et François Cornut-Gentille, qui s'occuperont des fédérations, mais il y en a bien d'autres : nos porte-parole, toute l'équipe en charge de la préparation des élections, du projet, du programme.
Nous sommes une équipe dynamique, nous partageons ses convictions, nous le remercions et nous nous efforcerons avec beaucoup d'énergie, beaucoup de conviction et d'ambition, d'être à la hauteur du message qui est le sien, qui est le nôtre.
(Source http://www.u-m-p.org, le 14 mai 2004)