Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur et porte-parole du gouvernement, à I Télévision le 3 mai 2004, sur l'expulsion d'imams, la lutte contre l'intégrisme musulman, l'antisémitisme et le racisme, la profanation de cimetières juifs en Alsace, le dossier de l'UNEDIC et la décentralisation.

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Média : I-télévision - Télévision

Texte intégral

Jean-François COPE bonjour.
- Bonjour.
Q- Alors on apprend que cinq imams ont été expulsés depuis le mois de janvier. Il y en a un qui est sous le coup d'un arrêté d'expulsion actuellement. Ca veut dire quoi ? Qu'il y a une progression inquiétante de l'Islam radical en France ou est-ce que c'est le ministère de l'Intérieur qui a décidé de faire un coup, de frapper fort ?

R- Non vous savez, si je devais résumer un peu la philosophie qu'est la nôtre, je dirais que c'est la République, rien que la République, toute la République. L'objectif est clair. Nous avons des lois, nous avons des valeurs, et l'une des missions qui est la nôtre et en particulier celle que met en uvre Dominique de VILLEPIN, c'est d'appliquer les lois de la République. C'est vrai que

Q-En l'occurrence, les lois de la République n'ont pas été appliquées puisque le tribunal administratif dans l'affaire de l'Imam de Vénissieux a annulé l'arrêter d'expulsion faute de preuves.

R - Ecoutez, ça c'est un point qui méritera sans doute d'être précisé avec le temps qui passe. Vous savez que le gouvernement s'est pourvu en cassation par rapport à cette situation et ça sera important et intéressant de savoir ce que décidera le Conseil d'Etat en la matière. S'il apparaît que la loi aujourd'hui ne permet pas de respecter les lois de la République sur tout ce qui concerne ces problèmes de lutte contre les menaces comme celles que vous évoquiez à l'instant, alors il faudra peut-être modifier la loi.

Q-Et vous modifierez la loi dans quel sens ?

R - Dans le sens qui nous permette effectivement d'assurer la sécurité de nos concitoyens et notamment de nous donner les moyens de lutter contre l'intégrisme, toutes les formes d'intégrisme qui, de ce point de vue sont contraire aux lois de la République. Mais je crois qu'il faut être très attentif car en même temps, la pire des choses serait de faire l'amalgame. Encore une fois, il ne s'agit en rien de mettre en cause dans notre pays la liberté d'exercer son culte, dans le respect de celui des autres. Et je crois que là-dessus il faut que les choses soient tout à fait claires. Et d'ailleurs, le ministre de l'Intérieur a eu l'occasion de le rappeler en rencontrant les responsables du Conseil du culte musulman. Je crois que nous avons un partenariat à établir, qui soit dans la droite ligne de ce que nous avons mis en uvre depuis deux ans. Ca concerne la formation des imams, l'organisation du culte musulman

Q-Qui est aujourd'hui au point mort

R - Ecoutez, en tout cas qui est au point mort on ne peut pas dire que les choses sont au point mort dans ce domaine, car désormais, tout est sur la table. On l'évoque et on voit comment on pourra mettre en uvre tout cela alors qu'avant ce n'était même pas évoqué.

Q-Le Conseil français des cultes musulmans justement, n'apprécie pas toute cette publicité qui est faite autour de ces expulsions. Il dit qu'il regrette de ne pas avoir été associé en amont de ces décisions. Est-ce que le CFCM est le bon interlocuteur ?

R - Oui, je le crois tout à fait. Bien sûr qu'on peut encore améliorer à la fois le fonctionnement, la nature des relations au quotidien entre les pouvoirs publics et ce Conseil, ça me paraît d'ailleurs avec le temps qui passe, aller tout à fait naturellement. Je crois qu'encore une fois, à la fois il ne doit pas y avoir d'amalgame, ça, ça serait la pire des choses et qu'en même temps, personne ne doit douter de notre détermination à lutter contre toutes les formes d'intégrisme car c'est aussi les valeurs de la République que nous voulons ainsi protéger.

Q-Il y a aussi un autre dossier brûlant, c'est l'antisémitisme. Augmentation des actes antisémites au premier trimestre 2004, profanation du cimetière juif en Alsace. Est-ce que ça veut dire que la France, qu'elle soit dirigée par la droite ou par la gauche n'en n'a pas fini avec la lutte contre l'antisémitisme ?
R - Ca veut surtout dire que dans ce domaine-là aussi, notre détermination est totale. Vous savez, il y avait ces dernières années deux thèses en présence par rapport à la montée d'actes antisémites. La première thèse consiste à dire n'en parlons pas, ça pourrait exacerber les choses. Ca n'est pas notre point de vue, nous pensons exactement l'inverse. Nous pensons qu'il faut mettre les choses sur la table en toute transparence, acter qu'il y a effectivement une montée des actes, des propos antisémites dans des proportions qui sont inacceptables et les combattre. La loi LELOUCHE par exemple, dont nous avons naturellement beaucoup encouragée l'adoption au Parlement permet aujourd'hui de prendre les mesures et de sanctionner les responsables de ces actes antisémites et croyez que dans ce domaine, nous serons déterminés. Il y a cet après-midi même sous la présidence de Jean-Pierre RAFFARIN, un comité de lutte contre l'antisémitisme et le racisme qui est tenu, c'est le quatrième du genre en quatre mois. La détermination est totale et je veux dire que ça concerne bien sûr la nécessité de sanctionner et ça a été le cas à plusieurs reprises, mais aussi d'informer, de prévenir et je crois que dans ce domaine, il y a un très gros travail à faire car cette banalisation de l'antisémitisme ou du racisme c'est quelque chose d'inacceptable et d'insupportable, dans un pays moderne comme le nôtre.

Q-Alors justement, ce qui s'est passé en Alsace, est-ce que ça donne raison à Jacques CHIRAC qui affirme que l'antisémitisme ne peut pas, c'est un sujet trop grave pour faire l'objet de polémiques.

R - Il ne s'agit pas de polémiques, naturellement, il s'agit de montrer l'efficacité publique en la matière et je crois que c'est très important aussi de rappeler que depuis deux ans maintenant, notre gouvernement est extrêmement engagé sur ces questions et je crois que c'est bien aussi de le rappeler.

Q-Non, mais là en l'occurrence je fais allusion quand même aux déclaration de Nicolas SARKOZY..
R - J'avais compris

Q-Qui disait que les socialistes n'avaient pas réussi à lutter contre l'antisémitisme et d'ailleurs il a persisté, il persiste et signe après les déclarations de Jacques CHIRAC. Il a raison ou tort de persister ?

R - Je crois, vous savez, il y a vraiment deux thèses en présence. Il y a ceux qui on dit pendant longtemps : n'en parlons pas trop pour ne pas exacerber les tensions. Notre gouvernement a fait la démonstration que sur des sujets comme ceux-là, comme sur d'autres

Q-Non, mais on peut polémiquer ou on ne peut pas polémiquer sur cette question.

R - Mais le problème n'est pas pardon d'insister là-dessus mais le problème n'est pas de se placer en terme de polémique. Le problème est de se placer en terme d'efficacité publique
Q-Mais il y en a une

R - Et c'est vrai que dans ce domaine-là, je crois que les choses sont parfaitement claires dans la détermination qui est la nôtre à bouger, à bouger le plus vite possible pour montrer que sur ces actes les sanctions seront extrêmement fermes.

Q-Plus déterminées que le gouvernement de gauche ?

R - Ecoutez, en tout cas, ce sera aux électeurs de le juger le moment venu, sur ce sujet-là comme sur d'autres. Sachez qu'en ce qui nous concerne, la détermination est totale, ça peut être marquer un changement..

Q-Permettez-moi d'insister mais est-ce que Nicolas SARKOZY a eu raison de créer cette polémique et est-ce qu'il a raison de persister malgré les déclarations de Jacques CHIRAC ?

R - Moi je non mais attendez, pardonnez-moi, ce n'est pas lui qui a créé la polémique, Valérie ASTRUC

Q-Il y a eu une question posée par les socialistes

R - Je suis désolé la polémique elle a été

Q-Qui ne portait pas sur le

R - Valérie ASTRUC, la polémique a été créée par le ton de la question, pour avoir été présent dans l'hémicycle je peux en témoigner, c'était même très au-delà, de ce que l'on peut imaginer dans une démocratie moderne. Pour le reste, je vous ai dit ce qu'il en était sur ce sujet. Notre détermination est totale et au moment des résultats, ça sera aussi sans doute des éléments qui pourront être évalués par les Français.
Q-Donc en clair, vous ne voulez pas en rajouter, c'est terminé, on arrête d'en parler. C'est cela

R - Si vous voulez, on peut recommencer mais

Q-Non, non vous ferez la même réponse, effectivement, ce n'est pas la peine. Alors, encore une dernière question justement sur Nicolas SARKOZY et Jacques CHIRAC. Donc, en dépit des déclarations de Jacques CHIRAC justement sur l'antisémitisme, Nicolas SARKOZY persiste et signe, est-ce que ce n'est pas la preuve que ce n'est pas la débandade de la droite ?

R - Ah écoutez non, je ne crois vraiment pas non, non, je ne crois pas que ça soit comme ça qu'il faille dire les choses

Q-Mais ils ne sont pas d'accord sur cette question

R - Mais si. Mais enfin écoutez, là pour le coup c'est vous qui tenez à entrer de plain-pied dans une polémique qui n'a pas lieu d'être. Alors tout le monde est parfaitement d'accord et parfaitement déterminé, la lutte contre l'antisémitisme est totale. C'est vrai que depuis deux ans nous avons pris, nous, un certain nombre d'initiatives qui n'avaient pas été prises avant, que ce soit la création du comité interministériel de lutte contre l'antisémitisme qui est l'exemple type puisque c'est la structure la plus puissante et la plus efficace qui soit. Le Premier ministre avec autour de lui tous les ministres concernés, pour prendre des mesures très concrètes et en évaluer les résultats. Donc on ne peut sans doute pas être plus efficace et plus déterminés en la matière. Donc là, franchement, je ne suis pas certain que les termes que vous employez soient tout à fait adaptés à l'ambiance du moment.

Q-D'accord. Et RAFFARIN dans tout cela ? Demain il y a les conférences de presse de Nicolas SARKOZY, après celle de Jacques CHIRAC. Jean-Pierre RAFFARIN n'intervient que deux jours après, il va faire une intervention jeudi je crois. L'ordre de passage, est-ce que ça veut dire que Jean-Pierre RAFFARIN Numéro 3 de l'Etat n'est plus numéro 2 ?

R - Oh là ! Oh dites-moi, Valérie ASTRUC, là vous avez beaucoup travaillé ce week-end

Q-Vous croyez que je vais loin ?

R - J'ai l'impression non, écoutez, le problème ne se pose absolument pas en ces termes. D'abord, un, Nicolas SARKOZY va tracer les grandes lignes d'une politique économique qu'il est aujourd'hui en train de préparer, donc vous savez que ça va consister à apporter des éléments très importants pour finaliser la préparation de la France au retour de la croissance, dans des perspectives européennes que chacun connaît. Et c'est vrai que dans ce domaine-là, à la suite du travail qui a été accompli, il y a maintenant le moment pour bien expliquer aux Français les perspectives qui sont les nôtres. Bon.
Q-- Baisse d'impôts, pas baisse d'impôts en 2005 ?

R - Ecoutez, il vous racontera tout cela demain, naturellement. Et puis, en ce qui concerne le Premier ministre, écoutez, il a choisi le 6 mai, ce n'est pas tout à fait un hasard, c'est tout simplement parce que c'est deux ans après sa prise de fonction et qu'il paraissait tout à fait normal que les Français entendent leur Premier ministre tracer quelques perspectives pour la suite, à l'occasion de ce rendez-vous du 6 mai.

Q-Alors, le dossier UNEDIC. C'est l'impasse manifestement entre les syndicats et le MEDEF. Est-ce que l'Etat doit prendre ses responsabilités dès maintenant ?
R - Là-dessus vous savez que Jean-Louis BORLOO l'a dit et en même temps il a rappelé que tout devait être fait pour faciliter le dialogue social, le plus loin possible. Donc nous sommes encore dans cette phase et j'espère que malgré les difficultés qu'ont pu rencontrer les partenaires sociaux dans ce domaine ces derniers jours, ils arriveront peut-être néanmoins à trouver une solution.
Q-Mais vous êtes pour une augmentation des cotisations ?

R - Moi je suis surtout favorable à ce que le dialogue social soit la meilleure manière de trouver des solutions car c'est comme cela que fonctionne notre démocratie sociale.

Q-Et à propos de dialogue justement, vous en êtes où sur la décentralisation ? Toujours confiants ?

R - Ecoutez, on a relancé la machine, vous savez après les élections régionales il y a eu une petite période dans laquelle
Q-Oui, un flottement

R - Voilà... il fallait lever les interrogations, les doutes. La machine et relancée. Cette semaine nous rencontrons avec Dominique de VILLEPIN, les présidents de commissions, les présidents de groupes et puis ensuite la loi organique qui va déterminer une bonne part de la philosophie des financements de cette décentralisation sera inscrite et débattue à l'Assemblée nationale, puis viendra la discussion du projet de loi sur le transfert de compétences d'ici à l'été.

Q-Mais vous pensez pouvoir calmer la grogne des députés de droite et puis la grogne des députés

R - La meilleure manière de le faire
Q-De gauche

R - La meilleure manière de le faire, c'est d'être transparent, c'est d'être parfaitement clair et je le serai. Par tempérament je suis un garçon très carré et très direct. Donc je dis les choses, je n'ai absolument là-dessus qu'un seul souci, la transparence. C'est la contrepartie de la détermination qui est la mienne à faire aboutir un projet qui est sur le chantier depuis maintenant deux ans et pour lequel des milliers de fonctionnaires attendent que leurs gouvernants, désormais, donnent le feu vert pour que le processus se mette en place, dont je rappelle l'objectif : c'est quand même plus d'efficacité au quotidien pour les Français. Les Français veulent en avoir pour leurs impôts, il est normal qu'on leur montre ce que c'est que l'efficacité publique.

Jean-François COPE merci, bonne journée à vous.

- Merci.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1e juin 2004)