Texte intégral
Jean-Jacques Bourdin -. Aujourd'hui, c'est la Journée mondiale contre la misère. C'est ATD-Quart Monde qui l'organise en France. Comment les patrons luttent-ils contre la misère ?
Ernest-Antoine Seillière - "Franchement, quotidiennement, en essayant d'être efficaces dans leurs entreprises, c'est-à-dire, en fait, donner des possibilités d'emploi. Je vous rappelle qu'il y a 15 millions de salariés qui, tous les jours, rentrent dans les entreprises du privé. Et donc, en se donnant le maximum de mal pour être efficaces, c'est-à-dire faire de bons produits qui se vendent sur le marché, à de bons prix, en formant leurs personnels, en offrant aux jeunes des capacités, à la fois, d'emploi et de promotion, en étant très attentifs bien entendu aux salariés les plus âgés. Les entrepreneurs quotidiennement, dans la micro-économie de leur entreprise, sont solidaires. Et d'ailleurs, comme vous le savez, fournissent toute la matière de la richesse nationale qui fait la solidarité. Donc, l'entreprise n'a aucun complexe en matière de solidarité."
F. Fillon se déclare favorable à la pérennisation de la prime de Noël. Vous aussi ?
- "C'est une mesure également de solidarité, qu'il appartient, bien entendu, à l'Etat, au Budget, de mettre en place. Cela n'a bien entendu rien à voir avec l'entreprise. Mais, bien entendu, tous ce qui est solidarité dans notre pays et que l'on peut se payer... Il ne faut pas oublier que l'on est quand même sur un déficit colossal de notre pays ; 25 % de ce qui se dépense actuellement en France de public est emprunté et devra être payé par les générations futures. Et donc, en effet, la générosité sur le dos de l'emprunt et du déficit, c'est évidemment un problème."
L'Assemblée nationale a voté la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu en 2004. Est-ce injuste ou indispensable ?
- "Dire que c'est "injuste", que ceux qui payent de l'impôt en payent un peu moins, c'est vraiment très paradoxal. On ne peut pas reprocher à un Gouvernement de mettre en place une disposition pour ceux qui paient l'impôt. Pour ceux qui ne le paient pas, il faut reconnaître, en effet, que cela n'a pas d'effet. Mais comme ils ne le paient pas, on ne peut pas dire, non plus, que ce soit une injustice. Nous trouvons, nous, en tout cas entrepreneurs, que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, dans notre pays, est un record par rapport à l'ensemble de nos concurrents, est une mesure qui est susceptible de favoriser l'envie de créer une entreprise, l'envie de réussir dans la vie, et donc, en fait, l'envie de se former. Bref, si on peut gagner plus d'argent en étant meilleur, dans un pays, c'est tout de même quelque chose qui porte l'avenir mieux que si on se démotive."
L'Assemblée votera probablement une hausse des taxes sur le gazole. Est-ce injuste ou indispensable ?
- "L'adaptation de la recette sur l'utilisation de carburants dans notre pays, est une affaire permanente. Les gouvernements qui manquent de ressources tentent toujours d'en prélever un peu plus par cette voie. Pour nous, la réponse, la vraie, la seule, c'est : est-ce qu'avec un niveau de prix de carburant donné, on est ou on n'est pas, en mesure d'être compétitifs, d'être au même prix que les autres, pour ce que l'on fait, pour les services que l'on rend, pour les biens que l'on produit ? Et donc, c'est comme cela qu'il faut juger l'affaire. Il n'y a pas d'absolu."
La croissance, cette fameuse croissance, on l'attend. Mais pourquoi pourrait-elle revenir ?
- "Pour la raison simple que nous ne sommes pas, nous, France, autre chose qu'un petit morceau d'Europe, et que l'Europe n'est qu'un morceau du monde. Et que donc, en réalité, c'est la croissance mondiale qui détermine en fait, aujourd'hui, la croissance de la France pour une très grande partie. Il n'y a plus d'autonomie de la croissance française, on ne peut plus "se" la fabriquer. Il faut qu'elle vienne d'ailleurs, et le monde actuellement est en train de se mettre à la reprise et à la croissance. Il y a actuellement en 2003, 3 % de croissance dans le monde, et elle n'a pas irrigué la France. Mais ça va venir. La reprise mondiale s'affirme aux Etats-Unis, s'affirme au Japon, la Chine est en plein boom, et tout ceci va entraîner bientôt l'ensemble de l'Europe et donc la France. C'est ça pour l'essentiel. Et puis il y a bien entendu la capacité que l'on a de répondre à ce vent de croissance [...]."
Le chômage est redevenu la première préoccupation des Français. Pensez-vous d'abord que le chômage reculera en 2004 ?
- "Je pense qu'en 2004, nous verrons en effet, probablement à mi-année, le chômage commencer à refluer."
Pourquoi ?
- "Parce que la reprise sera là et que les emplois se créeront. Actuellement, on est en difficulté à cet égard, chacun le sait. Nous attendons, nous sommes, nous, entrepreneurs, dans une position positive. Nous pensons que la reprise va venir, nous pensons que le 1,7 % de croissance qui a été annoncé par le Gouvernement est tenable. Et donc, nous sommes plutôt en train de dire "ça va marcher" que le contraire."
Bernard (hôtelier dans le Var) : "Ne serait-il pas possible de supprimer les contrats en CDI, les contrats en CDD, limiter l'intérim, et en contrepartie, faciliter ou abroger toutes les lois sur les licenciements ? Car à l'heure actuelle, je crois qu'il existe toute une catégorie de gens qui sont exclus de la société, par manque de crédits, manque de loyers et tout, parce qu'ils sont en CDD, parce qu'ils sont intérimaires. Que pensez-vous de cela ?
- "Je pense que vous devriez passer un coup de fil à monsieur Raffarin, parce que c'est certainement, en effet, dans le bon sens. Je veux dire par là, qu'il y a dans notre pays une peur de l'embauche. Il y a tellement de réglementations sur la capacité que l'on à s'adapter à ces commandes, à son activité, qu'il y a beaucoup de gens qui n'embauchent pas, qui n'osent pas embaucher, parce qu'il y a trop de réglementations. Ce que vous dites, c'est : rendons les choses plus libres ; à ce moment-là, il y aura plus de possibilités de prendre son risque à l'embauche, et de ce fait, plus d'emplois. Je crois que vous êtes dans le bon sens. D'ailleurs, dans la fonction publique, c'est assez curieux, on peut faire beaucoup plus ce genre de choses que dans le privé. On peut embaucher quelqu'un pour quatre, cinq ans, pour deux mois, on est libre dans la fonction publique de s'adapter en permanence. Mais dans le privé, on nous a réglementés de façon trop forte, et je crois que votre question va dans le bon sens, et ma réponse est : oui, vous avez raison, c'est cela qu'il faut faire."
Vous souhaitez un nouveau contrat de travail ? Lequel ?
- "En fait, nous souhaiterions que l'on puisse mettre en place un contrat de travail entre le CDD et le CDI, c'est-à-dire un contrat de projet. Une entreprise se crée, elle pense qu'elle va pouvoir, pendant quatre ans, faire quelque chose, elle met une équipe en place. Si ça marche, ce sera pour toujours ; si ça ne marche pas, on devra réduire. Et donc, on met en place pour quatre ans, pour cinq ans, sur un contrat de projet, une équipe en place. On ne la prend pas à vie, avec tous les problèmes qu'il y a évidemment à mettre un terme à un CDD, on ne la prend pas pour neuf mois, ce qui est beaucoup trop court et qui oblige ensuite à changer les gens. Et donc, toutes ces facilités-là, qui sont élémentaires, sont justement ce que nous demandons, nous."
Mais un seul contrat de travail ?
- "Non. Un contrat de travail qui se module. [...]"
Mais n'est-ce pas mettre tous les salariés en situation de précarité ?
- "Non, c'est donner aux salariés la possibilité de participer, au lieu d'être dans la difficulté du chômage, dans la difficulté d'un CDD qui durera peu de temps, de savoir qu'ils sont engagés pour quatre ans. Ensuite, bien entendu, ils auront à trouver une autre orientation, mais la vie aujourd'hui est faite de cela. D'ailleurs, les enfants le savent, ils zappent toute la journée. Nous avons des existences qui sont de plus en plus zappées. Il faut s'y adapter, il ne faut pas se contraindre par la réglementation à ne pas aller dans le sens du changement de la vie."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 octobre 2003)
Ernest-Antoine Seillière - "Franchement, quotidiennement, en essayant d'être efficaces dans leurs entreprises, c'est-à-dire, en fait, donner des possibilités d'emploi. Je vous rappelle qu'il y a 15 millions de salariés qui, tous les jours, rentrent dans les entreprises du privé. Et donc, en se donnant le maximum de mal pour être efficaces, c'est-à-dire faire de bons produits qui se vendent sur le marché, à de bons prix, en formant leurs personnels, en offrant aux jeunes des capacités, à la fois, d'emploi et de promotion, en étant très attentifs bien entendu aux salariés les plus âgés. Les entrepreneurs quotidiennement, dans la micro-économie de leur entreprise, sont solidaires. Et d'ailleurs, comme vous le savez, fournissent toute la matière de la richesse nationale qui fait la solidarité. Donc, l'entreprise n'a aucun complexe en matière de solidarité."
F. Fillon se déclare favorable à la pérennisation de la prime de Noël. Vous aussi ?
- "C'est une mesure également de solidarité, qu'il appartient, bien entendu, à l'Etat, au Budget, de mettre en place. Cela n'a bien entendu rien à voir avec l'entreprise. Mais, bien entendu, tous ce qui est solidarité dans notre pays et que l'on peut se payer... Il ne faut pas oublier que l'on est quand même sur un déficit colossal de notre pays ; 25 % de ce qui se dépense actuellement en France de public est emprunté et devra être payé par les générations futures. Et donc, en effet, la générosité sur le dos de l'emprunt et du déficit, c'est évidemment un problème."
L'Assemblée nationale a voté la baisse de 3 % de l'impôt sur le revenu en 2004. Est-ce injuste ou indispensable ?
- "Dire que c'est "injuste", que ceux qui payent de l'impôt en payent un peu moins, c'est vraiment très paradoxal. On ne peut pas reprocher à un Gouvernement de mettre en place une disposition pour ceux qui paient l'impôt. Pour ceux qui ne le paient pas, il faut reconnaître, en effet, que cela n'a pas d'effet. Mais comme ils ne le paient pas, on ne peut pas dire, non plus, que ce soit une injustice. Nous trouvons, nous, en tout cas entrepreneurs, que la baisse de l'impôt sur le revenu, qui, dans notre pays, est un record par rapport à l'ensemble de nos concurrents, est une mesure qui est susceptible de favoriser l'envie de créer une entreprise, l'envie de réussir dans la vie, et donc, en fait, l'envie de se former. Bref, si on peut gagner plus d'argent en étant meilleur, dans un pays, c'est tout de même quelque chose qui porte l'avenir mieux que si on se démotive."
L'Assemblée votera probablement une hausse des taxes sur le gazole. Est-ce injuste ou indispensable ?
- "L'adaptation de la recette sur l'utilisation de carburants dans notre pays, est une affaire permanente. Les gouvernements qui manquent de ressources tentent toujours d'en prélever un peu plus par cette voie. Pour nous, la réponse, la vraie, la seule, c'est : est-ce qu'avec un niveau de prix de carburant donné, on est ou on n'est pas, en mesure d'être compétitifs, d'être au même prix que les autres, pour ce que l'on fait, pour les services que l'on rend, pour les biens que l'on produit ? Et donc, c'est comme cela qu'il faut juger l'affaire. Il n'y a pas d'absolu."
La croissance, cette fameuse croissance, on l'attend. Mais pourquoi pourrait-elle revenir ?
- "Pour la raison simple que nous ne sommes pas, nous, France, autre chose qu'un petit morceau d'Europe, et que l'Europe n'est qu'un morceau du monde. Et que donc, en réalité, c'est la croissance mondiale qui détermine en fait, aujourd'hui, la croissance de la France pour une très grande partie. Il n'y a plus d'autonomie de la croissance française, on ne peut plus "se" la fabriquer. Il faut qu'elle vienne d'ailleurs, et le monde actuellement est en train de se mettre à la reprise et à la croissance. Il y a actuellement en 2003, 3 % de croissance dans le monde, et elle n'a pas irrigué la France. Mais ça va venir. La reprise mondiale s'affirme aux Etats-Unis, s'affirme au Japon, la Chine est en plein boom, et tout ceci va entraîner bientôt l'ensemble de l'Europe et donc la France. C'est ça pour l'essentiel. Et puis il y a bien entendu la capacité que l'on a de répondre à ce vent de croissance [...]."
Le chômage est redevenu la première préoccupation des Français. Pensez-vous d'abord que le chômage reculera en 2004 ?
- "Je pense qu'en 2004, nous verrons en effet, probablement à mi-année, le chômage commencer à refluer."
Pourquoi ?
- "Parce que la reprise sera là et que les emplois se créeront. Actuellement, on est en difficulté à cet égard, chacun le sait. Nous attendons, nous sommes, nous, entrepreneurs, dans une position positive. Nous pensons que la reprise va venir, nous pensons que le 1,7 % de croissance qui a été annoncé par le Gouvernement est tenable. Et donc, nous sommes plutôt en train de dire "ça va marcher" que le contraire."
Bernard (hôtelier dans le Var) : "Ne serait-il pas possible de supprimer les contrats en CDI, les contrats en CDD, limiter l'intérim, et en contrepartie, faciliter ou abroger toutes les lois sur les licenciements ? Car à l'heure actuelle, je crois qu'il existe toute une catégorie de gens qui sont exclus de la société, par manque de crédits, manque de loyers et tout, parce qu'ils sont en CDD, parce qu'ils sont intérimaires. Que pensez-vous de cela ?
- "Je pense que vous devriez passer un coup de fil à monsieur Raffarin, parce que c'est certainement, en effet, dans le bon sens. Je veux dire par là, qu'il y a dans notre pays une peur de l'embauche. Il y a tellement de réglementations sur la capacité que l'on à s'adapter à ces commandes, à son activité, qu'il y a beaucoup de gens qui n'embauchent pas, qui n'osent pas embaucher, parce qu'il y a trop de réglementations. Ce que vous dites, c'est : rendons les choses plus libres ; à ce moment-là, il y aura plus de possibilités de prendre son risque à l'embauche, et de ce fait, plus d'emplois. Je crois que vous êtes dans le bon sens. D'ailleurs, dans la fonction publique, c'est assez curieux, on peut faire beaucoup plus ce genre de choses que dans le privé. On peut embaucher quelqu'un pour quatre, cinq ans, pour deux mois, on est libre dans la fonction publique de s'adapter en permanence. Mais dans le privé, on nous a réglementés de façon trop forte, et je crois que votre question va dans le bon sens, et ma réponse est : oui, vous avez raison, c'est cela qu'il faut faire."
Vous souhaitez un nouveau contrat de travail ? Lequel ?
- "En fait, nous souhaiterions que l'on puisse mettre en place un contrat de travail entre le CDD et le CDI, c'est-à-dire un contrat de projet. Une entreprise se crée, elle pense qu'elle va pouvoir, pendant quatre ans, faire quelque chose, elle met une équipe en place. Si ça marche, ce sera pour toujours ; si ça ne marche pas, on devra réduire. Et donc, on met en place pour quatre ans, pour cinq ans, sur un contrat de projet, une équipe en place. On ne la prend pas à vie, avec tous les problèmes qu'il y a évidemment à mettre un terme à un CDD, on ne la prend pas pour neuf mois, ce qui est beaucoup trop court et qui oblige ensuite à changer les gens. Et donc, toutes ces facilités-là, qui sont élémentaires, sont justement ce que nous demandons, nous."
Mais un seul contrat de travail ?
- "Non. Un contrat de travail qui se module. [...]"
Mais n'est-ce pas mettre tous les salariés en situation de précarité ?
- "Non, c'est donner aux salariés la possibilité de participer, au lieu d'être dans la difficulté du chômage, dans la difficulté d'un CDD qui durera peu de temps, de savoir qu'ils sont engagés pour quatre ans. Ensuite, bien entendu, ils auront à trouver une autre orientation, mais la vie aujourd'hui est faite de cela. D'ailleurs, les enfants le savent, ils zappent toute la journée. Nous avons des existences qui sont de plus en plus zappées. Il faut s'y adapter, il ne faut pas se contraindre par la réglementation à ne pas aller dans le sens du changement de la vie."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 17 octobre 2003)