Texte intégral
J.-M. Aphatie - Bonjour P. Douste-Blazy. C'est finalement vous, après le remaniement ministériel de la semaine dernière, qui vous retrouvez en charge du dossier de la Sécurité Sociale, et de l'énorme déficit qui va avec - 15 milliards d'euros attendu cette année. Avez-vous déjà en tête, P. Douste-Blazy, une, ou deux mesures qui vous permettraient de régler le problème ?
R - " D'abord, la première des actions réformatrices, c'est de dire la vérité. C'est la raison pour laquelle... "
J.-M. Aphatie - On la connaît la vérité. C'est que ça ne va pas bien. C'est qu'il manque des sous.
R - " Oui mais ça, alors là, tout le monde le sait. Mais encore faut-il faire une opération transparente. Je vais demander, dès ce matin, la tenue le plus rapidement possible de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale, pour, justement, [dire] exactement quel est le déficit cumulé. Ce n'est pas compliqué : si rien n'est fait - le Président l'a dit l'autre jour, il a montré le cap - la Sécurité sociale du général de Gaulle, c'est fini ! Les riches pourront se faire soigner, les autres non. Alors je crois que c'est mieux de le dire, parce que ce type d'hypothèse est inenvisageable ! "
J.-M. Aphatie - Est-ce que vous pensez, P. Douste-Blazy, que la vérité des comptes aujourd'hui n'est pas connue, et que nous apprendrons, vous apprendrez des choses si quelqu'un les regarde attentivement ? C'est ce que vous suggérez ?
R - " En tout cas, ce qui est important, c'est qu'une fois que les choses sont mises à plat, dites avec vérité, force et transparence, on regarde qui propose quoi. "
J.-M. Aphatie - Et alors vous, vous proposez quoi ?
R - " Moi je propose d'abord une méthode. Rencontrer, les syndicats, les partenaires sociaux, les professions de santé, bien évidemment la mutualité, les mutuelles, et aussi tous les partis politiques. Les partis politiques, en particulier les parlementaires qui connaissent parfaitement ce sujet. Parce qu'il faut une union nationale. Moi j'en appelle à l'union nationale devant un dossier comme celui-là. Regardez, les Allemands y sont arrivés. Entre le SPD, les socialistes allemands, et la CDU, le parti de centre droit allemand, il y a eu une entente pour l'intérêt général. Vous savez, lorsqu'on parle de santé publique, lorsqu'on parle d'hôpitaux, lorsqu'on parle de ce qui fait peut-être la chose la plus importante entre nous en France, c'est-à-dire cette Sécurité Sociale, cet acquis, cet héritage social, il faut le sauver à tout prix ! il n'y a pas de politique partisane à mettre là-dedans. "
J.-M. Aphatie - Est-ce que vous conditionnez la réforme, P. Douste-Blazy, à un accord avec les socialistes ?
R - " Non, je dis simplement qu'il faut, dans un premier temps, tout faire pour parler, pour dialoguer, pour croiser, tester les solutions. Ensuite, chacun dit ce qu'il pense. Chacun dit : moi je préfère dépenser un peu plus ou dépenser un peu moins, ou telle recette. Ce qui est important, c'est que les Français le voient, qu'il n'y ait pas facilement des gens qui, je dirais tirent de ce malaise des peurs collectives. Ce serait pire que tout ! "
J.-M. Aphatie - C'est un peu bête, P. Douste-Blazy, votre prédécesseur, J.-F. Mattei, venait d'achever la semaine dernière sa 57ème rencontre sur le dossier de la Sécurité Sociale. Vous repartez à zéro ? On n'est pas prêt d'avoir fait la réforme !
R - " Ah non non, je ne repars pas du tout à zéro. Au contraire, je crois que le travail qu'il a fait est considérable, ainsi que celui de B. Fragonard au Conseil pour la Santé Publique. Pas du tout. On part de quelque chose de très important. A mon avis - je donne une piste ce matin à votre micro - il me semble que nous n'avons pas suffisamment d'acteurs responsables. Tout le monde sait très bien dépenser. Personne ne dit exactement ce qu'il faut rembourser, ce qu'il faut dérembourser, entre les caisses d'assurance maladie, entre les mutuelles, entre les professionnels de santé, il n'y a pas d'entente pour discuter du remboursement de certains actes, et d'autres qui ne le seraient pas. Vous savez aujourd'hui, moi je connais des médicaments anticancéreux, qui sont tellement chers que dans certaines régions françaises, on se pose la question parfois du remboursement ou de [leur] utilisation. A côté de ça, je connais des médicaments, que l'on connaît très bien, et dont on sait très bien que l'efficacité est quasi nulle. Moi, je crois que la vérité, la transparence, le courage, c'est de dire que l'un doit être remboursé, et l'autre non. "
J.-M. Aphatie - Vous avez commencé vos consultations. A quel délai, P. Douste-Blazy, connaîtra-t-on vos choix ?
R - " Je ne vais pas vous dire ce matin une date butoir. Je ne vais pas faire de fausses annonces. Je vais simplement dire que le dialogue va permettre, très vite, en raison du travail qui a été fait. "
J.-M. Aphatie - Très vite, ça veut dire quoi ?
R - "Très vite ça veut dire que moi je commence cette semaine. "
J.-M. Aphatie - Oui mais vous finissez quand ?
R - " Je ne vais pas vous dire cela maintenant parce que, pour la première fois je crois que les groupes parlementaires et les partis politiques - je remercie d'ailleurs même l'opposition, qui a accepté cela - vont avoir à répondre. "
J.-M. Aphatie - Alors deux questions précises tout de même sur le calendrier : initialement, en juin/juillet 2004, c'est ce qui figure sur le site officiel du gouvernement, des propositions gouvernementales sur un plan structurel et financier devaient être faites, ça ne sera pas fait, Juin/juillet 2004, ça ne sera pas fait.
R - " Mais attendez, peut-être avant... "
J.-M. Aphatie - Avant ?!...
R - " Peut-être, avant, peut-être, après. Je ne vais pas dire ce matin, le 14 juillet, ou le 16 juillet à 12 h 30, Monsieur Aphatie, je vais vous donner mes réponses ! "
J.-M. Aphatie - Donc il n'y a plus de calendrier gouvernemental. Une autre question précise, P. Douste-Blazy.
R - " Non non... Il y a un calendrier. C'est le calendrier le plus efficace et le plus rapide possible. "
J.-M. Aphatie - Est-ce que la réforme de la Sécurité Sociale entrera en vigueur au 1er janvier 2005 ?
R - " Il le faut. Il le faut, et vous savez ne rien faire aujourd'hui, ne pas rénover notre système, ne pas sauvegarder notre système d'assurance maladie, c'est creuser les injustices. Et je n'ai aucune envie - le Premier ministre et le président de la République au-dessus de nous - n'ont pas envie de creuser les injustices ! La justice sociale, c'est le mot qui va être, je crois, le maître mot des prochains mois. "
J.-M. Aphatie - Au micro d'RTL, ce matin, P. Douste-Blazy, vous vous engagez au 1er janvier 2005 : la réforme de la Sécurité Sociale sera en vigueur.
R - " Mais, quand vous dites "réforme", c'est "sauvegarde" de l'assurance maladie. "
J.-M. Aphatie - On ne parle plus de la "réforme" ?
R - " Non c'est pas ça. Juste un mot sur la réforme : les réformes sont techniques parfois, mais elles ne sont pas que techniques. La technicité, ça donne toujours l'impopularité. Ce qui est important, c'est de mettre en perspective une réforme. Une vision. Pourquoi une réforme ? pourquoi une rénovation ? Pour que chaque Française et chaque Français puisse avoir un droit, un égal accès aux soins, à la fois durable et efficace. "
J.-M. Aphatie - Dans ce travail, vous aurez sans doute le soutien de F. Bayrou, puisqu'il a annoncé hier qu'il voterait la confiance au gouvernement tout à l'heure. Vous êtes content ?
R - " Je suis persuadé que j'aurai évidemment le soutien de F. Bayrou. Parce qu'il n'est pas possible... "
J.-M. Aphatie -... Il vous a beaucoup critiqué ces dernières semaines, donc la surprise, c'est qu'il vous soutienne maintenant.
R - " Eh bien écoutez comme quoi il vaut mieux que tout arrive au moment où il le faut. "
J.-M. Aphatie - Ce dossier va vous occuper beaucoup, évidemment. Vous allez démissionner de la mairie de Toulouse ?
R - " Oui, on ne peut pas aujourd'hui cumuler. Je resterai président de la communauté d'agglomération de Toulouse. "
J.-M. Aphatie - C'est pas contradictoire ça ? c'est pas une façon pour les élus de contourner les règles de non-cumul ?
R - " Non, parce que si vous étiez à la fois président de la communauté d'agglomération et maire de Toulouse, vous verriez que dans la quotidienneté ce ne sont pas les mêmes fonctions. "
J.-M. Aphatie - D'un mot, "le plan canicule". Pascal Champvert, qui dirige les maisons de retraite, ou qui représente en tout cas les dirigeants de maisons de retraite, reprochait au Gouvernement de n'avoir fait. Vous allez faire quelque chose rapidement ?
R - " Moi je souhaite, dès cette semaine, présenter un projet, faire un département d'urgence sanitaire à la Direction générale de la Santé. Aujourd'hui, le bureau d'alerte est fait de douze personnes au ministère. Je souhaite que nous ayons un véritable "Samu de Santé Publique" pour pouvoir agir immédiatement dans les cas de catastrophes naturelles. "
J.-M. Aphatie - P. Douste-Blazy, qui nous a dit qu'au 1er janvier 2005, la réforme de la Sécurité Sociale serait faite, était l'invité d'RTL ce matin.
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 avril 2004)
Quel premier bilan tirez-vous de vos rencontres avec les partenaires sociaux ?
Le déficit de l'assurance-maladie va atteindre cette année plus de 12 milliards d'euros. Ce qui représente 23.000 euros chaque minute. C'est effrayant ! L'évidence éclate aux yeux de tous : le système n'est pas piloté, n'est pas gouverné. J'ai donc, avec Xavier Bertrand [secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie], profité des rencontres avec les partenaires sociaux, non pas pour faire une fois de plus un constat, ni pour promettre un nouveau rapport, mais bien pour examiner ensemble l'organisation de la gestion de l'assurance-maladie. Il s'agit de mieux définir les responsabilités de l'Etat, de l'assurance-maladie, des professions de santé et des régimes complémentaires. Je souhaite trouver un accord avec tous les acteurs.
Quelle en sera la philosophie ?
Dépenser moins pour soigner mieux. C'est une philosophie de la responsabilité, l'Etat s'engageant à assumer la sienne, c'est-à-dire d'être le garant de la solidarité, de la pérennité de notre système de santé, et des objectifs de santé publique. Nous proposons de confier aux acteurs une délégation élargie dont le contenu est à négocier. Nous soumettons actuellement une première esquisse de ce qui pourrait devenir l'organisation de notre système, dans l'objectif d'amorcer un dialogue concerté sur les responsabilités que les acteurs sont effectivement prêts à assumer. Je veux saluer le travail déjà accompli, et particulièrement celui de la Mutualité française. Cette esquisse d'organisation comprend une instance scientifique indépendante : la Haute Autorité de santé, dont le rôle pourrait être d'apporter un avis médical sur les objectifs de santé publique à atteindre, de manière pluriannuelle. Il s'agit d'une nouvelle culture de santé publique que notre pays doit définitivement acquérir. C'est un élément indispensable pour que les décisions des acteurs du système reposent sur un avis scientifique, indépendant de toute autre considération.
Souhaitez-vous que le Medef s'implique de nouveau dans l'assurance-maladie ? Les conditions qu'il pose, comme le retour des comptes à l'équilibre en 2007, sont-elles acceptables ?
Je connais l'esprit de responsabilité du Medef et de la CGPME, cette dernière nous étant apparue comme très ouverte à nos propositions. Par ailleurs, conformément aux souhaits du président de la République, nous devons aussi trouver les moyens de rétablir l'équilibre de l'assurance-maladie à l'horizon 2007. C'est une condition nécessaire pour travailler sur ce dossier. Il n'est pas question de faire un énième plan, ne faisant que préparer le suivant.
La CFDT affirme qu'elle ne se prononcera que sur une réforme globale, et s'inquiète d'une démarche traitant très vite et de façon séparée la gouvernance...
Pardon si je parais pressé ! Mais chaque mois gagné nous permettrait de gagner 1 milliard d'euros ! Devant les déficits abyssaux actuels, il me paraît urgent de nous réunir sur un mode de gestion nouveau. Il est cependant évident que l'on ne peut dissocier les dossiers. Nous présenterons de manière globale aux partenaires sociaux nos choix, qu'il s'agisse de la gouvernance, de l'organisation structurelle des soins ou du plan de redressement qui, il le faut, doit être le dernier.
Quel est votre calendrier ?
Début mai, j'espère que nous serons en mesure de partager avec les autres acteurs un texte de nouvelle gestion de l'assurance-maladie. Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance. Nous devons, dans le même temps, proposer des mesures qui visent à lutter contre certains abus et gaspillages, et proposer avec les professions de santé les bases d'une régulation médicalisée des dépenses. Je connais leur sens des responsabilités et je sais aussi qu'aucun système ne peut se mettre en place sans eux.
Les Français sont-ils prêts à accepter des mesures douloureuses ? Faut-il mieux responsabiliser les patients, et si oui, comment ?
Il n'est acceptable pour personne de remettre en cause notre plus précieux héritage social que constitue l'assurance-maladie. Nous ne devons avoir qu'une obsession : prendre des mesures équitables. La première est de dire la vérité, même si elle fait mal, tout particulièrement certaines dérives du système dont j'aurai prochainement à parler. Il faudra d'abord colmater les brèches pour ne pas donner l'impression de combler un trou sans fond. Le système doit être responsabilisé à chaque niveau. Mais je dois d'abord terminer mes réunions avec les partenaires sociaux pour vous présenter mes choix. Une chose est sûre : ne rien faire, c'est mettre en péril notre système de santé, c'est donc creuser les injustices.
Vous avez demandé un audit rapide des comptes. Les nouvelles prévisions de déficit de l'assurance-maladie peuvent-elles servir à faire prendre conscience de la gravité de la situation ?
Sans aucun doute. J'ai demandé à la Commission des comptes de la Sécurité sociale de nous préciser le plus vite possible ses prévisions pour 2004. En démontrant la faillite de notre système, je souhaite que chaque Français prenne conscience du désastre. 12 milliards d'euros de déficit, cela représente plus de 400 euros par foyer et par an. Nous avons besoin des éléments les plus récents pour prendre les dispositions qui conviennent en toute transparence.
Que pensez-vous de l'initiative de Jean-Louis Debré de réunir une mission d'information parlementaire sur l'assurance-maladie, et de la volonté du PS de débattre " projet contre projet " ?
Je salue cette initiative. Le Parlement, encore plus que les autres acteurs, a un rôle essentiel à jouer. Il représente l'ensemble de nos concitoyens. Je suis certain qu'il va nous aider à enrichir le projet que nous préparons, grâce à cette mission mais aussi au cours du débat parlementaire sur le projet de loi. La réforme de l'assurance-maladie est un enjeu national fort, qui doit nous permettre de dépasser nos clivages politiques, même s'il sera très intéressant de comparer les propositions. J'espère que l'opposition parlementaire saura dépasser les luttes stériles.
(Source http://www.u-m-p.org, le 20 avril 2004)
R - " D'abord, la première des actions réformatrices, c'est de dire la vérité. C'est la raison pour laquelle... "
J.-M. Aphatie - On la connaît la vérité. C'est que ça ne va pas bien. C'est qu'il manque des sous.
R - " Oui mais ça, alors là, tout le monde le sait. Mais encore faut-il faire une opération transparente. Je vais demander, dès ce matin, la tenue le plus rapidement possible de la Commission des Comptes de la Sécurité Sociale, pour, justement, [dire] exactement quel est le déficit cumulé. Ce n'est pas compliqué : si rien n'est fait - le Président l'a dit l'autre jour, il a montré le cap - la Sécurité sociale du général de Gaulle, c'est fini ! Les riches pourront se faire soigner, les autres non. Alors je crois que c'est mieux de le dire, parce que ce type d'hypothèse est inenvisageable ! "
J.-M. Aphatie - Est-ce que vous pensez, P. Douste-Blazy, que la vérité des comptes aujourd'hui n'est pas connue, et que nous apprendrons, vous apprendrez des choses si quelqu'un les regarde attentivement ? C'est ce que vous suggérez ?
R - " En tout cas, ce qui est important, c'est qu'une fois que les choses sont mises à plat, dites avec vérité, force et transparence, on regarde qui propose quoi. "
J.-M. Aphatie - Et alors vous, vous proposez quoi ?
R - " Moi je propose d'abord une méthode. Rencontrer, les syndicats, les partenaires sociaux, les professions de santé, bien évidemment la mutualité, les mutuelles, et aussi tous les partis politiques. Les partis politiques, en particulier les parlementaires qui connaissent parfaitement ce sujet. Parce qu'il faut une union nationale. Moi j'en appelle à l'union nationale devant un dossier comme celui-là. Regardez, les Allemands y sont arrivés. Entre le SPD, les socialistes allemands, et la CDU, le parti de centre droit allemand, il y a eu une entente pour l'intérêt général. Vous savez, lorsqu'on parle de santé publique, lorsqu'on parle d'hôpitaux, lorsqu'on parle de ce qui fait peut-être la chose la plus importante entre nous en France, c'est-à-dire cette Sécurité Sociale, cet acquis, cet héritage social, il faut le sauver à tout prix ! il n'y a pas de politique partisane à mettre là-dedans. "
J.-M. Aphatie - Est-ce que vous conditionnez la réforme, P. Douste-Blazy, à un accord avec les socialistes ?
R - " Non, je dis simplement qu'il faut, dans un premier temps, tout faire pour parler, pour dialoguer, pour croiser, tester les solutions. Ensuite, chacun dit ce qu'il pense. Chacun dit : moi je préfère dépenser un peu plus ou dépenser un peu moins, ou telle recette. Ce qui est important, c'est que les Français le voient, qu'il n'y ait pas facilement des gens qui, je dirais tirent de ce malaise des peurs collectives. Ce serait pire que tout ! "
J.-M. Aphatie - C'est un peu bête, P. Douste-Blazy, votre prédécesseur, J.-F. Mattei, venait d'achever la semaine dernière sa 57ème rencontre sur le dossier de la Sécurité Sociale. Vous repartez à zéro ? On n'est pas prêt d'avoir fait la réforme !
R - " Ah non non, je ne repars pas du tout à zéro. Au contraire, je crois que le travail qu'il a fait est considérable, ainsi que celui de B. Fragonard au Conseil pour la Santé Publique. Pas du tout. On part de quelque chose de très important. A mon avis - je donne une piste ce matin à votre micro - il me semble que nous n'avons pas suffisamment d'acteurs responsables. Tout le monde sait très bien dépenser. Personne ne dit exactement ce qu'il faut rembourser, ce qu'il faut dérembourser, entre les caisses d'assurance maladie, entre les mutuelles, entre les professionnels de santé, il n'y a pas d'entente pour discuter du remboursement de certains actes, et d'autres qui ne le seraient pas. Vous savez aujourd'hui, moi je connais des médicaments anticancéreux, qui sont tellement chers que dans certaines régions françaises, on se pose la question parfois du remboursement ou de [leur] utilisation. A côté de ça, je connais des médicaments, que l'on connaît très bien, et dont on sait très bien que l'efficacité est quasi nulle. Moi, je crois que la vérité, la transparence, le courage, c'est de dire que l'un doit être remboursé, et l'autre non. "
J.-M. Aphatie - Vous avez commencé vos consultations. A quel délai, P. Douste-Blazy, connaîtra-t-on vos choix ?
R - " Je ne vais pas vous dire ce matin une date butoir. Je ne vais pas faire de fausses annonces. Je vais simplement dire que le dialogue va permettre, très vite, en raison du travail qui a été fait. "
J.-M. Aphatie - Très vite, ça veut dire quoi ?
R - "Très vite ça veut dire que moi je commence cette semaine. "
J.-M. Aphatie - Oui mais vous finissez quand ?
R - " Je ne vais pas vous dire cela maintenant parce que, pour la première fois je crois que les groupes parlementaires et les partis politiques - je remercie d'ailleurs même l'opposition, qui a accepté cela - vont avoir à répondre. "
J.-M. Aphatie - Alors deux questions précises tout de même sur le calendrier : initialement, en juin/juillet 2004, c'est ce qui figure sur le site officiel du gouvernement, des propositions gouvernementales sur un plan structurel et financier devaient être faites, ça ne sera pas fait, Juin/juillet 2004, ça ne sera pas fait.
R - " Mais attendez, peut-être avant... "
J.-M. Aphatie - Avant ?!...
R - " Peut-être, avant, peut-être, après. Je ne vais pas dire ce matin, le 14 juillet, ou le 16 juillet à 12 h 30, Monsieur Aphatie, je vais vous donner mes réponses ! "
J.-M. Aphatie - Donc il n'y a plus de calendrier gouvernemental. Une autre question précise, P. Douste-Blazy.
R - " Non non... Il y a un calendrier. C'est le calendrier le plus efficace et le plus rapide possible. "
J.-M. Aphatie - Est-ce que la réforme de la Sécurité Sociale entrera en vigueur au 1er janvier 2005 ?
R - " Il le faut. Il le faut, et vous savez ne rien faire aujourd'hui, ne pas rénover notre système, ne pas sauvegarder notre système d'assurance maladie, c'est creuser les injustices. Et je n'ai aucune envie - le Premier ministre et le président de la République au-dessus de nous - n'ont pas envie de creuser les injustices ! La justice sociale, c'est le mot qui va être, je crois, le maître mot des prochains mois. "
J.-M. Aphatie - Au micro d'RTL, ce matin, P. Douste-Blazy, vous vous engagez au 1er janvier 2005 : la réforme de la Sécurité Sociale sera en vigueur.
R - " Mais, quand vous dites "réforme", c'est "sauvegarde" de l'assurance maladie. "
J.-M. Aphatie - On ne parle plus de la "réforme" ?
R - " Non c'est pas ça. Juste un mot sur la réforme : les réformes sont techniques parfois, mais elles ne sont pas que techniques. La technicité, ça donne toujours l'impopularité. Ce qui est important, c'est de mettre en perspective une réforme. Une vision. Pourquoi une réforme ? pourquoi une rénovation ? Pour que chaque Française et chaque Français puisse avoir un droit, un égal accès aux soins, à la fois durable et efficace. "
J.-M. Aphatie - Dans ce travail, vous aurez sans doute le soutien de F. Bayrou, puisqu'il a annoncé hier qu'il voterait la confiance au gouvernement tout à l'heure. Vous êtes content ?
R - " Je suis persuadé que j'aurai évidemment le soutien de F. Bayrou. Parce qu'il n'est pas possible... "
J.-M. Aphatie -... Il vous a beaucoup critiqué ces dernières semaines, donc la surprise, c'est qu'il vous soutienne maintenant.
R - " Eh bien écoutez comme quoi il vaut mieux que tout arrive au moment où il le faut. "
J.-M. Aphatie - Ce dossier va vous occuper beaucoup, évidemment. Vous allez démissionner de la mairie de Toulouse ?
R - " Oui, on ne peut pas aujourd'hui cumuler. Je resterai président de la communauté d'agglomération de Toulouse. "
J.-M. Aphatie - C'est pas contradictoire ça ? c'est pas une façon pour les élus de contourner les règles de non-cumul ?
R - " Non, parce que si vous étiez à la fois président de la communauté d'agglomération et maire de Toulouse, vous verriez que dans la quotidienneté ce ne sont pas les mêmes fonctions. "
J.-M. Aphatie - D'un mot, "le plan canicule". Pascal Champvert, qui dirige les maisons de retraite, ou qui représente en tout cas les dirigeants de maisons de retraite, reprochait au Gouvernement de n'avoir fait. Vous allez faire quelque chose rapidement ?
R - " Moi je souhaite, dès cette semaine, présenter un projet, faire un département d'urgence sanitaire à la Direction générale de la Santé. Aujourd'hui, le bureau d'alerte est fait de douze personnes au ministère. Je souhaite que nous ayons un véritable "Samu de Santé Publique" pour pouvoir agir immédiatement dans les cas de catastrophes naturelles. "
J.-M. Aphatie - P. Douste-Blazy, qui nous a dit qu'au 1er janvier 2005, la réforme de la Sécurité Sociale serait faite, était l'invité d'RTL ce matin.
(source : Premier ministre, Service d'information du gouvernement, le 5 avril 2004)
Quel premier bilan tirez-vous de vos rencontres avec les partenaires sociaux ?
Le déficit de l'assurance-maladie va atteindre cette année plus de 12 milliards d'euros. Ce qui représente 23.000 euros chaque minute. C'est effrayant ! L'évidence éclate aux yeux de tous : le système n'est pas piloté, n'est pas gouverné. J'ai donc, avec Xavier Bertrand [secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie], profité des rencontres avec les partenaires sociaux, non pas pour faire une fois de plus un constat, ni pour promettre un nouveau rapport, mais bien pour examiner ensemble l'organisation de la gestion de l'assurance-maladie. Il s'agit de mieux définir les responsabilités de l'Etat, de l'assurance-maladie, des professions de santé et des régimes complémentaires. Je souhaite trouver un accord avec tous les acteurs.
Quelle en sera la philosophie ?
Dépenser moins pour soigner mieux. C'est une philosophie de la responsabilité, l'Etat s'engageant à assumer la sienne, c'est-à-dire d'être le garant de la solidarité, de la pérennité de notre système de santé, et des objectifs de santé publique. Nous proposons de confier aux acteurs une délégation élargie dont le contenu est à négocier. Nous soumettons actuellement une première esquisse de ce qui pourrait devenir l'organisation de notre système, dans l'objectif d'amorcer un dialogue concerté sur les responsabilités que les acteurs sont effectivement prêts à assumer. Je veux saluer le travail déjà accompli, et particulièrement celui de la Mutualité française. Cette esquisse d'organisation comprend une instance scientifique indépendante : la Haute Autorité de santé, dont le rôle pourrait être d'apporter un avis médical sur les objectifs de santé publique à atteindre, de manière pluriannuelle. Il s'agit d'une nouvelle culture de santé publique que notre pays doit définitivement acquérir. C'est un élément indispensable pour que les décisions des acteurs du système reposent sur un avis scientifique, indépendant de toute autre considération.
Souhaitez-vous que le Medef s'implique de nouveau dans l'assurance-maladie ? Les conditions qu'il pose, comme le retour des comptes à l'équilibre en 2007, sont-elles acceptables ?
Je connais l'esprit de responsabilité du Medef et de la CGPME, cette dernière nous étant apparue comme très ouverte à nos propositions. Par ailleurs, conformément aux souhaits du président de la République, nous devons aussi trouver les moyens de rétablir l'équilibre de l'assurance-maladie à l'horizon 2007. C'est une condition nécessaire pour travailler sur ce dossier. Il n'est pas question de faire un énième plan, ne faisant que préparer le suivant.
La CFDT affirme qu'elle ne se prononcera que sur une réforme globale, et s'inquiète d'une démarche traitant très vite et de façon séparée la gouvernance...
Pardon si je parais pressé ! Mais chaque mois gagné nous permettrait de gagner 1 milliard d'euros ! Devant les déficits abyssaux actuels, il me paraît urgent de nous réunir sur un mode de gestion nouveau. Il est cependant évident que l'on ne peut dissocier les dossiers. Nous présenterons de manière globale aux partenaires sociaux nos choix, qu'il s'agisse de la gouvernance, de l'organisation structurelle des soins ou du plan de redressement qui, il le faut, doit être le dernier.
Quel est votre calendrier ?
Début mai, j'espère que nous serons en mesure de partager avec les autres acteurs un texte de nouvelle gestion de l'assurance-maladie. Nous ne pouvons pas laisser passer cette chance. Nous devons, dans le même temps, proposer des mesures qui visent à lutter contre certains abus et gaspillages, et proposer avec les professions de santé les bases d'une régulation médicalisée des dépenses. Je connais leur sens des responsabilités et je sais aussi qu'aucun système ne peut se mettre en place sans eux.
Les Français sont-ils prêts à accepter des mesures douloureuses ? Faut-il mieux responsabiliser les patients, et si oui, comment ?
Il n'est acceptable pour personne de remettre en cause notre plus précieux héritage social que constitue l'assurance-maladie. Nous ne devons avoir qu'une obsession : prendre des mesures équitables. La première est de dire la vérité, même si elle fait mal, tout particulièrement certaines dérives du système dont j'aurai prochainement à parler. Il faudra d'abord colmater les brèches pour ne pas donner l'impression de combler un trou sans fond. Le système doit être responsabilisé à chaque niveau. Mais je dois d'abord terminer mes réunions avec les partenaires sociaux pour vous présenter mes choix. Une chose est sûre : ne rien faire, c'est mettre en péril notre système de santé, c'est donc creuser les injustices.
Vous avez demandé un audit rapide des comptes. Les nouvelles prévisions de déficit de l'assurance-maladie peuvent-elles servir à faire prendre conscience de la gravité de la situation ?
Sans aucun doute. J'ai demandé à la Commission des comptes de la Sécurité sociale de nous préciser le plus vite possible ses prévisions pour 2004. En démontrant la faillite de notre système, je souhaite que chaque Français prenne conscience du désastre. 12 milliards d'euros de déficit, cela représente plus de 400 euros par foyer et par an. Nous avons besoin des éléments les plus récents pour prendre les dispositions qui conviennent en toute transparence.
Que pensez-vous de l'initiative de Jean-Louis Debré de réunir une mission d'information parlementaire sur l'assurance-maladie, et de la volonté du PS de débattre " projet contre projet " ?
Je salue cette initiative. Le Parlement, encore plus que les autres acteurs, a un rôle essentiel à jouer. Il représente l'ensemble de nos concitoyens. Je suis certain qu'il va nous aider à enrichir le projet que nous préparons, grâce à cette mission mais aussi au cours du débat parlementaire sur le projet de loi. La réforme de l'assurance-maladie est un enjeu national fort, qui doit nous permettre de dépasser nos clivages politiques, même s'il sera très intéressant de comparer les propositions. J'espère que l'opposition parlementaire saura dépasser les luttes stériles.
(Source http://www.u-m-p.org, le 20 avril 2004)