Interview de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, à France 2 le 6 mai 2004, sur le bilan de deux ans d'activité gouvernementale, sur la réforme de l'assurance maladie, la politique de l'emploi, les économies budgétaires et la constitution européenne.

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Texte intégral

Olivier MAZEROLLE - Bonsoir Monsieur le Premier ministre.
Jean-Pierre RAFFARIN - Bonsoir.
Olivier MAZEROLLE - Il y a deux ans, jour pour jour, vous arriviez à Matignon, et les Français vous ont d'ailleurs bien accueilli, on peut dire que pendant un an, globalement, un peu plus d'un an d'ailleurs, ça s'est bien passé entre eux et vous. Mais aujourd'hui, la situation a radicalement changé, les sondages ne sont pas bons, vous n'avez pas obtenu de bons résultats aux élections régionales, même mauvais résultats, on peut dire. Et beaucoup de Français se disent : mais après ces élections, comment se fait-il que monsieur RAFFARIN soit encore Premier ministre ? Alors est-ce que cet étonnement vous étonne vous-même ? Et qu'est-ce que vous avez à leur dire, à ceux-là ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Vous savez, quand on est Premier ministre, rien ne vous étonne. Ce que j'ai à dire, c'est qu'il reste beaucoup de travail à faire pour la France. Vous le savez, je suis un homme de devoir, je suis le pilote de l'AIRBUS gouvernemental. Je n'ai pas droit aux faiblesses. Alors bien sûr, je prends des coups, bien sûr je subis des épreuves, mais il n'y a pas d'action sans durée, et il n'y a pas de durée sans épreuve. Donc je fais face, avec détermination, nous avons des réformes de progrès à mener pour la France, à la fois avec détermination, mais aussi à l'écoute des Français.
Olivier MAZEROLLE - Alors tout de même
Jean-Pierre RAFFARIN - Donc j'ai entendu ce que les Français ont dit, et je l'intègre dans l'action gouvernementale et dans la dynamique gouvernementale.
Olivier MAZEROLLE - Alors tout de même, je suppose que, comme nous tous, vous avez entendu et vu à la télévision le président de la République reprocher à votre gouvernement précédent de ne pas s'être montré suffisamment social. Ce soir-là, vous n'avez pas eu envie de l'appeler et de lui dire : écoutez, Monsieur le Président, avec tout mon respect, prenez un autre Premier ministre ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Il ne vous a pas échappé que je travaillais avec le président, et donc quand le président m'a nommé, il ne vous a pas échappé qu'il m'a nommé à trois reprises, il a nommé un gouvernement que je lui ai proposé. Et donc nous avons ensemble discuté d'un certain nombre de sujets, y compris d'un certain nombre de changements qu'il fallait à l'action gouvernementale. Plus de dynamisme, mais aussi plus d'écoute et des réformes moins brutales, la réforme juste. Et donc nous avons remis en cause un certain nombre de nos comportements, vous savez, il n'y a pas écrit " entêté " ici, je ne fais pas des réformes coûte que coûte, parce qu'on veut faire des réformes. Non, on fait des réformes dans l'intérêt général, on fait des réformes pour la France, donc à l'écoute des Français. Et quand quelquefois, quelque chose ne va pas et que les Français disent : ça ne va pas, il faut les écouter. Moi, je suis un homme d'attention
Olivier MAZEROLLE - Et ne pas partir pour autant ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Mais, l'essentiel est d'agir, l'essentiel aujourd'hui pour notre pays, c'est de faire face à un mouvement du monde extraordinairement rapide, au mouvement de réformes en Allemagne, au mouvement de réformes partout dans le monde, au développement de la Chine. La Chine s'est éveillée, vous vous souvenez d'Alain PEYREFITTE : " Quand la Chine s'éveillera ", la Chine, aujourd'hui se développe, elle nous prend par exemple tout l'acier du monde, c'est pour ça que l'acier augmente si cher... Le monde est en développement, la France doit être en mouvement, mais en mouvement juste. C'est pour ça qu'il faut mener cette action.
Alain DUHAMEL - Entre Jacques CHIRAC, qui est forcément en première ligne avec le quinquennat, et puis, les ministres poids lourds de votre gouvernement, qui ont des missions spécifiques, Nicolas SARKOZY, BORLOO, VILLEPIN, FILLON et d'autres, quelle est
Olivier MAZEROLLE - Philippe DOUSTE-BLAZY
Alain DUHAMEL - Et d'autres, et d'autres
Jean-Pierre RAFFARIN - Et d'autres et beaucoup d'autres
Alain DUHAMEL - Quelle est votre marge à vous ? Au fond, vous êtes quoi maintenant ? Vous êtes le régulateur ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je vous ai dit : je suis le pilote de l'avion gouvernemental. Le président fixe le cap, nous travaillons ensemble, tous les ministres, je suis là pour donner de la cohésion, pour rassembler, nous décidons ensemble, et quand on n'est pas d'accord, et quand il y a des ministres qui ne sont pas d'accord, j'arbitre, je prends la décision, et j'assume ces responsabilités. Je suis le patron d'une équipe. Je veux que les talents puissent s'exprimer, mais j'assume mes responsabilités. Mais je demande à chacun de mes ministres d'aller expliquer notre politique, parce que j'ai entendu les Français nous dire : plus de lisibilité, plus de capacité d'explications, plus de pédagogie, alors je dis à Nicolas SARKOZY : explique notre politique économique !
Olivier MAZEROLLE - Pas la peine de lui dire, ceci dit
Alain DUHAMEL - Mais il est candidat à le dire.
Jean-Pierre RAFFARIN - Il a du talent pour le faire, qu'il le fasse, c'est l'intérêt du gouvernement et c'est l'intérêt de la France. Et Philippe DOUSTE-BLAZY, et Jean-Louis BORLOO, et François FILLON, et Dominique de VILLEPIN, et Michel BARNIER, nous avons des talents, il faut que les talents s'expriment. J'assume le cap avec le président de la République, j'assume les responsabilités, je prends les coups quand il faut les prendre, mais je sais aussi que tous ensemble, nous avons à décider, et s'il y a des désaccords, c'est moi qui arbitre.
Alain DUHAMEL - Mais alors, avec ce nouveau gouvernement, parce que là, c'est un nouveau gouvernement, et une nouvelle phase politique
Jean-Pierre RAFFARIN - Vous avez remarqué, un nouveau dynamisme aussi
Alain DUHAMEL - Et une nouvelle phase on verra, on verra. Quels sont vos objectifs à vous ? Au fond, à quoi est-ce que vous jugerez que vous aurez réussi ou échoué dans quand vous partirez ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Vous savez, pour aller très, très vite, on a trouvé la France en désarroi au printemps 2002, un Premier ministre qui avait été ministre pendant cinq ans, et qui n'est même pas allé en finale de l'élection présidentielle, parce qu'il a été battu par le Front national, des Français qui ont vu la croissance forte, mais pas partagée, des Français qui doutent, des Français inquiets, alors nous avons construit une action gouvernementale en trois étapes, d'abord l'urgence, l'urgence, c'est quoi ? C'était la sécurité. Le monde devient dangereux, notre société est dangereuse, donc une politique de sécurité. Et la sécurité tous azimuts, la sécurité des personnes, mais aussi la sécurité routière, on y reviendra si vous le voulez. D'abord, la sécurité, c'est l'urgence, mais aussi, notre défense pour lutter contre le terrorisme. Donc première étape, la sécurité. Deuxième étape, les grandes impasses de la société française dont il faut libérer le pays, parce que tant qu'on n'aura pas fait ces deux grandes réformes, le pays n'aura pas les conditions de sa grandeur, que les Françaises et les Français attendent
Alain DUHAMEL - C'est-à-dire, les deux grandes réformes ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Les retraites et la santé, parce qu'il s'agit là de deux éléments de société, l'allongement de la vie, il faut mener ces deux grandes actions. Nous avons réussi la réforme de la retraite, nous réussirons le grand projet de la santé. Et je termine
Olivier MAZEROLLE - Parce qu'on va en parler
Jean-Pierre RAFFARIN - Premièrement, la sécurité, deuxièmement, les grandes réformes, et troisièmement, faire en sorte que ce qui revient aujourd'hui en France, c'est-à-dire la croissance, grâce à une politique dynamique, que nous avons engagée, que cette croissance soit pour tous, la prospérité, mieux partagée. Voilà les trois étapes, la sécurité, les deux grandes réformes qui débloquent la société française et la prospérité partagée, voilà le cap qui est le nôtre. Les Français ont pu mesurer l'effet de la politique des socialistes, pendant trois ans, les socialistes ont mené une politique qui, à partir de 2000, s'est montrée incapable de maintenir la croissance, 4 % de croissance en l'an 2000, 2 % en 2001, 1 % en 2002. Un point de croissance, c'est 150.000 emplois dehors, 150.000 emplois détruits, voilà le bilan de l'action de nos prédécesseurs. Il a fallu reconstruire
Alain DUHAMEL - Mais c'est plutôt le vôtre qui nous intéresse, là, maintenant
Jean-Pierre RAFFARIN - Oui, mais attendez, quand on parle
Alain DUHAMEL - Oui, c'est vrai, c'est le vôtre qui nous intéresse, là
Jean-Pierre RAFFARIN - Mais il faut aussi que vous ayez l'esprit de justice pour voir la situation de départ
Alain DUHAMEL - Et de la mémoire
Jean-Pierre RAFFARIN - Moi, j'ai pris une situation où la croissance était en effondrement, et aujourd'hui, je peux vous dire, comme je l'ai dit aux Français, parce que je dis la vérité, aujourd'hui, nous sommes sur un rythme de croissance de plus de 2 %, nous sommes aujourd'hui en situation où notre pays recrée des emplois, 21.000 emplois ont été créés le dernier trimestre. Nous sommes en situation où la consommation repart, où l'investissement repart, donc nous sommes en situation, qui n'est pas encore très favorable, mais qui permet à nouveau le retour de l'optimisme
Olivier MAZEROLLE - Monsieur Premier le Ministre, parlons de cette réforme sur l'assurance maladie. Ça ne va pas bien en ce moment, 13 milliards d'euros de déficit prévu pour cette année, est-ce que vous avez trouvé un mode de fonctionnement qui permettrait à la Sécurité sociale de nous garantir de bons soins, sans déficit ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Ecoutez, nous y travaillons, sans déficit, c'est l'horizon 2007. Nous voulons atteindre l'équilibre à 2007. D'abord, c'est la réforme la plus importante, parce que la santé, c'est ce qui fait reculer la mort, c'est ce qui rassemble le pacte républicain. L'allongement de la vie, il ne faut pas le présenter comme un échec, comme une difficulté, comme une équation comptable, une petite fille sur deux qui naît aujourd'hui, là, aujourd'hui, le 6 mai, elle va vivre jusqu'à 100 ans, il faut que ce soit du bonheur. Ça veut dire donc que la santé nous coûtera plus cher, ça veut dire que la santé est une priorité de tous, ça veut dire qu'il faut
Olivier MAZEROLLE - Alors comment on fait ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Qu'il faut prendre la santé non pas comme un dossier technique, mais vraiment comme un élément de notre pacte social, de notre cohésion sociale
Olivier MAZEROLLE - Alors comment on s'organise ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Alors, d'abord, les cinq grands partenaires, une nouvelle organisation, un nouveau pilotage responsable, l'Etat fixe les règles de la politique de santé, les grandes orientations, ensuite, nous créons une haute autorité scientifique. Je crois que c'est ce qui manque à notre système actuel
Olivier MAZEROLLE - Et qui servira à quoi ?
Jean-Pierre RAFFARIN - A dire si tel médicament est utile ou pas. Ce n'est pas l'homme politique, ce n'est pas le syndicaliste qui peut dire aujourd'hui telle thérapeutique ou tel médicament est efficace. Je veux une autorité, une autorité scientifique qui va dire : tel médicament doit être remboursé, et tel autre médicament ne sera pas remboursé. Voilà pourquoi nous avons besoin de ce deuxième pôle qui est le pôle scientifique. Il nous faut le pôle des partenaires, il nous faut évidemment les partenaires sociaux, je souhaite aussi que les médecins, que les professionnels soient dans le dispositif, avec les mutuelles, avec tous ceux qui sont les acteurs, et les représentants évidemment des patients, une organisation nouvelle, dans l'esprit de la Libération, mais modernisée avec de vraies règles de responsabilité.
Olivier MAZEROLLE - Alors, Monsieur le Premier Ministre, dans cette organisation nouvelle, on n'est pas sûr qu'il y aura suffisamment de financements pour garantir à chacun d'entre nous un accès à des soins suffisamment efficaces. Alors est-ce que ça, ce constat, ça n'est pas la porte ouverte pour que les assurances privées s'immiscent dans le fonctionnement de la Sécurité sociale, et finalement, pour une privatisation partielle, mais réelle de la Sécu ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je ne le souhaite pas, ni étatisation ni privatisation. Nous voulons
Olivier MAZEROLLE - Vous ne le souhaitez pas, mais est-ce que vous l'empêchez ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je l'empêche. Nous allons montrer aux Françaises et aux Français que nous sommes capables, tous ensemble, de nous rassembler sur ce sujet très important, et c'est pour ça que je dis à nouveau à tous ceux qui, dans l'opposition, aujourd'hui, ont des idées de les mettre sur la table, le Parlement nous fera des propositions le 15 de ce mois, je souhaite avoir les avis des uns et des autres pour vraiment faire un projet partagé. Comment faire en sorte que nous puissions lutter contre les déséquilibres ? Premièrement, lutter contre toutes les formes de gaspillage, il y a beaucoup de gaspillage, je me souviens d'un reportage que vous aviez passé avec Benoît DUQUESNE, vous vous souvenez de ce journaliste qui s'était fait passer pour un patient, qui avait vu cinq médecins différents, et il avait obtenu cinq fois une indemnité journalière
Olivier MAZEROLLE - Et les médecins n'étaient pas contents
Jean-Pierre RAFFARIN - C'est-à-dire un certificat oui, c'est la preuve qu'il y a beaucoup de gaspillage. Donc là, nous avons toute une série de mesures qui nous permettra, je pense, d'approcher les six milliards d'économie, notamment
Alain DUHAMEL - En combien de temps ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Dans trois ans, bon dans les trois ans, six milliards d'économie
Alain DUHAMEL -Alors, si vous me permettez, il y a une question quand même que tout le monde se pose, c'est aujourd'hui, on a un déficit, ce déficit, tout le monde reconnaît, vous, le premier d'ailleurs, que c'est un déficit qui est insupportable par sa masse. Donc il va bien falloir qu'on décide oui, enfin, qu'on décide que vous décidiez si on augmente les cotisations, si on diminue les remboursements, si on met un ticket modérateur, si on fait tout ça à la fois ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Alors sur les déremboursements, il y aura forcément des déremboursements spécifiques, décidés par la haute autorité scientifique qui dira : tel médicament n'est plus utile, celui-là est mieux. On a vu avec les génériques, on a vu qu'il y avait des possibilités d'améliorer le système, une meilleure santé moins chère
Alain DUHAMEL - Et y compris sur des actes médicaux aussi ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Donc je ne suis pas favorable y compris sur des actes médicaux. Je ne suis pas favorable à un impôt nouveau, je dis non à la TVA sociale, dont j'entends parler ici ou là, parce que ça casserait la croissance et ça casserait l'emploi. Je ne suis pas favorable
Alain DUHAMEL - Et à l'augmentation des prélèvements existants ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je ne suis pas favorable non plus à cette cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Jean-Pierre RAFFARIN - Vous voulez parler de la CSG, je ne suis pas favorable à ce que la CSG soit augmentée comme étant un préalable parce qu'au fond, la CSG, ce n'est pas une réforme. A la fin, nous discuterons avec tous les partenaires, nous verrons quand nous aurons l'ensemble de la réforme, nous discuterons de la CSG. Mais je ne souhaite pas qu'on fasse de la CSG un préalable parce qu'augmenter naturellement
Alain DUHAMEL - Alors, où trouverez-vous l'argent ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je vais vous le dire. D'abord, dans des économies, des économies, vous avez parlé de déremboursements, mais je souhaite que tout ça soit fait avec équité. Donc, il y aura des déremboursements choisis par la Haute autorité scientifique, mais par exemple, il y aura des améliorations de remboursements. Par exemple, je souhaite et je vais tout faire pour que le remboursement pour les enfants qui portent des lunettes, les frais de lunettes, soit triplé dans notre pays. Nous avons un certain nombre de frais médicaux qui sont mal remboursés, je souhaite que quand il y a des déremboursements, d'un côté, il y ait des améliorations de l'autre. Je souhaite qu'on responsabilise le patient, je vous dis les choses avec vérité. Je souhaite
Alain DUHAMEL - Responsabiliser, c'est un ticket modérateur ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Ce n'est pas le ticket modérateur, il y a des discussions, ce n'est pas ma solution, elle est proposée par les uns, les uns proposent la franchise, d'autres proposent un euro par boîte. Moi, je suis plutôt favorable à ce qu'il y ait une conscience de l'acte médical. Et quand on va chez le médecin, qu'on ait une contribution très modeste, pas plus d'une pièce, très modeste, mais pour que l'acte médical
Alain DUHAMEL - Vous voulez dire un euro, par exemple ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Par exemple. C'est une proposition, nous allons en discuter avec tous les partenaires. Mais, quand on va chez le médecin, quand il y a un acte médical, que le patient soit conscient que cela coûte à l'ensemble de la collectivité. Donc, quelque chose de très modeste, quelque chose naturellement que n'auraient pas à payer les plus faibles, ceux qui sont à la CMU, par exemple, tous ceux qu'on pourrait protéger, les enfants qu'on pourrait protéger, un certain nombre de patients qui sont plus fragiles que les autres. Mais, je pense qu'il est nécessaire un, de lutter contre les gaspillages, deux, d'équilibrer, quand il y a des déremboursements, de meilleures prestations ailleurs, et troisièmement, d'essayer de trouver un système, peut-être de réaménager la dette, vous savez qu'il y a une dette importante, je ne suis pas opposé qu'on puisse étaler la dette, qu'on puisse réaménager, c'est un sujet qui est discussion. Mais, je souhaite aussi que l'ensemble du dispositif soit un dispositif qui nous permette d'avoir une meilleure santé, de meilleures prestations. Par exemple, le dossier médical personnel, il est très important, il pourrait empêcher que dans un processus, on ait cinq électrocardiogrammes dans la même journée. Donc, qu'on ait un dossier personnel, confidentiel, partagé entre le patient et le médecin de manière à ce qu'il y ait le meilleur
Olivier MAZEROLLE - Qu'on sache en permanence où on en est.
Jean-Pierre RAFFARIN - Mieux dépenser pour une meilleure santé.
Olivier MAZEROLLE - Monsieur le Premier ministre, parlons aussi de l'emploi, c'est un sujet qui intéresse beaucoup les Français. Et ce qu'ils vous ont reproché, c'est de ne pas avoir pris de mesures d'aide directe à l'emploi. Alors, allez-vous prendre des mesures d'aide directe à l'emploi ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Nous avons pris des mesures d'aide directe à l'emploi. Nous avons une politique de l'emploi qui est articulée autour de quatre priorités. D'abord, aider ceux qui sont au chômage à entrer dans le travail, une logique de parcours et non pas une logique de parking, comme était avant la logique des emplois jeunes ou la logique du RMI. Nous, on veut que les gens sortent du RMI, c'est pour ça que nous avons créé le RMA, le Revenu Minimum d'Activité. On veut que les jeunes sortent de leur situation du chômage, c'est pour ça que 150 000 jeunes aujourd'hui sont en contrat en entreprise sans charge. On les aide à faire un parcours personnalisé. Et maintenant, avec la formation, on va pouvoir aider, grâce à ce droit individuel à la formation, à sortir du chômage pour aller vers l'emploi. Une logique de parcours, première priorité. Deuxième priorité : créer davantage d'entreprises. Vous vous rendez compte que nous battons en ce moment tous les records de création d'entreprises, 25 000 entreprises par mois en ce moment, nous sommes sur le rythme de 250 000 entreprises par an. Ce qui était notre engagement d'un million d'entreprises nouvelles dans les cinq ans sera dépassé. Aider les entreprises à créer de nouveaux produits, donc de nouveaux emplois, notamment par le crédit d'impôt innovation. Lutter contre les délocalisations, sujet très important, en développant des pools industriels. Vous avez vu que nous nous sommes mobilisés, avec Nicolas SARKOZY, pour rassembler AVENTIS et SANOFI, pour construire un grand pôle de santé. Vous nous voyez mobiliser aujourd'hui pour AIRBUS et l'AEROSPATIALE, je serai demain à Toulouse. Nicolas SARKOZY prend à bras-le-corps le dossier d'ALSTOM. Nous avons quelques gros dossiers comme ceci
Olivier MAZEROLLE - Mais beaucoup de Français se sentent perdus, ils ne trouvent pas tout de suite de l'emploi. Et ceux-là, ils ont le sentiment que le gouvernement ne s'intéresse pas à eux, ne prend pas de mesure qui va immédiatement ou très rapidement leur permettre de sortir de la situation dans laquelle ils se trouvent.
Jean-Pierre RAFFARIN - Nous mettons beaucoup d'argent sur nos politiques de l'emploi, elles ne sont pas toujours aussi efficaces. C'est pour ça qu'avec Jean-Louis BORLOO, nous préparons un plan de cohésion sociale parce qu'aujourd'hui vous avez, dans le budget 2004, il y a 17 milliards d'euros d'allègements de charges pour créer de l'emploi. Ce que nous voulons, c'est que les aides soient le plus efficace possible et qu'on puisse évidemment aider les personnes, là encore, dans un parcours personnalisé vers l'emploi. C'est pour ça que nous faisons ce plan de cohésion sociale et que nous faisons de l'emploi une priorité nationale. Nous pouvons le faire, car nous avons créé les conditions du retour de la croissance. Aujourd'hui, nous sommes dans un pays qui recommence à créer des emplois, donc nous sommes dans la possibilité où nous pouvons aider les gens à faire leur parcours du chômage vers l'emploi.
Alain DUHAMEL - La cohésion sociale, on va y revenir dans un instant. Mais, quand on a écouté attentivement, ce que vous avez sûrement fait comme nous, la conférence de presse spectaculaire de Nicolas SARKOZY
Jean-Pierre RAFFARIN - Vivante !
Alain DUHAMEL - Il a présenté une vingtaine de mesures. Parmi ces mesures, quelles sont celles qui aident directement à la création d'emploi ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Il y a naturellement les mesures qui sont liées à la confiance, donc à la discipline budgétaire. Il est évident qu'un pays qui n'a pas une bonne politique budgétaire est un pays qui ne crée pas la confiance, qui ne crée pas la consommation, et donc qui n'aide pas l'emploi. La politique du gouvernement, exprimée par Nicolas SARKOZY, parce qu'il n'y a pas la politique de Nicolas SARKOZY et la politique de Jean-Pierre RAFFARIN, c'est la même, elle est toute simple. D'une part, nous maîtrisons nos dépenses : pas un euro supplémentaire de dépenses, c'est pour ça qu'il y a des régulations budgétaires. J'approuve ces régulations budgétaires, tout le monde doit participer sur le budget 2004 pour que nous ne dépensions pas un euro de plus que nous avons eu le droit de dépenser par le Parlement. Et de l'autre côté, il faut soutenir l'activité. On soutient l'activité en aidant la consommation, en prenant un certain nombre de décisions qui vont aider à la consommation, avec un certain nombre de décisions aussi qui vont aider les investissements comme la suppression de la taxe professionnelle. Un autre mot pour l'emploi, un mot très important, les retraites, vous savez que 200 000 personnes dans le secteur privé en 2004 vont partir à la retraite grâce au nouveau droit, le droit des carrières longues, ceux qui ont commencé à travailler à 14, 15 et 16 ans. Je peux vous annoncer ce soir que j'ai demandé à mon ministre de la Fonction publique d'engager les négociations, et surtout de les boucler avant la fin du mois de juin, pour que les carrières longues soient aussi ouvertes aux dispositions similaires aux fonctionnaires. C'est-à-dire que c'est une décision
Olivier MAZEROLLE - C'est une question que nous allions vous poser parce qu'on a un téléspectateur qui nous avait envoyé ça par mail.
Jean-Pierre RAFFARIN - C'est une décision très importante que je vous annonce ce soir et que j'ai prise : les carrières longues, statut similaire dans la fonction publique et dans le secteur privé. Cette réforme des retraites était une réforme d'équité, il faut qu'elle soit équitable pour tous.
Alain DUHAMEL - Il y a aussi une question que tout le monde se pose parce qu'elle est de bon sens. A partir du moment où Nicolas SARKOZY ou vous-même, encore à l'instant, vous dites, il faut relancer la consommation, est-ce que pour relancer la consommation, le plus simple, ce ne serait pas d'essayer d'augmenter le pouvoir d'achat ?
Jean-Pierre RAFFARIN - C'est pour ça que nous allons augmenter le SMIC de 5 % le 1er juillet. En effet, vous faites le même constat que nous. Nous avons une politique de soutien au salaire. Dans notre politique de soutien au travail, de revalorisation du travail, nous voulons que le revenu du travail soit supérieur au revenu de l'assistance. Et c'est pour ça que je peux vous l'annoncer aussi, au 1er juillet, le SMIC horaire augmentera donc de 5 % pour un million de Français, un million de foyers, il y aura 5 % d'augmentation. Ce qui représente, comme l'année dernière, une augmentation de pouvoir d'achat de 3,7 %.
Olivier MAZEROLLE - Monsieur le Premier Ministre, il y a un point sur lequel Nicolas SARKOZY se fait très insistant, c'est les 35 heures. Il dit, voilà, ça plombe l'économie française, ça handicape le travail, je ne sais pas si c'est vrai, mais vous, vous ne voulez pas en parler. Les députés de la majorité ont entendu Nicolas SARKOZY, ils disent, il a raison, il faut qu'on en parle. Alors, il va y avoir un débat sur les 35 heures ou pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Il y a débat sur les 35 heures, c'est une mauvaise loi, et s'il y a débat, il y a débat quotidien parce que c'est une mauvaise loi. Et quand vous êtes à l'hôpital, vous voyez bien qu'il y a débat parce que l'hôpital a été très affaibli par les 35 heures. Donc, les 35 heures, c'est une mauvaise loi. Nicolas SARKOZY l'a dit, beaucoup d'autres l'ont dit aussi. Ce qui est très clair, c'est que les 35 heures, c'est pour certains un progrès personnel. Pour la collectivité, c'est des difficultés générales qui sont souvent très graves. Donc, ce que je crois et ce qu'il faut aujourd'hui, c'est que les partenaires sociaux inscrivent dans leurs négociations sur la modernisation sociale, qu'ils ont engagées ces derniers mois, inscrivent le débat sur le temps choisi. Parce que ce n'est pas l'Etat qui peut décider la part de mon temps de travail, de mon temps libre et de mon temps de formation. Nous avons créé le droit individuel à la formation, dans la vie professionnelle aujourd'hui, il y a du temps de travail, du temps de formation et du temps libre. Je souhaite qu'il y ait là la liberté qui soit la plus grande possible dans les entreprises, dans les branches professionnelles et que ce ne soit pas cette nationalisation
Olivier MAZEROLLE - Donc, vous souhaitez l'ouverture de ce débat entre patronat et syndicats
Jean-Pierre RAFFARIN - Ce que je reproche aux 35 heures, c'est ce côté automatique, systématique qui fait qu'aujourd'hui, on n'empêche ceux qui veulent gagner plus de travailler plus. C'est pour ça que nous avons déjà agi, je rappelle aujourd'hui que les 35 heures ne s'appliquent pas dans les entreprises qui ont moins de 20 salariés, c'est-à-dire une très grande majorité des entreprises. Nous avons déjà agi notamment en permettant des heures supplémentaires, ce qui permet donc à ceux qui veulent gagner plus de travailler plus.
Alain DUHAMEL - On parlait du chômage, il y a une question à laquelle vous pouvez répondre brièvement, mais que tout le monde se pose, c'est : A partir de quand est-ce que, compte tenu de tous les éléments dont vous disposez, vous êtes après tout celui qui est censé en disposer au maximum, à partir de quand est-ce que la courbe du chômage s'inverse dans le bon sens ? A partir de quand est-ce que le chômage recule vraiment ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Deuxième semestre 2004. Nous avons créé au premier trimestre à peu près 20 000 emplois, le chômage est stabilisé entre 9,7 et 9,8 depuis le mois de septembre, nous avons perdu des emplois industriels, nous avons créé des emplois de service. Aujourd'hui, la croissance est là, tous les indicateurs nous montrent que nous sommes en tête de la zone euro aujourd'hui et qu'au cours du second semestre 2004, nous devrions avoir l'inversion de la courbe du chômage.
Olivier MAZEROLLE - Une question qui redevient d'actualité, c'est celle des intermittents. Il y a eu une enveloppe débloquée par votre gouvernement de 20 millions d'euros, les intermittents trouvent que c'est une aumône. Est-ce qu'on va avoir cette année, comme l'an dernier, des festivals qui n'auront pas lieu ou qui seront perturbés, à commencer d'ailleurs par celui de Cannes ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Le gouvernement a fait un geste fort, clair, précis. Nous avons la discussion, nous avons demandé clairement aux partenaires sociaux de pouvoir rediscuter notamment sur les sujets importants qui concernent, par exemple, les femmes enceintes, nous souhaitons qu'il y ait une discussion. Mais nous savons bien que le système social à l'UNEDIC des intermittents est un système gravement déficitaire, 800 millions d'euros, et ce sont tous les autres salariés qui financent. C'est un système qu'il fallait réformer. Et depuis des années et des années, tout le monde se refusait à le réformer. Les partenaires sociaux se sont mis autour de la table, il y a dans cette réforme un certain nombre de points qui sont positifs parce qu'ils sauvent le statut. Et il y a des points négatifs parce qu'il y a un certain nombre de créateurs et de techniciens qui en souffrent. C'est pour ça que nous avons nommé une personnalité capable aujourd'hui, avec de l'argent supplémentaire que nous mettons à sa disposition, d'étudier les cas difficiles et de mettre tout le monde autour de la table. Je ne souhaite pas que l'on prenne en otage quelque festival que ce soit aujourd'hui. Nous sommes une démocratie sociale responsable, que les partenaires se mettent autour de la table, on n'est pas une démocratie du chantage, on est une démocratie de la discussion, de la négociation et je souhaite que ces discussions
Olivier MAZEROLLE - Mais ils vous disent : on veut plus d'argent. Plus que 20 millions.
Jean-Pierre RAFFARIN - Qu'ils viennent discuter avec l'ensemble des partenaires, et que tout le monde se mette autour de la table. On ne règle pas les problèmes aujourd'hui seulement par les mégaphones. Regardez comment on a réglé le problème de l'UNEDIC. Je crois qu'il est important de régler le problème de l'UNEDIC. Ces personnes la réforme de l'UNEDIC est bonne, comme la réforme des intermittents du spectacle, mais elle se trouve, pour certaines personnes, dans certaines conditions, trop brutale. Nous gardons la réforme, mais nous mettons de l'humanité où il y avait de la brutalité, et ceux qui croyaient de bonne foi qu'ils avaient le droit à 30 mois alors qu'on leur a changé la règle du jeu, les partenaires sociaux ont changé la règle du jeu en mettant seulement 23 mois, ces personnes-là, nous allons faire en sorte qu'elles aient les moyens d'avoir leurs 30 mois. Ce qui ne veut pas dire que nous changeons la réforme. La réforme, pour tous les autres, restera la même. Mais nous l'avons adaptée avec souplesse, en tenant compte de ce qu'ont dit les personnes concernées.
Alain DUHAMEL - On parlait tout à l'heure de la cohésion sociale, il y a un conflit entre Nicolas SARKOZY et Jean-Louis BORLOO. Nicolas SARKOZY voudrait geler 800 millions, comme d'ailleurs pour les autres ministères, parce qu'il dit : autrement, je n'arriverai pas à faire diminuer les déficits. Et Jean-Louis BORLOO dit, les 800 millions, moi j'en ai besoin pour la loi de cohésion sociale, et notamment pour le logement social. Alors comment est-ce que vous tranchez dans ce cas-là ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Nicolas SARKOZY a raison de faire la régulation budgétaire telle qu'il la fait pour le budget 2004. Ce n'est pas Nicolas SARKOZY qui la fait, c'est le gouvernement qui la fait, et nous en avons discuté ensemble. Je ne veux pas que nous dépensions un euro supplémentaire. Et donc tous les budgets, comme l'an passé, ça avait été exactement la même chose l'année dernière, tous les budgets, comme l'an passé, doivent participer à la régulation budgétaire
Alain DUHAMEL - Même s'il y a des ministres qui sanglotent ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Mais il est normal que les uns et les autres soient demandeurs de moyens supplémentaires. La France n'a pas le moyen de dépenser plus que le budget qui a été voté au Parlement. Nous sommes dans une démocratie parlementaire, nous dépenserons ce que les parlementaires ont voté, pas un euro de plus. Mais il y a en effet le projet de cohésion sociale, qui est un très grand projet, qui est ce projet qui est devant nous, et pour lequel nous voulons mobiliser toute l'énergie gouvernementale, c'est cette nouvelle prospérité mieux partagée. Avant on a eu la croissance non partagée, nous voulons une nouvelle prospérité différente mais alors c'est là, c'est un projet nouveau. Là, quand vous dites : couper le budget, il s'agit du budget 2004. Le projet de cohésion sociale
Olivier MAZEROLLE - C'est pour 2005 ?
Jean-Pierre RAFFARIN - C'est 2004, la fin de l'année, mais 2005, 2006, 2007, c'est toutes les années qui viennent. Il faut une nouvelle politique de l'emploi, il y a six milliards d'aides, il faut faire en sorte que ces aides soient plus efficaces. Il faut trouver un certain nombre de moyens nouveaux.
Olivier MAZEROLLE - Donc vous avez arbitré, Nicolas SARKOZY
Jean-Pierre RAFFARIN - Pour le budget 2004, mais j'arbitre aussi pour le financement du projet de cohésion sociale. Et je travaille à ce financement, je veux des moyens nous allons créer par exemple un fonds de la cohésion sociale. Je souhaite qu'il y ait des débats sur ce sujet. Par exemple, avec Nicolas SARKOZY et avec un certain nombre de ministres, nous regardons l'initiative allemande. Les Allemands par exemple ont fait en sorte que l'argent qui est sorti du pays à un moment, s'il revient, il revient et il est taxé, il est taxé à 15 %, à 20 %, à 25 %, et cet argent-là sert à la cohésion sociale. Je trouve que ce n'est pas une mauvaise idée. Et donc nous allons trouver des moyens extrabudgétaires pour financer notre politique de cohésion sociale. Il y aura aussi des moyens budgétaires par redéploiement, parce que je vous signale qu'on est sur des sommes énormes aujourd'hui, ça se compte en milliards d'euros. Donc il y a des redéploiements pour plus d'efficacité. Nous avons actuellement 300 000 logements qui sont aujourd'hui mis en chantier, donc nous avons beaucoup de choses qui sont faites.
Alain DUHAMEL - Pour que les choses soient très claires, vous voulez dire que, comme sur le modèle allemand, pour envisager de faire une sorte d'amnistie fiscale pour les capitaux qui viendraient se réinvestir en France ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Le mot est impropre puisqu'on les taxerait, ces gens-là, donc ils ne seraient pas amnistiés, ils seraient taxés
Alain DUHAMEL - Oui, vous voyez bien ce que je veux dire.
Jean-Pierre RAFFARIN - Oui, mais justement, ce n'est pas ça. C'est une taxe, mais cette taxe, elle est fléchée, elle est pour la cohésion sociale. L'argent reparticiperait à l'économie, plutôt que d'être sorti. Pour les Allemands, ils ont budgété ça à plusieurs milliards, et donc c'est très significatif. Et cet argent serait fléché pour la cohésion sociale. La cohésion sociale, rapidement, c'est quoi ? C'est l'emploi, c'est la meilleure intégration, l'égalité des chances, et c'est une politique du logement, et du logement social. Le droit au logement, y compris le droit au logement opposable, y compris, dans les collectivités locales, ce sont des sujets très importants, nous trouverons les financements. Donc en résumé, pour 2004, j'approuve la régulation budgétaire ; pour 2005, 2006 et 2007, le grand projet de cohésion sociale qui doit mobiliser tout le pays, nous organiserons les financements, pour avoir les moyens de nos ambitions.
Olivier MAZEROLLE - Il nous reste trois minutes Alors voilà, avant l'Europe, juste une question, vous avez annoncé récemment qu'il fallait améliorer le PACS. Alors, comment ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je crois en effet que le PACS ne fonctionne pas bien, qu'il y a il faut trop de temps avant que les droits puissent être assumés par les uns et par les autres, et donc j'ai mis en place une évaluation du PACS actuellement, pour que nous en voyions les faiblesses et que nous puissions améliorer le dispositif. Je préfère un PACS qui marche, plutôt qu'un mariage qui serait détourné de sa vocation.
Alain DUHAMEL - Alors à propos de l'Europe, quand vous étiez en voyage officiel à Moscou, vous aviez dit que vous étiez, comme c'est le cas d'ailleurs de la majorité des Français, favorable à un référendum sur la Constitution européenne. Depuis, Jacques CHIRAC a dit : moi je n'ai pas choisi. Est-ce que vous, vous restez favorable à ce référendum ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Ecoutez, il y a les principes, auxquels je suis attaché, et puis il y a la Constitution qui n'est pas encore préparée. Donc il y a une autre idée, à côté de celle du référendum, qui est très importante, et que je souhaite qu'on mette en équilibre : c'est l'idée d'avoir une décision européenne, tous les mêmes pays, le même jour. Quand on aura signé le texte, quand on sera
Alain DUHAMEL - Le même jour, ce n'est pas possible. La même semaine
Jean-Pierre RAFFARIN - La même semaine, la même semaine. Et donc, qu'on ait un vrai
Alain DUHAMEL - Parce que tout le monde ne vote pas le même jour.
Jean-Pierre RAFFARIN - Qu'on ait un vrai geste européen. Donc là nous aurons à choisir la méthode britannique qui est celle du référendum, la méthode allemande qui est celle du Parlement. Le moment venu, le président de la République fera son choix.
Olivier MAZEROLLE - Une question rapide sur la Turquie. Il est possible que des négociations s'engagent au début de l'année prochaine sur l'adhésion future de la Turquie, mais en réalité, si les négociations démarrent, est-ce que ça ne veut pas dire que forcément l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne sera acquise, car qui osera dire à la Turquie, après des années de négociations : non, vous n'entrez pas ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Non, si les critères ne seront pas respectés, la Turquie ne rentrera pas. Je suis en désaccord complet avec Philippe de VILLIERS, qui veut faire de la campagne prochaine des européennes une sorte de référendum "Pour ou contre la Turquie". Ce n'est pas le sujet. La Turquie, aujourd'hui, ne peut pas rentrer dans l'Union européenne. Que, dans une perspective lointaine, avec les efforts qui seront faits par les uns, par les autres, que cette perspective-là soit une perspective du continent européen, une Europe continentale, soit une perspective ouverte, comme l'a dit le président de la République, sans doute, mais qu'on parle aujourd'hui de l'entrée de la Turquie à court terme, c'est quelque chose qui n'a pas de sens.
Alain DUHAMEL - Alors si, par hypothèse, aux élections européennes, les Français votaient comme ils ont voté aux élections régionales, c'est-à-dire, il faut bien le dire, en sanctionnant le gouvernement, est-ce que tout ce que vous venez de nous dire ça reste valide, est-ce que c'est comme si rien ne se passe à ce moment-là, ou est-ce que si, ou est-ce que ça veut dire que, soit vous-même, soit vos options, doivent être l'un, s'en aller, ou d'autres, être modifiées ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Vous avez compris que j'étais à l'écoute des Français. Vous avez aussi compris que j'avais des échéances qui étaient des échéances de réformes pour la société française. Donc pour moi, ce qui compte, ce sont mes échéances de réformes. Aujourd'hui les députés ont voté le jour national de solidarité pour financer la dépendance, l'action pour les personnes âgées, l'action pour les personnes handicapées. Nous venons de dégager ainsi 9 milliards pour les personnes âgées et les personnes handicapées. C'est une bonne nouvelle, voilà ce que j'ai à faire. Je ne crois pas que je sois engagé dans la bataille partisane au quotidien. Donc les élections, elles auront lieu, nous écouterons ce que les Français disent, mais je n'en fais pas pour moi l'échéance de mon action. Je dois vous dire que je suis très attentif à tout ce que disent les Français, et deux choses. D'abord, le mot " vote sanction " est un mot piégeant, parce que le jour où Lionel
Alain DUHAMEL - Ah, ce n'était pas un vote aimable !
Jean-Pierre RAFFARIN - Ce n'est pas un vote aimable. Mais le vote sanction, vous faites la somme de tous les votes. Le jour où Lionel JOSPIN a fait 17 % aux présidentielles, ça fait 83 % de vote sanction. Vous comptez là l'extrême droite, l'extrême gauche, vous comptez tout le monde. Le vote sanction, vous faites la somme de tout, comme si la sanction était un projet. Je ne vois pas de projet politique contre nous, même au Parti socialiste. Le Parti socialiste aujourd'hui, plus qu'un parti de gouvernement, c'est une sorte de coordination des ambitieux et des mécontents. Donc l'idée de sanction, c'est l'idée où on cache toutes les différences, on rassemble tous les mécontentements, et on fait croire que c'est un projet. Ce n'est pas un projet. Pour être vraiment une alternative, il faut bâtir un projet. Je suis à l'écoute des Français, et donc, dans toutes les élections j'écoute ce qu'ils disent, même je prends un exemple : la sécurité routière, les radars. J'ai entendu ce qu'ils disent. Ils disent : vous avez mené une action très forte sur la sécurité routière, nous sommes d'accord. On a ensemble économisé 2.000 vies en deux ans. C'est une de mes plus grandes fiertés que cette politique de sécurité routière. Mais il va de soi que j'ai aussi entendu qu'il y avait des irritations sur les radars, et que quelquefois on pouvait mettre un peu plus de justice. Et donc, petit dépassement, petite amende, grand dépassement, grande amende. Donc si on dépasse, dans l'avenir, de 20 km/h, on aura une amende de 45 euros, et si on est au-delà, on sera à 90 euros en revanche, si on dépasse de 50 euros (sic), parce que là on est un criminel potentiel, c'est un délit.
Alain DUHAMEL - Et puis pour continuer, voilà, pour continuer à prendre votre image, quelle amende est-ce que vous payez si les élections européennes sont mauvaises ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Nous sommes attentifs à ce qui sera fait pour l'Europe. Je souhaite vraiment que les Français s'intéressent à ces élections, nous serons attentifs à ce qu'ils pensent de l'Europe, mais là ce ne sont pas des élections qui jugent la politique nationale, mais qui jugent un projet européen. Et je souhaite surtout qu'ils choisissent les meilleurs. La France a besoin d'être très fortement représentée en Europe. Il nous faut des gens
Olivier MAZEROLLE - L'action du gouvernement n'est pas conditionnée par les élections européennes ?
Jean-Pierre RAFFARIN - Je ne le pense pas. L'action du gouvernement, elle a un horizon qui est plus long. Je suis à la tête d'une majorité, ça ne vous a pas échappé, qui est élue pour cinq ans, et donc qui mène un travail qui est un travail pour cinq ans. Pour le reste du calendrier, ça ne dépend pas de vous, ça ne dépend pas de moi, mais du chef de l'Etat.
Olivier MAZEROLLE - Merci Monsieur le Premier Ministre Bonne soirée à tous.
(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 7 mai 2004)