Texte intégral
Q - Pendant la guerre en Irak, une division complète régnait entre, d'un côté, les Etats-Unis, la Grande Bretagne et une partie de l'Europe, y compris l'Est, et, de l'autre côté, la France, l'Allemagne et la Russie. Quelle est la situation maintenant, après l'adoption unanime par le Conseil de sécurité des Nations unies de la résolution sur l'Irak ?
R - Nous voulons tous regarder vers l'avant. La situation en Irak et au Proche-Orient, en général, nous inquiète, parce que nous la percevons comme très difficile. La crise israélo-palestinienne nous inquiète aussi et, bien sûr, l'Iran, avec son programme nucléaire. L'unité de la communauté internationale est nécessaire et c'est pour cette raison que la France s'est décidée à voter positivement avec l'Allemagne et la Russie la résolution 1511. C'est une chose importante, et permettez-moi de rappeler que toutes les résolutions, 1483, 1500 et 1511, ont été adoptées à l'unanimité. C'est un très bon signe.
Q - Néanmoins, la position française dans ce cadre reste inchangée, telle qu'elle l'était pendant la guerre en Irak ?
R - Nous pensons toujours que la communauté internationale et les forces de la coalition doivent changer leur approche en Irak. Nous avertissons que la résolution 1511, selon notre conviction, est trop timide et elle n'a pas abordé tous les problèmes qu'elle devait. Il est temps de changer l'approche et de reconnaître la souveraineté des Irakiens. La reconnaissance de la souveraineté des Irakiens devrait être un point de départ, devrait être le début et non pas la fin du processus de reconstruction. Il semble qu'actuellement les Etats-Unis et la majorité des Etats de la coalition pensent qu'ils peuvent attendre, sur cette question de la souveraineté, jusqu'aux élections. Nous pensons que la souveraineté est nécessaire dès le début. Le transfert de responsabilité doit, bien sûr, durer quelque temps, six mois, douze mois, si nécessaire. Il faut que cela soit un transfert progressif. Mais il devrait se dérouler plus vite. De cette manière, la situation en Irak pourrait être très différente, car les Irakiens auraient leur destin entre leurs mains. Et c'est une affaire politiquement, psychologiquement et socialement très importante.
Q - Jusqu'à maintenant, l'Europe de l'Est était toujours beaucoup plus pro-américaine que pro-européenne. Et c'est un problème. Mais l'Europe, elle aussi n'a pas été très "diplomatique", n'a pas fait grand-chose pour attirer à ses côtés l'Est du continent. Comment renforcer le sentiment pro-européen de l'Est de l'Europe ?
R - J'estime que tout cela est du passé. Le climat en Europe est tout à fait différent par rapport aux mois précédents. Les divisions concernant l'Irak sont dépassées, car nous sommes conscients que l'Europe se retrouve devant l'élargissement, devant la réforme institutionnelle et aussi devant une représentation européenne commune, si elle veut participer à la solution des crises mondiales. Nous avons une conscience claire de notre responsabilité au Proche-Orient, en Afrique. De par nos efforts communs, nous nous employons à favoriser la paix en République démocratique du Congo où nous avons envoyé des unités militaires et où, par exemple, la France est nation-cadre.
Je considère que les relations avec les Etats-Unis sont devenues plus transparentes aussi. Nous voulons une coopération avec eux. Nous nous efforçons de trouver une solution commune. Notre vision de la coopération avec de nouveaux pays qui adhèrent à l'Europe est différente aujourd'hui. Je pense que nous devons mieux nous comprendre. Nous coopérons beaucoup ces derniers mois et plus il y aura de coopération au sein du Conseil des ministres, du Conseil des chefs des gouvernements, meilleure sera la compréhension entre nous et nous serons plus efficaces.
Q - La Slovénie a rejoint la déclaration de Vilnius au début de l'année. L'Europe et la France l'auraient-elles traitée autrement, si elle ne l'avait pas fait ?
R - Selon moi, la position slovène pendant la crise irakienne était équilibrée. Je pense qu'elle a pris en compte, dans sa position, la spécificité de la crise irakienne et qu'elle voulait harmoniser des positions différentes. Elle était constructive.
Ce qui est important, c'est la position commune européenne. Au cours de ces dernières semaines, nous coopérons très étroitement avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne sur l'Iran et sur la question de la non-prolifération des armes nucléaires. Nous avons coopéré étroitement aussi sur l'Irak en harmonisant les différentes positions. Selon moi, les choses s'améliorent. La Slovénie, qui a une position géopolitique importante par rapport aux Balkans, a beaucoup d'expérience. Elle était pour moi, aujourd'hui, une interlocutrice intéressante, grâce à sa connaissance de la région, des politiques des Balkans, des relations avec la Croatie, de la situation au Kosovo. Ce sont des connaissances utiles. C'est pourquoi, il faut oublier les difficultés des mois précédents et tourner le regard vers l'avenir.
Q - Quelle est la spécificité du monde d'aujourd'hui ? Beaucoup de politique étrangère, peu de diplomatie ?
R - Le fait est que la diplomatie a changé. Elle contient plus de créativité et plus d'imagination, car les conditions sont plus difficiles. Si nous comparons la situation d'aujourd'hui à celle d'il y a une décennie, nous voyons qu'il y a des crises partout. Le monde est différent. Néanmoins, après la chute du mur de Berlin et de l'Union soviétique, la majorité des Etats est devenue soit démocratique, soit se retrouve sur la voie de la démocratie. Cela permet une plus grande unité de la communauté internationale et c'est une nouvelle opportunité. Nous avons tous le même but, nous sommes tous conscients des grands défis, du terrorisme, des armes, des crises.
Dans cette affaire, l'Europe est très intéressante car elle est une structure très originale. Elle veut l'unité et elle possède des spécificités. Elle doit trouver des façons et des procédures pour une coopération commune. C'est ce qui est derrière l'idée de la politique commune de défense et de sécurité et c'est le problème de sa politique étrangère. Pour cette raison, il est important d'avoir un ministre européen des Affaires étrangères, représentant permanent du Conseil européen. Cela va créer des nouvelles voies et des modes de fonctionnement nouveaux. Il faut changer la relation transatlantique, la confiance des deux côtés de l'Atlantique est nécessaire. Cela veut dire plus d'imagination, plus de compétences, plus de coopération et plus de travail. Et une fois que nous aurons les outils pour une plus grande efficacité, cela se reflétera dans notre aptitude à la coopération. Dans le monde actuel, un seul Etat ne peut pas garantir la paix et la stabilité dans la communauté internationale. Chacun d'entre nous doit prendre ses responsabilités. Et c'est en cela que nous croyons en Europe.
En ce qui concerne votre question, oui, la diplomatie change, car elle a besoin à la fois de principes et d'action. Il faut comprendre cela, tant à l'Est qu'à l'Ouest. Il ne doit pas y avoir de fissures. Cela permettra un vrai dialogue dans la communauté internationale. Si nous prenons cela en compte, un respect existera entre le Nord et le Sud, entre le christianisme et l'islam, et nous échapperons aux intolérances entre les cultures et les religions. Un des plus grands dangers d'aujourd'hui est le conflit des cultures.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2003)
R - Nous voulons tous regarder vers l'avant. La situation en Irak et au Proche-Orient, en général, nous inquiète, parce que nous la percevons comme très difficile. La crise israélo-palestinienne nous inquiète aussi et, bien sûr, l'Iran, avec son programme nucléaire. L'unité de la communauté internationale est nécessaire et c'est pour cette raison que la France s'est décidée à voter positivement avec l'Allemagne et la Russie la résolution 1511. C'est une chose importante, et permettez-moi de rappeler que toutes les résolutions, 1483, 1500 et 1511, ont été adoptées à l'unanimité. C'est un très bon signe.
Q - Néanmoins, la position française dans ce cadre reste inchangée, telle qu'elle l'était pendant la guerre en Irak ?
R - Nous pensons toujours que la communauté internationale et les forces de la coalition doivent changer leur approche en Irak. Nous avertissons que la résolution 1511, selon notre conviction, est trop timide et elle n'a pas abordé tous les problèmes qu'elle devait. Il est temps de changer l'approche et de reconnaître la souveraineté des Irakiens. La reconnaissance de la souveraineté des Irakiens devrait être un point de départ, devrait être le début et non pas la fin du processus de reconstruction. Il semble qu'actuellement les Etats-Unis et la majorité des Etats de la coalition pensent qu'ils peuvent attendre, sur cette question de la souveraineté, jusqu'aux élections. Nous pensons que la souveraineté est nécessaire dès le début. Le transfert de responsabilité doit, bien sûr, durer quelque temps, six mois, douze mois, si nécessaire. Il faut que cela soit un transfert progressif. Mais il devrait se dérouler plus vite. De cette manière, la situation en Irak pourrait être très différente, car les Irakiens auraient leur destin entre leurs mains. Et c'est une affaire politiquement, psychologiquement et socialement très importante.
Q - Jusqu'à maintenant, l'Europe de l'Est était toujours beaucoup plus pro-américaine que pro-européenne. Et c'est un problème. Mais l'Europe, elle aussi n'a pas été très "diplomatique", n'a pas fait grand-chose pour attirer à ses côtés l'Est du continent. Comment renforcer le sentiment pro-européen de l'Est de l'Europe ?
R - J'estime que tout cela est du passé. Le climat en Europe est tout à fait différent par rapport aux mois précédents. Les divisions concernant l'Irak sont dépassées, car nous sommes conscients que l'Europe se retrouve devant l'élargissement, devant la réforme institutionnelle et aussi devant une représentation européenne commune, si elle veut participer à la solution des crises mondiales. Nous avons une conscience claire de notre responsabilité au Proche-Orient, en Afrique. De par nos efforts communs, nous nous employons à favoriser la paix en République démocratique du Congo où nous avons envoyé des unités militaires et où, par exemple, la France est nation-cadre.
Je considère que les relations avec les Etats-Unis sont devenues plus transparentes aussi. Nous voulons une coopération avec eux. Nous nous efforçons de trouver une solution commune. Notre vision de la coopération avec de nouveaux pays qui adhèrent à l'Europe est différente aujourd'hui. Je pense que nous devons mieux nous comprendre. Nous coopérons beaucoup ces derniers mois et plus il y aura de coopération au sein du Conseil des ministres, du Conseil des chefs des gouvernements, meilleure sera la compréhension entre nous et nous serons plus efficaces.
Q - La Slovénie a rejoint la déclaration de Vilnius au début de l'année. L'Europe et la France l'auraient-elles traitée autrement, si elle ne l'avait pas fait ?
R - Selon moi, la position slovène pendant la crise irakienne était équilibrée. Je pense qu'elle a pris en compte, dans sa position, la spécificité de la crise irakienne et qu'elle voulait harmoniser des positions différentes. Elle était constructive.
Ce qui est important, c'est la position commune européenne. Au cours de ces dernières semaines, nous coopérons très étroitement avec la Grande-Bretagne et l'Allemagne sur l'Iran et sur la question de la non-prolifération des armes nucléaires. Nous avons coopéré étroitement aussi sur l'Irak en harmonisant les différentes positions. Selon moi, les choses s'améliorent. La Slovénie, qui a une position géopolitique importante par rapport aux Balkans, a beaucoup d'expérience. Elle était pour moi, aujourd'hui, une interlocutrice intéressante, grâce à sa connaissance de la région, des politiques des Balkans, des relations avec la Croatie, de la situation au Kosovo. Ce sont des connaissances utiles. C'est pourquoi, il faut oublier les difficultés des mois précédents et tourner le regard vers l'avenir.
Q - Quelle est la spécificité du monde d'aujourd'hui ? Beaucoup de politique étrangère, peu de diplomatie ?
R - Le fait est que la diplomatie a changé. Elle contient plus de créativité et plus d'imagination, car les conditions sont plus difficiles. Si nous comparons la situation d'aujourd'hui à celle d'il y a une décennie, nous voyons qu'il y a des crises partout. Le monde est différent. Néanmoins, après la chute du mur de Berlin et de l'Union soviétique, la majorité des Etats est devenue soit démocratique, soit se retrouve sur la voie de la démocratie. Cela permet une plus grande unité de la communauté internationale et c'est une nouvelle opportunité. Nous avons tous le même but, nous sommes tous conscients des grands défis, du terrorisme, des armes, des crises.
Dans cette affaire, l'Europe est très intéressante car elle est une structure très originale. Elle veut l'unité et elle possède des spécificités. Elle doit trouver des façons et des procédures pour une coopération commune. C'est ce qui est derrière l'idée de la politique commune de défense et de sécurité et c'est le problème de sa politique étrangère. Pour cette raison, il est important d'avoir un ministre européen des Affaires étrangères, représentant permanent du Conseil européen. Cela va créer des nouvelles voies et des modes de fonctionnement nouveaux. Il faut changer la relation transatlantique, la confiance des deux côtés de l'Atlantique est nécessaire. Cela veut dire plus d'imagination, plus de compétences, plus de coopération et plus de travail. Et une fois que nous aurons les outils pour une plus grande efficacité, cela se reflétera dans notre aptitude à la coopération. Dans le monde actuel, un seul Etat ne peut pas garantir la paix et la stabilité dans la communauté internationale. Chacun d'entre nous doit prendre ses responsabilités. Et c'est en cela que nous croyons en Europe.
En ce qui concerne votre question, oui, la diplomatie change, car elle a besoin à la fois de principes et d'action. Il faut comprendre cela, tant à l'Est qu'à l'Ouest. Il ne doit pas y avoir de fissures. Cela permettra un vrai dialogue dans la communauté internationale. Si nous prenons cela en compte, un respect existera entre le Nord et le Sud, entre le christianisme et l'islam, et nous échapperons aux intolérances entre les cultures et les religions. Un des plus grands dangers d'aujourd'hui est le conflit des cultures.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 28 octobre 2003)