Interview de Mme Noëlle Lenoir, ministre déléguée aux affaires européennes, dans "Le Nouvel économiste" du 28 novembre 2003, sur les relations franco-allemandes dans le cadre de la construction européenne.

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Média : Le Nouvel Economiste

Texte intégral

Q - Est-ce que la nomination conjointe à Berlin et à Paris de secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande, dont vous-même côté français, a débouché sur des décisions concrètes ?
R - Hans-Martin Bury et moi-même avons été désignés en juin dernier pour remplir les fonctions de secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande. Nous animons et coordonnons le travail des différents ministères dans le franco-allemand, et nous pilotons le suivi des décisions adoptées par les Conseils des ministres conjoints. Nous contribuons aussi à l'élaboration de compromis entre les deux pays susceptibles d'aider à débloquer des dossiers ou des textes communautaires. Ces fonctions sont donc à la fois politiques et techniques. Mon collègue et moi-même sommes dotés de structures appropriées. Chacun est assisté par un secrétaire général adjoint du pays partenaire. De part et d'autre, c'est un noyau d'environ dix personnes qui travaille auprès des secrétaires généraux. Les contacts entre les équipes sont quotidiens. Depuis notre entrée en fonctions, nous sous sommes fortement investis dans la préparation du Conseil des ministres conjoint qui s'est tenu à Berlin le 18 septembre, et dans la préparation de la rencontre entre les 22 régions et les 16 Länder qui s'est déroulée à Poitiers les 27 et 28 octobre. Nous avons coordonné les négociations ayant conduit aux décisions prises, d'une part l'initiative en faveur de la croissance, et d'autre part une déclaration commune fixant des objectifs en matière d'enseignement des langues, avec l'ambition d'augmenter dans les dix ans de 50 % la proportion de nos populations apprenant la langue de l'autre. Nous nous attelons désormais au suivi des décisions.
Q - Dans quels domaines, depuis l'arrivée du gouvernement Raffarin, observe-t-on des avancées nouvelles ?
R - Je ne vais pas revenir sur ce que chacun peut observer depuis l'été 2002 : l'intensité de la relation franco-allemande dans tous les domaines, et la volonté de continuer à agir comme une force d'impulsion en Europe, je devrais plutôt dire, pour l'Europe. Le degré d'institutionnalisation plus grand de nos relations, avec notamment des Conseils des ministres conjoints avec de vrais débats, et la création de la fonction des secrétaires généraux aide à renforcer nos liens. Cette institutionnalisation n'est toutefois pas une fin en soi. Elle n'est pas non plus destinée à l'édification des opinions publiques. C'est une discipline et une culture de travail en commun que nous nous imposons pour aller de l'avant, avec une obligation de résultat. Il y a aussi une autre nouveauté, c'est l'essor pris par la coopération décentralisée entre Régions françaises et Länder allemands, avec le soutien de l'Etat fédéral et de l'Etat français.
Q - Au plan géostratégique, peut-on penser qu'à un terme plus ou moins rapproché une Union franco-allemande pourrait succéder à l'actuel "moteur franco-allemand" ?
R - La coopération franco-allemande a plusieurs dimensions. Elle est d'abord bien sûr bilatérale. Elle est aussi au service de l'Europe. Les deux pays savent que leur avenir commun est d'abord en Europe. N'ayons donc pas peur de faire valoir que le moteur franco-allemand apporte une vraie valeur ajoutée, même si nous n'avons pas l'intention de donner des leçons à nos partenaires. Ce serait une erreur d'essayer d'opposer le resserrement de la relation entre les deux pays, à l'organisation d'une Europe élargie plus efficace. Notre vocation n'est pas seulement d'apporter notre pierre à l'édifice de la construction européenne. Elle est aujourd'hui aussi d'ouvrir grand les bras à nos futurs nouveaux partenaires, notamment à ceux de l'Est de l'Europe.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 2 décembre 2003)