Interviews de M. Bernard Thibault, secrétaire général de la CGT dans "L'Humanité" du 5 mars 2004 et à RMC le 8, sur les conflits sociaux, les discussions sur la réforme de l'assurance maladie et les revendications des chercheurs.

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Média : Emission Forum RMC FR3 - L'Humanité - RMC

Texte intégral

L'Humanité le 5 mars 2004
Q - Les conflits sociaux s'intensifient. Considérez-vous, comme certains, qu'ils sont corporatistes ?
Bernard Thibault - Ce début d'année est marqué par une remobilisation sociale qui se confirme au fil des semaines, avec une diversité des secteurs en conflit et des motifs de mobilisation.
Ces mouvements ne sont pas corporatistes au sens où ils seraient égoïstes, bien au contraire, ils sont souvent très " professionnels " et porteurs de l'intérêt général.
C'est le monde de la recherche, dans toute sa diversité, qui est en ébullition face aux impasses budgétaires. C'est sans précédent et personne ne peut nier qu'il s'agit d'enjeux qui nous concernent tous.
Le même phénomène existe chez les intermittents. Ils refusent d'être les victimes d'une gestion comptable de leurs droits à l'indemnisation chômage et expriment plus largement des exigences nouvelles face à la tendance à l'appauvrissement de notre politique culturelle.
Autre exemple, les personnels de l'hôpital se mobilisent pour avoir les moyens de soigner toute la population.
On pourrait faire la même démonstration à partir de l'émotion des juristes qui s'inquiètent des conséquences de la loi Perben II nous entraînant vers une justice inégalitaire.
Q - La CGT insiste sur le besoin d'une mobilisation interprofessionnelle. Pensez-vous utile de construire des convergences entre ces différents mouvements ?
Bernard Thibault - Chaque conflit possède ses propres ressorts, ses propres formes de mobilisation. L'idée progresse que chacun se heurte à une logique d'ensemble qui appelle à plus de solidarité et de convergences. L'appel contre la guerre à l'intelligence témoigne de cette prise de conscience. Si les effets néfastes de la politique libérale se font sentir dans tous les secteurs, c'est particulièrement vrai dans les domaines où l'intervention de l'État reste déterminante. On mesure mieux aujourd'hui les conséquences de la baisse drastique des dépenses publiques dans la plupart des domaines. Même si les syndicats n'en ont pas l'exclusivité, nous avons la responsabilité de travailler à des convergences entre ces mobilisations. C'est le sens de l'appel de notre comité confédéral national de février qui propose aux syndicats, aux syndiqués d'être plus à l'offensive et plus unitaires sur nos revendications.
Q - Non seulement le conflit des intermittents dure, mais il se développe avec la rédaction de propositions alternatives. Les élus syndicaux d'Alstom, du GIAT ou d'Altadis élaborent aussi des projets alternatifs aux plans de restructuration de leurs entreprises. Le contenu des conflits n'est-il pas en train de changer de nature ?
Bernard Thibault - La ténacité de la mobilisation des intermittents montre que l'intervention des salariés peut changer la donne. Il y a six mois, le gouvernement pensait en avoir fini. Aujourd'hui, il doit reconnaître que ce n'est pas le cas. On pourrait dire la même chose sur les retraites. Ce n'est pas terminé. Les pompiers professionnels, les salariés de la construction ont raison d'agir pour la reconnaissance de la pénibilité de leur métier.
De même, beaucoup d'actions sur l'emploi montrent que les plans de licenciement ne sont pas une fatalité. Un des moyens de résister à ce sentiment de fatalité qu'on nous fait ingurgiter quotidiennement, c'est de conjuguer au refus la démonstration qu'il faut explorer d'autres pistes. On mobilise et on se mobilise toujours davantage lorsqu'on sait que d'autres choix sont possibles et crédibles. Les salariés d'Alstom ou du GIAT ont fait la démonstration qu'il existe d'autres solutions que les plans proposés, et ce jusqu'aux instances européennes.
Les salariés sont bien placés pour s'exprimer sur les choix industriels, les politiques d'investissement de leur entreprise ou de recherche. Les salariés du laboratoire Aventis de Romainville ont démontré qu'il existe les capacités humaines et l'intelligence pour maintenir et développer des activités qui répondent à des impératifs de santé publique. Cette capacité à présenter des solutions crédibles change la perception des projets patronaux. Il devient alors plus évident qu'ils ne sont inspirés que par de strictes logiques financières.
Nous ne devons pas accepter d'être cantonnés à la seule gestion des conséquences sociales des décisions souvent unilatérales des employeurs.
Q - Justement, le gouvernement prépare une loi pour l'emploi, réforme le dialogue social et s'apprête à administrer une sévère cure de minceur au Code du travail. Qu'opposez-vous à ces décisions ?
Bernard Thibault - Tous les chantiers ouverts s'inspirent de la même philosophie libérale. Dans la négociation sur les restructurations, le MEDEF demande à licencier plus librement. Le rapport Virville propose d'écorner les garanties contenues dans le Code du travail, destiné normalement à protéger les salariés face à l'employeur. L'objectif de ces différents projets est flexibiliser, assouplir le droit du travail prétextant que cela serait créateur d'emplois. On peut au moins objecter au MEDEF et au gouvernement que les faits prouvent le contraire. La France est un des pays où la flexibilité du travail est une des plus importantes d'Europe, où la précarité n'a cessé de progresser et nous ne voyons aucune démonstration que cela a été favorable à l'emploi, bien au contraire. Prétendre que renoncer à des droits sociaux favoriserait la création d'emplois est une imposture distillée dans la plupart des pays européens.
Le premier ministre dit qu'il veut re-qualifier le travail, mais toute sa politique le disqualifie en enfourchant systématiquement le cahier de revendications du MEDEF.
Q - Ce contexte, qui n'est pas propre à la France, n'éloigne-t-il pas un peu plus la construction d'une Europe sociale ?
Bernard Thibault - L'Europe sociale est bien en retard. Plus l'Europe constitutionnelle avance, plus le mouvement syndical, dans sa diversité, doit progresser dans sa capacité à faire entendre les exigences sociales. La CGT a été à l'origine des deux journées de mobilisation européenne décidée par la CES les 2 et 3 avril prochain, pour les droits sociaux et l'emploi. C'est dire que nous allons nous engager pour leurs réussites.
Travailler aux convergences syndicales en Europe est une exigence pour l'efficacité du combat syndical en général. Cela d'autant plus que les gouvernements allemand, italien, espagnol. suivent des logiques comparables pour réformer le code du travail, la retraite, la sécurité sociale ou l'indemnisation du chômage.
Q - Comment appréciez-vous les premières discussions sur la réfome de l'assurance maladie dont l'aboutissement est prévu par le gouvernement pour l'été ?
Bernard Thibault - Le gouvernement a choisi un calendrier qui lui permet de ne pas dévoiler ses intentions avant les élections régionales. L'expérience dira si ce calcul est le bon. Les enquêtes d'opinion révèlent que, sur ce sujet, les Français suspectent le gouvernement de préparer des mauvais coups. Je crois qu'ils ont raison.
J'ai déjà retenu de notre rencontre avec le ministre de la Santé, Jean-François Mattei, au moins deux points de désaccords fondamentaux. Le gouvernement veut renvoyer à plus tard la discussion sur des nouveaux financements pour l'assurance maladie. C'est pourtant jugé indispensable par le rapport du haut conseil qui a mis en évidence que notre pays devait se préparer à une augmentation des dépenses de santé supérieure à l'évolution du PIB.
Le vieillissement de la population et les progrès technologiques rendent inévitable cette perspective, sauf à remettre en cause l'égalité d'accès aux soins. La volonté d'éviter ce débat laisse présager d'une discussion qui porterait seulement sur les économies que supporteraient les assurés sociaux. Limiter administrativement l'enveloppe consacrée aux besoins de santé tourne le dos aux fondements de la Sécurité sociale.
Second désaccord. Le ministre considère l'avenir de l'hôpital réglé avec son plan Hôpital 2007. Il est pour nous impensable de redéfinir les missions et le fonctionnement de l'assurance maladie sans reparler de la place qui doit être occupée par l'hôpital public, de ses moyens humains et matériels. C'est l'objectif de la mobilisation de ses personnels le 11 mars prochain.
Q - Que faut-il repenser dans le système de protection sociale ? Quelle réforme souhaite la CGT ?
Bernard Thibault - Le statu quo est impossible. Il y a des besoins de santé qui ne sont pas ou plus couverts par l'assurance maladie, un déficit financier qui peut servir d'alibi pour décréter l'arrêt de mort de la Sécu. C'est peut-être le calcul du MEDEF avec son départ des instances de la Sécu. Il faut donc traiter des missions de l'assurance maladie, de son financement, de sa gestion et en particulier des responsabilités à assumer dans un nouveau cadre par les représentants des salariés. Des conceptions différentes vont s'affronter, par exemple sur l'idée d'une Sécu assurant un panier de soins, une sorte de service minimum de santé.
La CGT souhaite que le régime général couvre la plus grosse partie des besoins de santé. S'il est légitime que les mutuelles soient mieux reconnues avec d'autres acteurs du dispositif de soins, elles ne doivent pas, demain, se substituer à une part des missions dévolues à la Sécu. Elles sont un complément et doivent le rester. S'agissant des assurances, pour elles c'est clair, c'est d'abord le marché financier que représente la santé qui les intéresse !
Il faut aussi réformer les conseils d'administration. Le paritarisme est bancal, malade de l'absence de démocratie puisqu'il n'y a plus d'élections des représentants des salariés depuis 1983. L'ambiguïté des rôles entre l'État et l'assurance maladie est devenue ingérable. Nous proposons d'établir un nouveau partenariat qui reconnaisse aux syndicats, aux professionnels de santé, au mouvement mutualiste, à certains experts, la légitimité pour identifier les besoins de santé et discuter des moyens à réunir avant les décisions à prendre par les pouvoirs publics.
Q - Comment allez-vous vous y prendre ? Malgré un puissant mouvement social, la réforme des retraites est passée. Comment gagner sur l'assurance maladie ?
Bernard Thibault - Les événements ne se renouvellent jamais de la même manière. Je ne sais pas quelle sera la situation début avril, le gouvernement non plus d'ailleurs. Nous allons lancer nos propositions et une première initiative nationale dans les tout prochains jours. La réforme de l'assurance maladie est un des piliers des droits sociaux avec la retraite et le droit du travail. C'est maintenant une des priorités de toute la CGT.
Le mouvement sur les retraites a en tout cas constitué une opération vérité sur les forces en présence. Il a été puissant dans les endroits où nous sommes organisés. Pour construire un rapport de forces plus conséquent, nous avons à faire un immense travail d'implantation syndicale. Nous devons expliquer, notamment à celles et ceux qui luttent, que l'organisation en syndicat offre un engagement plus solide, plus durable et plus permanent qu'une mobilisation ponctuelle pour réagir à un mauvais coup. Il nous faut aussi expliquer aux salariés inorganisés que les lois ne leur garantissent plus des droits automatiques puisque le gouvernement a institué un droit dérogatoire pour les employeurs.
Q - Le syndicalisme apparaît affaibli et plus que jamais divisé alors que les salariés continuent de plébisciter l'unité syndicale. Comment sortir de cette situation ?
Bernard Thibault - Deux organisations, FO et la FSU, viennent de tenir congrès. J'ai remarqué avec intérêt qu'un des premiers actes du nouveau secrétaire général de FO a été de rencontrer les autres organisations, en commençant par la CGT. Qu'une délégation du bureau confédéral de la CGT soit reçue au siège de FO, c'est une première. L'unité syndicale dans l'entreprise est souvent la règle et c'est une bonne chose ; ça n'est pas le cas malheureusement au plan national. Il y a effectivement plusieurs conceptions syndicales en présence s'agissant des objectifs que doivent s'assigner les syndicats, leurs rapports aux salariés, à la négociation, au gouvernement. Autant d'aspects qui ne se régleront pas seulement par des conversations entre responsables.
Q - La CGT vient de publier un Manifeste contre le FN et appelle les salariés à "participer massivement" au scrutin régional. Le séisme du 21 avril a-t-il fait évoluer votre conception des rapports du syndicalisme à l'action politique ?
Bernard Thibault - Ce qui s'est passé le 21 avril a renforcé notre conviction que l'indépendance syndicale ne peut pas signifier indépendance à l'égard du contexte politique. Comme syndicat, nous ne devons pas nous positionner en soutien à un candidat ou à un parti, mais nous ne nous interdisons pas de donner notre avis. C'est ainsi que nous avons rencontré le PS, la LCR, le PCF.
Sur le Front national, nous venons de publier un document sur ses positions sociales qu'il tente de masquer. Non seulement les thèses que défend ce parti sont aux antipodes des valeurs du syndicalisme, mais il déploie une grande faculté à dévoyer le mécontentement social. Nous rencontrons dans les entreprises des salariés séduits par le discours populiste. Nous avons donc le devoir de les informer.
La commission exécutive confédérale vient aussi d'adopter une déclaration sur les élections régionales qui a vocation à être distribuée dans les entreprises. Avec la décentralisation, les élus régionaux sont amenés à intervenir dans beaucoup de domaines de la vie quotidienne. Les salariés ont donc intérêt à élire les représentants les plus conformes à leurs attentes plutôt que de laisser d'autres le faire pour eux. Et puis, il s'agit du premier scrutin après la présidentielle. Nous savons tous que le gouvernement analysera lui aussi dans le détail les résultats.
Entretien réalisé par Paule Masson
RMC le 8 mars 2004
Q- O. Truchot-. C'est une semaine socialement agitée qui commence avec, demain, la menace des chercheurs de démissionner collectivement, la journée nationale d'action des agents et médecins hospitaliers jeudi, la grève des enseignants vendredi, et puis samedi, les intermittents qui remettent ça. Ça a commencé d'ailleurs ce week-end avec la manifestation des chômeurs qui demandent le retrait de la nouvelle convention d'assurance chômage qui est entrée en vigueur le 1er janvier. Cette série de grognes, d'agitations, de contestations, on a envie de dire que c'est finalement de bonne guerre, à quinze jours du premier tour des régionales - c'est normal, on fait pression en période électorale - ou est-ce que c'est plus profond ? Est-ce que cela traduit un véritable malaise social, voire un chaos social comme certains voudraient nous le faire croire ?
R- "Moi, je ne pense absolument pas que ces mouvements, cette remobilisation sociale que l'on constate depuis le début de l'année, après la mobilisation assez exceptionnelle sur l'enjeu que représentait la réforme des retraites de l'année dernière, soient liés à la conjonction des élections régionales. C'est tout simplement lié à une dégradation qui s'amplifie de la condition sociale des salariés, dans maints domaines d'ailleurs, où on s'aperçoit que certaines catégories, qui n'étaient pas réputées pour être de ceux qui manifestaient dans la rue, en sont aussi, à leur manière, à une mobilisation, à des pétitions, à des appels nationaux par presse interposée, voire à des menaces de démissions à des postes tout à fait importants. C'est donc plutôt la confirmation d'un traitement de la situation sociale, qui n'est absolument pas satisfaisante depuis les élections législatives de 2002."
Q- Le point commun entre toutes ces professions qui manifestent cette semaine, c'est elles vivent toutes, finalement, des fonds publics. Soit elles sont fonctionnaires, soit indirectement elles sont, comme pour les intermittents, aidées par l'action publique. Cela veut dire qu'aujourd'hui, le Gouvernement s'en prend directement au public ?
R- "Il n'y a pas seulement les salariés dépendants, comme vous le dites, de fonds publics.."
Q- Les chercheurs, les enseignants
R- "Ou d'entreprises publiques, nous avons une manifestation jeudi, par exemple, des salariés de la construction qui viennent à Paris pour essayer de faire reconnaître leur métier comme faisant partie des métiers pénibles pour les droits à la retraite, tout comme les pompiers professionnels l'ont fait récemment, et vont le refaire à l'avenir. La manifestation de samedi des chômeurs et précaires se caractérise par le secteur privé. C'est complètement lié au nouveau système d'indemnisations du chômage dépendant de l'Unedic. Je rappelle que nous sommes dans un pays qui a pour caractéristique d'indemniser ceux qui sont privés d'emploi ; moins d'un salarié sur deux privé d'emploi est indemnisé par le système. Ajoutez à cela les mesures gouvernementales prises sur l'assurance solidarité, plus une perspective de loi après les régionales qui risque de précariser encore un peu plus les salariés au travail. On voit bien qu'il ne s'agit pas là que du secteur public même si celui-ci est effectivement dans le collimateur, dès lors que nous sommes avec un Gouvernement qui souhaite demain replier la place qu'assume l'Etat dans nombre de secteurs."
Q- Demain, des milliers de chercheurs pourraient démissionner collectivement de leur fonction administrative, de directeurs de laboratoires ou de responsables d'équipes. Treize syndicats de chercheurs ont lancé un mot d'ordre de grève pour demain. Pourtant, ce week-end, J.-P. Raffarin, le Premier ministre, a promis au moins 3 milliards d'euros supplémentaires pour la recherche d'ici 2007, ce n'est pas suffisant ?
R- "Je crois que c'est au Gouvernement, déjà, de convaincre les intéressés que ce qu'il dit va être suivi d'effets, et qu'il a pris la mesure du désarroi et de la colère dans le domaine de la recherche. Nos organisations professionnelles sont impliquées dans ce mouvement, et je l'ai dit il y a déjà plusieurs semaines : il faut qu'il y ait vraiment le feu dans la maison pour que le Gouvernement s'aperçoive qu'il y ait un problème. Cela fait plusieurs mois que, dans le domaine de la recherche, les différents professionnels se sont exprimés. Je conçois qu'aux yeux des intéressés, au vu aussi de la manière dont ce Gouvernement traite un certain nombre d'autres questions, il ne suffit pas d'engagements sur le long terme pour que le Gouvernement soit cru. Il y a notamment des problèmes d'effectifs récurrents dans plusieurs secteurs. Je pense à l'hôpital, qui va de nouveau être mobilisé, où le Gouvernement continue de nous dire que la question de l'hôpital est réglée, alors qu'il y a des plans d'urgence à faire. Cela fait quatre ans qu'à Lisbonne - et la France a participé à cette décision -, tous les pays européens ont décidé d'aller vers un taux d'engagements, un taux d'investissement en matière de recherche à hauteur de 3 % de la richesse produite par chacun des pays. Nous n'en sommes toujours qu'à 2 %. Il y a donc un véritable plan d'urgence à décider, et des plans permettant l'ouverture, la création de postes dans un certain nombre de secteurs."
Q- Mais pourquoi pas faire, par exemple, appel au privé pour financer la recherche aussi ?
R- "Nous intervenons aussi dans le privé, parce que si notre pays est en retard, c'est aussi du fait du repli des engagements de la part des entreprises privées qui préfèrent consacrer les moyens à engranger des résultats immédiats, plutôt qu'à consacrer des efforts permanents et soutenus en matière de recherche. C'est la raison pour laquelle, par exemple, nous avons été tout à fait aux côtés des personnels des laboratoires à Romainville, à Aventis, pour montrer qu'il y avait, à la fois de l'intelligence, du professionnalisme, nous permettant de répondre à des besoins, notamment sanitaires, en continuant de développer des moyens sur la recherche fondamentale. Ce que le groupe a refusé, préférant des résultats financiers immédiats."
Q- Vous faites partie de ceux qui disent, aujourd'hui, que le Gouvernement mène une guerre contre l'intelligence en s'en prenant aux chercheurs, aux intermittents ?
R- "Pas simplement contre l'intelligence, contre le travail en général. Le Premier ministre a eu un discours sur la réhabilitation du travail. Or, il prépare - voire il a pris - toute une série de décisions qui s'attaquent fondamentalement au travail et aux salariés. Il y a donc un discours très libéral, où c'est l'individu qui devrait s'épanouir et essayer de s'en sortir dans une espèce de jungle, pour laquelle il consacre son temps à déréglementer. Le Gouvernement nous prépare encore d'autres projets de lois pour le mois d'avril, notamment concernant le travail, qui risquent de précariser - comme si la situation ne suffisait pas - de précariser très largement le travail."
Q- Enfin, le Gouvernement a aidé les buralistes, a aidé aussi les viticulteurs, a aidé les restaurateurs...
R- "Il a une attitude tout à fait clientéliste. Or, il a très rapidement perdu de vue le contexte exceptionnel dans lequel sa majorité accédait aux responsabilités dans les différentes institutions. Je veux parler du contexte politique de l'année 2002, où l'on aurait pu penser qu'après l'exceptionnel rendez-vous du deuxième tour des élections présidentielles, cette majorité, qui héritait en quelque sorte du pouvoir, allait prendre conscience du contexte dans lequel elle devait assumer cette responsabilité exceptionnelle. Ce n'est manifestement pas le cas et de plus en plus de catégories s'aperçoivent de cette attitude clientéliste. Je crois que cela participe amplement aux critiques qui sont formulées à l'égard de l'action gouvernementale, au plan économique et surtout au plan social."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 mars 2004)