Interview de M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, à "France 2" le 26 mai 2004, sur l'effondrement d'une partie du terminal de l'aéroport de Paris et les enquêtes en cours, sur la construction du viaduc de Millau et sur l'Europe des transports.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

Q- F. Laborde-. Avec G. de Robien, ce matin, nous allons évidemment revenir sur ce qui s'est passé à Roissy. On a entendu hier soir l'architecte de ce terminal 2E qui s'est effondré, dire que, à sa connaissance, il n'y avait pas d'erreurs qui avaient été commises. Le bureau Veritas qui a effectué les contrôles techniques pendant les travaux dit qu'il n'a aucune piste. Il s'est bien passé quelque chose quand même sur cet aéroport.
R - "De toute façon, il y a une origine quelque part qu'il faut trouver. Est-ce c'est une erreur de conception ? Est-ce une erreur de fabrication ? Est-ce une erreur de mise en oeuvre et de construction ? Honnêtement, aujourd'hui, faire des hypothèses, c'est déjà désigner du doigt sans savoir. Je crois vraiment que, à partir du moment où il y a deux enquêtes, une enquête judiciaire, donc avec la justice, et puis une enquête administrative que F. Goulard et moi nous avons demandée, interne donc au ministère, je pense qu'il faut attendre les premiers éléments de cette enquête et j'ai demandé en tout cas que la commission administrative puisse me donner des éléments, au moins provisoires, au mois de juin. Ou bien ce sont des éléments concrets, et dans ce cas-là, évidemment, ils seront publiés dans une complète transparence. Ou ces enquêteurs me diront : nous cherchons toujours parce que nous n'avons pas trouvé, et je dirai la vérité, toujours, c'est-à-dire : nous cherchons encore, nous n'avons pas trouvé."
Q- Ce qui est quand même stupéfiant, c'est que l'on découvre aujourd'hui qu'Aéroports de Paris dit : "oui, pendant la construction des travaux il y a eu des problèmes, des poteaux qui étaient fissurés, alors on a fait un cerclage". Et puis on apprend ce matin, qu'il a fallu rajouter 300 câbles tirants métalliques pour consolider le tout. Quand on lit cela, on se dit : mais dans quel pays vit-on ! Est-ce tout à fait comme cela que l'on doit construire un aéroport ?
R - "Non, quand on le dit comme cela, pêle-mêle, cela paraît beaucoup de choses. Et puis, dans tous les chantiers, à chaque fois, on rectifie. S'il y a des visites de chantier, c'est pour voir ce qui va et pour voir ce qui ne va pas. Et c'est plutôt rassurant de savoir qu'un certain nombre de choses ont été relevées et que des solutions ont été trouvées et mises en oeuvre. Est-ce qu'on a relevé suffisamment de choses, et est-ce qu'on a trouvé suffisamment de solutions à ces problématiques ? Je pense que l'enquête le dira. Je trouve très bien que, voyez, dans cette transparence, on dise : voilà la vie du chantier ; un chantier ça vit avec, j'allais dire, ses difficultés, et puis en même temps, ses réussites. L'essentiel, c'est qu'à chaque fois qu'il y a une difficulté, on trouve la vraie réponse."
Q- Ce n'est parce que l'on corrige le tir pendant les travaux qu'il y a une erreur dans la conception de l'édifice, c'est cela que vous voulez dire ?
R - "Si on corrige on corrige. Le tout est de savoir si la correction est suffisante par rapport au mal qu'on a cru déceler."
Q- Alors, ADP hier encore disait que, éventuellement que cette partie en tout cas du terminal serait fermée peut-être pendant un an voire détruite ? Est-ce une hypothèse envisagée ?
R - "Si le mal décelé, ou l'origine, est ponctuel, à un endroit donné, que l'on connaît bien la cause, et qu'à cette cause, il peut y avoir une réponse pertinente et définitive, eh bien les travaux seront circonscrits juste à l'endroit où il y a eu effondrement partie. Si par contre, c'est un mal qui est répandu dans l'ensemble du terminal, à ce moment-là, effectivement, la question de la suppression de ce terminal peut être posée, peut être posée."
Q- Cette affaire est évidemment dramatique au plan humain et aussi...
R - "D'abord."
Q-...et aussi en termes d'image pour ADP qui devait se développer et peut-être aussi pour Air France, par voie de conséquence ?
R - "Elle est d'abord dramatique au plan humain, vous avez raison. Elle aurait pu être encore beaucoup plus dramatique si cela avait été à une autre heure de la journée et s'il n'y avait pas eu cette attention des policiers, du personnel sur place, qui ont quand même sonné un peu l'alerte avec des anomalies qu'ils ont décelées, à juste titre. Bravo en tout cas pour leur vigilance ! L'image d'ADP, qui est une excellente image à travers le monde..."
Q- Enfin qui était, parce qu'aujourd'hui ça doit être un peu effrité, c'est le moins que l'on puisse dire, si je peux employer cette expression...
R - "J'espère qui est encore excellente. Ce n'est pas parce qu'il y a un accident que tout est détruit, tout un passé prestigieux et en même temps une grande réussite. Alors, c'est vrai qu'elle a pris un coup cette image, sans aucun doute. Et donc, plus vite on aura trouvé la cause et la réponse, et à mon avis, plus vite on pourra expliquer. Et quand on explique, il y a une sorte de compréhension et d'explication, parce que tous ces grands professionnels que sont les constructeurs d'aéroports ou les gestionnaires d'aéroports dans le monde entier, et qui ont toujours regardé ADP comme un modèle international du genre, peuvent aussi comprendre qu'un jour, avec tout ce qu'a fait déjà ADP dans son passé, il peut y avoir le grain de sable, hélas !, qui a été dramatique."
Q- Cela peut-il remettre en cause la mise en service du nouveau A380, le super-gros porteur qui, précisément, devait utiliser ce terminal ?
R - "Non. Le gros porteur A380, son premier vol aura lieu en 2005, et sa mise en exploitation aura lieu en 2006. Normalement, en deux ans, on a le temps de "se retourner" comme on dit, de façon à trouver des solutions pour l'accueillir dignement, puisque c'est quand même un avion tout à fait extraordinaire, ce sera le plus bel et le plus grand avion au monde qui sera construit grâce aux Français mais aussi aux Européens, et je pense que ça sera une très grande réussite."
Q- Puisque l'on parle de grands et de beaux ouvrages, vous allez samedi à Millau, où le fameux viaduc...
R - "Avec le Premier ministre."
Q- Alors, samedi à Millau, le viaduc est construit, les deux têtes de pont... ?
R - "Là encore, c'est le savoir-faire français, même si, hélas ! il peut y avoir aussi des drames. Là encore, c'est une très grande réussite française, c'est le plus haut viaduc au monde, avec les piles les plus hautes au monde, plus hautes que la Tour Eiffel. Et samedi, c'est un moment tout à fait symbolique, c'est le moment où l'armature du pont étant constituée, on fait glisser les deux tabliers des deux rives et elles se rejoignent, c'est-à-dire que cela devient un pont."
Q- Vous allez sauter au milieu pour vous assurer de la solidité de l'ensemble ?
R - "Si vous voulez, avec qui voudra ! En tout cas, je crois que ce sera un très bel ouvrage qui fait déjà référence - on en voit les images dans le monde entier -, et cela sera aussi un très grand moment, ce jour-là, bien sûr, de jonction, et le jour où il sera ouvert."
Q- C'est une conception des services de votre ministère ?
R - "C'est vraiment le ministère de l'Equipement qui l'a conçu, qui l'a dessiné, et qui y a travaillé. Et ensuite, bien sûr, il y a une entreprise qui s'appelle, le FH (ph) qui l'a mis en oeuvre, construit."
Q- Je voudrais que l'on en vienne à la sécurité routière, qui fait aussi partie de vos domaines. Vous vous êtes félicité de la baisse des...
R - "Moi, je ne me félicite jamais. Je constate avec plaisir, mais se féliciter cela me paraît trop tôt et un peu prétentieux."
Q- Mais on peut dire quand même que le chiffre des morts et des tués sur la route a singulièrement baissé ?
R - "Il a baissé et beaucoup. On est aujourd'hui, pour l'année 2003, à 5007. Pensez qu'on a été quand même à 7008 en 2001. Donc, une très grosse baisse mais en même temps, des résultats consolidés dans le temps. Et ce que je voudrais, ce à quoi nous travaillons, c'est d'arriver en-dessous de 5 000 morts par an, en 2004. Or les quatre premiers mois sont ce qu'ils sont, ils sont assez bons, et nous sommes sur une pente de moins de 5 000 morts. Néanmoins, j'ai l'impression qu'il y a un peu de relâchement."
Q- Justement, dans Le Parisien, ce matin, on apprend qu'un détecteur de radar couplé au GPS dans certaines voitures pourrait être utilisé pour contourner un peu...
R - "Ceux qui font cela, font vraiment une mauvaise oeuvre, une mauvaise action contre la vie humaine. Parce que, si c'est cela le savoir-faire, l'intelligence au profit des risques routiers, ils ont une sacrée responsabilité s'ils commercialisent des appareils pour éviter finalement la signalétique, ce qui appelle à lever le pied."
Q- Parce qu'il faut rappeler que les détecteurs de radars...
R - "Sont interdits ! Et donc ils seront sanctionnés."
Q- Un dernier mot : les élections européennes approchent. L'Europe des transports, cela a un sens aujourd'hui ?
R- "J'ai pu le mesurer. J'ai été visiter, comme cela, en un week-end, en deux jours, cinq pays entrants - la Lettonie, la Lituanie, la Pologne, la Hongrie et la Slovénie. Et à chaque fois, on m'a dit combien on comptait sur la France pour apporter son savoir-faire en matière ferroviaire, aérien, autoroutier etc. Parce que des pays qui arrivent dans l'Europe ont envie de rejoindre les pays qui étaient déjà dans l'Europe. Et donc, l'Europe des transports c'est tout le symbole de l'Europe qui se rencontre, des peuples qui se voient, qui se rencontrent, qui travaillent entre eux, qui fraternisent en réalité. Donc, il y a la Constitution, c'est le grand débat d'aujourd'hui, c'est l'architecture européenne, mais ensuite, la réalité et la pratique, c'est l'Europe de transports."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 27 mai 2004)