Tribune de M. Alain Juppé, président de l'UMP, parue à partir du 6 mai 2003 dans la presse africaine, sur les relations Nord-Sud et sur la nouvelle politique de coopération de la France, intitulée "Vers un nouveau partenariat".

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Circonstance : Visite de M. Alain Juppé, président de l'UMP, dans quatre pays africains du 6 au 11 mai 2003 (Gabon, Sénégal, Mali et Cameroun)

Média : Presse africaine

Texte intégral

Si une question a été débattue, ces six derniers mois, c'est bien celle d'une certaine idée de la légalité internationale. Et ce débat ne fait que commencer car notre monde recèle, hélas, trop de conflits potentiels pour que ne se repose pas régulièrement, à l'avenir, cette question : l'emploi de la force, même préventivement, et même avec un minimum de consensus international est-il préférable à la recherche, en commun, d'un système de résolution des crises ?
Débat non clos, débat essentiel et d'autant plus urgent que ce sont la guerre et la paix qui sont en cause. Mais ce débat qui ne saurait faire oublier un autre impératif dont dépend aussi la sécurité du monde, un impératif de justice, je veux parler de la fracture Nord-Sud.
Cette fracture est mondiale, et une part considérable de l'humanité n'a pas bénéficié des retombées de la croissance économique des dernières années. Mais c'est bien l'Afrique qui souffre le plus de ce différentiel de développement puisque, sur les 40 pays dits " les moins avancés ", 34 se situent sur le continent. Plus dramatique encore, le fossé se creuse au lieu de se combler : certaines régions ont vu la maladie et les conflits armés s'ajouter à ces maux structurels que sont le sous-équipement, l'analphabétisme et la sous-alimentation. Aujourd'hui, 32 pays africains sont plus pauvres qu'ils n'étaient en 1980.
L'Afrique, berceau de l'humanité, riche d'hommes et de matières premières, ne pèse pourtant guère plus d'1% des échanges planétaires, ce qui a fait dire, il y a quelques années, que si le continent disparaissait subitement, l'économie mondiale n'en serait pas autrement affectée
Cette situation n'est pas acceptable.
Il n'est écrit nulle part que l'Afrique doive subir tous les maux de la mondialisation sans en recueillir jamais aucun des bienfaits. Il n'y a pas de fatalité de la misère, du sous-développement et des échanges inégaux. Et il faut en finir avec cet " afro-pessimisme " fait, au Sud, de découragement et de rancur, et au Nord de méfiance ou d'indifférence.
Parce que la géographie le commande, parce que notre histoire commune l'impose, parce que nos intérêts bien compris l'exigent aussi, nous avons, Européens et Africains, ensemble, le devoir de réduire cette fracture.
Il ne s'agit rien de moins, comme le déclarait le président Jacques Chirac lors du récent sommet Afrique - France, que d'établir les bases d'un nouveau contrat mutuel de développement pour le XXIème siècle.
Deux conditions étaient nécessaires pour que ce nouveau partenariat s'engage : une initiative africaine forte, d'abord ; une volonté politique nouvelle, ensuite, de la part des partenaires de l'Afrique et notamment de la part de la France qui entend rénover et renforcer sa politique de coopération.
Ces deux conditions sont, je crois, désormais réunies.
En premier lieu, une approche nouvelle du développement de l'Afrique est en train d'émerger et elle est le fait des Africains eux-mêmes. Il faut saluer les différentes initiatives qui, du Plan Oméga proposé par le Président Abdoulaye WADE au programme pour le millénaire initié par les présidents BOUTEFLIKA, MBEKI et OBASANJO, ont abouti, au NEPAD, ce Nouveau Partenariat pour le Développement de l'Afrique présenté à Abuja en octobre 2001.
Le NEPAD est la volonté, d'abord, de substituer une logique de partenariat à la logique d'assistance qui a trop souvent caractérisé la coopération Nord-Sud.
C'est ensuite une méthode d'appropriation des projets et un dispositif ambitieux et novateur d' " évaluation par les pairs " qui va dans le sens de la transparence et de l'efficacité.
C'est enfin la reconnaissance du rôle essentiel que peut jouer l'initiative privée dans le financement et la prise de conscience que la réussite d'un projet de développement dépend d'un contexte de " bonne gouvernance " qui comprend, notamment, respect de l'Etat de droit et sincérité financière.
Le NEPAD est un projet africain et il doit le rester. Mais la France, par la voix de son Président, a immédiatement souhaité qu'il devienne un cadre de référence et a plaidé en ce sens auprès de ses partenaires, qu'il s'agisse de l'Union Européenne ou des pays les plus industrialisés.
Les engagements pris par le G8 à Gènes et à Kannaskis sont une première réponse, en trois volets : politique, pour assurer la prévention des conflits ; économique, pour améliorer l'environnement des investissements et la libéralisation des échanges, et insister sur les quatre secteurs d'intervention prioritaires que sont l'éducation, l'agriculture, la santé et l'eau ; et enfin celui de la question de la dette avec la poursuite et l'extension du programme " PPTE " en faveur des pays les plus pauvres et les plus endettés.
La France veillera tout particulièrement, lors de la prochaine réunion du G8 à Evian, à ce que ces engagements soient respectés. Ils sont la marque concrète du large soutien que recueille le NEPAD et de l'accompagnement que les pays les plus riches lui doivent.
Mais la France se doit aussi de mieux répondre aux besoins de ses partenaires en améliorant l'efficacité de sa politique de coopération. Nous avons en effet assisté, ces dernières années, à deux tendances préoccupantes : l'élargissement du nombre des Etats partenaires de notre coopération d'une part ; la diminution des moyens de celle-ci, d'autre part. c'est ainsi que l'aide publique au développement consentie par la France a dramatiquement été réduite.
Cette dérive n'était pas acceptable et Jacques Chirac s'est clairement engagé devant les Français, lors de la campagne pour l'élection présidentielle de l'an dernier, à augmenter de 50 % en 5 ans notre effort d'aide publique au développement.
L'objectif est d'atteindre 0,5 % du PIB en 2007, faisant ainsi de la France un des principaux contributeurs en valeur absolue en matière d'aide publique au développement.
Cet objectif sera tenu : nous le devons aux liens d'amitié qui unissent nos pays et nous le devons pour le caractère d'exemplarité dont nous souhaiterions que beaucoup d'autres pays " riches " s'inspirent.
La nouvelle politique française de coopération doit aussi mieux concentrer ses efforts. Tout en maintenant notre forte contribution au Fonds Européen de Développement, il nous faut augmenter notre aide bilatérale et c'est d'ailleurs le souhait de nos amis en Afrique.
Elle doit ensuite rénover ses partenariats en associant mieux ces acteurs essentiels que sont les collectivités locales et la " société civile ". Je sais, en tant que maire d'une grande ville, combien la coopération décentralisée peut être efficace dans l'adéquation des projets et la rapidité de leur réalisation.
Elle doit, enfin, insister sur l'importance de l'expertise. La diminution du volume de l'assistance technique sous le précédent gouvernement était inquiétante. Le budget de cette année permet d'engager ce mouvement et d'accompagner l'augmentation des projets financés par le Fonds de Solidarité Prioritaire.
C'est donc une nouvelle volonté politique qui est à l'uvre, depuis un an, pour rénover la coopération française, pour qu'elle soit à la hauteur des défis et au premier des acteurs du nouveau partenariat Nord-Sud.
L'Afrique exige des relations fondées sur l'égalité et la complémentarité, elle attend de ses amis un engagement durable et solidaire, dans l'intérêt de tous.
La France ne manquera ni à cette exigence, ni à cette attente. C'est la volonté du Président de la République et elle est mise en uvre avec détermination par le gouvernement que conduit Jean-Pierre Raffarin et, en particulier, par les ministres des affaires étrangères et la coopération.
Je tiens à faire part de cette volonté au Président El Hadj Omar Bongo et aux autorités gabonaises. La qualité des relations entre nos deux pays est exemplaire et le rôle du Gabon, grâce à l'expérience et à l'autorité de son président, est essentiel. Dans une Afrique centrale déchirée par les conflits, je souhaite que nos deux pays sachent montrer la voie d'une coopération renouvelée.
Ce message est un message d'optimisme et de confiance. Le Français que je suis n'oublie par le sang versé dans les combats de notre histoire commune, ni qu'aux moments les plus désespérés, c'est en Afrique qu'ont trouvé refuge, l'honneur, les forces et la capitale de la France Libre.
(source http://www.u-m-p.org, le 1er juillet 2003)