Texte intégral
J.-P. Elkabbach-. "J. Chirac le laïc", ça vous va ?
- "Vous voulez me parler de sa prestation, hier, à Valenciennes ? La question que je me suis posée, c'est de savoir si J. Chirac savait qu'il était président de la République. Peut-être qu'on pourrait le lui rappeler ce matin."
Ca veut dire ?
- "Cela veut dire qu'il a, avec intelligence, avec un savoir-faire qui est le sien, parce que J. Chirac n'est jamais aussi bon que quand il est en campagne électorale, repris l'ensemble des thèmes qu'il avait développés depuis 1995."
Et vous dites "tant mieux" ?
- "Non, je dis que c'est en 1995 qu'il a dénoncé la fracture sociale et qu'il est président de la République, et que, notamment, il a nommé en 2002, qui est au pouvoir depuis 18 mois. Le problème de J. Chirac, c'est qu'il a tellement aimé la cohabitation qu'il veut la perpétuer. C'est-à-dire que le président de la République est le premier opposant de son Gouvernement, parce que tout ce qu'il dénonce, il faut qu'il le dise à son Premier ministre au Conseil des ministres de ce matin."
Vous ne n'avez pas répondu : il dit que la laïcité n'est pas négociable, probablement elle s'impose. Mais quand je vous dis "le laïc Chirac" dans les propos qu'il tient - "on ne défie pas les lois de la République, on ne met pas en cause l'égalité des sexes et la dignité des femmes" - est-ce que vous avez à redire ?
- "On est au stade des principes..."
C'est un constat d'une réalité préoccupante, non ?
- "Oui, mais je pense que, là aussi, J. Chirac devrait discuter avec le ministre de l'Intérieur, parce que c'est la mise en place du conseil des musulmans français que l'on a pacté avec l'organisation la plus intégriste des musulmans, qui s'appelle l'UOIF. Et les affaires de foulard que nous voyons aujourd'hui, sont le prix à payer de ce pacte qui a été scellé pour constituer une communauté musulmane de manière forcée. Là, je crois qu'il y a beaucoup de choses à dire."
Il ne fallait pas organiser ce conseil ?
- "Pas en pactant avec les plus intégristes, pas au détriment des plus modérés, pas au détriment d'un combat dans les cités, justement, en soutien à ceux qui veulent s'affronter."
Vous avez des preuves de ce que vous dites ?
- "En général, quand je parle des banlieues, je ne parle pas en l'air. Je sais qu'aujourd'hui il y a une pression très forte d'associations, qui se revendiquent du combat de l'UOIF, et qui disent, d'un certain point de vue, que la France doit changer de nature : elle doit devenir une République des communautés. Je suis contre le communautarisme, je suis contre que l'on traite avec les communautés."
Vous parlez comme J. Chirac !
- "Eh bien tant mieux, mais qu'il le dise à son ministre de l'Intérieur."
Et quand il dit que s'il le faut, la loi, parce que "la laïcité ne se négocie pas".
- "Je n'exclus pas cette question-là. En 1989 - je me suis d'ailleurs fait souvent reprocher cela..."
Dans votre propre parti...
- "Dans mon propre parti, parce que j'étais pour une certaine tolérance. Je pensais que l'école serait plus forte que les foulards. Et puis, le temps a passé et j'ai considéré, qu'à un moment donné, malheureusement, l'école n'arrivait pas à vaincre ces intégrismes simplement par la discussion et qu'il fallait aussi rappeler un certain nombre d'interdits. Pour moi, la question du foulard n'est pas une question simplement religieuse. Je ne mets pas sur le même plan le foulard, la croix ou la kippa. Je pense que l'on fait une erreur en ne traitant cela que sur le plan religieux."
Quand on dit "signe ostentatoire" des religions...
- "C'est un signe ostentatoire des religions, mais c'est plus qu'un signe ostentatoire de religion : le foulard prend aussi une dimension politique parce qu'il veut changer la nature de la République et faire que cette République, justement, n'ait plus son principe laïque et qu'elle ne soit plus une République citoyenne. C'est-à-dire que vous déterminez votre appartenance à la communauté nationale par rapport à vos origines religieuses. Je ne suis pas d'accord avec cela."
En plus, il y a l'égalité des sexes, la dignité, la responsabilité, la liberté des femmes...
- "Et en plus, il y a toute l'oppression des femmes derrière, qui n'est pas une petite affaire, surtout dans les cités aujourd'hui, quand on voit la régression de leurs conditions."
On entendait tout à l'heure tout à l'heure une sage-femme, on entendait hier N. Olin, qui fait partie de la Commission Stasi, qui témoignait du développement dans le Val-d'Oise de la polygamie - souvent le mari vient réclamer un deuxième appartement pour la deuxième épouse... Il y a des signes, il y a des signes...
- "Oui, il y a une pression forte."
La loi ou pas ?
- "Je voudrais juste dire une chose : qu'il ne faut pas fantasmer et qu'il ne faut pas recommencer avec l'affaire du foulard ce que l'on a fait, malheureusement avec la question de la sécurité, c'est-à-dire créer une sorte de psychose collective. J'ai l'impression qu'on est en train d'y passer. C'est-à-dire que maintenant, on a l'impression qu'il y a une sorte de déferlante sur la société française. Il y a des cas, il faut les recenser, il faut rappeler les règles. Et si on se rend compte que les textes actuels ne sont pas suffisants, il faudra peut-être en passer par la loi. Mais la loi, c'est le dernier recours, une fois que l'on a bien regardé la situation."
Là, vous parlez comme J.-P. Raffarin ou comme J. Chirac : s'il le faut, une loi. Si vous vous retrouvez, pourquoi pas...
- "Le problème n'est pas de parler par rapport aux autres mais par rapport à une situation. Il faut faire attention, parce qu'il ne faut qu'une communauté ait le sentiment qu'elle est visée, qu'elle est mise au ban de la société."
Vous qui connaissez les quartiers populaires, ces villes - vous y avez souvent fait des débats et encore une fois, vous vous êtes fait gronder par votre propre parti et vous n'étiez pas compris par l'ensemble de la communauté française -, est-ce que vous partagez la crainte de ceux qui prévoient une nouvelle poussée du FN ?
- "Je pense qu'il y un risque. Le risque provient de l'échec de la politique du gouvernement Raffarin. La fracture d'hier, c'est d'abord la fracture de la majorité ; c'est la fait que, pour la première fois, une partie de la majorité n'a pas voté le budget, s'est abstenue, c'est-à-dire monsieur Bayrou."
Est-ce que F. Bayrou est le futur allié de F. Hollande ou votre rival du PS ?
- "S'il veut être un futur allié, il faut être clair. Quand un budget est mauvais, il faut voter contre ce budget. Parce que l'on ne peut pas dire, par exemple, à des chômeurs qui vont venir voir monsieur Bayrou demain, et qui se verront supprimer l'allocation spécifique de solidarité : "Vous savez, je me suis abstenu, je n'avais pas de position". Si on est contre ce budget parce qu'il est mauvais, on doit voter contre. Le problème de monsieur Bayrou, c'est qu'il va falloir qu'il clarifie cela. On ne peut pas faire dedans-dehors."
Alors il y a une montée possible du FN ?
- "Il y a effectivement un risque aujourd'hui, face à l'échec de la droite, que le désespoir ou la recherche d'une facilité pousse vers le FN. C'est pour cela d'ailleurs qu'il y a un devoir pour la gauche aujourd'hui, d'offrir une alternative, de montrer qu'il y a une autre politique possible et donc, de se rassembler."
Toute la gauche, dans moins d'un mois, se rassemble à Paris et à Saint-Denis, pour le Forum social européen. On raconte qu'entre l'extrême gauche et des islamistes intégristes, il y a une jonction qui est en train de se faire, vrai ou faux ?
- "Il y a effectivement au sein de l'extrême gauche, des militants et des associations qui peuvent avoir la tentation de penser que l'ennemi de ennemi est mon ami. C'est-à-dire que puisqu'il y a aujourd'hui des courants intégristes qui s'affrontent au grand méchant loup, au grand Satan qu'est l'Amérique, alors on peut faire un bout de chemin ensemble. Je crois que c'est une erreur, parce que dans l'histoire, cela a donné lieu, par exemple, à la naissance de régime comme le régime cambodgien. Et cela peut donner lieu à des soutiens, comme cela a été le cas aussi, à des régimes intégristes comme celui de l'Ayatollah Khomeyni."
Alors, avant le Forum, que faut-il faire ?
- "Il faut une clarification. Je pense par exemple que M. Tarik Ramadan n'a pas sa place dans le Forum social européen qui va se tenir."
Pourtant, il est invité...
- "Je souhaite, parce que j'ai été l'un de ceux qui ont soutenu le Forum social européen, que la clarification ait lieu, parce qu'on ne peut pas tenir les propos qu'il a tenus et se revendiquer des valeurs d'humanisme que nous défendons dans le cadre de ce Forum social européen."
Il a le droit d'écrire, il a le droit de parler...
- "Il a le droit d'écrire, mais il n'a pas le droit de déterminer que des gens se déterminent dans leurs convictions par rapport à leur appartenance religieuse [sic] et de faire les confusions et les amalgames qu'il a faits, sans présenter d'excuses..."
Même s'il est dangereux, est-il bon de le censurer et de l'exclure ?
- "Il ne s'agit pas de le censurer, il a le droit de s'exprimer. Il s'agit de considérer qu'il n'a pas sa place dans un forum qui a pour vocation de défendre l'humanisme, de défendre la solidarité, de défendre la citoyenneté."
Mais un forum qui est financé en partie par l'Etat et la ville de Paris.
- "Parce que c'est un forum important, parce que c'est un mouvement qui interpelle la mondialisation en cours, qui veut effectivement qu'elle prenne une dimension humaine, qu'on respecte les peuples."
Pendant que nous parlons, et à la demande de N. Sarkozy et probablement du Premier ministre, une opération est en cours dans des hôtels et des commerces en Corse, qui appartiendraient à la famille de C. Pieri. Qu'en pensez-vous ?
- "Depuis le rapport qu'avait fait J. Glavany sur la Corse, on savait que dans le combat nationaliste, malheureusement, il y avait aussi une dimension mafieuse. Cela ne veut pas dire qu'il faille jeter l'opprobre sur le combat qui est mené aujourd'hui, parce que l'on discute avec des gens qui considèrent que la Corse va mal, ce qui est vrai, et qu'elle a besoin d'un statut - même si je crois que le combat nationaliste est une impasse. Maintenant, il faut que la justice passe. Mais la remarque que l'on doit aussi faire au Gouvernement, c'est qu'il faut aussi un projet. On ne peut pas simplement avoir comme vision de la Corse, la répression. Il faut aussi un avenir. Le Gouvernement a précipité un référendum, qu'il a perdu. Il y avait une démarche de discussion et de dialogue..."
Il l'a perdu à 800 voix près...
- "D'accord, mais il l'a perdu malheureusement, parce qu'il l'a précipité et n'a pas écouté l'opposition, qui lui avait dit de prendre le temps. Maintenant, il faut quand même retrouver les fils du dialogue, sinon, ceux qui aujourd'hui ont des logiques mafieuses risquent de solidariser toute la Corse derrière eux."
Il y a des élections régionales au mois de mars. Pensez-vous que N. Sarkozy est en train de s'attaquer aux nationalistes corses ou, comme il le disait ici, lundi matin, à ce qui les motive, les active et leur faire mal : l'argent ?
- "On ne peut pas considérer que tous ceux qui se revendiquent du combat nationaliste sont des mafieux. Il faut faire attention, il y a aussi des gens qui, sincèrement, pensent à l'avenir de l'île. Il faut faire la part des choses."
Evidemment, qu'il faut faire la part des choses, mais là, il y en a peut-être quelques-uns qui sont les patrons de l'île, non ?
- "On va voir. Je suis attentif à ce qu'effectivement tous les comportements mafieux, qui donnaient lieu par exemple à des opérations fortes de spéculation immobilière, soient poursuivis."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 octobre 2003)
- "Vous voulez me parler de sa prestation, hier, à Valenciennes ? La question que je me suis posée, c'est de savoir si J. Chirac savait qu'il était président de la République. Peut-être qu'on pourrait le lui rappeler ce matin."
Ca veut dire ?
- "Cela veut dire qu'il a, avec intelligence, avec un savoir-faire qui est le sien, parce que J. Chirac n'est jamais aussi bon que quand il est en campagne électorale, repris l'ensemble des thèmes qu'il avait développés depuis 1995."
Et vous dites "tant mieux" ?
- "Non, je dis que c'est en 1995 qu'il a dénoncé la fracture sociale et qu'il est président de la République, et que, notamment, il a nommé en 2002, qui est au pouvoir depuis 18 mois. Le problème de J. Chirac, c'est qu'il a tellement aimé la cohabitation qu'il veut la perpétuer. C'est-à-dire que le président de la République est le premier opposant de son Gouvernement, parce que tout ce qu'il dénonce, il faut qu'il le dise à son Premier ministre au Conseil des ministres de ce matin."
Vous ne n'avez pas répondu : il dit que la laïcité n'est pas négociable, probablement elle s'impose. Mais quand je vous dis "le laïc Chirac" dans les propos qu'il tient - "on ne défie pas les lois de la République, on ne met pas en cause l'égalité des sexes et la dignité des femmes" - est-ce que vous avez à redire ?
- "On est au stade des principes..."
C'est un constat d'une réalité préoccupante, non ?
- "Oui, mais je pense que, là aussi, J. Chirac devrait discuter avec le ministre de l'Intérieur, parce que c'est la mise en place du conseil des musulmans français que l'on a pacté avec l'organisation la plus intégriste des musulmans, qui s'appelle l'UOIF. Et les affaires de foulard que nous voyons aujourd'hui, sont le prix à payer de ce pacte qui a été scellé pour constituer une communauté musulmane de manière forcée. Là, je crois qu'il y a beaucoup de choses à dire."
Il ne fallait pas organiser ce conseil ?
- "Pas en pactant avec les plus intégristes, pas au détriment des plus modérés, pas au détriment d'un combat dans les cités, justement, en soutien à ceux qui veulent s'affronter."
Vous avez des preuves de ce que vous dites ?
- "En général, quand je parle des banlieues, je ne parle pas en l'air. Je sais qu'aujourd'hui il y a une pression très forte d'associations, qui se revendiquent du combat de l'UOIF, et qui disent, d'un certain point de vue, que la France doit changer de nature : elle doit devenir une République des communautés. Je suis contre le communautarisme, je suis contre que l'on traite avec les communautés."
Vous parlez comme J. Chirac !
- "Eh bien tant mieux, mais qu'il le dise à son ministre de l'Intérieur."
Et quand il dit que s'il le faut, la loi, parce que "la laïcité ne se négocie pas".
- "Je n'exclus pas cette question-là. En 1989 - je me suis d'ailleurs fait souvent reprocher cela..."
Dans votre propre parti...
- "Dans mon propre parti, parce que j'étais pour une certaine tolérance. Je pensais que l'école serait plus forte que les foulards. Et puis, le temps a passé et j'ai considéré, qu'à un moment donné, malheureusement, l'école n'arrivait pas à vaincre ces intégrismes simplement par la discussion et qu'il fallait aussi rappeler un certain nombre d'interdits. Pour moi, la question du foulard n'est pas une question simplement religieuse. Je ne mets pas sur le même plan le foulard, la croix ou la kippa. Je pense que l'on fait une erreur en ne traitant cela que sur le plan religieux."
Quand on dit "signe ostentatoire" des religions...
- "C'est un signe ostentatoire des religions, mais c'est plus qu'un signe ostentatoire de religion : le foulard prend aussi une dimension politique parce qu'il veut changer la nature de la République et faire que cette République, justement, n'ait plus son principe laïque et qu'elle ne soit plus une République citoyenne. C'est-à-dire que vous déterminez votre appartenance à la communauté nationale par rapport à vos origines religieuses. Je ne suis pas d'accord avec cela."
En plus, il y a l'égalité des sexes, la dignité, la responsabilité, la liberté des femmes...
- "Et en plus, il y a toute l'oppression des femmes derrière, qui n'est pas une petite affaire, surtout dans les cités aujourd'hui, quand on voit la régression de leurs conditions."
On entendait tout à l'heure tout à l'heure une sage-femme, on entendait hier N. Olin, qui fait partie de la Commission Stasi, qui témoignait du développement dans le Val-d'Oise de la polygamie - souvent le mari vient réclamer un deuxième appartement pour la deuxième épouse... Il y a des signes, il y a des signes...
- "Oui, il y a une pression forte."
La loi ou pas ?
- "Je voudrais juste dire une chose : qu'il ne faut pas fantasmer et qu'il ne faut pas recommencer avec l'affaire du foulard ce que l'on a fait, malheureusement avec la question de la sécurité, c'est-à-dire créer une sorte de psychose collective. J'ai l'impression qu'on est en train d'y passer. C'est-à-dire que maintenant, on a l'impression qu'il y a une sorte de déferlante sur la société française. Il y a des cas, il faut les recenser, il faut rappeler les règles. Et si on se rend compte que les textes actuels ne sont pas suffisants, il faudra peut-être en passer par la loi. Mais la loi, c'est le dernier recours, une fois que l'on a bien regardé la situation."
Là, vous parlez comme J.-P. Raffarin ou comme J. Chirac : s'il le faut, une loi. Si vous vous retrouvez, pourquoi pas...
- "Le problème n'est pas de parler par rapport aux autres mais par rapport à une situation. Il faut faire attention, parce qu'il ne faut qu'une communauté ait le sentiment qu'elle est visée, qu'elle est mise au ban de la société."
Vous qui connaissez les quartiers populaires, ces villes - vous y avez souvent fait des débats et encore une fois, vous vous êtes fait gronder par votre propre parti et vous n'étiez pas compris par l'ensemble de la communauté française -, est-ce que vous partagez la crainte de ceux qui prévoient une nouvelle poussée du FN ?
- "Je pense qu'il y un risque. Le risque provient de l'échec de la politique du gouvernement Raffarin. La fracture d'hier, c'est d'abord la fracture de la majorité ; c'est la fait que, pour la première fois, une partie de la majorité n'a pas voté le budget, s'est abstenue, c'est-à-dire monsieur Bayrou."
Est-ce que F. Bayrou est le futur allié de F. Hollande ou votre rival du PS ?
- "S'il veut être un futur allié, il faut être clair. Quand un budget est mauvais, il faut voter contre ce budget. Parce que l'on ne peut pas dire, par exemple, à des chômeurs qui vont venir voir monsieur Bayrou demain, et qui se verront supprimer l'allocation spécifique de solidarité : "Vous savez, je me suis abstenu, je n'avais pas de position". Si on est contre ce budget parce qu'il est mauvais, on doit voter contre. Le problème de monsieur Bayrou, c'est qu'il va falloir qu'il clarifie cela. On ne peut pas faire dedans-dehors."
Alors il y a une montée possible du FN ?
- "Il y a effectivement un risque aujourd'hui, face à l'échec de la droite, que le désespoir ou la recherche d'une facilité pousse vers le FN. C'est pour cela d'ailleurs qu'il y a un devoir pour la gauche aujourd'hui, d'offrir une alternative, de montrer qu'il y a une autre politique possible et donc, de se rassembler."
Toute la gauche, dans moins d'un mois, se rassemble à Paris et à Saint-Denis, pour le Forum social européen. On raconte qu'entre l'extrême gauche et des islamistes intégristes, il y a une jonction qui est en train de se faire, vrai ou faux ?
- "Il y a effectivement au sein de l'extrême gauche, des militants et des associations qui peuvent avoir la tentation de penser que l'ennemi de ennemi est mon ami. C'est-à-dire que puisqu'il y a aujourd'hui des courants intégristes qui s'affrontent au grand méchant loup, au grand Satan qu'est l'Amérique, alors on peut faire un bout de chemin ensemble. Je crois que c'est une erreur, parce que dans l'histoire, cela a donné lieu, par exemple, à la naissance de régime comme le régime cambodgien. Et cela peut donner lieu à des soutiens, comme cela a été le cas aussi, à des régimes intégristes comme celui de l'Ayatollah Khomeyni."
Alors, avant le Forum, que faut-il faire ?
- "Il faut une clarification. Je pense par exemple que M. Tarik Ramadan n'a pas sa place dans le Forum social européen qui va se tenir."
Pourtant, il est invité...
- "Je souhaite, parce que j'ai été l'un de ceux qui ont soutenu le Forum social européen, que la clarification ait lieu, parce qu'on ne peut pas tenir les propos qu'il a tenus et se revendiquer des valeurs d'humanisme que nous défendons dans le cadre de ce Forum social européen."
Il a le droit d'écrire, il a le droit de parler...
- "Il a le droit d'écrire, mais il n'a pas le droit de déterminer que des gens se déterminent dans leurs convictions par rapport à leur appartenance religieuse [sic] et de faire les confusions et les amalgames qu'il a faits, sans présenter d'excuses..."
Même s'il est dangereux, est-il bon de le censurer et de l'exclure ?
- "Il ne s'agit pas de le censurer, il a le droit de s'exprimer. Il s'agit de considérer qu'il n'a pas sa place dans un forum qui a pour vocation de défendre l'humanisme, de défendre la solidarité, de défendre la citoyenneté."
Mais un forum qui est financé en partie par l'Etat et la ville de Paris.
- "Parce que c'est un forum important, parce que c'est un mouvement qui interpelle la mondialisation en cours, qui veut effectivement qu'elle prenne une dimension humaine, qu'on respecte les peuples."
Pendant que nous parlons, et à la demande de N. Sarkozy et probablement du Premier ministre, une opération est en cours dans des hôtels et des commerces en Corse, qui appartiendraient à la famille de C. Pieri. Qu'en pensez-vous ?
- "Depuis le rapport qu'avait fait J. Glavany sur la Corse, on savait que dans le combat nationaliste, malheureusement, il y avait aussi une dimension mafieuse. Cela ne veut pas dire qu'il faille jeter l'opprobre sur le combat qui est mené aujourd'hui, parce que l'on discute avec des gens qui considèrent que la Corse va mal, ce qui est vrai, et qu'elle a besoin d'un statut - même si je crois que le combat nationaliste est une impasse. Maintenant, il faut que la justice passe. Mais la remarque que l'on doit aussi faire au Gouvernement, c'est qu'il faut aussi un projet. On ne peut pas simplement avoir comme vision de la Corse, la répression. Il faut aussi un avenir. Le Gouvernement a précipité un référendum, qu'il a perdu. Il y avait une démarche de discussion et de dialogue..."
Il l'a perdu à 800 voix près...
- "D'accord, mais il l'a perdu malheureusement, parce qu'il l'a précipité et n'a pas écouté l'opposition, qui lui avait dit de prendre le temps. Maintenant, il faut quand même retrouver les fils du dialogue, sinon, ceux qui aujourd'hui ont des logiques mafieuses risquent de solidariser toute la Corse derrière eux."
Il y a des élections régionales au mois de mars. Pensez-vous que N. Sarkozy est en train de s'attaquer aux nationalistes corses ou, comme il le disait ici, lundi matin, à ce qui les motive, les active et leur faire mal : l'argent ?
- "On ne peut pas considérer que tous ceux qui se revendiquent du combat nationaliste sont des mafieux. Il faut faire attention, il y a aussi des gens qui, sincèrement, pensent à l'avenir de l'île. Il faut faire la part des choses."
Evidemment, qu'il faut faire la part des choses, mais là, il y en a peut-être quelques-uns qui sont les patrons de l'île, non ?
- "On va voir. Je suis attentif à ce qu'effectivement tous les comportements mafieux, qui donnaient lieu par exemple à des opérations fortes de spéculation immobilière, soient poursuivis."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 22 octobre 2003)