Déclaration de M. François Hollande, premier secrétaire du PS, sur les propositions de son parti pour "batir un autre monde", rappelant la tradition internationaliste du PS depuis sa création, la nécessité d'apporter des solutions politiques à la question irakienne et à celle du Proche Orient, de renforcer le rôle de l'ONU, et le refus du souverainisme et du protectionnisme, à Paris le 6 novembre 2003.

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Circonstance : Réunion publique du PS à la veille du Forum Social Européen de Saint Denis à Paris le 6 novembre 2003

Texte intégral

Notre réunion se tient à la veille du Forum Social Européen de Saint-Denis, et nous le voulions ainsi. Nous voulions que les socialistes s'expriment avec d'autres (organisations non gouvernementales, associations, partis amis) pour exprimer à la fois leur démarche et leurs propositions.
Je veux saluer tous ceux qui ont contribué au débat de ce soir : J'ai en effet, pour Paul Rasmussen, le respect qui est dû non seulement à un Premier ministre qui a gouverné neuf ans - cela n'est jamais arrivé ici, en France, à un socialiste ; la performance mérite donc d'être saluée - mais il est aussi celui qui, au sein du Parti Socialiste Européen, bâtit des propositions au nom de ce collectif - le nôtre- sur l'altermondialisation.
Je veux aussi remercier Elio qui est socialiste, Belge, et donc très pénétré des débats socialistes français. Et c'est pourquoi nous le réinviterons chaque fois qu'il sera nécessaire.
Et puis je veux remercier tous les amis, Alpha Condé, et beaucoup d'autres qui sont présents, nos amis portugais également et les associations et les groupes qui travaillent depuis longtemps pour élaborer des positions sur la mondialisation.
Nous, socialistes Français, jouerons notre rôle et prendrons notre place dans le Forum Social Européen. Une place modeste, celle qui nous sera réservée et offerte, mais une place aussi légitime, parce que nous sommes depuis longtemps des internationalistes et que nous exprimons depuis longtemps des positions qui, parfois, rencontrent celles des mouvements et des organisations.
Nous ferons aussi entendre notre message et donnerons toute sa dimension à notre rôle de parti politique. Parce que, pour nous, dans le cadre du Forum Social européen, comme demain dans le cadre du Forum progressiste avec toutes les forces de gauche, nous ne sommes pas simplement dans l'énonciation de principes, nous ne sommes pas dans l'affirmation de positions justes ou de revendications légitimes ; nous sommes dans une démarche d'engagement. Ce que nous dirons dans le Forum Social Européen, dans le Forum progressiste, ce que nous dirons aussi dans nos programmes politiques le moment venu, ce sera un engagement ferme du Parti socialiste pour que, s'il revient aux responsabilités, il puisse là-dessus tenir et tenir bon.
Les socialistes sont confrontés depuis longtemps, j'allais dire même depuis l'origine du socialisme, à la mondialisation. C'est à l'échelle de la planète déjà qu'à la fin du XIXè Siècle les socialistes avaient placé leur engagement. Dois-je rappeler que c'est à cette période-là que s'est créée l'Internationale Socialiste ! À cette époque, les contraintes économiques n'étaient pas moins fortes qu'aujourd'hui. Le capitalisme était déjà mondialisé. La financiarisation de l'économie se diffusait.
Au début du Siècle dernier, dans la période 1900/1910, le quart de l'épargne française était placé à l'étranger. Tradition rentière de la France, sans doute ; mais ce qui est illustré par ce chiffre, c'est que déjà, à ce moment-là, les capitaux circulaient et bien au-delà des cadres nationaux et des frontières existantes.
Nous avons été confrontés, dès l'origine, à cette prétention planétaire du capitalisme. Et le colonialisme ! Qu'était-il sinon aussi cette forme de prédation des richesses des plus pauvres à travers la domination et la soumission.
Alors, depuis l'origine, les socialistes ont toujours voulu à la fois répondre dans le cadre national mais aussi dans le cadre international. Et s'il y a eu schisme dans le mouvement ouvrier au début du XXème Siècle, c'est bien parce qu'il y avait une divergence profonde sur la démocratie sans doute, sur l'ouverture -car nous avons toujours conçu le socialisme dans le monde, mais il y avait aussi cette divergence sur la question de la construction du socialisme dans un seul pays ou à l'échelle de l'Europe et de la planète. Et c'est pourquoi, les socialistes ont eu très tôt l'intuition que c'était à travers la construction européenne qu'il fallait forger aussi leur projet politique, que c'était avec d'autres qu'il fallait organiser le débat politique pour diffuser largement nos idées, au-delà même de l'Europe, à l'échelle planétaire. Et, c'est ce besoin d'agir qui nous mobilise encore aujourd'hui à cette échelle-là.
Sans doute, le monde a profondément changé. Une accélération même s'est produite ces deux dernières décennies. Le monde s'est unifié avec l'effondrement du mur de Berlin, avec la fin de la guerre froide -et ne nous en plaignons pas. Il y a l'émergence du Sud, il y a aussi cette diffusion des moyens de l'information qui laisse penser -la formule est banale et peut-être juste- que nous sommes maintenant dans une forme de " village planétaire ". Le capitalisme s'est mondialisé. Les centres de décisions sont limités à quelques pays, à quelques puissances. Les firmes multinationales viennent souvent des mêmes lieux. Et puis, il y a cette progression de la finance qui prend le pas à chaque fois sur l'économie réelle et une accélération, là aussi, des délocalisations, d'où la peur, l'inquiétude qui s'expriment par rapport à ce que l'on croit être l'évolution fatale du monde.
Il y a par ailleurs des enjeux planétaires nouveaux à la fois climatiques, écologiques, énergétiques mais aussi sanitaires, notamment les maladies qui se sont diffusées. Oui, nous sommes dans le même monde et nous avons donc une exigence à poser : ce monde-là, c'est à nous d'en faire ce que nous décidons et pas aux forces de l'argent, aux forces de l'économie, aux forces libérales d'imposer leur modèle qui ne peut pas être unique.
Le combat est le même que celui de nos prédécesseurs. Le monde est le même, même si les conditions ont changé. Mais, s'il y a un domaine qui demeure notre vigilance première, c'est bien celui de la paix ou de la guerre. Or, l'unification du monde, la fin de la guerre froide n'ont pas entraîné sa pacification loin de là. Défaut de gouvernance mondiale, impuissance voulue des Nations-Unis et volonté américaine, notamment depuis que G. Bush est installé à la Présidence des Etats-Unis, de faire que l'hyper puissance se transforme en unilatéralisme. Et moi, je fais la différence entre Bush et Clinton. Et je ferai la différence, l'année prochaine, même si nous ne pouvons y participer directement, à l'occasion des élections aux Etats-Unis.
Un des objectifs que nous devons nous assigner pour l'année prochaine, c'est que lors des élections américaines un candidat démocrate puisse être élu et G. Bush battu.
Parce que le système qu'il nous propose, qu'il nous impose : l'unilatéralisme, n'est pas simplement contestable au plan politique, au plan démocratique, au plan même moral. Il est surtout inefficace par rapport aux buts mêmes qu'il s'est assigné :
- La lutte contre le terrorisme ? Il n'a jamais été aussi présent, hélas, y compris en Irak.
- Le rétablissement de la paix ? Où est-elle dans cette région du monde !
- La stabilité des relations internationales ? Qui la voit aujourd'hui !
Alors, oui, il y a deux questions qui méritent d'être réglées, qui demandent des solutions politiques.
D'abord la question irakienne. Parce qu'aujourd'hui, après une intervention militaire que NOUS avons condamnée, nous devons aussi nous opposer à une occupation militaire, parce que c'est de cela qu'il s'agit, même si une résolution des Nations-Unies lui donne la légitimité. Et nous devons revendiquer justement le retour des Nations-Unies même si, nous le savons bien, les terroristes eux-mêmes s'attaquent d'abord aux Nations-Unies. Oui, il faut le retour des Nations-Unies et aussi la souveraineté du peuple Irakien.
La deuxième grande question est celle du Proche-Orient. Il y a, hélas depuis plusieurs années, un engrenage terrible de la violence, un blocage de toute perspective de négociation, un désespoir qui s'installe et le prolongement même -dans l'ensemble du monde- des formes de ce conflit : terreau de l'extrémisme, du fondamentalisme, mais aussi du racisme et de l'antisémitisme. Nous ne pouvons pas accepter qu'il y ait en France, en Europe, ou partout ailleurs, des prétextes qui soient trouvés pour justifier le racisme et l'antisémitisme. Nous devons demander la paix, la négociation et nous devons refuser l'intolérance partout où elle s'exprime.
Il y a nécessité aujourd'hui, au nom même des valeurs que nous portons, à encourager l'initiative courageuse de Genève autour d'un plan de paix avec des travaillistes, mais aussi des travaillistes Israéliens et des amis Palestiniens qui pensent aussi qu'il faut aller vers un plan de paix et une négociation.
Etre internationaliste aujourd'hui, c'est demander d'abord le renforcement de l'ONU. C'est le préalable à tout. Une ONU plus représentative, et notamment au niveau du Conseil de Sécurité, avec la présence des pays du Sud et des nouvelles puissances. C'est légitime, elles y ont leur place. Un Conseil de Sécurité plus efficace avec la réforme du droit de veto indispensable. Et une ONU plus responsable, c'est-à-dire disposant aussi de moyens financiers lui permettant d'agir et de moyens militaires également lui permettant d'intervenir sans qu'il y est besoin d'aller chercher telle ou telle puissance, souvent la même.
Si nous sommes internationalistes, nous sommes européens. Nous voulons cette Europe politique. Sans doute aurions-nous voulu qu'elle soit encore plus fédérale, qu'elle soit encore plus politique. Elle devra être demain fédérale et politique. Et, à cet égard c'est vrai, nous aspirons - en matière de politique étrangère et de sécurité commune - à ce que les décisions puissent être prises à la majorité qualifiée plutôt qu'à l'unanimité, parce que c'est une des façons de renforcer l'Europe.
Alors, oui, une ONU responsable, efficace, représentative et une Europe politique forte. Mais pourquoi faire ?
Ce que nous voulons, ce que nous prétendons pouvoir faire c'est de gouverner le monde. Aujourd'hui, c'est le désordre qui semble l'emporter. Désordre environnemental, désordre financier, désordre monétaire, désordre géographique, sanitaire. Nous avons besoin de règles, nous avons besoin de normes, nous avons besoin de droits, nous avons besoin d'institutions Bref, nous avons besoin de politique. Car, il s'agit de politique. Le marché n'a pas besoin de politique, il ne veut pas de politique. Il considère que seules ses décisions doivent décider du sort du monde.
Et donc, la première affirmation pour nous, socialistes, à travers l'exigence de règles, c'est la nécessité de la politique.
Politique du développement : OUI, nous voulons l'annulation de la dette. Mais, et Alpha Condé l'a précisé, il faut que cette annulation de la dette soit investie dans des projets de développement ; il faut que cette annulation de la dette soit conditionnée aussi à des progrès démocratiques ; il faut que cette annulation de la dette soit comprise dans un ensemble et pas seulement comme une générosité octroyée. Ainsi que le disait Charles Josselin : Le Sud ne demande pas de générosité, il demande la justice et il a raison.
Le développement, c'est aussi de répondre à la question des subventions à l'exportation en matière agricole. Nous avons sans doute des intérêts, élu d'une zone rurale, je pourrais prétendre qu'il faut continuer à subventionner les exportations agricoles Mais au profit de qui et au détriment de qui ? Aujourd'hui, les subventions à l'exportation agricole sont, pour l'essentiel, pour les grandes exploitations productivistes au détriment de l'agriculture des pays du Sud. Et nous, socialistes, nous continuerions à être frileux sur l'exigence d'abandon de cette politique aux exploitations agricoles !
La politique, c'est aussi la politique financière à l'échelle internationale. Nous demandons depuis longtemps, et cela n'empêche pas la justesse de cette revendication, un nouveau système de change à l'échelle internationale. Et si nous avons été -pour beaucoup- militants de l'Euro, monnaie unique, c'est bien parce que nous voulions qu'il y ait une monnaie à l'échelle internationale qui puisse faire pièce au dollar. Et pourtant, encore aujourd'hui, faute de cette stabilisation internationale, c'est le dollar qui impose ses règles. Quand il monte ou qu'il descend dans l'intérêt, toujours, des Etats-Unis et qu'importe les conséquences pour le reste du monde, développé ou émergeant !
Nous devons demander un système de relations financières international. De la même manière, nous devons être beaucoup plus déterminés encore -même si ce sera difficile- pour lutter contre les paradis fiscaux qui sont d'ailleurs, les Américains en ont fait la constatation, hélas a posteriori, le meilleur instrument des terroristes pour financer leurs mauvaises actions.
Il nous faut agir au niveau des biens publics mondiaux. Oui, il y a des services publics à l'échelle du monde. Oui, il y a un domaine qui n'appartient pas au marché. Oui, il y a un domaine de l'action humaine où l'argent ne peut pas être le critère et où les seuls droits fondamentaux des personnes doivent l'emporter : l'eau, l'alimentation, l'éducation, la santé, les médicaments... Tout cela doit être garanti, tout cela doit être assuré à chacune et à chacun qui vit sur cette planète et qui est, de ce point de vue, notre soeur, notre frère.
Il n'est pas possible de laisser le monde vivre au trois quarts en dessous du seuil de pauvreté. Sinon, c'est notre propre sécurité qui est en cause. Il n'y a pas de développement possible sans sécurité, sans doute, mais il n'y a pas de sécurité sans développement : c'est la condition.
Il faut donc des taxes, même si c'est difficile. Taxe Tobin. Je fais remarquer quand même que nous sommes un des rares pays, la France, à avoir voté le principe d'une taxe Tobin, et que nous souhaitons qu'il y ait d'autres pays en Europe qui nous rejoignent pour que nous puissions donner cur et corps à cette proposition. Mais, il n'y a pas que la taxe Tobin, et ce serait trop simple d'en rester là. Il y a aussi, et notre ami d'ATTAC l'a soulignée, l'éco-taxe, c'est-à-dire la taxe sur le CO2 ; il y a aussi un impôt additionnel sur l'impôt sur les sociétés ; il y a aussi tout ce qui peut être prélèvement sur les ventes d'armes... Tout cela fait partie du financement nécessaire des biens publics mondiaux.
Mais, pour cela, si nous voulons des règles, des politiques, des droits pour tous, si nous voulons des impôts mondiaux, il nous faut réformer les institutions internationales. Nous avons proposé qu'il y ait une ONU économique, c'est-à-dire un Conseil de sécurité dont la responsabilité ne serait pas la paix / la guerre, mais le développement, le commerce, les finances, ce que l'on pourrait appeler le développement humain. Ce Conseil de sécurité économique, ce Conseil du développement humain regrouperait, coordonnerait l'action de toutes les institutions de régulation mondiale : FMI, Banque mondiale, OMC, OIT et aussi la future organisation mondiale de l'environnement. C'est la proposition que nous faisons. Elle sera scandée tout au long de nos prochains forums. Elle sera portée comme un slogan et sera reprise -comme cela l'a été par l'Internationale Socialiste- par le Parti Socialiste Européen, je l'espère, je le demande, notamment pour le programme commun qu'il faudra faire pour les élections européennes.
À l'appui de cette proposition institutionnelle, il nous faut définir une nouvelle mission de l'ONU, assurer de nouveaux financements et, sans doute, écrire une nouvelle charte des droits fondamentaux assurant véritablement les garanties des droits économiques et sociaux.
Toute la question, par rapport à un défi de cette ampleur, est de savoir comment le faire et avec qui.
Avec qui ? D'abord avec ceux qui se sont mobilisés depuis longtemps sur ces sujets. Ces militants, souvent anonymes, de l'altermondialisation. Ces organisations, souvent obstinées, qui depuis longtemps nous interpellent. Ces mouvements aussi qui contestent l'ordre qui n'est finalement qu'un désordre du monde. Non, nous ne pouvons pas faire sans eux. Oui, nous avons besoin d'eux. Oui, nous devons avoir un rapport étroit avec les mouvements de l'altermondialisation. Oui, il faut une société civile internationale, comme il existe une société civile nationale ou européenne. Oui, il faut des organisations non gouvernementales ; Oui, il faut des nouvelles formes de citoyenneté. Nous en avons besoin, car elles sont de nouvelles idées, de nouvelles aspirations, parce qu'il y a des mobilisations puissantes et des pressions sur les décideurs. C'est utile. Et parce qu'il y a là, avec des imperfections, une forme de démocratie. Non seulement, les convergences sont possibles, mais elles sont aussi nécessaires.
Néanmoins, il y a deux limites à mes yeux qui méritent d'être posées :
Nous considérons que l'ouverture est le principe essentiel et qu'il ne peut être question, au nom de l'altermondialisation, de défendre le souverainisme et le protectionnisme. Parce que, s'il faut lutter contre le libre-échange, s'il faut lutter contre le libéralisme, il n'y a pas d'avenir pour le monde si chacun se referme sur l'Etat-Nation, il n'y a pas d'avenir pour le développement du Sud s'il y a restriction aux échanges, il n'y a pas d'avenir si seulement les intérêts des plus riches doivent être protégés parce que les plus pauvres viendraient menacer -par la concurrence internationale- nos propres productions. Nous sommes des militants internationalistes, nous sommes des militants de l'ouverture.
Nous sommes aussi conscients d'une seconde limite qui doit également être marquée : le combat politique est nécessaire, et ce n'est pas trop dur aujourd'hui de s'en affranchir. Certains nous disent que, finalement, il est inutile d'agir au plan politique ; il suffit d'un grand mouvement social, d'une grande mobilisation, d'une grande manifestation, d'un grand rassemblement et que la politique est devenue inutile, accessoire. Si nous abdiquions de notre prétention à agir politiquement, qui pourrait penser que le programme dont nous venons de parler pourrait avoir un début d'exécution ! Certes, nous pourrions freiner, limiter, mais pourrions-nous agir positivement ? La question politique doit être posée régulièrement avec les militants et les acteurs de l'altermondialisation. Chacun doit être dans son rôle. Il est normal que le mouvement social ait ses aspirations, ses formes d'organisation et ses modes d'intervention dans la sphère qui lui est propre. Mais, nous, nous devon revendiquer notre propre rôle d'organisation politique. Le rôle du Parti socialiste est de faire des propositions que nous estimons justes et possibles. Le rôle du Parti socialiste est de faire toutes les alliances nécessaires, toutes les unions indispensables pour porter ce projet. Le rôle du Parti socialiste n'est pas de rester trop longtemps dans l'opposition, c'est d'accepter l'idée qu'il faut aller aux responsabilités, qu'il faut demander le soutien du suffrage, agir et tenir ses engagements. C'est pourquoi, même si les choses évoluent, quand tels ou tels nous disent qu'il ne faudrait pas que les partis politiques aient leur place dans les forums ou dans l'altermondialisation, nous devons dire que les partis politiques ne doivent prendre la place qui n'est pas la leur, mais qu'ils doivent être le prolongement, le débouché, le bras armé, l'instrument politique du mouvement altermondialiste.
CONCLUSION
Les forums altermondialistes sont devenus, que ce soit à l'échelle du monde ou à l'échelle continentale, des rendez-vous incontournables. Je ne m'en plains pas. Pas plus que je ne me plains que la Mairie de Paris -et je remercie Anne Hidalgo et Bertrand Delanoë- ait permis avec Saint-Denis et le département le financement du Forum Social Européen. C'est une réussite déjà pour l'altermondialisation. Les idées doivent circuler et n'appartiennent à personne.
Les tentatives de récupération paraissent nombreuses.
Il y a ceux à droite, et notamment Jacques Chirac qui est un spécialiste, qui reprennent les mots, tous les mots (développement durable, altermondialisation et même laïcité) et qui finalement les privent de tout contenu. En les banalisant, ils les privent de tout impact et réduisent le débat politique à un faux consensus, à une mollesse intellectuelle et à un défaut d'engagement.
C'est le risque. Que tout en reste, finalement, aux formules, au verbe, aux déclarations d'intention. Il y a aussi une récupération qui est celle de la révolte qui est justifiée et légitime. Quand il y a effectivement contestation d'un système, mise en cause d'un monde qui n'est pas le nôtre, revendication à travers l'aspiration fondamentale du droit à la vie, le droit à un revenu, à l'alimentation, aux services publics, il faut lui donner un cur, un corps, un prolongement. Cette tentative de récupération de la désespérance ne sert pas toujours l'action politique.
Nous, socialistes, nous ne devons prendre que des engagements, c'est-à-dire être capables -à travers la confrontation, le débat, le dialogue, l'écoute que nous devons avoir à l'égard de ces mouvements, de porter nos propositions au niveau où nous pouvons agir : au niveau national, au niveau européen, au niveau mondial, mais aussi au niveau local et ce sera également l'enjeu aux prochaines élections territoriales.
Les socialistes Français - et j'en suis sûr aussi les socialistes européens - ont cette volonté. Ce qu'il faut faire aussi bien dans le cadre européen, mondial et dans le cadre national, c'est l'union. Il n'y a pas de dynamique possible, il n'y a pas de victoire imaginable sans l'union, l'union de tous, de tous les progressistes, de toute la gauche, de tous les mouvements, de tous les militants - quelles que soient leurs organisations - qui veulent bâtir un autre monde.
Il faut maintenant, à travers l'union, avoir la force. Bâtir un autre monde, c'est sans doute bâtir une utopie. Et, revenant - avec d'autres - du Congrès de l'Internationale Socialiste, j'ai retenu cette belle formule d'une camarade du Parti des Travailleurs brésilien. Elle se posait la question qui est aussi la nôtre : Bâtir un autre monde, concevoir une utopie, imaginer un idéal. À quoi sert l'utopie si, chaque fois que des progrès sont faits, l'horizon paraît reculer.
Elle disait : " L'utopie, elle ne peut sans doute jamais être atteinte. Alors, à quoi sert-elle ? Elle sert à marcher ensemble, elle sert à trouver le chemin, à garder le cap ".
Alors, Cher(e)s Camarades, pour cette utopie, commençons à avancer dès aujourd'hui.
(source http://www.parti-socialiste.fr, le 10 novembre 2003)