Déclaration de M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, sur le développement de Hienghène et de la partie nord de la Nouvelle Calédonie, Hienghène le 2 mai 2000.

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Circonstance : Déplacement de M. Queyranne en Nouvelle-Calédonie les 2 et 3 mai 2000-Inauguration du marché de Hienghène

Texte intégral

J'éprouve un vif plaisir a me retrouver aujourd'hui parmi vous dans cette merveilleuse baie de HIENGHENE.
Je suis, comme d'autres l'ont été avant moi, sous le charme de ce site que j'avais déjà eu la chance de découvrir depuis le ciel en me rendant à TIENDANITE. c'est un site réellement hors du commun. Je vous remercie, M. le maire, de m'avoir permis de le découvrir en me conviant à passer quelques heures avec vous.
Par deux fois, à TIENDANITE, j'ai salué la mémoire de Jean-Marie TJIBAOU. Aussi j'éprouve une grande émotion à me retrouver dans la commune ou il a vécu, près de la mairie ou siège le conseil municipal qu'il a présidé. La trace qu'il a laissée m'accompagne intimement dans cette visite.
Encourager une commune qui, bien que dépourvue de richesse minière, construit avec volonté et patience son développement, découvrir un site dont on m'avait vanté la beauté, fouler le sol sur lequel Jean-Marie TJIBAOU a grandi et vécu ont été trois motivations importantes pour ce déplacement.
J'ai souhaité - et c'est là l'essentiel - après le comité des signataires de l'accord de Nouméa qui s'est tenu hier pour la première fois, venir à nouveau sur le terrain pour rencontrer les hommes et les femmes qui, au quotidien, travaillent au développement du pays, pour observer leurs réalisations, pour mesurer aussi les handicaps et les difficultés rencontrés.
J'ai la conviction que c'est par l'adhésion sans exclusive de tous et de chacun au processus politique engage, que se construira ce destin commun qui est au cur de la démarche initiée par les partenaires et vers lequel tous vos efforts doivent être tendus.
Je suis venu aussi vous apporter, très simplement, au nom du gouvernement de la République, un message de respect sincère et de confiance dans un avenir que l'Etat entend, avec persévérance, vous aider à construire.
Enfin et ce sera le sens de mon intervention, je souhaiterais évoquer devant vous certains thèmes qui me tiennent particulièrement à cur.
La question du rééquilibrage tout d'abord. Elle était au centre des Accords de Matignon. L'accord de Nouméa en a fait aussi une priorité. Aussi le rééquilibrage constitue l'objectif principal que l'Etat encouragera au cours des prochaines années.
Permettez-moi de le réaffirmer avec force, ici, en province Nord, en présence de son président Paul NEAOUTYINE et de ses représentants élus.
Il ne peut y avoir en effet de construction d'une identité commune et d'émergence d'une volonté de vivre ensemble, sans un rapprochement des conditions de vie économique et sociale. Telle est ma conviction. le rééquilibrage, c'est, dans le respect des différences de chaque communauté, la réponse nécessaire aux inégalités de développement produites par l'histoire coloniale de ce pays.
C'est d'abord une politique qui s'inscrit dans le long terme. Lancée depuis maintenant dix ans, elle doit être approfondie au cours des 15 a 20 prochaines années.
C'est aussi une politique qui engage tous les partenaires. Les acteurs locaux bien sur. Sans eux, rien n'est en effet possible. Le développement ne s'impose pas de l'extérieur. Il doit faire l'objet d'une appropriation par ceux a qui il doit bénéficier.
Les collectivités provinciales et la Nouvelle-Calédonie doivent être les moteurs de cette politique et leurs actions mesurées à l'aune de ce critère.
Enfin l'Etat, particulièrement au travers des contrats de développement mais aussi du fond d'équipement et de promotion pour la Nouvelle-Calédonie, et l'Union Européenne, sont les soutiens indispensables de l'ensemble.
L'ardente obligation que constitue le rééquilibrage est à ce prix. L'engagement de tous est requis. Car si cette politique, devait, par malheur, échouer à cause d'un déficit de moyens ou d'un relâchement de la volonté, nul doute que l'équilibre politique sur lequel les partenaires de l'accord se sont accordés et auquel les populations ont adhéré massivement, s'en trouverait fragilisé.
Le rééquilibrage, c'est enfin, toute une palette d'actions.
Il y a - et c'est ce qui vient en premier à l'esprit- les grands projets structurants. Ils sont nécessaires car le Nord a besoin de développer des infrastructures qui lui font actuellement défaut et un équipement industriel inducteur d'activités.
C'est le sens et la raison d'être du projet d'usine du Nord et de l'appui que lui ont apporté les pouvoirs publics. Sa réalisation dans les toutes prochaines années devrait permettre la création de 1000 emplois directs et sans doute deux à trois fois plus d'emplois induits.
J'ai pu ce matin, au cours d'une réunion organisée sur ce thème, prendre la mesure du professionnalisme de l'équipe qui mène ce projet et la qualité du partenariat conduit par la SMSP avec l'entreprise Falconbridge.
J'ai le sentiment que ce challenge est en bonne voie de réussir. Il faut s'en réjouir. C'est un élément essentiel qui se met en place sous nos yeux.
Je citerai enfin, parmi les grands projets, les perspectives de développement du port de NEPOUI qu'il faut encourager. l'avenir de ce pays est aussi sur la mer. Ce potentiel reste encore largement inexploité.
N'oublions pas les infrastructures de désenclavement pour réduire les distances et rendre les hommes moins dépendants des éléments. La transversale entre la côte Est et la côte Ouest, la Kone-Tiwaka, est presque terminée. C'est un atout formidable et un lien qui se renforce entre les deux côtes.
Mais il faut aussi évoquer des projets plus modestes mais qui concourent a cette nécessaire appropriation du développement que j'évoquais tout à l'heure.
Les initiatives ne manquent pas à HIENGHENE.
Je pense en particulier aux actions d'insertion de jeunes des tribus de la chaîne dans le cadre de chantier-école, à l'organisation dans le cadre d'un groupement de droit particulier local, dont le nom est "marche ensemble", de séjours touristiques pour des personnes qui souhaitent découvrir à pied ou à cheval la chaîne et aller à la rencontre des habitants qui y résident. ils bénéficient d'un accueil avec hébergement et restauration en tribu et peuvent faire appel à un guide formé spécialement.
Ce type d'initiative me parait exemplaire d'un développement qui fait appel aux ressources locales et aux savoir-faire des populations, qui préserve le mode de vie et l'environnement tout en permettant une insertion progressive dans le mouvement économique du monde.
HIENGHENE dispose depuis déjà longtemps d'un centre culturel créé à l'initiative de Jean-Marie TJIBAOU. Lieu d'affirmation d'une culture kanak vivante, il exprime l'enracinement, le lien entre les hommes, en même temps que l'ouverture au monde moderne.
Plus récemment, HIENGHENE a fait le choix de développer le tourisme. J'ai cité tout a l'heure quelques exemples d'entreprises réussies en tribu. Je pourrai parler aussi du Club Méditerranée.
Et ici enfin, dans cette baie éclatante, comment ne pas évoquer la mise en place progressive d'un ensemble cohérent et à taille humaine, d'infrastructures touristiques.
L'office du tourisme tout près de nous. Des structures d'hébergement en gîte comme celle du gîte Kawa Boana ou nous nous rendrons dans quelques instants et qui a été voulu et créé par Marie-Claude TJIBAOU. Le projet de base de plaisance, enfin, qui va permettre a HIENGHENE d'être une étape attendue et appréciée dans le tour nautique de Calédonie.
Enfin, s'ajoutant au petit restaurant et aux boutiques installés tout près de nous, ce marché communal, que nous inaugurons aujourd'hui.
Un marché c'est un lieu de vie, d'échanges et de partage.
Un lieu de vie parce que le marché participe à l'animation d'un village. Les jours de marche y sont en général les plus vivants et les plus recherches.
Un lieu d'échanges et de commerce de proximité, c'est sa fonction première. Nul doute qu'il peut aussi, de ce point de vue, aider au développement du tourisme.
Un lieu de partage. C'est peut-être le plus important. On y vient pour la convivialité, pour échanger des nouvelles, pour y retrouver des amis.
Je souhaite que ce marché remplisse toutes ces fonctions et qu'il concoure ainsi au développement de la commune de HIENGHENE et a son rayonnement. Que les concepteurs du projet et tous ceux qui ont oeuvré à sa réalisation en soient vivement félicités.
Je suis très sensible, monsieur le maire, au fait que vous ayez accepté de saisir l'occasion de ma visite pour organiser cette manifestation. Croyez bien que je vous en suis extrêmement reconnaissant. L'accueil qui m'a été réservé me touche beaucoup. Je vous en remercie très sincèrement.
Permettez-moi, en conclusion, tirant prétexte du passage que nous ferons tout à l'heure devant le nouveau collège de HIENGHENE en cours de construction, de vous dire l'attention que je porte aux problèmes de l'Education.
Il n'y aura pas de développement sans formation des jeunes. Il n'y aura pas non plus de reconnaissance pleine et entière et d'affirmation de l'identité kanak sans confrontation avec les autres identités. L'école peut être le lieu de cette confrontation qui enrichit, qui relie au monde tout en donnant la conscience de son altérité.
C'est pourquoi, pour moi, l'école mérite d'être placée en tête des priorités des responsables politiques.
La construction, à l'initiative de la province, de ce collège est un atout supplémentaire pour cette jeunesse qui attend des adultes qu'ils leur remettent les clés donnant accès au monde.
Il faut que collectivement nous soyons à la hauteur de cette attente.
(Source http://www.outre-mer.gouv.fr, le 9 mai 2000)