Tribune de M. Renaud Dutreil, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'État, dans "Le Monde" le 27 avril 2004, sur "l'action réformatrice" de la majorité gouvernementale, la modernisation de l'Etat et la préparation des élections européennes de juin, intitulée "Le manifeste de la réforme heureureuse".

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Média : Emission la politique de la France dans le monde - Le Monde

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Entre l'inertie et la réforme, entre le courage et le renoncement, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a choisi : la réforme, avec courage et détermination. La modernisation de notre Etat est engagée avec, à la clé, une cohésion sociale renforcée, plus d'équité et un dynamisme économique retrouvé.
Certains s'impatientent. Ils voudraient cueillir et partager tout de suite les fruits des efforts collectifs. Nous avons été élus pour cinq ans. C'est au terme de ce mandat que les Français pourront vraiment juger l'uvre accomplie par notre majorité et par le gouvernement. Entre-temps, il faut agir plus encore et obtenir des résultats concrets : nous nous y employons.
Il faut écouter : nous le ferons davantage que nous ne l'avons fait.
Il faut expliquer : le projet de société qui fonde notre action doit mieux éclairer nos décisions.
Il faut aussi placer devant la réalité ceux qui, à gauche, ont cru un peu vite que le plein des voix comblait le vide des idées. Rassembler les Français de bon sens, c'est l'objet de ce manifeste de la réforme. Notre action, nous allons en convaincre les Français qui en doutent, est utile. Elle a trois objectifs.
Protéger d'abord tous les Français - à commencer par les plus modestes - des risques dont ni le marché, ni l'assurance privée, ni la libre initiative ne peuvent nous prémunir tous, à titre individuel ou collectif.
Risque de la maladie, de la vieillesse, des turbulences économiques et des délocalisations qui suppriment les emplois. Risques du terrorisme, de la délinquance, de la menace extérieure qui pèsent sur la tranquillité et la paix publiques.
Comment ne pas voir que le président de la République, le gouvernement et la majorité ont substitué, dans ce volet essentiel de l'action publique, la volonté à l'indécision ?
Les choix du chef de l'Etat face aux crises internationales, à commencer par celle de l'Irak, ont été ceux de la sagesse et de la lucidité. L'Europe, qui aurait pu basculer tout entière dans le camp de la guerre, en a été prévenue. Par son engagement personnel et son autorité internationale, Jacques Chirac a fait mieux que protéger la France. Il a maintenu un pont entre le monde occidental et le monde musulman, évitant le choc des civilisations.
Dans le domaine intérieur, la politique de sécurité ferme et efficace que nous avons entreprise, et qui faisait si cruellement défaut sous Jospin, a mis un terme à l'impuissance d'Etat. Ces résultats semblent acquis, presque banals. L'auraient-ils été sous un autre leadership ? On en doute.
La réforme des retraites, c'était l'Arlésienne des gouvernements de gauche. Nous l'avons faite, sauvant d'une faillite annoncée le régime de répartition qui maintient la solidarité entre les générations. C'est nous qui avons empêché le chacun pour soi qu'aurait produit l'échec de ce régime. C'est nous, et non la gauche prompte à critiquer, lente à proposer, plus lente encore à agir, qui sauverons de la même façon l'assurance-maladie. Efficacité, responsabilité individuelle et esprit de justice devront nous guider dans cette tâche. Avant la fin de l'année, la réforme sera faite.
Le pacte de la solidarité française, c'est notre action réformatrice qui en est le meilleur garant. Comment les Français pourraient-ils préférer la lâcheté au courage ?
Notre deuxième objectif est de permettre à chacun, quelles que soient ses origines sociales, ethniques, religieuses, scolaires, de réussir sa vie en France.
Nous avons libéré l'esprit d'entreprise que les socialistes avaient étouffé. Aujourd'hui, entreprendre n'est plus réservé à une élite mais offert au plus grand nombre.
Nous allons démocratiser l'accès à la fonction publique, encore discriminatoire à l'égard des catégories populaires, des seniors, des handicapés, des Français issus de l'immigration, offrir aux métiers du public de vraies perspectives de développement, de rémunération et de qualité.
Nous donnons à chaque travailleur le droit individuel à la formation, seule véritable assurance contre les aléas du marché de l'emploi et l'évolution incessante des métiers.
Nous allégeons les charges financières qui pèsent sur le travail. Nous permettons à ceux qui ont perdu pied dans le travail de le reprendre - c'est le RMA - et à ceux qui ont commencé tôt à travailler à prendre une retraite méritée : c'est la retraite des carrières longues.
Nous voulons que chacun puisse s'épanouir dans son travail en en recueillant le salaire : c'est l'augmentation sans précédent du smic et la diminution des prélèvements fiscaux sur le revenu des familles.
Les socialistes ont méprisé le travail, en le ravalant à l'état de fardeau. Nous, nous reconnaissons le travail des Français, dans le public comme dans le privé. Nous agissons pour que la rémunération et la qualité du travail s'améliorent dans les usines et les bureaux, pour que le pouvoir d'achat de tous progresse, pour que l'accès au travail soit ouvert aux jeunes : plus de 100 000 contrats jeunes ont déjà été signés et l'apprentissage va être modernisé, ouvrant à plus de jeunes la porte de la réussite professionnelle.
Notre troisième objectif est de préparer l'avenir de notre communauté nationale, en développant la recherche et l'innovation, aussi bien dans le secteur public que dans les laboratoires privés, en préservant notre environnement par un droit nouveau, celui de la Charte de l'environnement, en ouvrant de nouveaux espaces au développement durable qui annonce une économie plus juste et plus respectueuse de la personne humaine.
Nous réformons l'école de la République parce qu'elle est le lieu où se forge l'équité républicaine tout autant que l'économie de l'intelligence. Nous croyons que le "postcapitalisme" est à construire, une économie plus humaine, respectant la personne sans brider l'initiative individuelle et le goût de la réussite.
Nous voulons bâtir un "Etat-prévoyance", mieux à même de préparer l'avenir que ne l'a été "l'Etat-providence", miné de déficits et de dettes nés des erreurs socialistes.
Nous réformons l'Etat pour que le service public soit avant tout le service du public.
Nous adaptons les statuts, celui d'EDF, celui de la décentralisation, celui de la fonction publique, nous simplifions et réorganisons l'Etat pour que l'argent public soit utilisé au mieux des intérêts du pays et que ceux qui font profession de servir le public aient droit au respect et à la reconnaissance.
Nous regardons devant. Pas d'illusion ! C'est nous qui portons en France l'espérance de progrès social et économique. Quand les dirigeants sociaux-démocrates espagnols, britanniques ou allemands engagent ou poursuivent les mêmes réformes que nous, comment croire à l'alternative d'une gauche française retardataire ?
Mais cet avenir, nous voulons le porter avec le plus grand nombre de Français. Ce modèle social français qu'il faut servir par un plus grand dynamisme économique, nous voulons que nos concitoyens le soutiennent avec nous !
Nous soutenir, les Français pourront le faire en juin prochain. L'Europe aura alors son rendez-vous démocratique, l'élection du Parlement européen. Les Français auront à choisir : d'un côté, la panoplie des votes de la peur et du renoncement. Le bulletin qui dit non à l'Europe des 25, non au projet de Constitution européenne. Le bulletin qui dit non à la réforme en France. Le bulletin qui dit non à l'avenir et à l'espérance.
Face aux votes-sanctions qui ne sont que des votes sans action, face à une gauche qui n'a jamais su, lorsqu'elle était au pouvoir, résister à la pression anglo-saxonne ou convaincre ses partenaires d'imiter ses erreurs, nous proposerons le "vote-action".
Action pour préserver l'Europe de la paix. Action pour défendre et promouvoir le modèle républicain français dans la nouvelle Europe. Action pour soutenir le gouvernement dans ses réformes. Action pour que la France soit la force politique, économique, sociale, culturelle, diplomatique d'une Europe qui reste à construire.
En juin, nous ferons en sorte que les Français sanctionnent le camp socialiste, source d'inquiétude et de risques, et soutiennent la France positive. Nous nous battrons pour qu'ils disent oui à la France, par le "vote-action", par le vote majorité. C'est l'appel que je lance aujourd'hui, par ce manifeste de la réforme ! Cette réforme que nous voulons plus que jamais heureuse, nous la ferons pour les Français, et avec eux.
Renaud Dutreil est ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat.
(Source http://www.u-m-p.org, le 29 avril 2004)