Texte intégral
Q - Monsieur Hervé Gaymard, ministre français de l'Agriculture, de l'Alimentation, de la Pêche et des Affaires rurales, bienvenu en Egypte.
R - Merci de m'accueillir.
Q - Votre visite au Caire coïncide avec la visite du président Hosni Moubarak en France et sa rencontre avec le président français Jacques Chirac. Dans quel sens cette rencontre des deux chefs d'Etat peut-elle relancer la coopération égypto-française surtout dans le domaine agricole ?
R - Je crois qu'il faudra laisser aux chefs d'Etat le soin de s'exprimer. Pour ce qui me concerne, je suis heureux d'être de retour en Egypte où j'ai vécu de 1990 à 1993 et je suis heureux de revenir comme ministre de l'Agriculture puisque l'Egypte et la France sont des grands pays agricoles. Ils ont une très importante coopération qui se poursuit depuis 20 ans et je suis ici pour rencontrer mes homologues égyptiens afin d'améliorer et approfondir cette coopération.
Q - Donc, pouvez-vous nous parler, avec plus de détails, de votre agenda, sur lequel figuraient plusieurs rencontres avec le Dr Youssef Wali, vice-Premier ministre et ministre de l'Agriculture, et d'autres responsables.
R - Mais aussi Monsieur le Premier ministre, le Dr Atef Ebeid et puis les hommes d'affaires franco-égyptiens. Je crois que notre coopération se fait dans trois directions. Tout d'abord, et bien évidemment, la coopération en matière agricole. Depuis 20 ans, une centaine de projets ont été financés. Ce sont des projets concrets pour améliorer l'agriculture en Egypte et nous allons poursuivre cette coopération. Le deuxième sujet, c'est l'accord que nous avons signé avec mon homologue ministre de l'Agriculture pour renforcer les liens en matière vétérinaire, pour la sécurité de l'alimentation, et puis enfin, comme vous le savez, en matière commerciale. Nos deux pays sont des partenaires importants : l'Egypte, puisqu'elle exporte notamment des fruits et des légumes vers la France et vers l'Europe, et la France, en matière céréalière, puisque nous vendons des céréales à l'Egypte ; excepté l'année dernière puisque nous avons eu une sécheresse qui ne nous a pas permis d'exporter. Mais nous souhaitons relancer cette coopération durable en matière céréalière.
Q - La coopération égypto-française dans le domaine agricole est donc un exemple réussi de la coopération entre l'Egypte et un pays européen et c'est, à mon avis, surtout grâce au Bureau de liaison agricole franco-égyptien. Comment expliquez-vous le rôle de ce bureau dans les relations des deux pays ?
R - Je crois tout d'abord que nous avons eu des femmes et des hommes passionnés, à la fois des Egyptiens et des Français, parce ce que, comme vous savez, on ne fait rien sans passion. Et je crois que c'est d'abord cette passion de la coopération et du développement agricole qui a fait que ce bureau a pu faire tant de chose depuis 20 ans. Je crois que la deuxième clé de la réussite, c'est l'étroite coopération avec le ministère égyptien de l'Agriculture parce sinon cela n'aurait pas été possible. Et puis enfin, la troisième condition c'est qu'il y ait des financements stables et durables. C'est ce qui s'est passé puisque la contrepartie de l'aide alimentaire française a été utilisée pour financer tous ces projets, donc on a vraiment un projet durable. Et ce que je suis venu dire ici aujourd'hui, c'est que nous allons continuer.
Q - Donc, pour parler de l'avenir, dans quel sens ira la coopération égypto-française dans le domaine agricole pour les années à venir ? Dans quel domaine allez-vous travailler le plus, dans le domaine du financement de projets, dans le domaine de la formation, dans le domaine du transfert de technologies ou bien dans d'autres domaines encore ?
R - Je crois que s'agissant du financement nous continuerons d'avoir les financements que l'on connaît dans le cadre des contreparties de l'aide alimentaire française mais il y a aussi tous les financements multilatéraux et bilatéraux dont peut bénéficier l'Egypte de la part de la communauté internationale. Ensuite, il y a les projets eux-mêmes et je crois effectivement qu'il ne faut pas se limiter dans le choix des projets mais ce qui me paraît extrêmement important c'est tout d'abord la formation des hommes et des femmes, puisque l'on sait bien qu'en matière agricole, le développement se fait grâce à des agriculteurs et des agricultrices formés. Le deuxième sujet, c'est évidemment la recherche adaptée au climat et à l'agriculture égyptienne et on sait qu'on a beaucoup de vulgarisation et d'amélioration que ce soit d'ailleurs pour les animaux en matière génétique ou que ce soit pour les plantes pour les productions végétales. Donc, cette dimension de la recherche est extrêmement importante. Et puis, je pense qu'il y a un troisième aspect qui est important. C'est évidemment la commercialisation, qu'il s'agisse de la commercialisation en Egypte avec les circuits de distribution pour le marché égyptien ou qu'il s'agisse de l'exportation, où que ce soit dans le monde, et notamment à destination de l'Union européenne où il faut que les choses soient mieux organisées qu'elles ne le sont aujourd'hui.
Q - Est-ce qu'il y a un projet qui est pour vous un exemple vraiment réussi de la coopération égypto-française dans le domaine agricole, un projet actuel ?
R - Dans ce que j'ai vu cet après-midi, il y aurait beaucoup de choses à dire parce tout est intéressant et tout est important. Mais à titre sentimental, je dirais que comme j'ai vu que les vaches qui viennent de mon pays natal, la Savoie, se sont merveilleusement adaptées au climat égyptien et qu'avec cette coopération en matière de race laitière française, on commence à produire du fromage en Egypte qui n'est pas encore au stade du développement industriel et des productions de masse mais qui commence à être intéressant, je me dis que les Egyptiens et les Français n'ont pas perdu leur temps.
Q - Nous, en Egypte, on s'intéresse beaucoup au fromage français bien sûr et vous, en tant que ministre de l'Agriculture, de l'Alimentation, est-ce qu'il y a une plante, un produit alimentaire égyptien qui vous intéresse personnellement ?
R - Ecoutez, moi j'ai assisté il y a douze ou treize ans quand je vivais ici au début de la culture de l'endive et de l'asperge. Il y a bien sûr eu des endives et des asperges en Egypte depuis toujours puisque la racine étymologique vient de l'Egypte mais il n'empêche que c'était une production qui n'était pas commercialisée. Il y a des pionniers qui ont fait ce travail à la fin des années 1980 et au début des années 1990 et maintenant ils se rendent compte que c'est une production qui se développe et je trouve que c'est une assez belle histoire et cela permet de voir tout ce que peut faire l'Egypte dans une voie de progrès partagé.
Q - Au cours de votre carrière, vous avez été en poste au Caire au début des années 1990, qu'est-ce que vous gardez en mémoire de l'Egypte ?
R - Ce sont les plus belles années de ma vie parce que c'est un pays qui est merveilleux.
Q - Pourquoi ?
R - Je dirais d'abord par la gentillesse des Egyptiens, ensuite parce que c'est un pays où l'on sait rire et les pays où l'on sait rire, où l'on a de l'humour, ce n'est pas si fréquent. Et puis enfin bien évidemment il y a la majesté des paysages et de cette immense civilisation qui nous impressionne beaucoup. Et puis un art de vivre. Je garde un goût des couleurs et des odeurs de l'Egypte en moi et je crois qu'il n'y a pas un jour où je ne pense pas à l'Egypte.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 23 avril 2004)