Texte intégral
Les tables rondes sont animées par Stéphane PAOLI.
Participent à la table ronde :
Luc FERRY, Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche
Anna Maria COMITOFECCHIO, Présidente du COFACE Handicap en Italie et chargée de l'organisation de l'Année européenne
Mireille BALVERDE, principale du collège Léonard de Vinci à Saint-Romain-le-Puy (Loire)
Monsieur et Madame JACOB, parents de Yann-Vari, 13 ans, de Lorient
Joël ROY, pédopsychiatre au CHU de Montpellier-Nîmes
Papa SAMBA POUYE, étudiant en thèse de droit public à l'Université de Caen
Christian DELORME, président du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes.
Stéphane PAOLI - Madame Comito, vous êtes la présidente de COFACE Handicap et vous êtes chargée de l'organisation de l'Année européenne des personnes handicapées en Italie. Pourtant, vous êtes venue aujourd'hui pour vous exprimer à titre privé, en tant que mère d'une enfant handicapée. Quand les premières décisions juridiques ont-elles été prises en Italie ?
Anna Maria COMITO - Le combat pour l'intégration des enfants handicapés dans un milieu scolaire normal a commencé dans les années 70. En 1977 la loi n.517 a donné accès à l'école ordinaire à tout enfant handicapé, même très grave , polyhandicapé, handicapé mental profond, autiste et a obligé la fermeture des écoles spéciales pour enfants handicapés . Cette loi a permis leur intégration de droit dans des écoles et collèges normaux.
Cette loi a stimulé la mise en place de tout un réseau de services de soutien. En 1987, une sentence de la Cour Constitutionnelle a affirmé le droit de tout enfant handicapé même très grave à être intégré dans une école normale pour permettre sa socialisation. Le vrai progrès a été réalisé grâce à la mise en place de la loi-cadre en 1992 " Assistance , intégration, et droits des personnes handicapées " .
Pour la première fois la personne handicapée est prise en charge dans toute sa globalité, indépendamment de son état et de son handicap avec une approche innovatrice qui considère la personne handicapée dans l'ensemble de son développement de la naissance et durant toute sa vie tenant compte de la famille et de son entourage, de l'école, du travail, des loisirs...Tout enfant handicapé est inscrit à l'école comme n'importe quel enfant normal. Les parents doivent seulement apporter au moment de son inscription un diagnostic pour aider l'équipe scolaire à réaliser un projet individuel qui est discuté dans le cadre d'un groupe de travail composé d'une équipe avec les différents professionnels et tous les acteurs qui devront accueillir l'enfant .
Stéphane PAOLI - Ce projet semble tout à fait en décalage à l'heure de la mondialisation. Quelle est la structure existante aujourd'hui ?
Anna Maria COMITO - A l'heure de la décentralisation, les directeurs d'école établissent des accords de programme avec les unités sanitaires locales et avec la commune qui s'occupe des auxiliaires de vie, des transports et des aides à domicile.
Stéphane PAOLI - Est-il possible d'agir au cas par cas ?
Anna Maria COMITO - Oui. Sur chaque enfant est établi un projet personnalisé, qui en cours d'année est revu avec toutes les personnes qui s'occupent et connaissent l'enfant (médecin, physiothérapeute, volontaires, famille, éducateurs, enseignants, services de proximité etc.) Un projet individuel est établi. Il peut être essentiellement orienté vers la socialisation d'un enfant handicapé. Il permet une meilleure qualité de vie de l'enfant et en même temps de sa famille
Comme vous l'évoquez, lorsque dans une classe, un enfant est sourd, toute la classe apprend le langage des signes. La notion de partage prend alors tout son sens. D'ailleurs, cette expérience se développe de plus en plus en Italie.
De plus, les enfants handicapés ont la priorité lorsque le nombre de places dans une classe est limité. Cette priorité est valable dès la crèche où l'enfant fait l'objet d'un suivi grâce à la présence d'un personnel compétent. Le climat général de la classe change souvent en présence d'un enfant handicapé car il est déterminant pour un enrichissement culturel, social, pour former les jeunes " normaux " à accepter les différences, à les préparer dans leur rôle de citoyens, à leurs postes de décideurs . En outre cela induit une meilleure collaboration entre enfants et un grand enrichissement humain de tous, y compris les parents des élèves normaux.
Par ailleurs, un enfant handicapé peut rester à l'école jusqu'à 20 ans. Après cet âge, il existe des centres de jour ou de loisirs qui peuvent l'accueillir. Actuellement, 5 000 personnes handicapées sont inscrites à l'université.
Stéphane PAOLI - On ne parle pas assez du soutien apporté aux parents. Comment ce soutien s'organise-t-il en Italie ?
Anna Maria COMITO - Avec la fermeture des centres spécialisés, les parents étaient les premiers à supporter l'assistance journalière des enfants handicapés. Ils ont donc revendiqué le droit d'avoir une vie professionnelle normale. Dans la loi 104/92 , l'article 33 a reconnu le droit des parents travailleurs avec un enfant handicapé à charge à trois jours de congés payés par mois, qui peuvent être fractionnés en jours ou en heures, selon les besoins. Sauf faute grave, ils ne peuvent être licenciés. Enfin, ils ont obtenu le droit à deux ans de retraite anticipée même fractionné.
Par ailleurs, la proximité entre l'école de l'enfant et le lieu de travail est très importante et cela ne coûte rien.
Dans presque toute l'Italie, les parents bénéficient d'une aide à domicile de trois heures par jour et même plus selon la gravité du handicap. Cette aide n'est pas liée aux revenus.
Une autre conquête a été réalisée grâce à une convention signée entre les Associations des familles et le Ministère de la Défense qui envoie des objecteurs de conscience soutenir et aider les familles pour permettre une meilleure intégration et socialisation de l'enfant handicapé sur le territoire.
Tous ces réseaux de services et de personnes aident une meilleure intégration de la famille, combattent l'exclusion et l'isolement et permettent une meilleure qualité de vie de la personne handicapée et de tout son entourage.
Stéphane PAOLI - Qu'est-ce que ces mesures ont changé dans la vie quotidienne en Italie ?
Anna Maria COMITO - Elles ont permis une ouverture de la personne handicapée au monde social et ont facilité son intégration dans le monde du travail dans l'ensemble du pays. Toutes ces mesures ont en outre sensibilisé tout l'entourage et ont aidé les parents à vivre une vie presque comme tous les autres parents. La famille se sent moins seule et isolée. Malgré les difficultés, l'enfant handicapé vit le plus possible comme tout enfant de son âge.
Stéphane PAOLI - Madame et Monsieur Jacob, vous êtes les parents de Yann-Vari qui est autiste. Comment réagissez-vous à ce témoignage ?
Madame JACOB - L'autisme de notre enfant a été décelé tardivement.
Stéphane PAOLI - Monsieur Roy, l'autisme est-il difficile à diagnostiquer ?
Joël ROY - Oui mais les professionnels ont fait beaucoup de progrès et sont plus sensibilisés à cette maladie. Ces enfants sont aujourd'hui pris en charge beaucoup plus tôt.
Monsieur JACOB - Nous avons sorti notre enfant du cursus scolaire. La prise en compte de son cas est toujours immédiate mais on ne peut pas faire grand-chose. Il convient de dire que l'autisme est une maladie orpheline qui demande une prise en charge spécifique et qui nécessite des personnes formées. Des associations qui s'occupent d'autisme se battent à ce niveau et ont permis à ce que notre fils soit réintégré en milieu scolaire en 1999.
Joël ROY - Il y a peut-être des explications à cette reconnaissance tardive. Un diagnostic est nécessaire. En France, ce sont d'abord les services de soin qui prennent en charge les enfants alors qu'en Italie, par exemple, l'Education Nationale s'implique directement dans l'établissement du diagnostic.
Stéphane PAOLI - Madame Balverde, comment apprenez-vous au sein de votre collège qu'un enfant est autiste ?
Mireille BALVERDE - On ne l'apprend pas par hasard. Il existe une commission départementale d'éducation spécialisée au niveau du collège, qui est chargée de faire un diagnostic et de prendre une décision à l'égard de chaque enfant handicapé.
Stéphane PAOLI - Que peut-on faire face à des parents désemparés qui ont un enfant handicapé à charge ?
Mireille BALVERDE - Les parents disposent de structures de soin adaptées. L'établissement scolaire n'est que l'aboutissement d'un certain nombre de décisions prises auparavant.
Stéphane PAOLI - En Italie, on a dit que la scolarisation est obligatoire pour les enfants handicapés comme pour les enfants en bonne santé. Qu'en pensez-vous ?
Mireille BALVERDE - C'est la loi et je suis tout à fait ouverte à cette mesure mais des problèmes pratiques en termes de matériel et de personnels compétents se posent à cette mise en place.
Stéphane PAOLI - Qu'en est-il du soutien apporté aux parents en France ?
Luc FERRY - Nous avons décidé de mettre en place un plan pluriannuel pour développer des moyens en ce sens. C'est dans la perspective de l'intégration du handicap comme priorité du quinquennat que s'inscrivent ces actions dans l'ensemble des ministères. Au sein du ministère de l'Education nationale que je dirige, il nous faut progresser sur trois domaines en chantier.
- Il faut étendre la scolarisation des enfants handicapés dits " scolarisables ", soit entre 10 000 et 15 000 enfants.
- Il faut améliorer les structures qui existent déjà, notamment dans le domaine de la formation des personnels mais aussi dans les moyens investis dans le matériel pédagogique.
- Il est indispensable, enfin, de mieux prendre en charge, informer et aider les familles.
Un plan pluriannuel sur cinq ans, dont l'effort principal sera fourni dès la première année, doit permettre de mener à bien ces trois objectifs.
Garantir pour tous le droit à la scolarité
Cette démarche doit se faire dans des écoles ordinaires, à domicile ou dans des institutions médicales. Elle consiste à assurer la continuité scolaire de l'enfant. Dans le premier degré, 76 000 enfants handicapés sont pris en charge, mais dans les collèges et les lycées, une rupture inquiétante s'opère puisqu'il n'y a que 300 unités pédagogiques d'intégration qui s'occupent de ces enfants. Je propose donc de créer 1 000 UPI dans les cinq ans qui viennent, classes qui prendront en charge les enfants handicapés dans l'enseignement secondaire.
L'effort sera poursuivi dans le supérieur, où 7 500 étudiants handicapés sont déjà scolarisés. Une permanence d'accueil sera mise en place dans chaque université ainsi qu'un centre de ressources pour l'enfance et l'adolescence ou maison du handicap dans chaque département.
Améliorer la formation des personnels
Dans ce dessein, la réforme des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres sera proposée à la fin du mois. Elle comprend la création d'un module de formation et de mobilisation au handicap pour tous les enseignants pour qu'ils acquièrent quelques notions à ce sujet et puissent aider les familles.
Je demande que des modules de formation à la prise en charge du handicap soient élaborés dans les écoles d'architectes et d'ingénieurs qui dépendent de l'Education Nationale. Cette exigence doit être prévue dans la conception même des bâtiments scolaires.
Il faut également améliorer les conditions actuelles de scolarisation des enfants handicapés. Dès l'année prochaine, en dehors des 1 000 UPI supplémentaires, 5 000 aides à la vie scolaire, pour la plupart des étudiants, seront recrutés.
Par ailleurs, dix millions d'euros supplémentaires seront consacrés à l'achat du matériel dans les UPI et classes spécialisées et au transport des enfants handicapés. Le fonctionnement des commissions départementales d'éducation spécialisée sera également réorganisé. Au total, 35 % de moyens supplémentaires seront mis en place pour l'intégration du handicap au sein des établissements.
En ce qui concerne la question du regard posé sur le handicap, il y a encore beaucoup de progrès à accomplir. La présence des enfants handicapés dans les établissements scolaires est l'occasion de développer un rapport aux autres et de sortir de l'idéologie bienveillante du droit à la différence. Les enfants handicapés sont avant tout des enfants comme les autres qui ont les mêmes besoins que les autres. Les réticences des enseignants partent d'un sentiment d'incompétence et non d'un refus total du handicap.
Stéphane PAOLI - J'invite le grand témoin de cette table ronde, Monsieur Delorme, à venir s'exprimer. Vous représentez 44 grandes associations françaises. Qu'attendez-vous de cette Année européenne des personnes handicapées ?
Christian DELORME - En tant que membre du Forum européen des personnes handicapées, je salue le grand mouvement apporté par les Italiens. Ce n'est pas un modèle dessiné par l'Italie, mais plutôt une voie. Elle vise avant tout à l'autonomie des personnes, à une meilleure intégration et à la modification du regard qu'on porte sur eux. En France, nous n'arrivons pas à diminuer les phénomènes de stigmatisation dont la presse se fait d'ailleurs largement l'écho. Par contre, en Italie, cette stigmatisation est réduite.
A Rome, en mai dernier, en coordination avec nos collègues européens, nous sommes arrivés à un consensus qui donne la possibilité à chaque personne handicapée de trouver une solution personnalisée à son handicap.
L'approche italienne est donc un mouvement très intéressant qui doit être appliqué de façon tout à fait pragmatique. Par conséquent, j'approuve la décision de Monsieur Ferry d'améliorer la formation du personnel pour détecter les anomalies de manière précoce et éviter les complications.
(source http://www.handicap.gouv.fr, le 8 octobre 2003)
Participent à la table ronde :
Luc FERRY, Ministre de la Jeunesse, de l'Education nationale et de la Recherche
Anna Maria COMITOFECCHIO, Présidente du COFACE Handicap en Italie et chargée de l'organisation de l'Année européenne
Mireille BALVERDE, principale du collège Léonard de Vinci à Saint-Romain-le-Puy (Loire)
Monsieur et Madame JACOB, parents de Yann-Vari, 13 ans, de Lorient
Joël ROY, pédopsychiatre au CHU de Montpellier-Nîmes
Papa SAMBA POUYE, étudiant en thèse de droit public à l'Université de Caen
Christian DELORME, président du Conseil français des personnes handicapées pour les questions européennes.
Stéphane PAOLI - Madame Comito, vous êtes la présidente de COFACE Handicap et vous êtes chargée de l'organisation de l'Année européenne des personnes handicapées en Italie. Pourtant, vous êtes venue aujourd'hui pour vous exprimer à titre privé, en tant que mère d'une enfant handicapée. Quand les premières décisions juridiques ont-elles été prises en Italie ?
Anna Maria COMITO - Le combat pour l'intégration des enfants handicapés dans un milieu scolaire normal a commencé dans les années 70. En 1977 la loi n.517 a donné accès à l'école ordinaire à tout enfant handicapé, même très grave , polyhandicapé, handicapé mental profond, autiste et a obligé la fermeture des écoles spéciales pour enfants handicapés . Cette loi a permis leur intégration de droit dans des écoles et collèges normaux.
Cette loi a stimulé la mise en place de tout un réseau de services de soutien. En 1987, une sentence de la Cour Constitutionnelle a affirmé le droit de tout enfant handicapé même très grave à être intégré dans une école normale pour permettre sa socialisation. Le vrai progrès a été réalisé grâce à la mise en place de la loi-cadre en 1992 " Assistance , intégration, et droits des personnes handicapées " .
Pour la première fois la personne handicapée est prise en charge dans toute sa globalité, indépendamment de son état et de son handicap avec une approche innovatrice qui considère la personne handicapée dans l'ensemble de son développement de la naissance et durant toute sa vie tenant compte de la famille et de son entourage, de l'école, du travail, des loisirs...Tout enfant handicapé est inscrit à l'école comme n'importe quel enfant normal. Les parents doivent seulement apporter au moment de son inscription un diagnostic pour aider l'équipe scolaire à réaliser un projet individuel qui est discuté dans le cadre d'un groupe de travail composé d'une équipe avec les différents professionnels et tous les acteurs qui devront accueillir l'enfant .
Stéphane PAOLI - Ce projet semble tout à fait en décalage à l'heure de la mondialisation. Quelle est la structure existante aujourd'hui ?
Anna Maria COMITO - A l'heure de la décentralisation, les directeurs d'école établissent des accords de programme avec les unités sanitaires locales et avec la commune qui s'occupe des auxiliaires de vie, des transports et des aides à domicile.
Stéphane PAOLI - Est-il possible d'agir au cas par cas ?
Anna Maria COMITO - Oui. Sur chaque enfant est établi un projet personnalisé, qui en cours d'année est revu avec toutes les personnes qui s'occupent et connaissent l'enfant (médecin, physiothérapeute, volontaires, famille, éducateurs, enseignants, services de proximité etc.) Un projet individuel est établi. Il peut être essentiellement orienté vers la socialisation d'un enfant handicapé. Il permet une meilleure qualité de vie de l'enfant et en même temps de sa famille
Comme vous l'évoquez, lorsque dans une classe, un enfant est sourd, toute la classe apprend le langage des signes. La notion de partage prend alors tout son sens. D'ailleurs, cette expérience se développe de plus en plus en Italie.
De plus, les enfants handicapés ont la priorité lorsque le nombre de places dans une classe est limité. Cette priorité est valable dès la crèche où l'enfant fait l'objet d'un suivi grâce à la présence d'un personnel compétent. Le climat général de la classe change souvent en présence d'un enfant handicapé car il est déterminant pour un enrichissement culturel, social, pour former les jeunes " normaux " à accepter les différences, à les préparer dans leur rôle de citoyens, à leurs postes de décideurs . En outre cela induit une meilleure collaboration entre enfants et un grand enrichissement humain de tous, y compris les parents des élèves normaux.
Par ailleurs, un enfant handicapé peut rester à l'école jusqu'à 20 ans. Après cet âge, il existe des centres de jour ou de loisirs qui peuvent l'accueillir. Actuellement, 5 000 personnes handicapées sont inscrites à l'université.
Stéphane PAOLI - On ne parle pas assez du soutien apporté aux parents. Comment ce soutien s'organise-t-il en Italie ?
Anna Maria COMITO - Avec la fermeture des centres spécialisés, les parents étaient les premiers à supporter l'assistance journalière des enfants handicapés. Ils ont donc revendiqué le droit d'avoir une vie professionnelle normale. Dans la loi 104/92 , l'article 33 a reconnu le droit des parents travailleurs avec un enfant handicapé à charge à trois jours de congés payés par mois, qui peuvent être fractionnés en jours ou en heures, selon les besoins. Sauf faute grave, ils ne peuvent être licenciés. Enfin, ils ont obtenu le droit à deux ans de retraite anticipée même fractionné.
Par ailleurs, la proximité entre l'école de l'enfant et le lieu de travail est très importante et cela ne coûte rien.
Dans presque toute l'Italie, les parents bénéficient d'une aide à domicile de trois heures par jour et même plus selon la gravité du handicap. Cette aide n'est pas liée aux revenus.
Une autre conquête a été réalisée grâce à une convention signée entre les Associations des familles et le Ministère de la Défense qui envoie des objecteurs de conscience soutenir et aider les familles pour permettre une meilleure intégration et socialisation de l'enfant handicapé sur le territoire.
Tous ces réseaux de services et de personnes aident une meilleure intégration de la famille, combattent l'exclusion et l'isolement et permettent une meilleure qualité de vie de la personne handicapée et de tout son entourage.
Stéphane PAOLI - Qu'est-ce que ces mesures ont changé dans la vie quotidienne en Italie ?
Anna Maria COMITO - Elles ont permis une ouverture de la personne handicapée au monde social et ont facilité son intégration dans le monde du travail dans l'ensemble du pays. Toutes ces mesures ont en outre sensibilisé tout l'entourage et ont aidé les parents à vivre une vie presque comme tous les autres parents. La famille se sent moins seule et isolée. Malgré les difficultés, l'enfant handicapé vit le plus possible comme tout enfant de son âge.
Stéphane PAOLI - Madame et Monsieur Jacob, vous êtes les parents de Yann-Vari qui est autiste. Comment réagissez-vous à ce témoignage ?
Madame JACOB - L'autisme de notre enfant a été décelé tardivement.
Stéphane PAOLI - Monsieur Roy, l'autisme est-il difficile à diagnostiquer ?
Joël ROY - Oui mais les professionnels ont fait beaucoup de progrès et sont plus sensibilisés à cette maladie. Ces enfants sont aujourd'hui pris en charge beaucoup plus tôt.
Monsieur JACOB - Nous avons sorti notre enfant du cursus scolaire. La prise en compte de son cas est toujours immédiate mais on ne peut pas faire grand-chose. Il convient de dire que l'autisme est une maladie orpheline qui demande une prise en charge spécifique et qui nécessite des personnes formées. Des associations qui s'occupent d'autisme se battent à ce niveau et ont permis à ce que notre fils soit réintégré en milieu scolaire en 1999.
Joël ROY - Il y a peut-être des explications à cette reconnaissance tardive. Un diagnostic est nécessaire. En France, ce sont d'abord les services de soin qui prennent en charge les enfants alors qu'en Italie, par exemple, l'Education Nationale s'implique directement dans l'établissement du diagnostic.
Stéphane PAOLI - Madame Balverde, comment apprenez-vous au sein de votre collège qu'un enfant est autiste ?
Mireille BALVERDE - On ne l'apprend pas par hasard. Il existe une commission départementale d'éducation spécialisée au niveau du collège, qui est chargée de faire un diagnostic et de prendre une décision à l'égard de chaque enfant handicapé.
Stéphane PAOLI - Que peut-on faire face à des parents désemparés qui ont un enfant handicapé à charge ?
Mireille BALVERDE - Les parents disposent de structures de soin adaptées. L'établissement scolaire n'est que l'aboutissement d'un certain nombre de décisions prises auparavant.
Stéphane PAOLI - En Italie, on a dit que la scolarisation est obligatoire pour les enfants handicapés comme pour les enfants en bonne santé. Qu'en pensez-vous ?
Mireille BALVERDE - C'est la loi et je suis tout à fait ouverte à cette mesure mais des problèmes pratiques en termes de matériel et de personnels compétents se posent à cette mise en place.
Stéphane PAOLI - Qu'en est-il du soutien apporté aux parents en France ?
Luc FERRY - Nous avons décidé de mettre en place un plan pluriannuel pour développer des moyens en ce sens. C'est dans la perspective de l'intégration du handicap comme priorité du quinquennat que s'inscrivent ces actions dans l'ensemble des ministères. Au sein du ministère de l'Education nationale que je dirige, il nous faut progresser sur trois domaines en chantier.
- Il faut étendre la scolarisation des enfants handicapés dits " scolarisables ", soit entre 10 000 et 15 000 enfants.
- Il faut améliorer les structures qui existent déjà, notamment dans le domaine de la formation des personnels mais aussi dans les moyens investis dans le matériel pédagogique.
- Il est indispensable, enfin, de mieux prendre en charge, informer et aider les familles.
Un plan pluriannuel sur cinq ans, dont l'effort principal sera fourni dès la première année, doit permettre de mener à bien ces trois objectifs.
Garantir pour tous le droit à la scolarité
Cette démarche doit se faire dans des écoles ordinaires, à domicile ou dans des institutions médicales. Elle consiste à assurer la continuité scolaire de l'enfant. Dans le premier degré, 76 000 enfants handicapés sont pris en charge, mais dans les collèges et les lycées, une rupture inquiétante s'opère puisqu'il n'y a que 300 unités pédagogiques d'intégration qui s'occupent de ces enfants. Je propose donc de créer 1 000 UPI dans les cinq ans qui viennent, classes qui prendront en charge les enfants handicapés dans l'enseignement secondaire.
L'effort sera poursuivi dans le supérieur, où 7 500 étudiants handicapés sont déjà scolarisés. Une permanence d'accueil sera mise en place dans chaque université ainsi qu'un centre de ressources pour l'enfance et l'adolescence ou maison du handicap dans chaque département.
Améliorer la formation des personnels
Dans ce dessein, la réforme des Instituts Universitaires de Formation des Maîtres sera proposée à la fin du mois. Elle comprend la création d'un module de formation et de mobilisation au handicap pour tous les enseignants pour qu'ils acquièrent quelques notions à ce sujet et puissent aider les familles.
Je demande que des modules de formation à la prise en charge du handicap soient élaborés dans les écoles d'architectes et d'ingénieurs qui dépendent de l'Education Nationale. Cette exigence doit être prévue dans la conception même des bâtiments scolaires.
Il faut également améliorer les conditions actuelles de scolarisation des enfants handicapés. Dès l'année prochaine, en dehors des 1 000 UPI supplémentaires, 5 000 aides à la vie scolaire, pour la plupart des étudiants, seront recrutés.
Par ailleurs, dix millions d'euros supplémentaires seront consacrés à l'achat du matériel dans les UPI et classes spécialisées et au transport des enfants handicapés. Le fonctionnement des commissions départementales d'éducation spécialisée sera également réorganisé. Au total, 35 % de moyens supplémentaires seront mis en place pour l'intégration du handicap au sein des établissements.
En ce qui concerne la question du regard posé sur le handicap, il y a encore beaucoup de progrès à accomplir. La présence des enfants handicapés dans les établissements scolaires est l'occasion de développer un rapport aux autres et de sortir de l'idéologie bienveillante du droit à la différence. Les enfants handicapés sont avant tout des enfants comme les autres qui ont les mêmes besoins que les autres. Les réticences des enseignants partent d'un sentiment d'incompétence et non d'un refus total du handicap.
Stéphane PAOLI - J'invite le grand témoin de cette table ronde, Monsieur Delorme, à venir s'exprimer. Vous représentez 44 grandes associations françaises. Qu'attendez-vous de cette Année européenne des personnes handicapées ?
Christian DELORME - En tant que membre du Forum européen des personnes handicapées, je salue le grand mouvement apporté par les Italiens. Ce n'est pas un modèle dessiné par l'Italie, mais plutôt une voie. Elle vise avant tout à l'autonomie des personnes, à une meilleure intégration et à la modification du regard qu'on porte sur eux. En France, nous n'arrivons pas à diminuer les phénomènes de stigmatisation dont la presse se fait d'ailleurs largement l'écho. Par contre, en Italie, cette stigmatisation est réduite.
A Rome, en mai dernier, en coordination avec nos collègues européens, nous sommes arrivés à un consensus qui donne la possibilité à chaque personne handicapée de trouver une solution personnalisée à son handicap.
L'approche italienne est donc un mouvement très intéressant qui doit être appliqué de façon tout à fait pragmatique. Par conséquent, j'approuve la décision de Monsieur Ferry d'améliorer la formation du personnel pour détecter les anomalies de manière précoce et éviter les complications.
(source http://www.handicap.gouv.fr, le 8 octobre 2003)