Interview de M. Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France, à RTL le 5 novembre 2003, sur la popularité du gouvernement Raffarin, le livre de M. Jean-Marc Benamou sur le comportement du général de Gaulle pendant la guerre d'Algérie vis-à-vis des harkis et sur la préparation des élections européennes 2004.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

J.-M. Aphatie-. -. On sait qui vous êtes mais on ne sait plus trop où vous êtes dans la majorité aujourd'hui ?
- " Moi, je sais où je suis... "
Et alors ? dans la majorité ?
- " Je soutiens le Gouvernement et je soutiens le président de la République. Mais je ne suis pas à l'UMP, si c'est ce que vous voulez savoir. "
Dites-nous ce que vous pensez de cette journée à la carte. On travaillerait pour les personnes âgées, pour financer le plan vieillesse. C'est bien, c'est pas bien ?
- " Pourquoi pas... "
Vous êtes enthousiaste ?
- " Je ne suis pas enthousiaste. Chacun sait qu'il faut trouver de l'argent pour faire face aux conséquences, d'une part de la canicule, et puis la nécessité d'avoir un plan à destination des personnes âgées qui soit digne de ce nom. Alors, ma foi, que l'on essaie de trouver de l'argent en supprimant un jour férié, pourquoi pas ? Qu'on laisse ce choix aux entreprises, là, ça me parait un peu plus original. "
C'est-à-dire ? Ca va être un peu du bazar, un peu cafouilleux, c'est ce que vous voulez dire ?
- " On verra. "
D'accord. Tous les sondages indiquent une chute de popularité de J.-P. Raffarin. Le dernier en date, c'est BVA pour Paris Match : 33 % des Français lui font confiance, quand 58 % ont une mauvaise opinion du Premier ministre. C'est une impopularité qui tire aussi vers le bas le président de la République. A votre avis, cela peut durer longtemps comme ça ?
- " Je crois que le Gouvernement de J.-P. Raffarin a connu, et continue à connaître une situation difficile. Sans remonter à la préhistoire, chacun sait que les conséquences de la gestion précédente ne sont pas effacées ! "
L'héritage, toujours l'héritage...
- " Mais ce n'est pas "l'héritage". Il se trouve que je dirige une collectivité monsieur Apathie. "
Le conseil général des Hauts-de-Seine.
- " Oui, je sais donc ce dont je parle. Si on ne profite pas des périodes de prospérité pour réduire l'endettement et le déficit, quand le fera-t-on ? On ne l'a pas fait ! "
Donc c'est la faute aux socialistes si J.-P. Raffarin est impopulaire ?
- " On ne l'a pas fait ! Donc, J.-P. Raffarin hérite d'une situation difficile. Il a le mérite d'y faire face. Il ne faut pas qu'il se laisse impressionner par les sondages. "
C'est un bon Premier ministre ?
- " Les sondages, ça monte et ça descend. "
Là, ils descendent.
- " Quand ça descend, ça ne peut plus que remonter à un certain moment. "
C'est un bon Premier ministre ?
- " Je crois que c'est un bon Premier ministre. En tous les cas, il conduit la politique définie par le président de la République. C'est la règle de la Vème République, et c'est ce qu'on attend de lui. "
Vous regrettez que F. Bayrou lui fasse des misères ?
- "Oh, F. Bayrou lui fait des misères... Il ne faut pas dramatiser. D'abord, très honnêtement, tous les Français s'en moquent ! "
Ah bon ?
- " Ces querelles internes, tout le monde s'en fout ! "
On verra bien le jour des élections...
- " On verra le jour des élections. Mais pour le moment, les gens ont d'autres sujets de préoccupation que de savoir si monsieur Bayrou va présenter des candidats ! Bien sûr qu'il en présentera ! Il a raison d'ailleurs et qu'il le fasse. Il veut se compter, eh bien il le fera. Les autres se compteront aussi. Mais il ne faut pas dramatiser tout ça, cela n'a qu'une importance relative... "
Vous devenez philosophe ?
- " Non, je ne deviens pas philosophe, mais je regarde les choses comme il faut les voir : monsieur Bayrou me fait penser à ces athlètes qui ont de la musculation. Et dans le même temps, il y a un jour où il faut prendre les altères et les relever. Alors là, c'est le moment, c'est la minute de vérité : est-ce qu'on a les muscles pour ça ou pas ? "
On verra. L'Histoire nous rattrape : [suite au] livre de G.-M. Benamou sur la guerre d'Algérie des familles de Harkis envisagent de porter plainte contre P. Messmer, qui était ministre de la Défense du général de Gaulle dans les années 60. Ces familles de Harkis évoquent un abandon meurtrier de ces personnes qui ont aidé l'armée française au moment de la guerre d'Algérie, et que l'on aurait abandonnées à leur sort. Que pensez-vous de cette plainte et du retour de ce débat ?
- " Je n'ai pas à me prononcer sur la plainte, etc. C'est un autre problème ça. Je crois d'abord qu'on ne peut pas traiter une question de ce type en quelques minutes. Ça été un drame, l'affaire algérienne a été un drame. Elle a été un drame pour la France, elle a été un drame pour l'armée française, elle a été un drame pour les Harkis, elle a été un drame pour les populations françaises d'Algérie ; personne ne le conteste. Quels sont les responsables de ce qui s'est passé ? Alors là, il y aurait de quoi analyser les choses avec un peu plus de sérénité. "
Il ne s'agit pas de refaire la guerre d'Algérie...
- " Non, je ne la refais pas. "
G.-M. Benamou note qu'au printemps 1962, il y a un télégramme signé P. Messmer, - L. Joxe aussi - : "ne faites pas venir les Harkis". Voilà les consignes qui sont données aux généraux, aux colonels de l'armée française qui ne veulent pas les abandonner à leur sort. Est-ce qu'il y a là une sorte de honte française que nous n'avons jamais su regarder ? L'abandon des Harkis...
- " Ce n'est pas un épisode glorieux, c'est le moins que l'on puisse dire. Mais dans quelle situation étions-nous à ce moment-là ? Parce que c'est très joli, monsieur Benamou est un historien en chambre n'est-ce pas... C'est très bien... "
Il regarde l'Histoire, lui-même ne l'a pas connue, il la regarde.
- " Il y aurait beaucoup à dire, n'est-ce pas. "
Oui, sans doute.
- " Quand monsieur Benamou traite le général de Gaulle de "raciste", c'est aussi vraisemblable que si on disait que Benamou est le champion de l'antisémitisme. C'est à peu près pareil, c'est du même niveau. "
Vous avez lu le livre ?
- " J'ai lu les bonnes feuilles. Le livre, je ne pense pas que je le lirai, parce que le peu que j'ai lu me donne du dégoût. "
Est-ce que vous serez candidat l'année prochaine ? Il y a des élections européennes...
- " Je serai sûrement candidat, oui. "
Aux élections européennes ?
- " Certainement. "
Vous mènerez une liste ?
- " Oui. "
Si vous le pouvez. Vous comptiez aussi être candidat à l'élection présidentielle et vous n'avez pas pu. Là, vous pourrez, vous pensez que ce sera plus facile ?
- " Je vais vous dire : le fait que je n'aie pas été candidat à l'élection présidentielle mériterait une analyse. A savoir : si je n'ai pas pu, si je n'ai pas voulu, à qui mon absence a profité ? "
Vous n'avez pas pu ou vous n'avez pas voulu ?
- " Si j'avais été candidat, que ce serait-il passé ? "
Si vous n'avez pas pu ou pas voulu ?
- " Oui, mais vous entendez bien monsieur Apathie... "
Eventuellement, vous n'avez pas voulu être candidat à l'élection présidentielle ?
- " Cela me fait plaisir de voir que vous avez une bonne ouïe, c'est très bien. "
Je vous écoute. Alors, candidat aux élections européennes et on parle beaucoup de vous aussi pour les élections sénatoriale de 2004 ?
- " Les élections européennes arrivent avant les élections sénatoriales. Je ne serai pas candidat aux deux, cela me parait évident. Je suis au Parlement européen, je suis d'ailleurs une des seules personnalités françaises qui ait été élue, et qui y soit restée. Cela ne manquera pas de faire sourire monsieur Duhamel, qui ne s'attendait probablement pas à ça. Je suis président de groupe au Parlement européen, j'y joue le rôle qui doit être le mien. Contrairement à ce que j'ai entendu dire ici ou là, je crois que la construction européenne est une nécessité. Je me réjouis de l'élargissement, parce que l'entrée des pays de l'Est dans l'Union européenne éloigne du même coup le fédéralisme, ce dont je me réjouis. Je serai donc candidat. "
Les méchantes langues disent que si à 77 ans vous êtes encore candidat, c'est pour préserver une immunité parlementaire qui vous est utile. Vous leur répondez quoi ?
- " Je leur dis simplement qu'ils ne connaissent rien à la législation. Alors qu'ils l'étudient... ça leur fera du bien ! "
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 novembre 2003)