Déclaration de M. Alain Lambert, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, sur la loi de finances rectificative pour 2003, la réforme de l'Etat et la promotion d'une nouvelle culture budgétaire, Paris le 15 décembre 2003.

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Circonstance : Ve Forum International de la gestion publique à Paris le 15 décembre 2003

Texte intégral

Intervention d'Alain Lambert,
Mesdames et messieurs,
Pouvons-nous, en préambule, partager un constat simple face aux déficits publics que nous connaissons depuis trente ans ? Nous souffrons d'un excès de dépenses, non d'un manque de recettes.
Nos dépenses publiques représentent en effet 54 % du PIB, soit 6 points de plus que la moyenne de la zone euro. Ces 6 points représentent 95 milliards d'euros - ils nous permettraient de résorber notre déficit et de diminuer des trois quarts notre impôt sur le revenu.
A l'évidence, nous devons rompre avec " le toujours plus de dépenses ". Le Gouvernement a pris l'engagement de stabiliser les dépenses de l'Etat sur la durée de la législature.
Cette volonté se traduit dans les faits. En dépit d'une conjoncture difficile, les dépenses n'excéderont pas en 2003 le plafond de dépenses voté par le Parlement, soit 273,8 milliards. Cet effort de maîtrise se poursuivra avec détermination.
Avant d'échanger entre nous, je souhaiterais vous faire part des convictions profondes qui m'animent sur le devenir de nos pratiques budgétaires. Elles sont au nombre de deux :
La 1ère que je souhaiterais vous faire partager est que l'Etat peut réformer sa gestion. La seconde, qu'il importe de promouvoir une nouvelle culture budgétaire.
Première conviction
l'Etat peut réformer sa gestion
1 -La loi organique introduit des changements majeurs
Cette nouvelle constitution financière vous est connue. Elle instaure de nouvelles règles de gestion publique comme :
la formulation des objectifs et des finalités de l'action publique ;
l'engagement sur un niveau de performance ;
la justification de la dépense au 1er euro ;
le développement de la culture de responsabilité, notamment au plan local ;
une nouvelle comptabilité pour mieux mesurer les conséquences financière de l'action de l'Etat ;
une nouvelle approche des ressources humaines.
Elle offre un levier pour réformer l'Etat et introduire un changement irréversible.
2-Sa mise en oeuvre entre dans une phase décisive
Comme vous le savez, les échéances fixées par le législateur pour sa mise en place sont extrêmement contraignantes. Nous devrons en effet d'ici 2006 réinventer :
une structuration budgétaire,
des modes de gestion,
la comptabilité publique et les systèmes d'information de nos finances publiques.
A deux ans de cette échéance, et après avoir jeté les fondations, nous abordons désormais la construction du gros oeuvre.
S'agissant du budget de l'Etat, je présenterai la nouvelle maquette à la mi-janvier, selon la déclinaison de la loi organique, c'est-à-dire en missions, programmes et actions
L'esprit du législateur organique sera scrupuleusement respecté dans ses principes comme :
le souci des résultats avant celui des organisations ;
une cible de 50 à 60 missions et de 120 à 150 programmes ;
des moyens d'action pour les responsables de programmes
Parallèlement, les administrations vont porter la parole:
en interne, au-delà des cercles étroits des services financiers et comptables, pour expliquer et faire aimer cette réforme à tous les agents,
impulser le travail sur les objectifs et les indicateurs ;
défricher des voies de réformes d'organisation.
S'agissant des nouveaux modes de gestion, ils sont expérimentés à grande échelle
Par exemple, dans le PLF 2004, 125.000 agents dans tous les ministères et plus de 6 milliards sont concernés par la globalisation des crédits, la mesure exacte du coût des personnels ou l'évaluation du parc immobilier de l'Etat.
Pour la nouvelle comptabilité de l'Etat, la loi organique la révolutionne. Elle se met en place.
Les nouvelles normes seront prochainement connues, à l'issue d'un travail approfondi avec les professionnels du privé. La plupart reprendrait celles applicables aux entreprises. Certaines cependant, révèlent la spécificité de l'action de l'Etat comme les recettes fiscales ou l'immobilier.
La nouvelle organisation comptable de l'Etat s'esquisse avec la création de départements comptables dans les ministères et un nouveau partage des rôles entre l'ordonnateur et le comptable ;
La chaîne du contrôle sera revue en introduisant des contrôles internes et en faisant évoluer les contrôles externes.
La réforme budgétaire entre désormais dans une phase concrète. Elle ne garantit pas, à elle seule, le redressement de nos comptes : elle offre à l'administration des outils modernes de gestion.
Egalement fondamental est à mes yeux l'avènement d'une véritable culture budgétaire.
Seconde conviction
promouvoir une nouvelle culture budgétaire
1 - Le respect de disciplines collectives
Cette nouvelle culture si nécessaire passe par le respect de disciplines collectives.
La première de ces disciplines est européenne
Le débat sur le pacte de stabilité et de croissance a montré qu'un consensus existait pour mieux appliquer le pacte en phase haute du cycle économique.
Il apparaît aujourd'hui clairement qu'il faut mettre à profit les périodes favorables pour assainir nos comptes publics. Ne reproduisons plus les erreurs du passé.
Nous engagements vis-à-vis de nos partenaires sont forts :
revenir sous le seuil de 3 % de déficit dès 2005,
conduire une politique budgétaire prévoyante. Notre solde public s'améliorera de 0,5 point de PIB, indépendamment des aléas de la conjoncture. Par ailleurs, les éventuelles bonnes surprises conjoncturelles seront affectées à la réduction du déficit.
La seconde discipline est interne
Au-delà de la stabilisation des dépenses, nous devons avancer sur des idées-clés :
les réformes structurelles doivent émaner des ministères gestionnaires eux-mêmes ;
la recherche de gains de productivité, à l'image des entreprises, doit être élevée au rang de devoir d'Etat pour les administrations ;
le financement par redéploiement doit devenir la règle pour les projets nouveaux des ministères ;
les efforts en matière d'emplois publics doivent s'accentuer.
Pour traduire en actes ces idées-clés, nous devons promouvoir une nouvelle gouvernance budgétaire.
2 - Une remise en cause du culte de la dépense publique
Notre système budgétaire a montré ses limites. Nous les connaissons tous :
l'insuffisante responsabilisation des ministères gestionnaires ;
l'absence d'intéressement aux fruits des réformes entreprises ;
une conscience collective faible des défis à relever,
la faible diffusion de bonnes pratiques ou d'idées novatrices ;
l'indigence du débat budgétaire focalisé sur les évolutions de crédits, au détriment de l'efficacité de la dépense,
les contraintes du court terme du ministère des Finances ;
les méfaits de la régulation budgétaire, mal nécessaire pour respecter in fine la contrainte.
Dès ma prise de fonction, j'ai souhaité procéder à des réformes.
Je rappellerai l'exigence de la sincérité et de la transparence budgétaire, à laquelle j'avais marqué mon attachement comme parlementaire.
Parmi les premières réformes que j'ai introduites, je citerai notamment :
l'instauration des Conférences d'économies structurelles pour évoquer tôt dans l'année, dès le mois février, les pistes d'économies avec mes collègues, puis auprès du Premier ministre. Sans ces conférences, aucune réduction d'effectifs n'aurait été possible.
des innovations, comme celles des achats publics. Leur expérimentation au MINEFI a révélé de considérables gisements d'économies possibles. Les nouvelles techniques permettent ainsi d'envisager pour le MINEFI, selon les produits, des gains entre 5 et 40 %.
A l'évidence, il faut aller au-delà. Deux pistes doivent être ouvertes.
Première piste : un effort solennel de pédagogie doit être engagé auprès des Français. Un bon budget n'est pas un budget qui augmente mais un budget qui finance des politiques efficaces. Autre exigence : rompre avec le culte de la dépense publique. Plus de dépenses signifie aussi tôt ou tard plus d'impôts à acquitter.
La seconde piste porte sur une meilleure organisation du travail gouvernemental. Je citerai deux exigences de bon sens :
faire de chaque ministre son propre ministre des finances, initiateur et maître d'uvre de ses réformes, garant de la tenue de l'exécution de son budget, comptable de ses résultats au regard des objectifs qui lui sont assignés par le Parlement ;
améliorer la collégialité des choix budgétaires pour mieux faire partager par tous les membres du gouvernement la contrainte budgétaire.
Je voudrais conclure en vous faisant partager ma foi en l'avenir.
La modernisation des outils de la gestion publique, la définition d'une stratégie budgétaire claire et transparente sont autant d'atouts dans l'oeuvre de redressement de nos finances publiques.
Par notre engagement, nous voulons dissiper l'inquiétude et la résignation des Français. C'est ainsi que nous construirons une France plus forte et plus compétitive.
Et ainsi nous lui redonnerons la place qui lui permet de porter haut ses valeurs dans le monde.
Je vous remercie
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 18 décembre 2003)