Déclaration de M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable, sur le développement de l'énergie éolienne, Saint-Simon le 30 septembre 2004.

Prononcé le

Intervenant(s) : 

Circonstance : Inauguration d'éoliennes à Saint-Simon (Aisne), le 30 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Madame et Messieurs les Parlementaires,
Monsieur le Président du Conseil Général,
Monsieur le Président de la Communauté de Communes,
Monsieur le Président d'EDF Développement,
Monsieur le Président d'EDF Energies Nouvelles,
Madame la Présidente de l'ADEME,
Mesdames et Messieurs,


Je souhaite d'abord vous remercier vous, et tous ceux et celles qui ont participé à ce remarquable projet de la Clef des Champs. Nous sommes ici en Picardie au pied d'éoliennes qui représentent l'avenir énergétique de notre pays.

Les énergies renouvelables sont indispensables pour répondre au problème majeur que nous aurons à affronter dans les prochaines années, qui est celui du changement climatique. Ces énergies déclinent de multiples avantages : elles ne produisent pas d'effet de serre, elles contribuent à l'indépendance énergétique de notre pays, elles offrent des sources de production décentralisées.

Les énergies renouvelables sont donc une part incontournable du bouquet énergétique français.

Le Gouvernement a déjà placé le développement des énergies renouvelables parmi ses priorités. La loi d'orientation sur l'énergie, et le Plan Climat que j'ai présenté le 22 juillet dernier, ont confirmé l'engagement de la France à tenir son objectif de 21% d'électricité d'origine renouvelable en 2010. Dans le cadre de la programmation pluriannuelle des investissements de 2003, nous nous sommes engagés à installer entre 2.000 et 6.000 mégawatts d'éoliennes d'ici 2007.

Les énergies renouvelables thermiques sont également encouragées dans le cadre du Plan Climat. Ainsi, en matière de transports, les biocarburants seront multipliés d'abord par trois d'ici 2007 avec la construction de quatre nouvelles usines. Cette action sur les biocarburants représente une économie annuelle de 7 millions de tonnes de gaz carbonique. C'est une très grande avancée.

Néanmoins, dans le domaine des énergies renouvelables électriques, je crois que nous devons regarder la réalité en face. Nous avons pris du retard par rapport à certains de nos partenaires européens et internationaux.

L'Allemagne a un parc éolien installé de 14.000 mégawatts. L'Espagne quant à elle produit 7.000 mégawatts. La France, avec seulement 280 mégawatts, est un pays où le marché n'a pas encore décollé.

Face à ce retard français, je crois que nous devons nous interroger sur les raisons. Pourquoi sommes-nous en retard ? A l'issue du dialogue de fond que j'ai eu avec les professionnels, je dirais que trois conditions sont nécessaires pour que l'éolien se développe harmonieusement en France. Trois conditions qui aujourd'hui ne sont pas encore complètement remplies, et qu'il nous faut atteindre.

1ère condition : il nous faut une vision nationale de l'éolien, et non une gestion dispersée.

La réglementation sur l'éolien donne le pouvoir d'autoriser les éoliennes aux préfets, après une enquête publique. C'est une bonne chose d'avoir un débat local et une décision locale. Néanmoins, au niveau national nous devons nous doter d'une vision ambitieuse du développement de l'éolien, si nous voulons éviter un phénomène de dispersion et une absence de cohérence sur le territoire.

C'est pour nous doter d'une vision nationale de l'éolien que j'ai demandé à mes services, dès mon arrivée, d'étudier la création d'un comité éolien. Ce sujet a bien avancé puisque Christian BRODHAG, le délégué interministériel au développement durable, organisera le 20 octobre prochain une réunion de travail inter-administrative avec l'ensemble des préfets et des administrations concernées. Cette réunion inter-administrative de l'éolien avec des préfets, première du genre, permettra de résoudre les éventuels blocages.

J'ajoute que j'ai demandé à ma propre administration d'être exemplaire et motrice sur le sujet. En tenant compte bien sûr des aspects paysagers, le développement des éoliennes est une priorité que je leur ai fixé. Un réseau de chargés de mission " énergies " a donc été mis en place cette année dans l'ensemble des DIREN pour favoriser le développement des projets d'énergies renouvelables au plan local.

2ème condition d'un développement harmonieux : nous devons avoir une vision économique de moyen et long terme, intégrant les coûts écologiques induits.

Les adversaires des énergies renouvelables accusent souvent l'éolien et le photovoltaïque d'être des énergies trop coûteuses. Je crois qu'il y a là une analyse de court-terme, il s'agit presque de " myopie économique ".

Il est normal que la filière éolienne qui est encore jeune, soit aidée et soutenue. Les coûts baissent au fur et à mesure que les marchés se développent et que les technologies progressent.

Que seraient notre industrie nucléaire, et notre industrie pétrolière, sans les moyens considérables que nous avons déployé à leurs débuts, pendant des années ?

Pour avoir une idée juste du coût de l'éolien par rapport à celui des autres filières dans les années à venir, il faut inclure dans ces dernières tous les coûts environnementaux induits et donc avoir systématiquement une analyse en coût économique global dans nos évaluations de politiques et nos choix d'investissement.

3ème condition d'un développement harmonieux : il faut que les éoliennes puissent être regroupées.

Je crois en effet qu'il faut développer l'éolien intelligemment, de manière raisonnée. Et je suis favorable à l'idée de grouper les éoliennes le plus possible, sous forme de fermes éoliennes à des endroits adaptés : en étant regroupées elles peuvent très bien contribuer à la revalorisation d'un paysage industriel, ou d'autres types de paysages. Les éoliennes groupées peuvent souvent être intéressantes esthétiquement.

Il me semble donc dommage que la réglementation française fixe un seuil, si bien que seuls les projets éoliens ce moins de 12 mégawatts sont éligibles au tarif de rachat de l'électricité. L'existence de ce seuil favorise l'émiettement des projets éoliens sur le territoire. Je souhaite donc personnellement, que très rapidement nous trouvions une réponse à ces questions. Le passage en 2ème lecture de la loi d'orientation sur l'énergie pourrait en être l'occasion.

Enfin, pour conclure et pour dépasser le cadre de l'éolien, je dirais que la France a besoin d'une nouvelle stratégie écologique et industrielle, une stratégie qui mette en avant les industries qui feront les marchés de demain, qui sont les écoindustries, les technologies propres.

Je crois qu'aujourd'hui, nous sommes à l'aube de nouveaux défis, pour permettre la durabilité de nos modes d'existence et de consommation. Le premier d'entre eux, c'est le défi énergétique, c'est le changement climatique. Les événements climatiques dramatiques qui ont eu lieu ces derniers jours, notamment les cyclones qui ont frappé Haïti ou la Floride, qui deviennent de plus en plus fréquents, en témoignent. Ce défi, nous en avons pris l'ampleur - le Président de la République et le Premier ministre en ont fait un objectif prioritaire du Gouvernement. Mais nous ne l'avons pas encore, je pense, suffisamment intégré dans notre stratégie économique.

Nous devons absolument doter la France d'une ambition et d'une stratégie en matière de technologies propres et d'énergies renouvelables, qui seront les technologies de demain. Une bataille des écoindustries a commencé, sur laquelle la France joue son avenir aussi bien écologique qu'économique. La Fondation Climat, que je mettrai en place d'ici la fin de l'année, aura pour but de soutenir la recherche dans ces domaines. Je veux que nous tous, ensemble, avec vous, nous nous emparions de ce défi et que nous le menions à terme.

(Source http://www.environnement.gouv.fr, le 4 octobre 2004)