Déclaration de Mme Nicole Ameline, ministre déléguée à la parité et à l'égalité professionnelle, sur la lutte contre les dicscriminations et les violences à l'égard des femmes, Paris le 26 novembre 2003.

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Circonstance : Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes à Paris le 26 novembre 2003

Texte intégral

Monsieur le Président de la République,
Monsieur le Premier ministre, Mes Chers collègues,
La question de l'égalité entre les hommes et les femmes est liée au progrès de la démocratie dans le monde.
Si l'émergence d'une conscience universelle des droits de l'individu n'est pas neuve, lui donner un contenu est une exigence d'aujourd'hui. Comment profiter de l'ouverture du monde pour accélérer ce processus fondé sur des principes intangibles?
Les femmes sont, partout dans le monde, forces de changement et de modernité.
Il convient donc de lutter contre toute forme d'oppression, de violence, et de discrimination à leur égard.
C'est dans ce cadre que j'ai situé la présentation, à New York, le 3 juillet dernier, de l'application par la France de la Convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
C'est également dans ce cadre que s'inscrit la journée du 25 novembre, qui a été proclamée, en 1999, Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes par l'Assemblée Générale de l'ONU, en mémoire de l'assassinat, en 1960, des trois sueurs MIRABAL, symboles de la résistance des femmes à la dictature, à Saint Domingue.
La Convention des Nations Unies pour l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes a été signée par la France dès juillet 1980 et ratifiée en décembre 1983.
Ses seize premiers articles définissent la discrimination à l'égard des femmes et les domaines où l'égalité doit être mise en oeuvre par les États parties à la Convention.
Un Comité conventionnel, le CEDAW (Committee on the Elimination of Discrimination Against Women), formé d'experts indépendants, suit la mise en oeuvre de cette convention. Les États doivent présenter un rapport écrit tous les quatre ans et répondre aux demandes de précisions du Comité.
Cet exercice, réalisé pour la première fois en 1987, avait été renouvelé en 1993. Depuis, aucune présentation orale de rapport n'avait été faite par la France.
Par ailleurs, un protocole optionnel, signé par la France en décembre 1999 et ratifié en juin 2000, autorise le CEDAW à recevoir et à examiner des plaintes présentées par des groupes ou des individus.
Dans l'Union européenne, c'est la politique communautaire qui a servi de levier pour les États membres dans la construction des politiques nationales en faveur de l'égalité entre les femmes et les hommes. Et pour avoir, depuis 18 mois, assisté à toutes les réunions européennes sur ce sujet, je peux dire que la France n'a manqué aucune occasion de faire valoir sa détermination dans ce domaine.
Le rapport que j'ai présenté, le 3 juillet dernier, au siège des Nations Unies, sur l'état des progrès de la France pour l'élimination des discriminations à l'égard des femmes et des difficultés auxquelles nous avons encore à faire face, concernait la période 1993-2002. Mais j'ai évoqué l'action menée jusqu'ici. Et la discussion a également porté sur nos préoccupations actuelles.
Les experts du CEDAW ont souligné l'intérêt qu'ils accordent aux initiatives françaises et au modèle que la France représente à leurs yeux.
L'échange a montré les progrès qui restent à accomplir pour favoriser l'affirmation d'une nouvelle conscience universelle. En dépit de facteurs culturels et sociaux très différents, la discrimination à l'égard des femmes existe partout, à des degrés divers, et la comparaison des expériences et la discussion sont indispensables.
Les experts se sont interrogés sur la persistance de certaines discriminations relatives à l'emploi et aux salaires, à l'accès aux postes de responsabilité, aux images dévalorisantes de la femme dans les médias.
Ils ont été sensibles à nos préoccupations à l'égard du développement de la traite des femmes et de leur exploitation sexuelle, de la montée du machisme et de la violence dans certains quartiers.
Ils ont demandé de veiller à l'égalité dans les DOM-TOM, ce qui constitue une préoccupation récurrente du CEDAW. J'ai annoncé que la polygamie et la répudiation seront abolies à partir de 2005 à Mayotte et que le Gouvernement a répondu à l'attente des femmes de l'outre-mer, en rendant les conditions du choix du bénéficiaire des prestations familiales identiques à ce qu'elles sont en métropole.
Le comité a également demandé, pour la prochaine audition, le bilan de la loi sur la parité politique et davantage de statistiques sexuées.
Cet exercice imposé, auquel ont participé la quasi-totalité des ministères, et je tiens à remercier mes collègues, m'a confortée dans les priorités que je porte, au nom du Gouvernement.
Il convient de combattre l'incitation aux discriminations en raison du sexe ou de l'orientation sexuelle. J'ai mené, pour cela, une double démarche.
- Avec les professionnels de la publicité, j'ai organisé la concertation pour renforcer l'autodiscipline et l'autocontrôle sur les images publicitaires et pour ouvrir un espace public d'expression de l'indignation que suscite certaines images.
Le racisme continue à affecter nos sociétés modernes. Fondé sur le rejet de l'étranger et le refus de l'autre, il s'attaque au socle même de notre démocratie. Et des faits récents montrent l'actualité de la lutte contre l'antisémitisme.
Le sexisme, constitue lui aussi un grave danger. Au nom des principes d'universalité et de modernité, il convient de tout mettre en oeuvre pour l'éradiquer.
Je signerai demain, avec le Président du BVP, un document commun qui formalisera les engagements des professionnels de la publicité membres de cet organisme. Et des protocoles analogues sont à l'étude, avec les diffuseurs de publicités de presse en kiosque, de publicités sur le mobilier urbain et d'affiches pour la promotion des films.
Il convient, en effet, de concilier la liberté de création et le respect de la dignité de la personne dans les images offertes à la vue de tous, sur la voie publique.
- Dans le même temps, une réflexion a été lancée sur l'introduction, dans notre législation, des dispositions qui permettraient d'incriminer les incitations à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle.
Elle sera menée par le groupe de travail dont Monsieur le Premier Ministre a confié l'animation et la coordination au Garde des Sceaux, pour identifier les insuffisances de la loi de 1881 sur la liberté de la presse et faire toutes propositions utiles permettant de les pallier.
Et vous avez, Monsieur le Président de la République, annoncé la création en 2004, d'une autorité indépendante chargée de lutter contre toutes les formes de discrimination, dont vous avez confié la mission de préfiguration à Monsieur Bernard STASI.
- Pour les jeunes filles et les femmes issues de l'immigration, il est indispensable de lutter contre la double discrimination à l'embauche.
Ces démarches sont complémentaires.
La lutte contre les violences à l'égard des femmes, dans la famille ou dans la cité, demeure la première priorité.
La journée du 25 novembre a été l'occasion de le rappeler. Dans sa résolution du 17 décembre1999, l'Assemblée générale de l'ONU invitait les Gouvernements, les organisations internationales et les organisations non-gouvernementales à organiser, ce jour-là, des activités destinées à sensibiliser l'opinion à ce problème.
Parce que ce sont les femmes qui sont très majoritairement les victimes de violences dont les auteurs sont des hommes, j'ai, hier, réuni des hommes, pour qu'ils témoignent de leur engagement et qu'ils créent le mouvement, en étant les premiers signataires d'une charte des hommes contre toutes les violences faites aux femmes.
Il convient, tout à la fois, de lutter contre les violences conjugales, contre les violences à l'égard des jeunes filles et des femmes des quartiers et contre l'exploitation de la prostitution.
- En ce qui concerne les violences conjugales, il faut imposer la tolérance zéro.
Un tragique fait divers très médiatisé, cet été, a servi de révélateur à la persistance des violences conjugales dans notre société. Une femme sur dix serait concernée, selon une enquête récente. Et chaque mois, dans notre pays, six femmes meurent de violences infligées par leur mari ou leur compagnon.
Le projet de loi portant réforme du divorce contient une disposition prévoyant l'éloignement immédiat du conjoint violent du domicile conjugal.
Des solutions sont recherchées, pour les concubins et les personnes liées par un pacte civil de solidarité.
Le Conseil National d'Aide aux victimes a, le 21 octobre dernier, retenu comme l'une des deux priorités du travail, pour l'année à venir, la lutte contre les violences au sein du couple. Un groupe de travail chargé de cette question a été mis en place vendredi dernier.
Il faut, avant tout, prévenir les violences conjugales à travers la pédagogie de la responsabilité et le respect de la dignité de la personne.
- En ce qui concerne les violences faites aux jeunes filles et aux femmes en particulier dans les cités, il faut mettre en oeuvre le programme d'actions destiné à promouvoir le respect et la mixité, à prévenir les violences et à protéger, dans l'urgence, les personnes qui en sont menacées ou victimes.
Les revendications présentées le 8 mars dernier, à l'issue de la marche organisée par le mouvement " Ni putes, ni soumises ", ont toutes été prises en compte. Mais d'autres actions s'inscrivent dans la durée.
Les femmes sont au coeur de la question de l'intégration. Si elles sont les vecteurs d'une intégration réussie, elles sont encore trop souvent les victimes des atteintes au pacte républicain et au contrat social.
Les jeunes filles et les femmes doivent être placées au coeur de la problématique. Forces du changement dans le monde, elles le sont aussi dans nos quartiers en difficulté.
Des mesures d'accompagnement à la formation et à la création d'activité et d'entreprise seront mises en oeuvre pour permettre aux jeunes filles et aux femmes des cités d'être des citoyennes à part entière. A part égale.
- En ce qui concerne l'exploitation de la prostitution, il faut poursuivre la mise en oeuvre du plan d'action interministériel et favoriser la sortie du système prostitutionnel par un traitement personnalisé de chaque situation individuelle et un accompagnement approprié à la réinsertion personnelle et professionnelle.
Les discriminations et les violences envers les femmes sont intimement liées, car elles témoignent toutes les deux d'une conception inégalitaire des relations entre les femmes et les hommes.
Faire reculer les violences et les discriminations envers les femmes implique de favoriser leur autonomie économique et financière. De leur faciliter l'exercice d'une activité professionnelle valorisante, d'une vie sociale et associative enrichissante. De leur permettre d'exercer des responsabilités dans la vie publique. De les aider à articuler de manière harmonieuse leur vie au travail et leur vie personnelle ou familiale.
C'est faire de l'égalité entre les hommes et les femmes un facteur d'épanouissement personnel, un moteur du développement économique et un atout pour la croissance.
L'une des questions les plus fortes auxquelles nous devons répondre est la nécessaire conjugaison du respect de la diversité culturelle et de l'universalité des droits fondamentaux.
La culture ne peut être confondue avec des usages et des traditions qui doivent être préservés, quand ils sont bénéfiques à l'être humain, mais qu'il faut proscrire, quand ils ne le sont pas.
Il ne s'agit pas d'imposer des normes, mais de s'enrichir mutuellement de nos différences, en définissant le socle inviolable des droits fondamentaux de l'être humain.
La richesse de la France est dans sa diversité. Cette prise de conscience doit se traduire concrètement dans une société plus juste, plus ouverte au partage, plus respectueuse de l'autre.
Le combat pour les valeurs de liberté et d'égalité n'est pas un combat du passé. C'est celui de la modernité. En France, en Europe et dans le monde.
(Source http://www.social.gouv.fr, le 5 décembre 2003)