Texte intégral
Q- Il dit qu'il a une mission : la guerre mondiale contre le terrorisme ; G. Bush a donc été réélu hier. Surprise en Europe, notamment en France, où toute la classe politique avait clairement manifesté son soutien à J. Kerry. En France, on n'aime pas G. Bush. Président de guerre, G. Bush est dans doute l'un des hommes les plus critiqués dans le monde. Vous avez dit il y a quelques jours que vous étiez proche de J. Kerry...
R- Des ses idées...
Q- Oui, de ses idées. Etes-vous totalement surpris par ce vote des Américains ? On a l'impression que les Français ne comprennent plus les Américains.
R- Je ne suis pas surpris et je pense que nous avons devant nous une question très importante. Depuis deux siècles et demi, c'est probablement le moment historique où nous comprenons le moins bien les Etats-Unis, le peuple américain. Il y a deux siècles et demi, on le comprenait très bien - Lafayette - ; ensuite, au XIXème siècle, Tocqueville a été le premier à comprendre ce qui se passait aux Etats- Unis. Aujourd'hui, probablement, le fossé n'a jamais été aussi profond entre les deux rives de l'Atlantique.
Q- Qu'est-ce que nous ne comprenons pas ?
R- Nous ne comprenons pas ce qui fait vivre le peuple américain, leur raison de vivre. Nous ne comprenons pas les raisons de leur choix, nous ne comprenons la manière dont ce peuple est soudé autour de valeurs morales - ou de valeurs qu'il croit morales -, nous qui avons chassé complètement ces valeurs morales et spirituelles de notre univers. Et donc, il y a une profonde incompréhension entre les deux peuples - je ne parle pas seulement du peuple français -, entre l'Europe entre les Etats-Unis. Et ceci est une question pour l'équilibre du monde. Nous ne pouvons rester sans réfléchir à ce qui se passe aux Etats-Unis, et d'une certaine manière sans un effort de compréhension réciproque, parce que dans le vote de G. Bush, il y a aussi une manière de dire "zut" à ces pays du monde qui ont l'air d'être si nuancés, alors que le peuple américain est si tranché.
Q- Justement, il y a une véritable hystérie collective anti-Bush en Europe, et on a l'impression qu'en Europe, on n'a pas réalisé ce qui s'est passé le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, que ce pays a été attaqué, traumatisé et que finalement, aujourd'hui, il vit dans la peur et il a sans doute besoin de sentir qu'il y a une homme à poigne, un homme qui ne doute pas, qui dirige.
R- Je pense que cela a joué un très grand rôle. Mais ceci s'accompagne du sentiment de la mission de l'Amérique. Le fait d'avoir été attaqué est relié au sentiment de la mission de l'Amérique. Un grand nombre d'Américains, la majorité d'entre eux, et surtout l'Amérique profonde, ont le sentiment que l'Amérique est faite pour porter au monde un message - le message de la démocratie, le message des valeurs morales -, le porter, y compris par les armes. Et les Européens, ont raison de dire "attention, ceci est dangereux, ceci déstabilise une partie de la planète - on voit en Irak que ceci déstabilise sans porter des fruits positifs, ou en tout cas, en créant un très grand nombre de drames. Mais on ne peut pas rester dans cette incompréhension.
Q- Justement : est-ce qu'il faut maintenant que l'Europe, que la France, aide l'Amérique en Irak ? Bush dit "vous ne m'avez pas aidé pour faire la guerre, aidez-moi maintenant à reconstruire l'Irak. Il tend la main aux Européens. Est-ce que la France, par exemple, doit participer à cet effort de reconstruction de l'Irak ?
R- La question ne peut pas se poser comme cela ; on ne peut pas répondre par oui ou par non à une question comme ça. La première question, c'est de savoir si les Etats-Unis ont une stratégie, un plan pour la suite et est-ce que cette stratégie et ce plan peuvent faire, en effet, la place à des efforts européens.
Q- Mais ils l'ont ce plan : élections et peut-être, après, le retrait des troupes américaines, quand les troupes irakiennes seront prêtes à travailler.
R- En tout cas, ce qui peut favoriser l'élection, le retour à la démocratie, sur tout cela, je pense qu'il n'y a pas de débat entre les Européens pour l'aider. Mais la deuxième question...
Q- Mais comment aider ?
R- Je ne sais pas ce que vous êtes en train de demander. Est-ce qu'il faut aider financièrement, est-ce qu'il faut aider par l'entraînement des policiers ? Tout cela est possible, des forces qui vont ramener de l'ordre en Irak, tout cela est possible, mais nous parlons là d'hypothèses, qui, pour l'instant, sont irréelles. L'Irak s'enfonce dans l'anarchie, dans le chaos. On ne peut pas comme cela, d'un claquement de doigt dire "nous allons emmener des Européens et cela va changer la face des choses". Je ne le crois pas. Je pense que ce qui s'est passé en Irak est une déstabilisation profonde et que les choix qui ont été faits par l'administration américaine ne sont pas meilleurs après les élections qu'ils ne l'étaient avant. Donc, de ce point de vue-là, il y a non pas une incompréhension, mais il y a une appréciation différente de ce qui se passe sur le terrain irakien. Deuxièmement, la véritable question, celle qui est sous-tendue par l'élection américaine, c'est de savoir si en face d'une Amérique plus déterminée, plus dure, nous allons construire une Europe qui tienne la route. Pour l'instant, tous les choix qui ont été faits par les Gouvernements, c'est une Europe plus dispersée, c'est une Europe qui se dissout.
Q- Justement : est-ce que cette réélection de G. Bush n'est pas une bonne affaire pour vous ? Parce que Bush est impopulaire en Europe, est-ce qu'il n'aura pas un effet repoussoir, et est-ce que finalement, cela ne va pas renforcer l'Europe et par exemple, favoriser le oui à la Constitution européenne en France ?
R- Tous les Français qui regardent ce qui est entrain de se passer à la surface de la planète doivent avoir, me semble-t-il, un sentiment : c'est que l'Amérique a choisi d'avancer sur une voie qui est une voie dure. L'Amérique a choisi de porter son modèle, y compris par les armes. Et ceci est une question pour tous ceux qui sont attachés à un certain équilibre à la surface de la planète. Cette question, pour moi, il n'y a qu'une seule réponse : construire une Europe dont la voix soit un jour capable d'équilibrer la voix des Etats-Unis. Non pas de dominer les uns ou les autres mais dans un monde qui va être dominé par des empires continents - l' empire-continent américain, l'empire-continent chinois -, est-ce que nous continuons à être ces divisés pusillanimes que nous sommes en train d'être depuis des années et des années, des Gouvernements jouant tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, dans une espèce de forum européen où rien de dense et de fort n'est capable de sortir, ou est-ce qu'au contraire nous considérons que désormais, notre première mission historique est de bâtir un ensemble européen, une unité européenne ? Vous savez que je plaide pour cela depuis longtemps. Il me semble que tous les évènements qui se produisent aujourd'hui à la surface de la planète exigent une Europe enfin dense et unie, alors que pour l'instant, elle est évanescente et divisée.
Q- Vous pensez que par cette réélection, G. Bush va se sentir légitimé ? Il va peut-être se lancer dans de nouvelles aventures militaires ?
R- Je pense que ceux qui disent qu'une élection comme celle-là présage à des gestes d'ouverture sont plutôt dans le raisonnable. Je pense que c'est plutôt dans ce sens que les choses devraient aller. Mais il demeure que cette élection est un message profond. Les choix politiques des Etats-Unis ne sont pas uniquement les choix de G. bush, ce sont les choix de la majorité du peuple américain. Il y a une idéologie américaine qui s'est exprimée au travers de cette élection. Cette idéologie est celle d'une Amérique qui croit en son message, qui croit à sa légitimité pour imposer son message, y compris par la force. Et cela exige désormais de nous une réponse cohérente. Si nous voulons être à la hauteur de ce qui se passe dans l'histoire, alors il faut abandonner nos espèces d'hésitations et nos décisions incohérentes pour aller vers quelque chose qui donne enfin à l'Europe l'occasion d'équilibrer cette voix américaine.
Q- On a l'impression que les Américains se fichent éperdument de ce que peut penser l'Europe, même si elle est unie. On a l'impression qu'ils ont voté, ils ont voté pour un homme, et finalement, si on ne les aime pas, ils s'en fichent !
R- Comment auraient-ils une attitude différente devant l'Europe divisée que nous exposons depuis des années ?
Q- Pour un homme politique comme vous, qui aspire un jour à être Président, est-ce qu'il n'y a pas aussi des leçons à tirer de ce succès de G. Bush, qui a mené une campagne très efficace. On a vu un homme près du peuple, à l'écoute de l'Amérique profonde, un homme qui professe des idées simples, et qui les répète, les martèle sans cesse, qui parle de la religion, de la baisse des impôts, que l'on voit toujours avec son épouse... Est-ce que les hommes politiques français ne devraient pas s'inspirer, pour être efficaces, du style G. Bush ? Je pense notamment à un homme politique qui semble faire un peu du Bush parfois : c'est Sarkozy.
R- Je crois que le modèle de société français et le modèle de société européen sont profondément différents du modèle de société américain, et que précisément, vous posez une question qui est très simple : est-ce que le monde va vers le modèle américain, ou est-ce qu'au contraire nous choisissons un modèle européen ? Pour moi, le choix est très clair : nous devons choisir un modèle européen, avec, à la fois, l'originalité culturelle, sociale, de notre société européenne, et en même temps, la volonté de le faire peser. Car vous avez raison de le dire, il y a une chose frappante dans l'élection américaine, c'est que l'on ne gagne pas avec des messages uniquement négatifs. Ce qui était très frappant - mon ami R. Rutelli, responsable politique italien me le faisait remarquer hier -, c'est que les sondages sortie des urnes ont demandé aux Américains de dire les deux messages principaux de Bush et les deux messages principaux de Kerry. Et les deux messages principaux de Bush étaient "valeurs américaines" et "chef de guerre". Les deux messages de Kerry, c'était "non à la guerre en Irak" et "non à la politique économique de Bush". Deux non, cela ne fait pas un oui.
Q- Est-ce qu'on connaît aujourd'hui les deux messages principaux de Bayrou ?
R- Je peux vous les donner, je ne suis pas sûr que ce soit le sujet. Message principal, un : l'Europe a ses valeurs, elle doit avoir sa force ; deux : dans la société française, il faut que l'on rapproche plutôt que de séparer ; les intérêts de l'économie sont à mettre en parallèle avec des progrès sociaux. Si on ne fait pas cela, on n'y arrivera pas.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 novembre 2004)
R- Des ses idées...
Q- Oui, de ses idées. Etes-vous totalement surpris par ce vote des Américains ? On a l'impression que les Français ne comprennent plus les Américains.
R- Je ne suis pas surpris et je pense que nous avons devant nous une question très importante. Depuis deux siècles et demi, c'est probablement le moment historique où nous comprenons le moins bien les Etats-Unis, le peuple américain. Il y a deux siècles et demi, on le comprenait très bien - Lafayette - ; ensuite, au XIXème siècle, Tocqueville a été le premier à comprendre ce qui se passait aux Etats- Unis. Aujourd'hui, probablement, le fossé n'a jamais été aussi profond entre les deux rives de l'Atlantique.
Q- Qu'est-ce que nous ne comprenons pas ?
R- Nous ne comprenons pas ce qui fait vivre le peuple américain, leur raison de vivre. Nous ne comprenons pas les raisons de leur choix, nous ne comprenons la manière dont ce peuple est soudé autour de valeurs morales - ou de valeurs qu'il croit morales -, nous qui avons chassé complètement ces valeurs morales et spirituelles de notre univers. Et donc, il y a une profonde incompréhension entre les deux peuples - je ne parle pas seulement du peuple français -, entre l'Europe entre les Etats-Unis. Et ceci est une question pour l'équilibre du monde. Nous ne pouvons rester sans réfléchir à ce qui se passe aux Etats-Unis, et d'une certaine manière sans un effort de compréhension réciproque, parce que dans le vote de G. Bush, il y a aussi une manière de dire "zut" à ces pays du monde qui ont l'air d'être si nuancés, alors que le peuple américain est si tranché.
Q- Justement, il y a une véritable hystérie collective anti-Bush en Europe, et on a l'impression qu'en Europe, on n'a pas réalisé ce qui s'est passé le 11 septembre 2001 aux Etats-Unis, que ce pays a été attaqué, traumatisé et que finalement, aujourd'hui, il vit dans la peur et il a sans doute besoin de sentir qu'il y a une homme à poigne, un homme qui ne doute pas, qui dirige.
R- Je pense que cela a joué un très grand rôle. Mais ceci s'accompagne du sentiment de la mission de l'Amérique. Le fait d'avoir été attaqué est relié au sentiment de la mission de l'Amérique. Un grand nombre d'Américains, la majorité d'entre eux, et surtout l'Amérique profonde, ont le sentiment que l'Amérique est faite pour porter au monde un message - le message de la démocratie, le message des valeurs morales -, le porter, y compris par les armes. Et les Européens, ont raison de dire "attention, ceci est dangereux, ceci déstabilise une partie de la planète - on voit en Irak que ceci déstabilise sans porter des fruits positifs, ou en tout cas, en créant un très grand nombre de drames. Mais on ne peut pas rester dans cette incompréhension.
Q- Justement : est-ce qu'il faut maintenant que l'Europe, que la France, aide l'Amérique en Irak ? Bush dit "vous ne m'avez pas aidé pour faire la guerre, aidez-moi maintenant à reconstruire l'Irak. Il tend la main aux Européens. Est-ce que la France, par exemple, doit participer à cet effort de reconstruction de l'Irak ?
R- La question ne peut pas se poser comme cela ; on ne peut pas répondre par oui ou par non à une question comme ça. La première question, c'est de savoir si les Etats-Unis ont une stratégie, un plan pour la suite et est-ce que cette stratégie et ce plan peuvent faire, en effet, la place à des efforts européens.
Q- Mais ils l'ont ce plan : élections et peut-être, après, le retrait des troupes américaines, quand les troupes irakiennes seront prêtes à travailler.
R- En tout cas, ce qui peut favoriser l'élection, le retour à la démocratie, sur tout cela, je pense qu'il n'y a pas de débat entre les Européens pour l'aider. Mais la deuxième question...
Q- Mais comment aider ?
R- Je ne sais pas ce que vous êtes en train de demander. Est-ce qu'il faut aider financièrement, est-ce qu'il faut aider par l'entraînement des policiers ? Tout cela est possible, des forces qui vont ramener de l'ordre en Irak, tout cela est possible, mais nous parlons là d'hypothèses, qui, pour l'instant, sont irréelles. L'Irak s'enfonce dans l'anarchie, dans le chaos. On ne peut pas comme cela, d'un claquement de doigt dire "nous allons emmener des Européens et cela va changer la face des choses". Je ne le crois pas. Je pense que ce qui s'est passé en Irak est une déstabilisation profonde et que les choix qui ont été faits par l'administration américaine ne sont pas meilleurs après les élections qu'ils ne l'étaient avant. Donc, de ce point de vue-là, il y a non pas une incompréhension, mais il y a une appréciation différente de ce qui se passe sur le terrain irakien. Deuxièmement, la véritable question, celle qui est sous-tendue par l'élection américaine, c'est de savoir si en face d'une Amérique plus déterminée, plus dure, nous allons construire une Europe qui tienne la route. Pour l'instant, tous les choix qui ont été faits par les Gouvernements, c'est une Europe plus dispersée, c'est une Europe qui se dissout.
Q- Justement : est-ce que cette réélection de G. Bush n'est pas une bonne affaire pour vous ? Parce que Bush est impopulaire en Europe, est-ce qu'il n'aura pas un effet repoussoir, et est-ce que finalement, cela ne va pas renforcer l'Europe et par exemple, favoriser le oui à la Constitution européenne en France ?
R- Tous les Français qui regardent ce qui est entrain de se passer à la surface de la planète doivent avoir, me semble-t-il, un sentiment : c'est que l'Amérique a choisi d'avancer sur une voie qui est une voie dure. L'Amérique a choisi de porter son modèle, y compris par les armes. Et ceci est une question pour tous ceux qui sont attachés à un certain équilibre à la surface de la planète. Cette question, pour moi, il n'y a qu'une seule réponse : construire une Europe dont la voix soit un jour capable d'équilibrer la voix des Etats-Unis. Non pas de dominer les uns ou les autres mais dans un monde qui va être dominé par des empires continents - l' empire-continent américain, l'empire-continent chinois -, est-ce que nous continuons à être ces divisés pusillanimes que nous sommes en train d'être depuis des années et des années, des Gouvernements jouant tantôt avec les uns, tantôt avec les autres, dans une espèce de forum européen où rien de dense et de fort n'est capable de sortir, ou est-ce qu'au contraire nous considérons que désormais, notre première mission historique est de bâtir un ensemble européen, une unité européenne ? Vous savez que je plaide pour cela depuis longtemps. Il me semble que tous les évènements qui se produisent aujourd'hui à la surface de la planète exigent une Europe enfin dense et unie, alors que pour l'instant, elle est évanescente et divisée.
Q- Vous pensez que par cette réélection, G. Bush va se sentir légitimé ? Il va peut-être se lancer dans de nouvelles aventures militaires ?
R- Je pense que ceux qui disent qu'une élection comme celle-là présage à des gestes d'ouverture sont plutôt dans le raisonnable. Je pense que c'est plutôt dans ce sens que les choses devraient aller. Mais il demeure que cette élection est un message profond. Les choix politiques des Etats-Unis ne sont pas uniquement les choix de G. bush, ce sont les choix de la majorité du peuple américain. Il y a une idéologie américaine qui s'est exprimée au travers de cette élection. Cette idéologie est celle d'une Amérique qui croit en son message, qui croit à sa légitimité pour imposer son message, y compris par la force. Et cela exige désormais de nous une réponse cohérente. Si nous voulons être à la hauteur de ce qui se passe dans l'histoire, alors il faut abandonner nos espèces d'hésitations et nos décisions incohérentes pour aller vers quelque chose qui donne enfin à l'Europe l'occasion d'équilibrer cette voix américaine.
Q- On a l'impression que les Américains se fichent éperdument de ce que peut penser l'Europe, même si elle est unie. On a l'impression qu'ils ont voté, ils ont voté pour un homme, et finalement, si on ne les aime pas, ils s'en fichent !
R- Comment auraient-ils une attitude différente devant l'Europe divisée que nous exposons depuis des années ?
Q- Pour un homme politique comme vous, qui aspire un jour à être Président, est-ce qu'il n'y a pas aussi des leçons à tirer de ce succès de G. Bush, qui a mené une campagne très efficace. On a vu un homme près du peuple, à l'écoute de l'Amérique profonde, un homme qui professe des idées simples, et qui les répète, les martèle sans cesse, qui parle de la religion, de la baisse des impôts, que l'on voit toujours avec son épouse... Est-ce que les hommes politiques français ne devraient pas s'inspirer, pour être efficaces, du style G. Bush ? Je pense notamment à un homme politique qui semble faire un peu du Bush parfois : c'est Sarkozy.
R- Je crois que le modèle de société français et le modèle de société européen sont profondément différents du modèle de société américain, et que précisément, vous posez une question qui est très simple : est-ce que le monde va vers le modèle américain, ou est-ce qu'au contraire nous choisissons un modèle européen ? Pour moi, le choix est très clair : nous devons choisir un modèle européen, avec, à la fois, l'originalité culturelle, sociale, de notre société européenne, et en même temps, la volonté de le faire peser. Car vous avez raison de le dire, il y a une chose frappante dans l'élection américaine, c'est que l'on ne gagne pas avec des messages uniquement négatifs. Ce qui était très frappant - mon ami R. Rutelli, responsable politique italien me le faisait remarquer hier -, c'est que les sondages sortie des urnes ont demandé aux Américains de dire les deux messages principaux de Bush et les deux messages principaux de Kerry. Et les deux messages principaux de Bush étaient "valeurs américaines" et "chef de guerre". Les deux messages de Kerry, c'était "non à la guerre en Irak" et "non à la politique économique de Bush". Deux non, cela ne fait pas un oui.
Q- Est-ce qu'on connaît aujourd'hui les deux messages principaux de Bayrou ?
R- Je peux vous les donner, je ne suis pas sûr que ce soit le sujet. Message principal, un : l'Europe a ses valeurs, elle doit avoir sa force ; deux : dans la société française, il faut que l'on rapproche plutôt que de séparer ; les intérêts de l'économie sont à mettre en parallèle avec des progrès sociaux. Si on ne fait pas cela, on n'y arrivera pas.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 novembre 2004)