Texte intégral
Q - Vous allez parler de l'Afrique ?
R - Hier nous avons eu une réunion avec Kofi Annan et les pays du CAD de l'OCDE, -c'est-à-dire l'Europe, le Japon, les Etats-Unis, l'Australie -, pour parler du rapport que le Secrétaire général a présenté sur l'aide au développement de l'Afrique. Ce rapport, consacré en large partie à la prévention et au traitement des conflits, fait référence à un besoin d'accroître l'aide publique au développement, ce qui est intéressant au niveau de l'intention, mais ce qui est en totale contradiction avec la tendance observée au cours des dernières années.
Vous savez par ailleurs que plus de la moitié de notre aide APD, comme on dit, va à l'Afrique sub-saharienne. C'est une précision qui vaut d'être rappelée.
L'autre défi auquel Kofi Annan nous a appelés, c'est aider à l'accroissement des échanges, ce qui veut dire la libéralisation, donc l'abaissement des frontières douanières, parce que c'est une condition de l'investissement privé, qui est aussi notre ambition forte. C'est intéressant parce que le 30 septembre, à Bruxelles, il y a le coup d'envoi des fameuses négociations des Accords de Lomé, Lomé V. J'essaierai de m'y rendre, bien que nous n'ayons pas de rôle particulier à y jouer. Les discours seront ceux de la présidence autrichienne, du commissaire Pinheiro et probablement aussi du président Santer. Mais le gouvernement français souhaite y être représenté, compte tenu de l'importance de cet événement.
La France s'est beaucoup impliquée dans la préparation de cette négociation. Au cours de cette négociation, nous continuerons à faire prévaloir toute l'importance qui nous semble devoir être attachée à l'aide publique au développement qui, pour nous, n'est pas contradictoire avec l'encouragement aux investissements privés, bien au contraire. C'est souvent un préalable. Je pense qu'on aura d'autres occasions de rappeler les novations que ce Lomé V va représenter.
Q - Vous avez vu le représentant de la République démocratique du Congo ?
R - C'est prévu cet après-midi. En bilatérales, j'ai vu hier M. Amara Essy, ministre ivoirien. Je vais voir le ministre comorien. Je verrai donc le ministre de la République démocratique du Congo. Il est prévu que je voie le ministre burkinabé ; son président est président de l'OUA.
Avec Amara Essy, on a beaucoup parlé de la Guinée-Bissao. C'est à Abidjan qu'a eu lieu il y a quelques jours une réunion qui n'a malheureusement pas donné beaucoup de résultats et les choses continuent à être préoccupantes. Deux Mig ont survolé Bissao hier et le président Vieira a publié un communiqué de protestation et le commandement suprême de la junte (c'était la signature du communiqué), a sorti un communiqué assez étonnant. Bref, on est loin d'avoir trouvé la solution. Mais la dimension déstabilisante pour la région est un peu plus contrôlée quand même.
Nous rencontrerons peut-être le général Abubakar qui doit arriver aujourd'hui et qui sera reçu à l'Elysée normalement samedi. Ce contact est important, d'autant qu'il est président de la CEDEAO aussi, donc impliqué dans la prévention des conflits et leur gestion. Nous recevons à Paris mardi M. Charles Taylor, le président du Liberia. Je parle avec mes interlocuteurs de la situation de ce pays. C'est l'occasion aussi d'évoquer la situation dans les Grands lacs. A cet égard je voulais vous dire que Kofi Annan, hier, en concluant la rencontre dont je parlais à l'instant, a évoqué explicitement cette perspective d'une conférence pour les Grands lacs. Cette idée progresse, me semble-t-il. Je vois aussi le ministre mozambicain.
Q - La situation réelle en Guinée-Bissao. Est-ce que le président Vieira a vraiment une partie de l'armée avec lui ?
R - Honnêtement, c'est bien la question. Le président Viera ne peut disposer que d'une partie des forces militaires, la Garde présidentielle. Sachant que ce sont surtout les Guinéens qui s'occupent de la présidence, les Sénégalais occupant eux davantage la région du port et la ville.
Q - Est-ce que vous allez discuter à l'occasion de cette session du problème de plus en plus flagrant d'immixtion des pays dans les conflits. On a le problème du Congo avec d'un côté les Angolais, de l'autre côté les Rwandais et les Ougandais plus d'autres pays qui interviennent. La Guinée-Bissao dont on ne parle pas beaucoup mais c'est vrai que vous avez un corps expéditionnaire sans trop de mandat...
R - C'est vrai que l'on a beaucoup insisté sur la nécessité que les Africains s'occupent eux-mêmes de leur propre sécurité ; mais du coup, ils ont même tendance à s'en occuper sans en référer au Conseil de sécurité.
Q - Sur votre rencontre, tout à l'heure, avec le ministre de la République démocratique du Congo.
R - Oui, j'ai reçu il n'y a pas très longtemps l'envoyé spécial de Kabila, le ministre des Transports, M. Mova . Il a fait le tour des capitales européennes en passant par Paris. Je l'ai reçu très longuement il y a une quinzaine de jours.
Q - Que vous a dit M. Mova ?
R - Il nous a dit que M. Kabila appréciait beaucoup la France
Q - C'est passé, c'est oublié, l'effet qu'avait eu votre petite phrase ?
R - On s'en est expliqué.
Q - Comment est-ce que vous caractériseriez les relations entre la France et la République démocratique du Congo ?
R - Il n'y a pas de coopération d'Etat à Etat. Il y a une coopération civile au travers d'ONG qui fait que nous mobilisons environ 25 MF pour aider un certain nombre d'actions dans le domaine de la santé et de l'éducation. Voilà la réalité de la coopération. Lors de la réunion des amis du Congo à Bruxelles, nous avions dit notre disponibilité à participer à la reconstruction et au développement de ce pays. Il y avait quelques conditions posées, notamment la reconnaissance du pluralisme politique, qui n'ont pas été remplies. C'était une conditionnalité posée par l'ensemble des pays européens. Ce qui fait que ce programme auquel nous étions prêts à participer ne s'est pas mis en oeuvre. La suite, vous la connaissez. Nous avons envoyé une aide qui a été la première à se mettre en place, un avion qui s'est posé avec des vivres et des médicaments, il y a une semaine. Son arrivée a été, parait-il, très bien accueillie et largement rendue populaire par les journaux locaux. On a beaucoup insisté sur le fait que c'était une aide de la France, et que cela qui signifiait que les relations tendaient à se normaliser. C'est ainsi que les journaux l'ont interprété.
Q - La relation va se normaliser ?
R - M. Kabila est au pouvoir à Kinshasa et a donc des responsabilités particulières dans le devenir de ce pays dont nous voudrions voir préserver l'intégrité territoriale, point sur lequel nous insistons beaucoup. Nous aimerions que la situation permette aux Congolais de s'occuper de leur propre devenir. Il faut qu'une solution soit trouvée en ce qui concerne la présence des troupes étrangères et c'est dans la durée qu'il faut agir. D'où l'intérêt de la conférence sur les Grands lacs qui devrait mobiliser l'ensemble des voisins pour essayer de trouver le moyen d'assurer la paix mais aussi le développement de ce pays. C'est un problème très lourd. Vous avez vu que les Soudanais sont également concernés. La question du Sud-Soudan doit être traitée aussi, parce que c'est également une cause très importante d'instabilité dans la région.
Q - Est-ce que vous n'avez pas l'impression que les Angolais sont entrés dans la République démocratique du Congo et vont y rester pendant un bon bout de temps avec la bénédiction des pétroliers, que les Rwandais et les Ougandais vont rester dans le Kivu pendant un bon bout de temps parce qu'ils ont besoin de cette zone tampon. Donc une intégrité territoriale qui sera factice finalement avec des troupes étrangères qui vont se regarder en chiens et chats.
R - La situation que l'on constate sur le terrain risque de se prolonger quelque temps. Je ne peux rien dire de plus.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)
R - Hier nous avons eu une réunion avec Kofi Annan et les pays du CAD de l'OCDE, -c'est-à-dire l'Europe, le Japon, les Etats-Unis, l'Australie -, pour parler du rapport que le Secrétaire général a présenté sur l'aide au développement de l'Afrique. Ce rapport, consacré en large partie à la prévention et au traitement des conflits, fait référence à un besoin d'accroître l'aide publique au développement, ce qui est intéressant au niveau de l'intention, mais ce qui est en totale contradiction avec la tendance observée au cours des dernières années.
Vous savez par ailleurs que plus de la moitié de notre aide APD, comme on dit, va à l'Afrique sub-saharienne. C'est une précision qui vaut d'être rappelée.
L'autre défi auquel Kofi Annan nous a appelés, c'est aider à l'accroissement des échanges, ce qui veut dire la libéralisation, donc l'abaissement des frontières douanières, parce que c'est une condition de l'investissement privé, qui est aussi notre ambition forte. C'est intéressant parce que le 30 septembre, à Bruxelles, il y a le coup d'envoi des fameuses négociations des Accords de Lomé, Lomé V. J'essaierai de m'y rendre, bien que nous n'ayons pas de rôle particulier à y jouer. Les discours seront ceux de la présidence autrichienne, du commissaire Pinheiro et probablement aussi du président Santer. Mais le gouvernement français souhaite y être représenté, compte tenu de l'importance de cet événement.
La France s'est beaucoup impliquée dans la préparation de cette négociation. Au cours de cette négociation, nous continuerons à faire prévaloir toute l'importance qui nous semble devoir être attachée à l'aide publique au développement qui, pour nous, n'est pas contradictoire avec l'encouragement aux investissements privés, bien au contraire. C'est souvent un préalable. Je pense qu'on aura d'autres occasions de rappeler les novations que ce Lomé V va représenter.
Q - Vous avez vu le représentant de la République démocratique du Congo ?
R - C'est prévu cet après-midi. En bilatérales, j'ai vu hier M. Amara Essy, ministre ivoirien. Je vais voir le ministre comorien. Je verrai donc le ministre de la République démocratique du Congo. Il est prévu que je voie le ministre burkinabé ; son président est président de l'OUA.
Avec Amara Essy, on a beaucoup parlé de la Guinée-Bissao. C'est à Abidjan qu'a eu lieu il y a quelques jours une réunion qui n'a malheureusement pas donné beaucoup de résultats et les choses continuent à être préoccupantes. Deux Mig ont survolé Bissao hier et le président Vieira a publié un communiqué de protestation et le commandement suprême de la junte (c'était la signature du communiqué), a sorti un communiqué assez étonnant. Bref, on est loin d'avoir trouvé la solution. Mais la dimension déstabilisante pour la région est un peu plus contrôlée quand même.
Nous rencontrerons peut-être le général Abubakar qui doit arriver aujourd'hui et qui sera reçu à l'Elysée normalement samedi. Ce contact est important, d'autant qu'il est président de la CEDEAO aussi, donc impliqué dans la prévention des conflits et leur gestion. Nous recevons à Paris mardi M. Charles Taylor, le président du Liberia. Je parle avec mes interlocuteurs de la situation de ce pays. C'est l'occasion aussi d'évoquer la situation dans les Grands lacs. A cet égard je voulais vous dire que Kofi Annan, hier, en concluant la rencontre dont je parlais à l'instant, a évoqué explicitement cette perspective d'une conférence pour les Grands lacs. Cette idée progresse, me semble-t-il. Je vois aussi le ministre mozambicain.
Q - La situation réelle en Guinée-Bissao. Est-ce que le président Vieira a vraiment une partie de l'armée avec lui ?
R - Honnêtement, c'est bien la question. Le président Viera ne peut disposer que d'une partie des forces militaires, la Garde présidentielle. Sachant que ce sont surtout les Guinéens qui s'occupent de la présidence, les Sénégalais occupant eux davantage la région du port et la ville.
Q - Est-ce que vous allez discuter à l'occasion de cette session du problème de plus en plus flagrant d'immixtion des pays dans les conflits. On a le problème du Congo avec d'un côté les Angolais, de l'autre côté les Rwandais et les Ougandais plus d'autres pays qui interviennent. La Guinée-Bissao dont on ne parle pas beaucoup mais c'est vrai que vous avez un corps expéditionnaire sans trop de mandat...
R - C'est vrai que l'on a beaucoup insisté sur la nécessité que les Africains s'occupent eux-mêmes de leur propre sécurité ; mais du coup, ils ont même tendance à s'en occuper sans en référer au Conseil de sécurité.
Q - Sur votre rencontre, tout à l'heure, avec le ministre de la République démocratique du Congo.
R - Oui, j'ai reçu il n'y a pas très longtemps l'envoyé spécial de Kabila, le ministre des Transports, M. Mova . Il a fait le tour des capitales européennes en passant par Paris. Je l'ai reçu très longuement il y a une quinzaine de jours.
Q - Que vous a dit M. Mova ?
R - Il nous a dit que M. Kabila appréciait beaucoup la France
Q - C'est passé, c'est oublié, l'effet qu'avait eu votre petite phrase ?
R - On s'en est expliqué.
Q - Comment est-ce que vous caractériseriez les relations entre la France et la République démocratique du Congo ?
R - Il n'y a pas de coopération d'Etat à Etat. Il y a une coopération civile au travers d'ONG qui fait que nous mobilisons environ 25 MF pour aider un certain nombre d'actions dans le domaine de la santé et de l'éducation. Voilà la réalité de la coopération. Lors de la réunion des amis du Congo à Bruxelles, nous avions dit notre disponibilité à participer à la reconstruction et au développement de ce pays. Il y avait quelques conditions posées, notamment la reconnaissance du pluralisme politique, qui n'ont pas été remplies. C'était une conditionnalité posée par l'ensemble des pays européens. Ce qui fait que ce programme auquel nous étions prêts à participer ne s'est pas mis en oeuvre. La suite, vous la connaissez. Nous avons envoyé une aide qui a été la première à se mettre en place, un avion qui s'est posé avec des vivres et des médicaments, il y a une semaine. Son arrivée a été, parait-il, très bien accueillie et largement rendue populaire par les journaux locaux. On a beaucoup insisté sur le fait que c'était une aide de la France, et que cela qui signifiait que les relations tendaient à se normaliser. C'est ainsi que les journaux l'ont interprété.
Q - La relation va se normaliser ?
R - M. Kabila est au pouvoir à Kinshasa et a donc des responsabilités particulières dans le devenir de ce pays dont nous voudrions voir préserver l'intégrité territoriale, point sur lequel nous insistons beaucoup. Nous aimerions que la situation permette aux Congolais de s'occuper de leur propre devenir. Il faut qu'une solution soit trouvée en ce qui concerne la présence des troupes étrangères et c'est dans la durée qu'il faut agir. D'où l'intérêt de la conférence sur les Grands lacs qui devrait mobiliser l'ensemble des voisins pour essayer de trouver le moyen d'assurer la paix mais aussi le développement de ce pays. C'est un problème très lourd. Vous avez vu que les Soudanais sont également concernés. La question du Sud-Soudan doit être traitée aussi, parce que c'est également une cause très importante d'instabilité dans la région.
Q - Est-ce que vous n'avez pas l'impression que les Angolais sont entrés dans la République démocratique du Congo et vont y rester pendant un bon bout de temps avec la bénédiction des pétroliers, que les Rwandais et les Ougandais vont rester dans le Kivu pendant un bon bout de temps parce qu'ils ont besoin de cette zone tampon. Donc une intégrité territoriale qui sera factice finalement avec des troupes étrangères qui vont se regarder en chiens et chats.
R - La situation que l'on constate sur le terrain risque de se prolonger quelque temps. Je ne peux rien dire de plus.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)