Texte intégral
Messieurs les Directeurs,
Mesdames, Messieurs,
Lorsque j'ai pris mes fonctions, je me suis fixé l'objectif de venir à la rencontre de l'ensemble des services qui travaillent au sein de mon département ministériel.
Aussi est-ce avec grand plaisir que j'ai répondu à l'invitation de votre directeur, Jean BESSIERE, de me rendre à l'institut national du travail à l'occasion de la cérémonie de sortie des inspecteurs élèves de la promotion 2003.
Cette cérémonie, marquée par la remise, à chaque élève, de sa carte professionnelle de service, revêt un caractère symbolique.
Elle scelle l'achèvement de dix-huit mois de scolarité, riches en échanges et en expériences de terrain.
Elle officialise, dans le même temps, votre entrée dans la carrière professionnelle que vous avez choisie, au service de l'Etat. Dans quelques jours, après avoir prêté serment et signé votre procès-verbal d'installation, vous prendrez vos fonctions en section d'inspection, en direction départementale ou encore en direction régionale.
Les responsabilités que vous êtes appelés à y exercer sont importantes. En section d'inspection, vous aurez à veiller au respect des droits des salariés et à la pleine application des règles d'hygiène et de sécurité. En direction départementale ou régionale, vous participerez directement à la mise en uvre de la politique de l'emploi
Placés au cur des contradictions de notre société, vous rencontrerez sans doute des situations conflictuelles et humainement difficiles. Pour y faire face, vous devrez savoir faire preuve de pédagogie et de mesure. Vous devrez privilégier le dialogue plutôt que la confrontation et jouer un rôle de facilitateur et de médiateur.
Il ne faut pas se le cacher. Votre tâche sera parfois difficile. Vous serez exposés aux critiques des uns ou des autres. Mais vous tiendrez bon parce que, servant l'Etat, vous servez l'intérêt commun.
Sachez que vous trouverez en moi un défenseur de l'inspection du travail.
Je voudrais, à l'occasion de cette cérémonie, évoquer avec vous les priorités qui me paraissent devoir guider votre action et le cadre institutionnel dans lequel s'inscrira votre intervention.
Compte tenu de l'orientation de la politique du travail que j'entends mener à la tête de ce ministère, les priorités qui doivent guider l'action des services déconcentrés et en particulier de l'inspection du travail, sont au nombre de trois.
- Présence sur le terrain et pédagogie, tout d'abord.
Votre première mission est de faire respecter le droit du travail au sein des entreprises. A cet égard, il est primordial que vous développiez et entreteniez des rapports réguliers avec les chefs d'entreprise, les organisations syndicales et patronales, les représentants des salariés, en étant présents sur le terrain, en vous rendant dans les entreprises.
Avant de rappeler les règles et, si nécessaire, de sanctionner, il s'agit d'abord de connaître, de comprendre et d'expliquer.
Chacun s'accorde à le reconnaître, les règles applicables en matière de droit du travail sont particulièrement touffues et difficiles d'accès. Le code du travail comporte à lui seul près de 2000 pages, d'une lecture plutôt difficile, même pour des spécialistes. Il faut donc mettre l'accent en priorité sur l'information des usagers du droit du travail.
Au-delà des normes législatives et réglementaires, vous devez aussi veiller à la bonne application du droit conventionnel et à au développement du dialogue social, notamment dans les entreprises, dans la ligne de la loi du 4 mai 2004.
- L'attention portée à l'emploi des salariés les plus fragiles doit être votre deuxième priorité.
Sous l'effet de la dégradation de la situation du marché du travail, le nombre de personnes en situation d'exclusion n'a cessé d'augmenter.
Cette situation milite en faveur d'une forte implication des services déconcentrés en direction des publics les plus en difficulté, dans le but de favoriser leur retour durable à l'emploi.
Vous serez à ce titre associés, avec l'ensemble des services du ministère, à la mise en uvre des différentes mesures en faveur des chômeurs de longue durée figurant dans le plan de cohésion sociale présenté par Jean-Louis Borloo au Conseil des ministres mercredi dernier.
Il convient par ailleurs de faire montre d'une particulière vigilance à l'égard du phénomène du travail illégal. Ce phénomène se nourrit pour partie de la situation de fragilité sociale et économique dans laquelle se trouve une partie de nos compatriotes. Il expose les salariés à de graves risques pour leur santé et leur sécurité.
J'ai réuni, il y a de cela deux semaines, la commission nationale de lutte contre le travail illégal pour définir un plan d'action énergique pour les deux années à venir. J'entends que, toutes et tous, dans les sections d'inspection comme dans les directions départementales et régionales, vous vous mobilisiez contre ce qui constitue un véritable fléau social et économique.
- L'évaluation des risques et la protection de la santé au travail constituent la troisième des priorités de votre action.
Nos compatriotes attendent de l'Etat qu'il assume désormais pleinement et efficacement ses responsabilités en matière d'évaluation des risques en milieu de travail, de réglementation des activités dangereuses ainsi que de contrôle sur le terrain.
Cette attente est légitime. En matière de connaissance et de prévention des risques, l'Etat a une obligation de moyens, si ce n'est de résultat, comme l'a solennellement rappelé le Conseil d'Etat à propos de l'amiante.
Sur ces sujets, vous êtes là encore en première ligne.
J'ai conscience qu'il s'agit de sujets d'une extrême complexité : les facteurs de risques, notamment les substances dangereuses, sont sans cesse plus nombreux et le plus souvent mal connus. Se développent par ailleurs des maladies plurifactorielles pour le traitement et la prévention desquelles les réponses traditionnelles sont inadaptées.
Nous devons donc renouveler notre approche de la protection de la santé des salariés en milieu de travail et étoffer nos moyens d'expertise et d'analyse.
C'est pour cette raison que je souhaite engager une réflexion sur l'évolution des méthodes de travail des services déconcentrés du ministère dans ce domaine.
Jusqu'ici, nous avons privilégié en France, à la différence de la plupart de nos voisins européens, le développement d'une inspection du travail généraliste, organisée sur une base exclusivement territoriale.
Ce choix atteint ses limites dans un environnement économique et technique sans cesse plus complexe et plus spécialisé. Intervenir avec les mêmes outils dans une très petite entreprise dans le secteur artisanal et sur un site de production industrielle de haute technologie tient de la gageure. Les risques et les enjeux ne sont pas comparables. Les connaissances techniques à mobiliser pour un contrôle efficace ne sont pas les mêmes.
J'ai donc la conviction que les modalités d'intervention de l'inspection du travail doivent évoluer pour permettre aux inspecteurs d'appréhender efficacement les nouvelles réalités du monde du travail.
Cela passe sans doute par un travail plus collectif au sein des sections. Cela passe aussi par une meilleure coordination des interventions, sous l'égide des directions régionales, dans le plein respect, bien entendu, du principe d'indépendance garanti aux inspecteurs par la convention n° 81 de l'OIT, mais comme le disait Pierre BEREGOVOY ici même le 26 avril 1984, " d'une indépendance qui crée des devoirs ".
Dans cette perspective, trois pistes méritent, me semble-t-il, d'être explorées.
En premier lieu, il est nécessaire de définir, au niveau régional, une véritable stratégie de contrôle, fondée sur des objectifs clairement affichés. Nous donnerons ainsi une plus grande visibilité et une plus grande efficacité à l'action de l'inspection du travail.
En deuxième lieu, il importe de mettre en place, dans chaque direction régionale, des cellules d'appui pluridisciplinaires de haut niveau, associant des médecins du travail, des ergonomes ou des ingénieurs de sécurité et de prévention. Ces cellules viendront épauler, à leur demande, les agents de contrôle dans leurs actions sur le terrain.
Au-delà, nous devons réfléchir, ensemble, à de nouvelles modalités d'organisation permettant de développer les synergies entre les sections géographiques, de faciliter les échanges d'informations et de capitaliser sur l'expérience acquise lors de précédents contrôles. Ainsi, pourquoi ne pas créer, à côté des sections géographiques, des sections transversales spécialisées, à l'échelle d'une région ou d'un bassin d'emploi, dans tel ou tel secteur d'activité ?
En troisième lieu enfin, nous devons développer nos capacités d'évaluation a posteriori. L'inspection du travail sera d'autant plus écoutée et respectée qu'elle aura démontré sa capacité à se remettre en cause et à tirer le meilleur profit des expériences menées sur le terrain. La loi organique relative aux lois de finances nous impose de mettre en place les outils d'une véritable mesure de performance de l'action publique
Telles sont, Mesdames et Messieurs, les points sur lesquels je souhaitais insister aujourd'hui.
Le métier auquel vous avez choisi de vous consacrer touche aux fondements historiques de notre ministère. Il constitue le cur de son action. Il demande de la passion et du courage et le sens de l'intérêt général, il suscite l'engagement. Vous saurez, je n'en doute pas, en relever les défis. Je vous présente mes voeux de succès dans cette entreprise.
Je vais maintenant procéder à la remise des cartes professionnelles de service avec les représentants des deux autres ministères concernés.
(source http://www.travail.gouv.fr, le 7 juillet 2004)