Texte intégral
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Gouverneurs et Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce matin à Paris, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en vous exprimant à nouveau mon regret de n'avoir pu être parmi vous à Brazzaville en avril dernier. J'avais été retenu, vous le savez, par un contexte politique et budgétaire particulièrement chargé. Je n'imaginais pas à ce moment-là qu'il serait plus encore chargé aujourd'hui !
Cette première réunion avec vous revêt pour moi une importante toute particulière : elle est d'abord l'occasion de vous dire, le plus solennellement et le plus chaleureusement possible, le prix que j'attache à la Zone franc et aux relations qui existent entre nos États. La France et l'Afrique partagent une longue histoire et construisent ensemble l'avenir. Je vous le dis sans la moindre hésitation : c'est à mes yeux une grande chance pour mon pays. Je ne conçois pas, je ne concevrai jamais l'avenir de la France sans cette relation d'exception.
Parmi tous les liens qui nous unissent, la Zone franc reste irremplaçable : deux fois par an, au niveau ministériel, notre concertation nous permet de prendre le pouls des évolutions de l'Afrique et de débattre des solutions concrètes à apporter aux difficultés que connaît votre continent. C'est dans cette enceinte qu'ont été créés et perfectionnés de nombreux mécanismes - monétaires, économiques et financiers - au service du développement. Ici, notre solidarité ne se paye pas de mots : elle s'attache à résoudre les problèmes tels qu'ils sont.
D'autres réunions internationales nous offrent l'occasion de parler de l'aide au développement. Ce sera le cas, dans quelques jours, lorsque nous serons à Washington. Mais je sais que je n'y retrouverai pas le mélange de respect et de franchise qui rend notre relation si singulière. Je vous le dis sans détour, à l'heure où la mondialisation met à mal les repères traditionnels et désoriente souvent nos concitoyens, la " Zone franc " constitue un repère essentiel à mes yeux : elle symbolise la communauté de destin entre la France et l'Afrique et cet avenir partagé qu'il nous appartient de faire vivre ensemble !
J'attends de nos débats de ce matin qu'ils en apportent, une fois de plus, le témoignage. C'est dans cet esprit que j'ouvre nos travaux, qui porteront, successivement, sur la modernisation de l'aide publique au développement, la convergence de vos économies, la transparence dans les industries extractives, avant d'évoquer les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
Pardonnez-moi si je dois m'absenter au cours de notre réunion, avant de vous retrouver pour le déjeuner. Mais je vous laisserai en excellente compagnie avec Xavier DARCOS, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, et Xavier MUSCA, notre nouveau directeur du Trésor.
Les enjeux de l'augmentation du volume et de l'efficacité de l'aide publique au développement
Si vous le permettez, je centrerai principalement mon intervention sur le premier thème de l'ordre du jour : le renforcement du volume et de l'efficacité de l'aide au développement. C'est un enjeu majeur, qui concerne très directement les ministres des finances. Nous en avons nous-mêmes débattu, le 20 juillet dernier, au sein du gouvernement français, en compagnie de Xavier DARCOS.
Tout le monde aujourd'hui est d'accord : le décollage économique et social de l'Afrique ne sera possible que si nous parvenons à mobiliser rapidement une aide accrue, orientée vers les besoins sociaux prioritaires. Je suis de ceux qui sont convaincus que c'est l'un des défis majeurs que notre génération aura à relever, si elle ne veut pas léguer à ses enfants un monde encore plus injuste et donc encore plus dangereux que celui que nous connaissons aujourd'hui.
Mais inversement - car il faut ici nous parler franchement - les bailleurs ne pourront assumer pleinement cet effort financier que si les pays qui reçoivent l'aide au développement sont capables de leur garantir qu'elle sera utilisée de façon rigoureuse, transparente et efficace. Renforcement du volume et de l'efficacité de l'aide : ces deux termes sont pour moi indissociables.
1) Vous le savez, la France s'est résolument engagée à porter, d'ici à 2007, son effort d'aide publique au développement à 0,5 % de son PIB : ceci représentera notre " part du chemin " pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Les résultats sont déjà probants puisque nous sommes passés de 0,31 % en 2000 à 0,42 % à la fin de cette année, en tête de tous les pays du G7.
Notre objectif sera tenu. En 2004, j'ai personnellement veillé à préserver les crédits d'APD, malgré les fortes contraintes de convergence qui pèsent, en Europe, sur nos finances publiques. Notre effort se poursuivra : j'ai annoncé hier, lors de ma présentation du budget 2005, que les crédits de l'aide publique au développement seront en hausse de 5 % l'année prochaine, soit l'une des plus fortes hausses de ce budget, essentiellement au profit de l'Afrique. Cette augmentation vise à prendre progressivement le relais des annulations de dette à l'issue de l'initiative PPTE : je sais que c'est un sujet qui vous préoccupe et qu'il vous arrive de vous demander où est l'argent du développement, alors qu'il provient notamment des annulations de dette.
Vous le voyez, nous assumons nos choix et les Français font la preuve de leur solidarité active avec l'Afrique à travers la relance de notre APD. Mais je n'ignore pas, comme vous, que ces efforts ne seront pas suffisants pour être au rendez-vous des objectifs du Millénaire : c'est pourquoi la France est au premier rang pour faire progresser les sources innovantes de financements, au-delà et à côté des formes actuelles d'aide au développement. Pour y parvenir, de nouveaux mécanismes, multilatéraux et plus automatiques, doivent être créés. Je pense à l'IFF (International Finance Facility), proposée par le gouvernement britannique, que nous soutenons. Je pense aussi à la mobilisation de ressources fiscales, qui présenterait également beaucoup d'avantages
Vous connaissez la nature des réflexions menées par le groupe de travail animé par Jean-Pierre LANDAU et qui ont été discutées par les Chefs d'États à New York il y a quelques jours. Avec votre accord, nous pourrions, dès aujourd'hui, apporter le soutien de principe de la Zone franc à ces initiatives et commencer à discuter de leurs modalités, en vue de les évoquer ensemble aux réunions de Washington. Notre détermination commune est essentielle pour convaincre les attentistes ou les sceptiques : plus que jamais, sur ces sujets, nous devons parler d'une même voix
2) J'espère que ces initiatives se concrétiseront le plus rapidement possible. Mais, je dois aussi vous avouer mon inquiétude. Si nous y parvenons, serions-nous collectivement capables de gérer la hausse de l'aide ? Nos modes de gestion, dans vos pays comme dans le mien, sont-ils adaptés à un changement d'échelle rapide des ressources financières de l'aide au développement ?
Tous les bailleurs de fonds s'interrogent, en ce moment, sur leurs propres procédures. Chacun a le sentiment que des réformes de fond sont nécessaires à très court terme. En France, des décisions importantes ont déjà été prises, guidées par trois principes clairs : plus de responsabilité ; plus de stratégie ; plus d'efficacité.
Une clarification des responsabilités était indispensable. La création d'une " mission interministérielle " sur l'aide publique au développement, bien identifiée dans notre budget, est un signal majeur de l'importance que la France attache à l'APD. J'ai soutenu cette réforme, qui permettra de mieux distinguer les compétences du ministère des affaires étrangères, responsable de la coordination d'ensemble de notre coopération, de l'aide programme et de l'aide projet, et celles du ministère des finances, en charge de la dette, de l'aide budgétaire globale et des relations avec les institutions financières internationales. Nous avons également décidé de faire de l'Agence française de d éveloppement (AFD) l'opérateur pivot de notre coopération, en charge désormais des secteurs économiques et sociaux, tels que la santé et l'éducation de base.
Le pilotage stratégique de notre aide a également été renforcé. Notre programmation par pays sera modernisée et deviendra plus sélective. Il faut savoir aussi réformer nos propres pratiques : dans les secteurs où nous choisirons ensemble d'intervenir - santé, éducation, formation, etc - nous devons devenir le partenaire de référence de vos pays et assumer pleinement ce rôle. Ceci implique évidemment de mieux savoir ce que nous voulons faire et de disposer de véritables stratégies sectorielles, qui affichent clairement la contribution de la France à la réalisation des Objectifs du Millénaire. Ces documents, en cours d'élaboration, seront largement diffusés et concertés avec la société civile et le secteur privé. Vous y serez bien sûr associés. Xavier DARCOS, qui coordonne ce volet de la réforme, en parlera certainement tout à l'heure.
Mais, tout cela n'a de sens que si notre aide devient nettement plus efficace. C'est un devoir que nous avons, tant vis-à-vis de nos contribuables que des États et des populations auxquelles notre aide est destinée. Je souhaite innover en ce domaine en introduisant dans notre coopération la logique de la performance, comme nous le faisons pour la gestion des administrations en France. A l'avenir, les résultats de notre politique de coopération devront être évalués, sur la base d'objectifs et d'indicateurs clairement définis. Ceci nous permettra de donner une priorité aux pays les plus à même de tirer parti de l'aide, c'est-à-dire à ceux qui présenteront les évolutions les plus positives en matière de gouvernance, de résultats économiques et de lutte contre la pauvreté. Selon des modalités qui font l'objet de réflexions approfondies, une aide budgétaire plus globale pourra alors être plus régulièrement mobilisée. Une attention toute particulière devra par ailleurs s'attacher aux États les plus fragiles, notamment à ceux en situation de " sortie de crise ".
Ces évolutions, conformes aux principes du NEPAD, conduiront à concentrer nos actions et à les harmoniser avec celles des autres bailleurs de fonds, européens en particulier. Sur toutes ces questions, j'entends mener avec vous une concertation étroite pour que cette réforme soit bien perçue et bien partagée.
3) Les ministres des finances ont une responsabilité particulière dans ce double mouvement d'augmentation et de modernisation de l'aide au développement. C'est à nous, dans nos gouvernements respectifs, qu'il revient de concilier ces deux exigences.
Le ministre des finances français s'y efforce. J'espère vous en avoir convaincu. Ce ministère a d'ailleurs souvent joué dans le passé un rôle décisif dans la définition des instruments et pour l'augmentation du montant de l'aide.
Mais c'est à vous surtout, mes chers collègues, que revient la tâche essentielle. Celle de faire partager les principes de la bonne gouvernance, de convaincre de l'utilité de la convergence de vos économies, tout en cherchant à satisfaire, de façon ordonnée, les revendications légitimes et prioritaires de vos populations.
A vous aussi de mobiliser vos administrations pour assainir les finances publiques et assurer la transparence indispensable au retour de la confiance et des capitaux privés.
A vous de rendre compte des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté, par exemple en vous portant candidats à la revue par les pairs du NEPAD, comme certains d'entre vous l'ont déjà fait. Vous pourriez faire beaucoup plus dans ce domaine, j'en suis persuadé.
A vous enfin et surtout de trouver la voie de la croissance pour vos économies. Sur ce plan, l'année 2004 a d'ailleurs apporté des nouvelles encourageantes pour la Zone franc et je m'en réjouis avec vous. Malgré les difficultés politiques sérieuses que traversent certains de vos États, la croissance, même si elle est encore insuffisante, est, chez vous aussi, de retour. Elle devrait atteindre près de 6 % pour l'ensemble de la zone cette année et se prolonger en 2005. Avec comme moteurs principaux : le pétrole, la production agricole et le coton.
Il n'existe à mes yeux aucune fatalité qui justifie que l'Afrique, et notamment l'Afrique francophone, soit durablement marginalisée dans l'allocation des capitaux privés. Regardons les choses comme elles sont : dans tous les domaines où i'Afrique est en retard, qu'il s'agisse des investissements étrangers, de l'intégration commerciale ou de la fracture numérique, elle peut - avec de la volonté et de la ténacité - s'appuyer sur l'exemple d'autres continents pour le rattraper, et même aller plus loin que les pays émergents d'Asie ou d'Amérique.
Faisons ensemble un pari : que l'Afrique soit dans 10 ans le " continent phare " en matière de croissance économique et d'investissements étrangers, comme l'Asie du Sud-Est le fut il y a dix ans, et comme la Chine l'est aujourd'hui. Cela implique beaucoup de travail, notamment de bâtir une véritable charte de la modernisation du climat des affaires, dans l'esprit du NEPAD. La France est disposée à concentrer son soutien sur cette dimension spécifique du développement, à côté des actions dont j'ai déjà parlé. Mais i l faut commencer tout de suite. Dès 2005, l'Afrique sera sur le devant de la scène internationale.
La Zone Franc doit y tenir toute sa place. Elle possède des atouts essentiels : une monnaie solide, une inflation maîtrisée et un processus de convergence qui est engagé, même s'il doit être renforcé en matière de politique budgétaire. Ce sont des éléments très positifs, qui constituent le socle d'une nouvelle étape. Si vous choisissez de relever ce défi, la France sera à la hauteur de votre ambition.
Votre tâche, notre tâche, est immense, je le mesure. Elle est exaltante aussi, à la mesure de l'espérance qui anime des millions d'hommes et de femmes sur votre continent : ces hommes et ces femmes qui ne désespèrent jamais et qui gardent une foi intacte dans l'homme et dans l'avenir.
Je suis sûr que nous trouverons l'occasion, dans les prochains mois, de poursuivre ce dialogue et de donner corps à cette espérance.
Après ces réflexions que j'ai voulu partager avec vous, je cède la parole à nos collègues du Niger et du Burkina Faso, pour partager leur expérience et leurs réflexions. Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 4 octobre 2004)
Messieurs les Gouverneurs et Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je suis particulièrement heureux de vous accueillir ce matin à Paris, au ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, en vous exprimant à nouveau mon regret de n'avoir pu être parmi vous à Brazzaville en avril dernier. J'avais été retenu, vous le savez, par un contexte politique et budgétaire particulièrement chargé. Je n'imaginais pas à ce moment-là qu'il serait plus encore chargé aujourd'hui !
Cette première réunion avec vous revêt pour moi une importante toute particulière : elle est d'abord l'occasion de vous dire, le plus solennellement et le plus chaleureusement possible, le prix que j'attache à la Zone franc et aux relations qui existent entre nos États. La France et l'Afrique partagent une longue histoire et construisent ensemble l'avenir. Je vous le dis sans la moindre hésitation : c'est à mes yeux une grande chance pour mon pays. Je ne conçois pas, je ne concevrai jamais l'avenir de la France sans cette relation d'exception.
Parmi tous les liens qui nous unissent, la Zone franc reste irremplaçable : deux fois par an, au niveau ministériel, notre concertation nous permet de prendre le pouls des évolutions de l'Afrique et de débattre des solutions concrètes à apporter aux difficultés que connaît votre continent. C'est dans cette enceinte qu'ont été créés et perfectionnés de nombreux mécanismes - monétaires, économiques et financiers - au service du développement. Ici, notre solidarité ne se paye pas de mots : elle s'attache à résoudre les problèmes tels qu'ils sont.
D'autres réunions internationales nous offrent l'occasion de parler de l'aide au développement. Ce sera le cas, dans quelques jours, lorsque nous serons à Washington. Mais je sais que je n'y retrouverai pas le mélange de respect et de franchise qui rend notre relation si singulière. Je vous le dis sans détour, à l'heure où la mondialisation met à mal les repères traditionnels et désoriente souvent nos concitoyens, la " Zone franc " constitue un repère essentiel à mes yeux : elle symbolise la communauté de destin entre la France et l'Afrique et cet avenir partagé qu'il nous appartient de faire vivre ensemble !
J'attends de nos débats de ce matin qu'ils en apportent, une fois de plus, le témoignage. C'est dans cet esprit que j'ouvre nos travaux, qui porteront, successivement, sur la modernisation de l'aide publique au développement, la convergence de vos économies, la transparence dans les industries extractives, avant d'évoquer les assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale.
Pardonnez-moi si je dois m'absenter au cours de notre réunion, avant de vous retrouver pour le déjeuner. Mais je vous laisserai en excellente compagnie avec Xavier DARCOS, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie, et Xavier MUSCA, notre nouveau directeur du Trésor.
Les enjeux de l'augmentation du volume et de l'efficacité de l'aide publique au développement
Si vous le permettez, je centrerai principalement mon intervention sur le premier thème de l'ordre du jour : le renforcement du volume et de l'efficacité de l'aide au développement. C'est un enjeu majeur, qui concerne très directement les ministres des finances. Nous en avons nous-mêmes débattu, le 20 juillet dernier, au sein du gouvernement français, en compagnie de Xavier DARCOS.
Tout le monde aujourd'hui est d'accord : le décollage économique et social de l'Afrique ne sera possible que si nous parvenons à mobiliser rapidement une aide accrue, orientée vers les besoins sociaux prioritaires. Je suis de ceux qui sont convaincus que c'est l'un des défis majeurs que notre génération aura à relever, si elle ne veut pas léguer à ses enfants un monde encore plus injuste et donc encore plus dangereux que celui que nous connaissons aujourd'hui.
Mais inversement - car il faut ici nous parler franchement - les bailleurs ne pourront assumer pleinement cet effort financier que si les pays qui reçoivent l'aide au développement sont capables de leur garantir qu'elle sera utilisée de façon rigoureuse, transparente et efficace. Renforcement du volume et de l'efficacité de l'aide : ces deux termes sont pour moi indissociables.
1) Vous le savez, la France s'est résolument engagée à porter, d'ici à 2007, son effort d'aide publique au développement à 0,5 % de son PIB : ceci représentera notre " part du chemin " pour atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Les résultats sont déjà probants puisque nous sommes passés de 0,31 % en 2000 à 0,42 % à la fin de cette année, en tête de tous les pays du G7.
Notre objectif sera tenu. En 2004, j'ai personnellement veillé à préserver les crédits d'APD, malgré les fortes contraintes de convergence qui pèsent, en Europe, sur nos finances publiques. Notre effort se poursuivra : j'ai annoncé hier, lors de ma présentation du budget 2005, que les crédits de l'aide publique au développement seront en hausse de 5 % l'année prochaine, soit l'une des plus fortes hausses de ce budget, essentiellement au profit de l'Afrique. Cette augmentation vise à prendre progressivement le relais des annulations de dette à l'issue de l'initiative PPTE : je sais que c'est un sujet qui vous préoccupe et qu'il vous arrive de vous demander où est l'argent du développement, alors qu'il provient notamment des annulations de dette.
Vous le voyez, nous assumons nos choix et les Français font la preuve de leur solidarité active avec l'Afrique à travers la relance de notre APD. Mais je n'ignore pas, comme vous, que ces efforts ne seront pas suffisants pour être au rendez-vous des objectifs du Millénaire : c'est pourquoi la France est au premier rang pour faire progresser les sources innovantes de financements, au-delà et à côté des formes actuelles d'aide au développement. Pour y parvenir, de nouveaux mécanismes, multilatéraux et plus automatiques, doivent être créés. Je pense à l'IFF (International Finance Facility), proposée par le gouvernement britannique, que nous soutenons. Je pense aussi à la mobilisation de ressources fiscales, qui présenterait également beaucoup d'avantages
Vous connaissez la nature des réflexions menées par le groupe de travail animé par Jean-Pierre LANDAU et qui ont été discutées par les Chefs d'États à New York il y a quelques jours. Avec votre accord, nous pourrions, dès aujourd'hui, apporter le soutien de principe de la Zone franc à ces initiatives et commencer à discuter de leurs modalités, en vue de les évoquer ensemble aux réunions de Washington. Notre détermination commune est essentielle pour convaincre les attentistes ou les sceptiques : plus que jamais, sur ces sujets, nous devons parler d'une même voix
2) J'espère que ces initiatives se concrétiseront le plus rapidement possible. Mais, je dois aussi vous avouer mon inquiétude. Si nous y parvenons, serions-nous collectivement capables de gérer la hausse de l'aide ? Nos modes de gestion, dans vos pays comme dans le mien, sont-ils adaptés à un changement d'échelle rapide des ressources financières de l'aide au développement ?
Tous les bailleurs de fonds s'interrogent, en ce moment, sur leurs propres procédures. Chacun a le sentiment que des réformes de fond sont nécessaires à très court terme. En France, des décisions importantes ont déjà été prises, guidées par trois principes clairs : plus de responsabilité ; plus de stratégie ; plus d'efficacité.
Une clarification des responsabilités était indispensable. La création d'une " mission interministérielle " sur l'aide publique au développement, bien identifiée dans notre budget, est un signal majeur de l'importance que la France attache à l'APD. J'ai soutenu cette réforme, qui permettra de mieux distinguer les compétences du ministère des affaires étrangères, responsable de la coordination d'ensemble de notre coopération, de l'aide programme et de l'aide projet, et celles du ministère des finances, en charge de la dette, de l'aide budgétaire globale et des relations avec les institutions financières internationales. Nous avons également décidé de faire de l'Agence française de d éveloppement (AFD) l'opérateur pivot de notre coopération, en charge désormais des secteurs économiques et sociaux, tels que la santé et l'éducation de base.
Le pilotage stratégique de notre aide a également été renforcé. Notre programmation par pays sera modernisée et deviendra plus sélective. Il faut savoir aussi réformer nos propres pratiques : dans les secteurs où nous choisirons ensemble d'intervenir - santé, éducation, formation, etc - nous devons devenir le partenaire de référence de vos pays et assumer pleinement ce rôle. Ceci implique évidemment de mieux savoir ce que nous voulons faire et de disposer de véritables stratégies sectorielles, qui affichent clairement la contribution de la France à la réalisation des Objectifs du Millénaire. Ces documents, en cours d'élaboration, seront largement diffusés et concertés avec la société civile et le secteur privé. Vous y serez bien sûr associés. Xavier DARCOS, qui coordonne ce volet de la réforme, en parlera certainement tout à l'heure.
Mais, tout cela n'a de sens que si notre aide devient nettement plus efficace. C'est un devoir que nous avons, tant vis-à-vis de nos contribuables que des États et des populations auxquelles notre aide est destinée. Je souhaite innover en ce domaine en introduisant dans notre coopération la logique de la performance, comme nous le faisons pour la gestion des administrations en France. A l'avenir, les résultats de notre politique de coopération devront être évalués, sur la base d'objectifs et d'indicateurs clairement définis. Ceci nous permettra de donner une priorité aux pays les plus à même de tirer parti de l'aide, c'est-à-dire à ceux qui présenteront les évolutions les plus positives en matière de gouvernance, de résultats économiques et de lutte contre la pauvreté. Selon des modalités qui font l'objet de réflexions approfondies, une aide budgétaire plus globale pourra alors être plus régulièrement mobilisée. Une attention toute particulière devra par ailleurs s'attacher aux États les plus fragiles, notamment à ceux en situation de " sortie de crise ".
Ces évolutions, conformes aux principes du NEPAD, conduiront à concentrer nos actions et à les harmoniser avec celles des autres bailleurs de fonds, européens en particulier. Sur toutes ces questions, j'entends mener avec vous une concertation étroite pour que cette réforme soit bien perçue et bien partagée.
3) Les ministres des finances ont une responsabilité particulière dans ce double mouvement d'augmentation et de modernisation de l'aide au développement. C'est à nous, dans nos gouvernements respectifs, qu'il revient de concilier ces deux exigences.
Le ministre des finances français s'y efforce. J'espère vous en avoir convaincu. Ce ministère a d'ailleurs souvent joué dans le passé un rôle décisif dans la définition des instruments et pour l'augmentation du montant de l'aide.
Mais c'est à vous surtout, mes chers collègues, que revient la tâche essentielle. Celle de faire partager les principes de la bonne gouvernance, de convaincre de l'utilité de la convergence de vos économies, tout en cherchant à satisfaire, de façon ordonnée, les revendications légitimes et prioritaires de vos populations.
A vous aussi de mobiliser vos administrations pour assainir les finances publiques et assurer la transparence indispensable au retour de la confiance et des capitaux privés.
A vous de rendre compte des progrès réalisés dans la lutte contre la pauvreté, par exemple en vous portant candidats à la revue par les pairs du NEPAD, comme certains d'entre vous l'ont déjà fait. Vous pourriez faire beaucoup plus dans ce domaine, j'en suis persuadé.
A vous enfin et surtout de trouver la voie de la croissance pour vos économies. Sur ce plan, l'année 2004 a d'ailleurs apporté des nouvelles encourageantes pour la Zone franc et je m'en réjouis avec vous. Malgré les difficultés politiques sérieuses que traversent certains de vos États, la croissance, même si elle est encore insuffisante, est, chez vous aussi, de retour. Elle devrait atteindre près de 6 % pour l'ensemble de la zone cette année et se prolonger en 2005. Avec comme moteurs principaux : le pétrole, la production agricole et le coton.
Il n'existe à mes yeux aucune fatalité qui justifie que l'Afrique, et notamment l'Afrique francophone, soit durablement marginalisée dans l'allocation des capitaux privés. Regardons les choses comme elles sont : dans tous les domaines où i'Afrique est en retard, qu'il s'agisse des investissements étrangers, de l'intégration commerciale ou de la fracture numérique, elle peut - avec de la volonté et de la ténacité - s'appuyer sur l'exemple d'autres continents pour le rattraper, et même aller plus loin que les pays émergents d'Asie ou d'Amérique.
Faisons ensemble un pari : que l'Afrique soit dans 10 ans le " continent phare " en matière de croissance économique et d'investissements étrangers, comme l'Asie du Sud-Est le fut il y a dix ans, et comme la Chine l'est aujourd'hui. Cela implique beaucoup de travail, notamment de bâtir une véritable charte de la modernisation du climat des affaires, dans l'esprit du NEPAD. La France est disposée à concentrer son soutien sur cette dimension spécifique du développement, à côté des actions dont j'ai déjà parlé. Mais i l faut commencer tout de suite. Dès 2005, l'Afrique sera sur le devant de la scène internationale.
La Zone Franc doit y tenir toute sa place. Elle possède des atouts essentiels : une monnaie solide, une inflation maîtrisée et un processus de convergence qui est engagé, même s'il doit être renforcé en matière de politique budgétaire. Ce sont des éléments très positifs, qui constituent le socle d'une nouvelle étape. Si vous choisissez de relever ce défi, la France sera à la hauteur de votre ambition.
Votre tâche, notre tâche, est immense, je le mesure. Elle est exaltante aussi, à la mesure de l'espérance qui anime des millions d'hommes et de femmes sur votre continent : ces hommes et ces femmes qui ne désespèrent jamais et qui gardent une foi intacte dans l'homme et dans l'avenir.
Je suis sûr que nous trouverons l'occasion, dans les prochains mois, de poursuivre ce dialogue et de donner corps à cette espérance.
Après ces réflexions que j'ai voulu partager avec vous, je cède la parole à nos collègues du Niger et du Burkina Faso, pour partager leur expérience et leurs réflexions. Je vous remercie.
(Source http://www.minefi.gouv.fr, le 4 octobre 2004)