Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué à l'intérieur et porte-parole du gouvernement, sur le parachutage de SAS français en Bretagne le 5 juin 1944 et sur le devoir de mémoire et de gratitude envers le courage des combattants de la liberté, Plumelec le 5 juin 2004.

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Circonstance : Cérémonie du 60ème anniversaire du Débarquement à Plumelec

Texte intégral

Madame le Préfet,
Monsieur le Député,
Monsieur le Président,
Monsieur le Maire,
Mon Général,
Mesdames et Messieurs les Présidents d'Associations Patriotiques,
Mesdames et Messieurs,
La cérémonie qui nous réunit aujourd'hui a pour moi un sens tout particulier, car c'est un honneur et une mission réellement émouvante de venir ici représenter l'ensemble du Gouvernement de la République. Je n'oublie pas qu'avant moi, le général de Gaulle lui-même, mais aussi ses proches les plus fidèles, comme Pierre Messmer, ont présidé ces commémorations du souvenir en Bretagne.

Pour nous, Français, et pour tous ceux qui appartiennent comme moi à la famille gaulliste, le souvenir du 5 juin 1944 a en effet une valeur bien singulière : c'est un des symboles de l'histoire de la France Libre, de cette aventure extraordinaire, faite d'audace, de courage et de dépassement de soi. C'est une occasion de s'incliner ensemble devant ces hauts faits de notre histoire et d'en tirer des leçons pour l'avenir de notre patrie.
Je voudrais avec vous rappeler le souvenir de ces faits héroïques et honorer la mémoire de ceux qui ont perdu la vie dans ce combat pour la Liberté.
J'aimerais aussi vous dire toute l'importance que j'accorde à ces cérémonies du 60ème anniversaire du Débarquement, qui participent au devoir de mémoire et permettent de sensibiliser les nouvelles générations aux valeurs portées par les combattants de la liberté : le courage, l'humanisme et la grandeur d'âme.
I. 5 juin 1944 : Des Français au service de l'héroïsme et de la Liberté
Il y a soixante ans exactement, à quelques heures près, une poignée d'hommes touche le sol de la Bretagne. Ces jeunes parachutistes du SAS (Special Air Service) sont des Français : ils sont les premiers soldats alliés engagés dans la grande bataille de la Libération de la France. Leur mission : créer des bases pour empêcher les soldats allemands stationnés en Bretagne de rejoindre les combats de Normandie.
Dans cette fameuse nuit du 5 au 6 juin, ils se lancent dans ce glorieux combat ; frêles silhouettes venues du ciel, ils ont pour eux la foi, la fougue et l'audace de ceux qui n'hésitent pas à donner leur vie pour leur pays.
Leur honneur, ce fut celui d'avoir été des hommes d'exception ; ce fut aussi celui d'avoir laissé leur vie pour l'Histoire, lors du jour le plus long.
Dès leur arrivée sur le sol de France, ils subissent le feu de la mitraille allemande et à minuit quarante, le caporal Emile Bouétard tombe. A l'heure où les paras américains et les planeurs britanniques volent encore vers la Normandie, il est le premier mort du débarquement.
C'est donc ici, dans les landes de Bretagne, dans les profondeurs de la nuit, que débuta une des aventures les plus incroyables du XXe siècle : le débarquement d'une véritable armada de la Liberté, déferlant sur le sol de France et dévastant sur son passage la haine et la barbarie nazie.
Dans les jours qui suivirent, soldats de la France Libre, et résistants de l'Intérieur luttèrent au coude à coude, ici en Bretagne, dans des combats féroces. Jour après jour, harcelés par l'ennemi, ils vont reconquérir chaque centimètre du sol de France. " Voilà ce qu'ils ont fait, jouant le tout pour le tout, entièrement livrés à eux-mêmes, au milieu des lignes ennemies ", leur écrira le Général de Gaulle pour saluer leur héroïsme.
Ce week-end, nous célébrons le 60ème anniversaire du débarquement. Nous rendons hommage aux peuples alliés, aux Américains, aux Britanniques, aux Canadiens, aux Australiens qui sont venus sur la terre de France combattre au nom de la Liberté.
Mais ici, à Plumelec où reposent pour l'éternité certains de ces soldats, je veux avoir un mot tout particulier pour les Français qui se sont levés, pour ces braves parmi les braves, pour ces justes parmi les justes. En prenant les armes, en versant leur sang pour libérer la France, ils ont sauvé l'honneur de la Patrie.
D'une France meurtrie par la défaite et la lâcheté, ils ont fait un pays digne de figurer au rang des vainqueurs, digne de regarder en face nos alliés, et fier d'une légitimité et d'une souveraineté retrouvées. Ils ont montré aux yeux du monde que la France savait reprendre sa place par les armes et dans l'honneur.
" Qui ose gagne ", selon la devise du Special Air Service. Comment ne pas reconnaître aujourd'hui la force de cet adage ?
Audace, courage, énergie : ce sont ces valeurs que je voudrais honorer ici avec vous, parce que ce sont les valeurs auxquelles je crois, et parce qu'elles sont aussi au coeur de mon engagement politique, au sein de la famille gaulliste.
Comme les Français Libres de 1944, nous voulons une France forte et fière d'elle-même, où l'honneur national n'est pas un vain mot, et où l'amour de la patrie veut dire quelque chose.
Pour moi, ces commémorations du 60ème anniversaire doivent délivrer ce message fort, qui s'adresse à tous, et en particulier aux jeunes générations. Elles doivent nous inviter à un vrai devoir de mémoire.
II. Devoir de mémoire et de gratitude
Je voudrais vous livrer mon sentiment : celui d'un homme de 40 ans, fils d'une génération qui a connu les atrocités de la guerre, et qui veut garder au premier rang de ses valeurs la tolérance.
Aujourd'hui, c'est avec effroi que je vois dans notre pays ressurgir la haine. Nous vivons des temps troublés, où des symboles barbares, qu'on pensait ne plus jamais revoir, viennent souiller des tombes et des lieux de prières, où des actes antisémites ignobles et lâches sont commis sur notre propre sol.
Comme Ministre délégué à l'Intérieur, auprès de Dominique de Villepin, et comme porte-parole du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, je veux vous dire avec force notre détermination absolue à ne pas laisser se propager ce fanatisme et cette barbarie.
Dans ce domaine où la lâcheté et l'indignité n'ont ni limites ni frontières, notre devoir est de lutter contre l'ignorance et l'intolérance.
C'est pourquoi à mon sens, le 6 juin doit être un jour de mémoire, un jour où toutes les générations se souviennent des leçons de l'Histoire, et prennent conscience du prix de la liberté, de la démocratie et du droit. Nous avons le devoir d'être fidèles à ces valeurs, et nous avons également le devoir de les transmettre aux jeunes générations.
La France n'oubliera jamais le dévouement, l'abnégation, le courage de tous les combattants de la liberté. Elle n'oubliera jamais qu'il y a 60 ans, des dizaines de milliers d'hommes d'honneur, citoyens de l'ensemble des pays alliés, de toutes origines et de toutes confessions, ont entrepris avec succès de délivrer la France du joug du nazisme.
Ils l'ont fait au nom d'un idéal commun, la liberté, et d'une même conception des droits de l'homme. Ensemble, ils ont permis de rétablir en France un Etat républicain, garant du respect des principes d'égalité et de fraternité.
Aujourd'hui, pas un enfant de France ne doit ignorer cela.
Parmi vous, beaucoup ont connu ce 6 juin 1944. Beaucoup se souviennent du bruit des combats, des villes dévastées par les pluies de feu, et aussi de tout ce qu'il a fallu endurer de peurs, de privations, et de souffrances. Beaucoup ont pour toujours dans leur mémoire les images de leurs camarades tombés au combat, les visages épuisés et meurtris des survivants, les récits des tortures endurées.
Tous ces sacrifices ne furent pas vains. Mais nul ne doit les oublier. Ils ont permis de reconstruire un pays libre, une Europe réconciliée, fondée sur les valeurs de paix, d'humanisme et de tolérance.
C'est cela qu'il faut dire à nos jeunes, à nos enfants. C'est ce devoir de gratitude, cet élan de reconnaissance qui ne doit jamais s'éteindre.
Et c'est solennellement que je voudrais m'adresser à mes aînés, à ceux qui ont connu cet été 44. Je veux vous dire mon engagement, et celui de beaucoup d'autres de ma génération, à reprendre le flambeau, à faire vivre ces valeurs pour lesquelles vous avez combattu.
Vous pouvez compter sur l'ensemble du Gouvernement de la République pour entretenir la flamme sacrée de l'amour de la liberté, de la justice et de l'honneur.
(Source http://www.interieur.gouv.fr, le 5 juillet 2004)