Déclaration de M. Jean-Pierre Raffarin, Premier ministre, sur la charte d'accueil des victimes d'accidents de la route et leurs familles à l'hôpital de Garches, la performance médicale et la réinsertion des handicapés, Garches le 7 juillet 2004.

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Circonstance : Visite à l'hôpital de Garches (Hauts de Seine), le 7 juillet 2004

Texte intégral

Madame la ministre,
Madame la directrice générale,
Messieurs les directeurs,
Messieurs les présidents,
Messieurs les délégués interministériels, ici présents,
Mesdames, Messieurs les médecins,
et l'ensemble du personnel médical de Garches,
Mesdames, Messieurs,
La journée d'aujourd'hui est difficile. Elle nous fait rencontrer, ce matin, le drame et l'espoir dans le même espace. C'est particulièrement douloureux mais, en même temps, source de volontarisme. Je voudrais vous dire combien ce que j'ai vu, ce matin, avant de tenir, cet après-midi, un comité interministériel sur la sécurité routière, est touchant au plus profond de nos personnalités, parce que l'on voit ces drames monstrueux, monstrueux de stupidité, que sont souvent les accidents de la route ; ces drames humains, personnels, familiaux. Et puis, les performances de la médecine, et aussi de l'accompagnement, de la compréhension de l'événement. Tout à l'heure, quand on parlait des traumatismes crâniens avec des changements de la personne, avec ce que cela représente pour l'environnement familial d'avoir, face à soi, la même personne et une autre, nous mesurons combien tout cela est profondément difficile. C'est, en même temps, un formidable combat pour la vie, un formidable combat d'espoir, un formidable combat scientifique. Ce sont des visites qui restent comme des cicatrices. Elles ne s'effacent pas. Ce que j'ai entendu, ce matin, des uns et des autres, que ce soit pour appeler mon attention sur un effort de recherche, pour attirer l'attention du ministère sur tout ce qui se passe après, après tout ce travail, ici, d'excellence, puis le retour chez soi, la réussite de l'intégration sociale, professionnelle, tous ces objectifs au fond, qui consistent à surmonter le handicap, tout ceci est parfaitement mobilisateur pour les pouvoirs publics.
Donc, cette émotion est source d'énergie. Et je voudrais dire au personnel médical, l'admiration que je leur porte - aux médecins, aux infirmières, aux aides-soignantes, l'ensemble du personnel. Monsieur le directeur, transmettez à toutes et à tous, ne serait-ce-que ces regards croisés où il n'y a jamais ni de tristesse, ni de désespoir. Il y a toujours de la volonté et de la confiance dans la capacité humaine à surmonter le drame humain. C'est, je pense, très important dans cet espace de Garches, qui est un espace, sans doute, épanoui, d'une certaine forme d'humanisme, qui doit être la fierté de tous, avec évidemment les exigences professionnelles qui concernent les métiers que vous exercez et la qualité de ces métiers. Et, en même temps, cette dimension très personnelle que vous avez à affronter à chaque instant.
Cette charte, elle nous aide, elle vous aide, à considérer la relation avec la victime mais aussi sa famille, de manière particulièrement humaine. Je voudrais saluer cette initiative, pour être, ici, un véritable lieu d'accueil des familles, personnalisé et apaisant.
Pendant 18 ans, j'ai eu, comme beaucoup d'élus, à annoncer des catastrophes, à arriver quelques instants après des accidents. On voit combien l'importance de la compréhension de ce qui s'est passé est essentielle pour tous et donc cette capacité d'avoir un lieu, où l'on puisse parler à des gens informés, avec cette volonté discrète d'apaisement. C'est un droit pour chaque famille d'avoir accès à cet entretien au moment où la victime entre dans l'établissement.
Ensuite, cette information, nous apprécions que vous puissiez, en fonction des engagements de la charte, la diffuser à l'ensemble des familles, pour qu'elle puisse mieux jouer leur rôle de soutien et d'accompagnement de leurs blessés, parce que là encore, vous êtes dans une chaîne de solidarité scientifique, familiale, chacun a place, mais c'est un ensemble, c'est une communauté humaine qui se crée autour de l'événement.
Je pense que chacun doit avoir conscience de son rôle. Il faut aider les familles à pouvoir jouer leur rôle de soutien. C'est un sujet qui concerne, évidemment, la médecine et qui concerne, évidemment, le monde médical, mais qui concerne aussi - M.-A. Montchamp est avec moi aujourd'hui - tout le monde du handicap avec ce concept que nous avons mis dans la nouvelle loi, de compensation, de droit à la compensation, c'est-à-dire de mesurer l'écart entre la situation et le projet de la personne et de pouvoir évaluer les moyens nécessaires dans les discussions et conversations que nous avions tout à l'heure.
On voyait des projets ambitieux. Quelqu'un qui ne peut pas bouger qui veut être expert-comptable et qui a les yeux d'expert-comptable, qui a déjà la vie de l'expert-comptable en elle et qui, naturellement, en est physiquement loin. C'est cela le droit à la compensation, c'est lui permettre d'être expert-comptable. C'est cela la vraie détermination, qui doit être la nôtre dans notre organisation de l'action publique pour les personnes handicapées.
Remettre à chaque famille un livret d'accueil est notre troisième engagement dans cette charte. Quand on entre ici, on entre dans une ville. J'ai vu, Monsieur Le Directeur, avec quelle aisance vous passiez d'un pavillon à l'autre, mais une famille qui arrive ici est dans un pays étranger et sans panneaux signalétiques. On le fait dans les entreprises, on le fait partout maintenant et, a fortiori, pour ceux qui arrivent ici, par définition brutalement, et qui ont besoin de se retrouver lors du premier entretien avec un livret d'accueil qui simplifie les contacts avec l'hôpital et donc facilite les relations.
Enfin, le quatrième engagement, c'est celui de la formation des personnels soignants et non-soignants à l'accueil des victimes. Je sens une disposition, notamment ici, je dirais presque une culture de Garches, qu'il me semble ressentir dans les gens que j'ai rencontrés, on voit tout de suite les attitudes d'ouverture. Quand on est Premier ministre, on circule beaucoup et on voit facilement du premier regard les attitudes d'ouverture ou les attitudes de fermeture, on voit vraiment le climat, et on voit, ici, que l'on est dans un lieu où l'on est attentif aux autres et où la famille a sa place. Je dois comprendre que ceci doit être très difficile. C'est pour cela que la formation des personnels est une exigence parce qu'il est évident, j'imagine combien il y a de difficultés à faire partager des situations, qui pour beaucoup sont inacceptables, intolérables, et donc tout ceci demande de savoir-faire et de compréhension et donc de formation pour se préparer à ces situations.
Je voudrais féliciter l'Assistance publique des hôpitaux de Paris, Madame la Directrice générale, de cette capacité que vous avez, vous et tous les professionnels de santé rassemblés, à vous engager ainsi dans cette logique d'accueil et à être, ainsi, je pense à la fois sur le plan médical, une tête de réseau et sur le plan de notre dispositif hospitalier en général, d'être un élément de référence, sans prétention, mais un élément de référence.
Je voudrais remercier les associations qui luttent contre la violence routière, plus particulièrement la Ligue contre la violence routière, la Fondation Anne-Cellier, l'Union nationale des associations de familles de traumatisés crâniens et l'Association des paralysés de France, pour le rôle qu'ils ont joué dans l'élaboration de cette charte.
Je voudrais aussi dire que j'étais très sensible à la performance médicale, à votre recherche ici aux uns et aux autres, d'avoir ici des lieux de compétence et donc d'essayer de regrouper un certain nombre d'initiatives. En ce qui concerne la domotique, j'ai vu le centre de choix et d'essai des fauteuils roulants. Je pense que vous avez raison de vouloir regrouper sur un même site les dispositifs d'évaluation. Chacun peut trouver sa place dans une logique où nous travaillons ensemble avec une porte d'entrée, qui est la Maison du handicap, mais des pôles d'excellence, qui permettent de regrouper l'ensemble des compétences et ainsi pouvoir mettre à la disposition des personnes handicapées les meilleures informations possibles.
Je voudrais vous dire combien, dans la lutte que nous menons contre la violence routière, nous voulons tenir une place toute particulière pour les victimes et je suis très heureux de voir que le ministre de la Santé, P. Douste-Blazy et M.-A. Montchamp ont signé une circulaire, récemment, sur ces sujets. Je crois qu'il faut continuer cette mobilisation.
C'est, vous le savez, un des grands chantiers que nous avons, nationalement, lancé et il est très important que nous puissions nous mobiliser contre la violence routière avec des résultats qui sont significatifs. Nous avons, ce matin, les résultats du mois de juin, avec une baisse de 11,8 % des accidents, une baisse de 13 % des blessés et une baisse des tués de 27,4 %. Juin, cette année par rapport à juin l'année dernière : 27,4 % de moins de tués et 13 % de moins de blessés.
Je pense que la société fait des efforts pour maîtriser mieux la circulation routière. Nous devons, je crois, saluer les Françaises et les Français qui ont accepté de changer leur comportement. Nous continuerons dans cette direction avec fermeté, avec, forcément, une certaine rigueur, car ces résultats sont des résultats que nous devons faire partager avec l'ensemble des Français, c'est donc une responsabilité personnelle. Il n'y a pas d'un côté l'Etat et d'un côté les individus ; c'est une cause nationale qui doit être une cause partagée.
C'est pour cela que je souhaite que des moyens soient dégagés pour renforcer l'action en faveur des personnes handicapées. Nous l'avons fait avec le projet de lutte contre la dépendance. Puisse-t-on aussi mettre en place des moyens pour la recherche. J'ai vu tout à l'heure un projet qui nous était présenté, qui est important. Nous allons créer une Agence de la recherche qui permettra de mobiliser et des moyens budgétaires et des moyens extrabudgétaires pour avoir ce volume sur lequel nous nous sommes engagés, d'un milliard d'euros, et de pouvoir identifier un certain nombre de programmes. Il y a des programmes qui doivent être intégrés à ces priorités nationales, que sont la lutte contre le cancer ou la place des handicapés dans notre société. Quand je vois, comme ce matin, les conséquences de traumatismes crâniens et que je vois qu'il y a 65 000 personnes qui subissent un traumatisme crânien, du fait des accidents de la route, chaque année dans notre pays, nous voyons la nécessité de nous mobiliser sur l'ensemble de ces sujets.
Je pense qu'il serait utile qu'une part des résultats, qui sont ceux de la sécurité routière, puissent venir renforcer les actions en matière de recherche, en matière de lutte contre le handicap. C'est un juste retour vers les victimes de cet effort national que la communauté française engage contre la violence routière.
Je voudrais, enfin, terminer en vous disant que l'ensemble des acteurs de la prévention doivent être encouragés à poursuivre leurs initiatives et donc je voudrais que, quelles que soient les logiques de répression, de sanction, qu'il faut bien mettre en place, si l'on veut avoir des résultats, la sanction doit toujours être accompagnée de la prévention. Et je remercie les associations, je remercie M. Chevalet, qui a accepté d'animer le colloque, organisé le 6 avril, sur la prise en charge des traumatisés crâniens et blessés par violence routière, tous ceux qui sensibilisent l'opinion à ces questions. Cet effort de prévention est nécessaire, c'est un effort de responsabilité et même si les sujets sont difficiles, même si nous imaginons que pour toutes les familles concernées, combien ces changements brutaux, qui vous arrivent en un clin d'oeil, en une seconde, en un dixième de seconde, combien une vie bascule. Il n'empêche que les efforts faits par la suite par l'ensemble de la communauté sont très importants pour permettre la réinsertion et pour permettre au fond de mener en parallèle l'action ferme contre la violence routière, avec vraiment la désignation clairement définie de la délinquance routière et de la mise en cause de la responsabilité de ceux qui mettent la vie des autres en danger. Et puis, cet effort-là étant mené avec continuité, ténacité, courage et détermination, tout ceci doit se compléter d'une action d'accompagnement, une action d'accompagnement pour toutes les victimes blessées qui portent les traces, une grande partie de leur vie, de ces accidents.
Merci à Garches et à toute votre communauté de montrer que cette action est très humaine et qu'elle donne envie, en tout cas aux pouvoirs publics, qui vous rencontrent, de poursuivre dans cette direction et d'accompagner vos efforts. Je vous remercie.

(source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 16 juillet 2004)