Texte intégral
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que j'ai accepté votre invitation à venir clôturer votre assemblée générale.
L'industrie textile, qui correspond à un savoir-faire historique de notre pays, n'est pas condamnée par la mondialisation, n'en déplaise à certains commentateurs un peu trop schématiques. Elle a, au contraire, bien des atouts à faire valoir, pour peu qu'elle s'y emploie avec dynamisme, et qu'elle soit soutenue par une politique industrielle volontaire de la part de l'Etat. La première condition ne tient qu'à vous, la deuxième, est-il besoin de le redire après les déclarations de Nicolas SARKOZY la semaine dernière, vous est acquise.
L'enjeu est de taille. Trois données sont essentielles à mes yeux :
1°/ le textile et l'habillement se classent au 3e rang des échanges commerciaux au plan mondial, derrière l'électronique et l'automobile, ce qui est la preuve de l'importance de cette activité productive en valeur absolue, mais aussi de son très fort degré de mondialisation.
2°/ l'Union européenne reste le premier marché et le premier exportateur de textile mondial devant la Chine, ce qui montre à quel point votre industrie a su résister jusqu'à présent à la pression internationale, là où d'autres zones géographiques ont vu leurs entreprises quasiment disparaître.
3°/ le secteur emploie plus de 2 millions de personnes en Europe, et 180 000 en France, très souvent au sein de PME. L'enjeu est économique, mais il est, aussi bien, territorial et social.
Mais dans le même temps, nous ne pouvons ignorer que les trois quarts des investissements mondiaux en tissage sont réalisés en Chine, que la moitié des investissements en filature sont en Inde, et que le premier janvier 2005 verra la suppression des quotas d'importation qui nous protégeaient encore vis-à-vis de ces pays.
Face à ces défis, il faut refuser le fatalisme et le sentiment d'impuissance parfois un peu trop facile à cultiver. Il faut au contraire s'atteler à reconstruire une vraie stratégie industrielle volontaire et dynamique, du côté des acteurs privés comme du côté de l'Etat, afin de faire vivre l'activité et l'emploi sur notre territoire.
Cette stratégie passe par plusieurs axes, que je voudrais développer devant vous :
- l'émergence d'une politique industrielle européenne.
- La promotion d'un commerce international ouvert et équilibré.
- Le renforcement systématique des avantages comparatifs de votre industrie.
- La protection de l'emploi dans les bassins en difficulté.
1° Premier axe : l'émergence d'une politique industrielle européenne
Mon premier déplacement européen, que j'ai effectué hier, a été consacré à l'industrie textile. Il s'agissait du " groupe de haut niveau " réunissant les commissaires concernés, les Etats, et toutes les parties prenantes au sujet, dont votre président. Je voudrais souligner devant vous à quel point cette démarche, absolument indispensable, est prometteuse.
La France est particulièrement attachée, avec plusieurs autres Etats-membres, à ce que l'Europe franchisse, en matière de politique industrielle, un cap essentiel, qui la fera passer d'une compétence pour l'instant largement régalienne, vers la définition d'une vraie politique de compétitivité de son industrie. Nous y travaillons activement avec Nicolas SARKOZY. Nous sommes désormais en bonne voie.
Aucun Etat-membre ne peut, en effet, accepter de voir partir sans réagir ses centres de production, et bientôt ses centres de recherche et ses centres de décision. Face à ces menaces, la politique industrielle doit être d'abord européenne, et ensuite seulement nationale. Rien ne serait plus dangereux que la juxtaposition de stratégies nationales divergentes.
Le terme de " politique industrielle " ne doit pas devenir le synonyme du refus de l'Europe et du repli sur ses frontières. L'Europe a toujours été une chance pour nos industries, elle doit continuer à l'être. Je mettrai toute mon énergie pour que le groupe de haut niveau sur le textile aboutisse à des conclusions opérationnelles et utiles.
2° Deuxième axe, celui du commerce international.
Je le souhaite d'abord ouvert, et cela correspond à une conviction profonde, celle que le textile français ne trouvera son avenir qu'au large. Ne nous le cachons pas, la France ne supportera jamais plus la comparaison avec les pays asiatiques sur certaines activités, peu innovantes et à fort contenu de main d'oeuvre. Plutôt que de subir au 1er janvier 2005 l'ouverture brutale à la concurrence asiatique, il nous faut nous attacher à définir avec nos plus proches voisins, et notamment les pays du Maghreb, un partage des tâches organisé, intelligent et profitable pour tous. Je sais que nombre de vos entreprises ont déjà pris cette option.
Nous travaillons activement avec la Commission européenne pour faciliter au maximum ce genre de démarches, notamment par la mise en place rapide et complète d'une zone "Paneuromed". Je peux vous assurer que la pression diplomatique restera constante pour lever les derniers obstacles qui s'opposent à la constitution de cette zone de libre échange, qui devra conserver une préférence tarifaire pour être attractive. Son achèvement sera un facteur de stabilisation pour nos économies et nos emplois en Europe, mais aussi pour nos proches voisins méditerranéens, pour lesquels une crise dans l'industrie du textile et d'habillement aurait non seulement des répercussions économiques, car ces secteurs pèsent près de 40 % de leurs exportations totales, mais aussi politiques, car le désespoir et la pauvreté nourrissent les extrémismes.
Ouverture mais aussi équilibre. En matière d'ouverture, l'Union européenne peut être qualifiée d'exemplaire : elle constitue une des zones les plus ouvertes aux importations et possédant les droits de douanes les plus faibles au monde. Mais elle ne trouve pas toujours en face d'elles des attitudes commerciales aussi constructives, notamment dans certains pays en voie de développement, qui conservent des barrières tarifaires et non tarifaires très substantielles, et cela n'est pas normal. Le principe de réciprocité des conditions d'accès aux marchés mondiaux doit donc guider en permanence notre action diplomatique.
Cela vaut notamment pour la Chine, qui fait l'objet de toutes les attentions et de toutes les inquiétudes, avec l'échéance OMC du 1er janvier 2005. Nous devons à cet égard faire pleinement usage des instruments commerciaux qui sont à notre disposition, et ils sont puissants. Vous savez en particulier que le protocole d'adhésion de la Chine à l'OMC comporte des clauses de sauvegarde commerciales parfaitement légales, et acceptées par toutes les parties prenantes. Nous ne devons surtout pas nous interdire de les utiliser, et je l'ai redit encore hier au Commissaire Lamy. L'autocensure et la timidité ne doivent pas être de mise dans ce domaine. La possibilité d'appliquer des instruments commerciaux de sauvegarde est essentielle dans la perspective du 1er janvier 2005. Elle ne résulte pas d'une volonté d'entraver les échanges commerciaux : nous connaissons tous les conséquences d'un isolement trop grand. Elle découle simplement de l'application stricte de règles élaborées en accord avec tous, qui visent à préserver l'équilibre d'un commerce international équitable et régulé, source de progrès économique et social. Vous avez noté que la France avait récemment soutenu la demande de mise en oeuvre de mécanismes de sauvegarde pour les fibres synthétiques. Elle persévérera dans cette attitude, ouverte mais vigilante.
3° Troisième objectif, celui du développement de l'innovation. Il nous faut gagner la " bataille de la valeur ajoutée ".
L'organisation d'une zone de libre-échange et d'un commerce international équitable sont des conditions nécessaires au développement d'une concurrence saine mais elles ne suffiront pas à préserver et développer nos industries. Seule la différenciation des produits et des services offerts, et le renforcement de la valeur matérielle ou immatérielle des biens nous permettra, à nous, européens, de nous démarquer durablement des produits des pays à faibles coûts salariaux. Nous devons gagner la bataille de la valeur ajoutée, et créer en France et en Europe une culture de l'innovation, de la création et du design. Comment ?
En premier lieu, il faut soutenir les efforts de créativité des entreprises, afin de les inciter à développer la création, qui est un élément de différenciation majeur des produits dans les secteurs liés à la mode, et je pense notamment au tissage dans vos industries.
La France a proposé à la Commission européenne de mettre en place un dispositif fiscal allégeant les dépenses de stylisme, de design, et les frais de dépôt, de modèles et de prototypes. Notre pays dispose déjà d'une aide de ce type : il s'agit d'un " Crédit d'Impôt Collection ", qui, du fait de la réglementation communautaire en matière d'aides d'Etat, est actuellement limité à un plafond de 100 000 euros tous les 3 ans, ce qui le rend peu attractif. Le dialogue avec la Commission sera complexe, car il faudra que les dispositifs fiscaux et financiers d'appui à l'innovation non technologique et à la création ne soient plus systématiquement considérés par elle comme des aides sectorielles, mais comme une déclinaison sectorielle d'une mesure transversale d'incitation à l'innovation. Mais j'y suis très attaché, et c'est un de mes objectifs prioritaires dans le cadre du Groupe de Haut Niveau européen.
En second lieu, il faut promouvoir des pôles de compétitivité innovants et créatifs, comme l'a souligné Nicolas SARKOZY le 4 mai dernier. La mise au point de nouvelles matières et de nouvelles fonctionnalités est stratégique pour le futur du secteur textile, car elle permettra à l'Europe de prendre de l'avance sur ses concurrents, notamment dans le domaine des textiles dits techniques.
Durant les dernières années, l'émergence de nouveaux matériaux textiles a permis, vous le savez, de créer de nouveaux débouchés, qui étaient inimaginables il y a seulement dix ans, dans le domaine de l'industrie, du bâtiment et du génie civil, des transports, voire du médical et du sport. Il ne tient qu'à vous de prolonger cette évolution prometteuse, mais vous le ferez d'autant plus facilement et rapidement que vous le ferez collectivement, dans une démarche profitable à chacun des acteurs. L'Etat, de son côté, fera tout, y compris budgétairement et fiscalement pour favoriser les dynamiques locales les plus prometteuses. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans les mois à venir.
Il ne peut y avoir de politique crédible de soutien à l'innovation et à la création sans mesures prises à l'encontre de la mise sur le marché en Europe de produits contrefaits. L'adoption définitive par la Commission de la directive sur l'application des droits de propriété intellectuelle et industrielle constitue un premier pas important vers une harmonisation au sein de l'Union européenne à 25 d'un dispositif de lutte contre la contrefaçon. Mais il n'est pas suffisant. Une intensification des contrôles de ce fléau, dont on estime qu'il coûte plus de 30 000 emplois par an en France, est indispensable. Le textile, l'habillement et la haute-couture sont particulièrement concernés puisqu'ils ont représenté 25 % des saisies en France en 2003.
Parallèlement, et cela a été amplement évoqué lors de la table ronde d'avril sur la contrefaçon que nous avons réunie avec Nicolas SARKOZY, un travail de sensibilisation et d'explications par des campagnes d'information devient nécessaire pour favoriser la prise de conscience du consommateur et du citoyen. Acheter un produit contrefait, c'est se rendre complice d'un vol. Ce vol, nous avons la ferme intention de le sanctionner sévèrement.
4° Quatrième préoccupation : préserver l'emploi.
Le démantèlement des quotas textile et habillement au 1er janvier 2005 et les défis immédiats auxquels est confronté le textile auront des impacts lourds sur le tissu économique et social de régions et bassins d'emplois français et européens. Les évolutions récentes et douloureuses dans le Nord, les Vosges et l'Ardèche sont là pour nous le rappeler. Dans les régions touchées, préserver l'emploi, cela veut d'abord dire le faire évoluer à temps, en accompagnant et en anticipant les actions de conversion industrielle et de reclassement des salariés.
Cela nécessite en premier lieu d'adapter et d'intensifier les actions de formation afin d'améliorer la qualification et l'employabilité des ouvriers. Dans le textile plus encore qu'ailleurs, l'enjeu de la qualification est crucial. Les formations proposées, notamment via le FORTHAC, en liaison avec les contrats de plans régionaux, doivent favoriser le reclassement des salariés en difficulté et ainsi accroître leur possibilité de reconversion.
La mission d'orientation stratégique, mise en place par mon prédécesseur, et présidée par M. FELTZ, par ailleurs président de l'UIT Nord, doit rendre ses conclusions avant juillet 2004. Composée de chefs d'entreprise, d'experts et de représentants des syndicats de salariés, elle doit proposer des mesures concrètes pour créer à moyen terme les conditions d'évolutions les plus favorables pour les secteurs d'équipement de biens de la personne, dont le textile et l'habillement. Les aspects sociaux y auront une place évidemment importante.
L'émergence de nouveaux métiers, tels la conception, le marketing, la logistique, et l'internationalisation croissante du secteur ont complexifié les enjeux. Les formations doivent désormais intégrer cette dimension internationale et permettre la prise en compte par les cadres dirigeants de nouvelles contraintes stratégiques.
La collaboration au plan européen d'instituts de formation spécialisés, comme l'Institut Français de la Mode, et la mise au point de programmes spécifiques soutenus en régions, tel Vision Compétitive, pourraient servir de support au développement de ces formations.
Europe, mondialisation, innovation, emploi : voilà les quatre mots-clé de la politique industrielle que je souhaite mettre en place avec vous.
Elle s'appuiera sur notre volonté partagée de développer une stratégie industrielle dynamique.
Vous m'avez confirmé, Monsieur le président, que votre profession était particulièrement volontaire, et ce dans toutes ses composantes, puisque vous m'avez dit avoir travaillé avec vos syndicats sur un diagnostic partagé et des orientations communes qui font maintenant consensus. Je me félicite de cette démarche, qui contribue à tendre toutes les énergies vers un but commun, celui du développement de votre industrie. Je vous confirme, pour ce qui concerne le Gouvernement, que la volonté sera aussi au rendez-vous.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 1er juin 2004)
Mesdames et Messieurs,
C'est avec un grand plaisir que j'ai accepté votre invitation à venir clôturer votre assemblée générale.
L'industrie textile, qui correspond à un savoir-faire historique de notre pays, n'est pas condamnée par la mondialisation, n'en déplaise à certains commentateurs un peu trop schématiques. Elle a, au contraire, bien des atouts à faire valoir, pour peu qu'elle s'y emploie avec dynamisme, et qu'elle soit soutenue par une politique industrielle volontaire de la part de l'Etat. La première condition ne tient qu'à vous, la deuxième, est-il besoin de le redire après les déclarations de Nicolas SARKOZY la semaine dernière, vous est acquise.
L'enjeu est de taille. Trois données sont essentielles à mes yeux :
1°/ le textile et l'habillement se classent au 3e rang des échanges commerciaux au plan mondial, derrière l'électronique et l'automobile, ce qui est la preuve de l'importance de cette activité productive en valeur absolue, mais aussi de son très fort degré de mondialisation.
2°/ l'Union européenne reste le premier marché et le premier exportateur de textile mondial devant la Chine, ce qui montre à quel point votre industrie a su résister jusqu'à présent à la pression internationale, là où d'autres zones géographiques ont vu leurs entreprises quasiment disparaître.
3°/ le secteur emploie plus de 2 millions de personnes en Europe, et 180 000 en France, très souvent au sein de PME. L'enjeu est économique, mais il est, aussi bien, territorial et social.
Mais dans le même temps, nous ne pouvons ignorer que les trois quarts des investissements mondiaux en tissage sont réalisés en Chine, que la moitié des investissements en filature sont en Inde, et que le premier janvier 2005 verra la suppression des quotas d'importation qui nous protégeaient encore vis-à-vis de ces pays.
Face à ces défis, il faut refuser le fatalisme et le sentiment d'impuissance parfois un peu trop facile à cultiver. Il faut au contraire s'atteler à reconstruire une vraie stratégie industrielle volontaire et dynamique, du côté des acteurs privés comme du côté de l'Etat, afin de faire vivre l'activité et l'emploi sur notre territoire.
Cette stratégie passe par plusieurs axes, que je voudrais développer devant vous :
- l'émergence d'une politique industrielle européenne.
- La promotion d'un commerce international ouvert et équilibré.
- Le renforcement systématique des avantages comparatifs de votre industrie.
- La protection de l'emploi dans les bassins en difficulté.
1° Premier axe : l'émergence d'une politique industrielle européenne
Mon premier déplacement européen, que j'ai effectué hier, a été consacré à l'industrie textile. Il s'agissait du " groupe de haut niveau " réunissant les commissaires concernés, les Etats, et toutes les parties prenantes au sujet, dont votre président. Je voudrais souligner devant vous à quel point cette démarche, absolument indispensable, est prometteuse.
La France est particulièrement attachée, avec plusieurs autres Etats-membres, à ce que l'Europe franchisse, en matière de politique industrielle, un cap essentiel, qui la fera passer d'une compétence pour l'instant largement régalienne, vers la définition d'une vraie politique de compétitivité de son industrie. Nous y travaillons activement avec Nicolas SARKOZY. Nous sommes désormais en bonne voie.
Aucun Etat-membre ne peut, en effet, accepter de voir partir sans réagir ses centres de production, et bientôt ses centres de recherche et ses centres de décision. Face à ces menaces, la politique industrielle doit être d'abord européenne, et ensuite seulement nationale. Rien ne serait plus dangereux que la juxtaposition de stratégies nationales divergentes.
Le terme de " politique industrielle " ne doit pas devenir le synonyme du refus de l'Europe et du repli sur ses frontières. L'Europe a toujours été une chance pour nos industries, elle doit continuer à l'être. Je mettrai toute mon énergie pour que le groupe de haut niveau sur le textile aboutisse à des conclusions opérationnelles et utiles.
2° Deuxième axe, celui du commerce international.
Je le souhaite d'abord ouvert, et cela correspond à une conviction profonde, celle que le textile français ne trouvera son avenir qu'au large. Ne nous le cachons pas, la France ne supportera jamais plus la comparaison avec les pays asiatiques sur certaines activités, peu innovantes et à fort contenu de main d'oeuvre. Plutôt que de subir au 1er janvier 2005 l'ouverture brutale à la concurrence asiatique, il nous faut nous attacher à définir avec nos plus proches voisins, et notamment les pays du Maghreb, un partage des tâches organisé, intelligent et profitable pour tous. Je sais que nombre de vos entreprises ont déjà pris cette option.
Nous travaillons activement avec la Commission européenne pour faciliter au maximum ce genre de démarches, notamment par la mise en place rapide et complète d'une zone "Paneuromed". Je peux vous assurer que la pression diplomatique restera constante pour lever les derniers obstacles qui s'opposent à la constitution de cette zone de libre échange, qui devra conserver une préférence tarifaire pour être attractive. Son achèvement sera un facteur de stabilisation pour nos économies et nos emplois en Europe, mais aussi pour nos proches voisins méditerranéens, pour lesquels une crise dans l'industrie du textile et d'habillement aurait non seulement des répercussions économiques, car ces secteurs pèsent près de 40 % de leurs exportations totales, mais aussi politiques, car le désespoir et la pauvreté nourrissent les extrémismes.
Ouverture mais aussi équilibre. En matière d'ouverture, l'Union européenne peut être qualifiée d'exemplaire : elle constitue une des zones les plus ouvertes aux importations et possédant les droits de douanes les plus faibles au monde. Mais elle ne trouve pas toujours en face d'elles des attitudes commerciales aussi constructives, notamment dans certains pays en voie de développement, qui conservent des barrières tarifaires et non tarifaires très substantielles, et cela n'est pas normal. Le principe de réciprocité des conditions d'accès aux marchés mondiaux doit donc guider en permanence notre action diplomatique.
Cela vaut notamment pour la Chine, qui fait l'objet de toutes les attentions et de toutes les inquiétudes, avec l'échéance OMC du 1er janvier 2005. Nous devons à cet égard faire pleinement usage des instruments commerciaux qui sont à notre disposition, et ils sont puissants. Vous savez en particulier que le protocole d'adhésion de la Chine à l'OMC comporte des clauses de sauvegarde commerciales parfaitement légales, et acceptées par toutes les parties prenantes. Nous ne devons surtout pas nous interdire de les utiliser, et je l'ai redit encore hier au Commissaire Lamy. L'autocensure et la timidité ne doivent pas être de mise dans ce domaine. La possibilité d'appliquer des instruments commerciaux de sauvegarde est essentielle dans la perspective du 1er janvier 2005. Elle ne résulte pas d'une volonté d'entraver les échanges commerciaux : nous connaissons tous les conséquences d'un isolement trop grand. Elle découle simplement de l'application stricte de règles élaborées en accord avec tous, qui visent à préserver l'équilibre d'un commerce international équitable et régulé, source de progrès économique et social. Vous avez noté que la France avait récemment soutenu la demande de mise en oeuvre de mécanismes de sauvegarde pour les fibres synthétiques. Elle persévérera dans cette attitude, ouverte mais vigilante.
3° Troisième objectif, celui du développement de l'innovation. Il nous faut gagner la " bataille de la valeur ajoutée ".
L'organisation d'une zone de libre-échange et d'un commerce international équitable sont des conditions nécessaires au développement d'une concurrence saine mais elles ne suffiront pas à préserver et développer nos industries. Seule la différenciation des produits et des services offerts, et le renforcement de la valeur matérielle ou immatérielle des biens nous permettra, à nous, européens, de nous démarquer durablement des produits des pays à faibles coûts salariaux. Nous devons gagner la bataille de la valeur ajoutée, et créer en France et en Europe une culture de l'innovation, de la création et du design. Comment ?
En premier lieu, il faut soutenir les efforts de créativité des entreprises, afin de les inciter à développer la création, qui est un élément de différenciation majeur des produits dans les secteurs liés à la mode, et je pense notamment au tissage dans vos industries.
La France a proposé à la Commission européenne de mettre en place un dispositif fiscal allégeant les dépenses de stylisme, de design, et les frais de dépôt, de modèles et de prototypes. Notre pays dispose déjà d'une aide de ce type : il s'agit d'un " Crédit d'Impôt Collection ", qui, du fait de la réglementation communautaire en matière d'aides d'Etat, est actuellement limité à un plafond de 100 000 euros tous les 3 ans, ce qui le rend peu attractif. Le dialogue avec la Commission sera complexe, car il faudra que les dispositifs fiscaux et financiers d'appui à l'innovation non technologique et à la création ne soient plus systématiquement considérés par elle comme des aides sectorielles, mais comme une déclinaison sectorielle d'une mesure transversale d'incitation à l'innovation. Mais j'y suis très attaché, et c'est un de mes objectifs prioritaires dans le cadre du Groupe de Haut Niveau européen.
En second lieu, il faut promouvoir des pôles de compétitivité innovants et créatifs, comme l'a souligné Nicolas SARKOZY le 4 mai dernier. La mise au point de nouvelles matières et de nouvelles fonctionnalités est stratégique pour le futur du secteur textile, car elle permettra à l'Europe de prendre de l'avance sur ses concurrents, notamment dans le domaine des textiles dits techniques.
Durant les dernières années, l'émergence de nouveaux matériaux textiles a permis, vous le savez, de créer de nouveaux débouchés, qui étaient inimaginables il y a seulement dix ans, dans le domaine de l'industrie, du bâtiment et du génie civil, des transports, voire du médical et du sport. Il ne tient qu'à vous de prolonger cette évolution prometteuse, mais vous le ferez d'autant plus facilement et rapidement que vous le ferez collectivement, dans une démarche profitable à chacun des acteurs. L'Etat, de son côté, fera tout, y compris budgétairement et fiscalement pour favoriser les dynamiques locales les plus prometteuses. Nous aurons l'occasion d'en reparler dans les mois à venir.
Il ne peut y avoir de politique crédible de soutien à l'innovation et à la création sans mesures prises à l'encontre de la mise sur le marché en Europe de produits contrefaits. L'adoption définitive par la Commission de la directive sur l'application des droits de propriété intellectuelle et industrielle constitue un premier pas important vers une harmonisation au sein de l'Union européenne à 25 d'un dispositif de lutte contre la contrefaçon. Mais il n'est pas suffisant. Une intensification des contrôles de ce fléau, dont on estime qu'il coûte plus de 30 000 emplois par an en France, est indispensable. Le textile, l'habillement et la haute-couture sont particulièrement concernés puisqu'ils ont représenté 25 % des saisies en France en 2003.
Parallèlement, et cela a été amplement évoqué lors de la table ronde d'avril sur la contrefaçon que nous avons réunie avec Nicolas SARKOZY, un travail de sensibilisation et d'explications par des campagnes d'information devient nécessaire pour favoriser la prise de conscience du consommateur et du citoyen. Acheter un produit contrefait, c'est se rendre complice d'un vol. Ce vol, nous avons la ferme intention de le sanctionner sévèrement.
4° Quatrième préoccupation : préserver l'emploi.
Le démantèlement des quotas textile et habillement au 1er janvier 2005 et les défis immédiats auxquels est confronté le textile auront des impacts lourds sur le tissu économique et social de régions et bassins d'emplois français et européens. Les évolutions récentes et douloureuses dans le Nord, les Vosges et l'Ardèche sont là pour nous le rappeler. Dans les régions touchées, préserver l'emploi, cela veut d'abord dire le faire évoluer à temps, en accompagnant et en anticipant les actions de conversion industrielle et de reclassement des salariés.
Cela nécessite en premier lieu d'adapter et d'intensifier les actions de formation afin d'améliorer la qualification et l'employabilité des ouvriers. Dans le textile plus encore qu'ailleurs, l'enjeu de la qualification est crucial. Les formations proposées, notamment via le FORTHAC, en liaison avec les contrats de plans régionaux, doivent favoriser le reclassement des salariés en difficulté et ainsi accroître leur possibilité de reconversion.
La mission d'orientation stratégique, mise en place par mon prédécesseur, et présidée par M. FELTZ, par ailleurs président de l'UIT Nord, doit rendre ses conclusions avant juillet 2004. Composée de chefs d'entreprise, d'experts et de représentants des syndicats de salariés, elle doit proposer des mesures concrètes pour créer à moyen terme les conditions d'évolutions les plus favorables pour les secteurs d'équipement de biens de la personne, dont le textile et l'habillement. Les aspects sociaux y auront une place évidemment importante.
L'émergence de nouveaux métiers, tels la conception, le marketing, la logistique, et l'internationalisation croissante du secteur ont complexifié les enjeux. Les formations doivent désormais intégrer cette dimension internationale et permettre la prise en compte par les cadres dirigeants de nouvelles contraintes stratégiques.
La collaboration au plan européen d'instituts de formation spécialisés, comme l'Institut Français de la Mode, et la mise au point de programmes spécifiques soutenus en régions, tel Vision Compétitive, pourraient servir de support au développement de ces formations.
Europe, mondialisation, innovation, emploi : voilà les quatre mots-clé de la politique industrielle que je souhaite mettre en place avec vous.
Elle s'appuiera sur notre volonté partagée de développer une stratégie industrielle dynamique.
Vous m'avez confirmé, Monsieur le président, que votre profession était particulièrement volontaire, et ce dans toutes ses composantes, puisque vous m'avez dit avoir travaillé avec vos syndicats sur un diagnostic partagé et des orientations communes qui font maintenant consensus. Je me félicite de cette démarche, qui contribue à tendre toutes les énergies vers un but commun, celui du développement de votre industrie. Je vous confirme, pour ce qui concerne le Gouvernement, que la volonté sera aussi au rendez-vous.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 1er juin 2004)