Déclaration de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, sur le rôle des anciens combattants pour la défense de la paix et l'amitié entre les peuples, notamment pour le rapprochement entre l'Algérie et la France, à Vitré le 12 septembre 2004.

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Circonstance : Congrès départemental de l'Union nationale des combattants, à Vitré (Ille-et-Vilaine) le 12 septembre 2004

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Madame le Préfet,
Messieurs les Parlementaires et les élus,
Monsieur le Président national de l'union nationale des combattants,
Monsieur le Président départemental,
Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs,
Je voudrais tout d'abord vous dire tout le plaisir et l'émotion que j'ai à être parmi vous en cet après-midi à Vitré.
Je le dis avec beaucoup de sincérité car, être parmi vous quelques heures après avoir participé aux cérémonies qui ont célébré la libération de la ville de Marseille, a quelque chose d'emblématique que renforce la tonalité de votre congrès départemental.
En effet, vous savez tous que l'armée d'Afrique a contribué pour une part essentielle à la libération de la ville de Marseille, puis Lyon.
Elle rejoignit ensuite la 2ème DB du Général Leclerc à Montbard et combattit en Alsace, puis en Allemagne jusqu'à la victoire finale. On a pu dire, à cette occasion, que la France y rejoignait la France. Au sein de cette armée, les contingents algériens étaient évidemment importants.
Or, vos travaux ont porté précisément ce matin sur le thème : "Algérie, un rapprochement pour notre génération est-il possible ? ".
J'y vois, pour ma part, comme un symbole à plus d'un titre.
Tout d'abord, réfléchir aujourd'hui sur ce thème, c'est affirmer, une fois encore, le rôle moteur du monde combattant dans le rapprochement entre les peuples.
C'est aussi rappeler que les liens anciens et étroits entre la France et l'Algérie sont désormais indissolubles et ont forgé leur histoire.
C'est enfin se projeter dans l'avenir.
Je vais revenir sur ces différents thèmes.
En premier lieu donc, je voudrais rappeler le rôle important que doit jouer le monde combattant, à travers le monde, pour la défense de la paix et l'amitié entre les peuples.
C'est pour cela que j'ai pris l'initiative de développer les concepts de mémoire partagée et de reconversion du combattant.
Qui mieux que le monde combattant peut en effet promouvoir l'amitié entre les anciens alliés et construire les rapprochements entre anciens adversaires afin de faire progresser l'humanité ?
Ainsi, six accords de mémoire partagée ont été signés à ce jour : avec le Royaume Uni, l'Australie, la Nouvelle Zélande, la République de Corée, Madagascar et le royaume du Maroc. D'autres sont en préparation avec la Tunisie, le Vietnam et le Canada.
Par ailleurs, qui mieux que le monde combattant peut contribuer à aider les pays en guerre endémique à faire sortir leurs enfants et leurs adolescents des conflits du tiers-monde.
Il faut leur montrer la volonté de l'humanité d'aller vers un monde meilleur ; il faut les convaincre que la paix est le plus beau des biens et que la force vitale doit primer sur l'esprit de mort.
En ce qui concerne l'Algérie, les liens dont il s'agit sont beaucoup plus forts et beaucoup plus profonds.
Il y a en France et depuis longtemps, une forte population résidente d'origine algérienne qui a largement contribué à sceller le destin commun des deux pays et qui a sa part dans la croissance économique de notre pays.
Elle est composée notamment des descendants des nombreux ressortissants algériens, à l'époque français, qui ont fait partie de l'armée du Maréchal Juin et ont contribué à la victoire des alliés contre le nazisme. Ils font l'objet de toute notre attention.
Elle comprend aussi les membres des formations supplétives de l'armée française qui sont restés fidèles au drapeau tricolore après 1962.
Le geste du Président de la République qui a voulu honorer la ville d'Alger, capitale de la France combattante en 1943-1944, en lui décernant la croix de la Légion d'Honneur, renvoie à la fidélité de la population algérienne à la France aux heures les plus noires de son existence.
Si par la suite, des pages troublées d'histoire ont été tournées, la France et l'Algérie entendent bien renouer des liens étroits.
Cela passe, bien entendu, par des relations sincères dont la visite d'Etat du Président de la République en mars 2003 a jeté les bases.
Notamment, les anciens supplétifs doivent pouvoir librement retourner en visite familiale en Algérie et les nécropoles françaises doivent pouvoir être entretenues.
Je le dis avec beaucoup de force et je sais que de l'autre côté de la Méditerranée ces paroles ont été entendues. Je sais par ailleurs combien vous êtes attentifs à ces considérations.
Un climat apaisé se met petit à petit en place. Il convient de le préserver.
Car, et c'est le troisième point, il faut se projeter dans l'avenir ; la France et l'Algérie ont un destin commun qui dépasse les relations liées au monde combattant.
Les dimensions sociales et économiques y ont leur place. Au moment où l'Europe poursuit sa construction, il convient de réfléchir à des partenariats privilégiés avec les pays des deux rives de la Méditerranée.
L'Algérie et la France doivent délibérément tourner les pages douloureuses de la guerre qui les a opposées. Il ne faut pas oublier les morts, les douleurs, les familles meurtries, puis déracinées. La France doit être fière de l'oeuvre de construction qu'elle a menée en Algérie.
Désormais, c'est de nos qualités respectives que naîtra l'enrichissement des destins des deux nations.
L'entraide doit être associée au respect mutuel. Il s'agit là de deux valeurs fondamentales de la société d'aujourd'hui.
Votre travail de ce matin montre clairement combien vous anime le souci du pragmatisme sans perdre de vue pas la fierté du combattant.
C'est le devoir de tout ancien combattant de regarder avec respect un pays en paix avec la France, fusse-t-il un ancien allié comme un ancien ennemi.
Nous sommes tous de chair et de sang, nos émotions sont les mêmes, sachons nous en rappeler à titres individuels et collectifs.
Je tiens avant de terminer mon propos à rendre hommage à la qualité de vos échanges sur un sujet difficile. C'est l'honneur de l'UNC de ne pas refuser les débats les plus sensibles.
Je vous encourage à poursuivre dans cette voie et à rester une force de réflexion et de propositions. Ce faisant, vous resterez utiles à votre pays.
Mesdames, Messieurs, je vous en remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 5 octobre 2004)